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7 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/00426
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 9
ARRÊT DU 7 JUIN 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00426 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC6QX
Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 Octobre 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – Section Activités diverses chambre 5 – RG n° F18/01530
APPELANTE
ASSOCIATION L’UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Sabine SAINT SANS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0426
INTIMÉS
Monsieur [E] [N]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Kevin MENTION, avocat au barreau de PARIS
SEFALA MJA prise en la personne de Me [J] [Y] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL TAKE EAT EASY
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Sans avocat constitué, signifié à personne morale le 18 Mars 2021
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Stéphane MEYER, président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M. Stéphane MEYER, président de chambre
M. Fabrice MORILLO, conseiller
Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère
Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats
ARRÊT :
– Réputé contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Monsieur Stéphane MEYER, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur [E] [N], inscrit en qualité d’auto-entrepreneur, a conclu le 1er mars 2016 avec la société Take Eat Easy un contrat de prestation de services portant sur la livraison, à des clients, de repas commandés auprès de restaurants inscrits sur la plate-forme qu’elle exploitait.
Par jugement du 30 août 2016, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Take Eat Easy et désigné la société MJA en qualité de liquidateur judiciaire.
Le 28 février 2018, Monsieur [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris et formé une demande de requalification de la relation contractuelle en contrat de travail, des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’à l’exécution du contrat de travail allégué.
Par jugement du 2 octobre 2020, le conseil de prud’hommes de Paris, après avoir rejeté l’exception d’incompétence soulevée par l’Ags, a reconnu l’existence d’un contrat de travail entre les parties, a fixé les créances de Monsieur [N] à la liquidation judiciaire de la société Take Eat Easy aux sommes suivantes et l’a débouté de ses plus amples demandes :
– rappel de salaires : 4 034 € ;
– rappel de congés payés : 709 € ;
– indemnité pour travail dissimulé : 8 796 € ;
– dommages et intérêts : 750 € ;
– indemnité compensatrice de préavis : 1 466 € ;
– indemnité de congés payés afférente : 147 € ;
– le conseil a également ordonné la remise des documents sociaux conformes ;
– et déclaré le jugement opposable à l’AGS CGEA Ile-de-France Ouest.
Le Centre de Gestion et d’Etude, AGS-CGEA – Ile-de-France Ouest – Unité Déconcentrée de l’UNEDIC, a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 18 décembre 2020, en visant expressément les dispositions critiquées.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 février 2021, l’Ags demandait l’infirmation du jugement, le rejet des demandes de Monsieur [N] et sa condamnation à lui verser une indemnité pour frais de procédure de 800 €.
A titre subsidiaire, pour le cas où l’existence d’un contrat de travail serait reconnue, elle faisait valoir que sa garantie relative aux indemnités de rupture est exclue en application des dispositions de l’article L. 3253-8 du code du travail, demandait la limitation du montant de l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 338,30 €, outre 33,83 € de congés payés afférents et le rejet du surplus des demandes de Monsieur [N].
Elle faisait valoir que :
– Monsieur [N] ne produit aucun élément sérieux au soutien d’une subordination de fait, qui serait caractéristique d’un contrat de travail ;
– elle n’est pas tenue à garantie, aucune rupture du contrat de Monsieur [N] n’étant intervenue antérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire, ni même dans les 15 jours suivant celle-ci ;
– la preuve d’un travail dissimulé n’est pas établie ;
– les autres demandes de Monsieur [N] ne sont pas fondées ;
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 9 juin 2021, Monsieur [N] demande la confirmation du jugement, sauf en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive et demande à cet égard la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Take Eat Easy de 2 000 €. Il demande également la condamnation de l’Ags à lui payer 1 000 € de dommages et intérêts pour appel abusif, ainsi qu’une indemnité pour frais de procédure de 1 800 €.
Au soutien de ses demandes et en réplique à l’argumentation adverse, Monsieur [N] expose que :
– il rapporte la preuve de l’existence d’un contrat de travail ;
– son contrat de travail doit être qualifié de contrat à temps plein ;
– l’employeur s’est rendu coupable de travail dissimulé ;
– la société Take Eat Easy a rompu son contrat de travail par courriel du 26 juillet 2016 ;
– cette rupture, constitutive d’un licenciement, ainsi que l’inobservation de la procédure de licenciement, lui ont causé un préjudice ;
-l’appel de l’Ags présent un caractère abusif.
Par conclusions transmises par voie électronique le 7 mars 2023, l’Ags a déclaré se désister de son appel.
Monsieur [N] n’a pas accepté ce désistement.
Bien, que régulièrement assignée par acte d’huissier de justice remis le 18 mars 2021 à une personne présente, la société MJA, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Take Eat Easy, n’a pas constitué avocat. L’arrêt sera donc réputé contradictoire.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 7 mars 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.
* * *
MOTIFS
Sur le désistement
Il résulte des dispositions de l’article 401 du code de procédure civile que le désistement d’appel doit être accepté par l’intimé lorsqu’il avait antérieurement formé appel incident ou une demande incidente.
Tel étant le cas en l’espèce, le désistement de l’Ags est privé d’effet.
Sur la qualification de la relation contractuelle en contrat de travail
Aux termes de l’article 12 du code de procédure civile, le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties auraient proposée.
Il en résulte que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles auraient donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité de celui qui se prétend salarié.
Le contrat de travail suppose l’existence d’une prestation de travail en contrepartie d’une rémunération, exécutée sous un lien de subordination, caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
En l’espèce, il est constant que l’application utilisée dans le cadre des relations contractuelles entre les parties était dotée d’un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel par la société de la position du coursier et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus par celui-ci et que la société Take Eat Easy disposait d’un pouvoir de sanction à l’égard de ce coursier ;
C’est donc à juste titre que le conseil de prud’hommes a qualifié la relation contractuelle de contrat de travail et s’est déclaré matériellement compétent.
Sur la demande de rappel de salaires sur la base d’un temps plein
Aux termes de l’article L 3123-14 du code du travail, le contrat de travail des salariés à temps partiel est un contrat écrit mentionnant, notamment, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir, la nature de cette modification, ainsi que les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié.
Il en résulte qu’en l’absence de l’une de ces mentions, l’emploi est présumé être à temps complet et il appartient alors à l’employeur, qui conteste cette présomption, de rapporter la preuve, d’une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, du fait que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’était pas contraint de se tenir constamment à la disposition de l’employeur.
En l’espèce, en l’absence de contrat de travail comportant une précision sur la répartition des heures de travail et alors que l’Ags ne rapporte pas la preuve du fait que Monsieur [N] n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’était pas contraint de se tenir constamment à la disposition de l’employeur, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a qualifié la relation de travail en contrat de travail à plein temps et a fait droit à la demande de salaire et de congés payés.
Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé
Il résulte des dispositions des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, que le fait, pour l’employeur, de s’abstenir intentionnellement de déclarer le salarié aux organismes sociaux, est réputé travail dissimulé et ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaires.
En l’espèce, il résulte des pièces produites par Monsieur [N] que c’est de façon intentionnelle que la société Take Eat Easy l’a engagé sur la base d’un contrat de prestation de services fictif, alors qu’elle savait parfaitement que le lien de subordination auquel elle le soumettait était caractéristique d’un contrat de travail, puis l’a maintenu dans cette situation, éludant ainsi volontairement le paiement des cotisations sociales.
Le jugement doit donc être confirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts relatifs à l’exécution du contrat
C’est par des motifs justifiés en fait et exacts en droit, qu’il convient d’adopter, que le conseil de prud’hommes a fait droit à cette demande.
Sur la rupture du contrat et ses conséquences
Il résulte des termes du courriel adressé le 26 juillet 2016 par la société Take Eat Easy à l’ensemble de ses collaborateurs, qu’elle a alors clairement rompu leur relation contractuelle.
Cette rupture constitue un licenciement, qui est dépourvu de cause réelle et sérieuse faute de lettre de licenciement conforme aux dispositions de l’article L. 1232-1 du code du travail.
C’est par des motifs justifiés en fait et exacts en droit, qu’il convient d’adopter, que le conseil de prud’hommes, après avoir considéré que la société Take Eat Easy appliquait volontairement la convention collective Syntec, a fait doit à la demande d’indemnité compensatrice de préavis égale à un mois de salaire, compte tenu de l’ancienneté de Monsieur [N], sur la base d’un travail à plein temps.
Il convient donc de confirmer le jugement sur ce point.
Monsieur [N] ayant moins de deux ans d’ancienneté, a droit à une indemnité correspondant au préjudice subi, conformément aux dispositions de l’article L. 1235-5 du code du travail dans sa rédaction alors applicable au litige.
Au moment de la rupture, Monsieur [N], âgé de 29 ans, comptait 5 mois d’ancienneté.
Au vu de cette situation, et de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et compte tenu de l’irrégularité de la procédure de licenciement, il convient d’évaluer son préjudice à 1 000 euros et d’infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté cette demande.
Sur la garantie due par l’Ags
La rupture du contrat de travail étant antérieure à la date du jugement ouvrant la procédure collective de l’entreprise et prononçant sa liquidation judiciaire, l’Ags doit sa garantie conformément aux dispositions de l’article L.3253-8 du code du travail.
Sur les frais hors dépens
Bien qu’injustifié, l’appel formé par l’Ags n’apparaît pas abusif.
Sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, il convient de condamner l’Ags à payer à Monsieur [N] une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu’il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et qu’il y a lieu de fixer à 1 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe,
Déclare le désistement de l’Ags privé d’effet ;
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a débouté Monsieur [E] [N] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau sur ce point ;
Fixe la créance de Monsieur [E] [N] au passif de la procédure collective de la société Take Eat Easy à 1 000 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Rappelle que les intérêts au taux légal cessent de produire effet au jour de l’ouverture de la procédure collective ;
Dit que le Centre de Gestion et d’Etude, AGS-CGEA – Ile-de-France Ouest – Unité Déconcentrée de l’UNEDIC devra garantir ces créances dans la limite du plafond légal ;
Y ajoutant,
Condamne le Centre de Gestion et d’Etude, AGS-CGEA – Ile-de-France Ouest – Unité Déconcentrée de l’UNEDIC à payer à Monsieur [E] [N] une indemnité pour frais de procédure de 1 000 euros ;
Déboute Monsieur [E] [N] du surplus de ses demandes ;
Déboute le Centre de Gestion et d’Etude, AGS-CGEA – Ile-de-France Ouest – Unité Déconcentrée de l’UNEDIC de sa demande d’indemnité pour frais de procédure formée en cause d’appel ;
Condamne le Centre de Gestion et d’Etude, AGS-CGEA – Ile-de-France Ouest – Unité Déconcentrée de l’UNEDIC aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT