Géolocalisation : 6 septembre 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 22-12.418

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Géolocalisation : 6 septembre 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 22-12.418
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6 septembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n°
22-12.418

SOC.

AF1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 septembre 2023

Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 827 F-D

Pourvoi n° C 22-12.418

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [H].
Admission du bureau d’aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 9 décembre 2021.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 SEPTEMBRE 2023

M. [I] [H], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 22-12.418 contre l’arrêt rendu le 25 mai 2021 par la cour d’appel de Nîmes (5e chambre sociale PH), dans le litige l’opposant à la société AJ pompages, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de M. [H], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société AJ pompages, après débats en l’audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 25 mai 2021), M. [H] a été engagé en qualité de chauffeur livreur, le 4 mars 2014, par la société AJ pompages.

2. Contestant son licenciement, prononcé pour faute grave par lettre du 3 septembre 2015, le salarié a saisi la juridiction prud’homale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l’arrêt de dire fondé son licenciement pour faute grave et de le débouter de toutes ses demandes, alors « que les salariés concernés doivent être informés, préalablement à la mise en oeuvre d’un traitement de données à caractère personnel, de l’identité du responsable du traitement des données ou de son représentant, de la (ou les) finalité(s) poursuivie(s) par le traitement, des destinataires ou catégories de destinataires de données, de l’existence d’un droit d’accès aux données les concernant, d’un droit de rectification et d’un droit d’opposition pour motif légitime, ainsi que des modalités d’exercice de ces droits ; que, pour retenir une faute grave, la cour d’appel a considéré que les déplacements injustifiés reprochés au salarié étaient établis par les relevés de géolocalisation de son véhicule, que ce procédé avait été déclaré à la CNIL dans le but d’une géolocalisation des véhicules des employés et de la sécurité des biens et des personnes sur les sites, et que le salarié avait été informé par un courrier recommandé des objectifs de l’utilisation de la géolocalisation ; qu’en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si figurait, parmi les finalités du dispositif indiquées tant à la CNIL qu’au salarié, le contrôle de l’activité de ce dernier, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 32 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données et des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 32 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données, et les articles L. 1121-1, L. 1222-3 et L. 1222-4 du code du travail :

4. D’abord, aux termes du premier de ces textes, les salariés concernés doivent être informés, préalablement à la mise en oeuvre d’un traitement de données à caractère personnel, de l’identité du responsable du traitement des données ou de son représentant, de la (ou les) finalité(s) poursuivie(s) par le traitement, des destinataires ou catégories de destinataires de données, de l’existence d’un droit d’accès aux données les concernant, d’un droit de rectification et d’un droit d’opposition pour motif légitime, ainsi que des modalités d’exercice de ces droits.

5. Ensuite, il résulte des articles L. 1222-3 et L. 1222-4 du code du travail que si l’employeur a le droit de contrôler et surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, il ne peut utiliser un système de géolocalisation pour assurer un contrôle de l’activité des salariés qui n’a pas été porté préalablement à leur connaissance.

6. Enfin, il résulte de l’article L. 1121-1 du code du travail que l’utilisation d’un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen.

7. Pour juger le licenciement fondé sur une faute grave et débouter le salarié de ses demandes, l’arrêt retient que les déplacements injustifiés reprochés à l’intéressé sont établis par les relevés de géolocalisation de son véhicule, procédé déclaré à la CNIL dans le but d’une géolocalisation des véhicules des employés et de la sécurité des biens et des personnes sur les sites, et dont le salarié a été informé par courrier recommandé avec accusé de réception distribué le 1er septembre 2014 mentionnant les objectifs de l’utilisation de la géolocalisation.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si le système de géolocalisation installé sur le véhicule de fonction du salarié avait également pour finalité déclarée à la CNIL le contrôle de l’activité professionnelle des salariés et de la durée du travail et si le salarié avait été informé de l’utilisation de ce dispositif à cette fin, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

9. En application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l’arrêt disant le licenciement du salarié pour faute grave fondé entraîne la cassation du chef de dispositif rejetant ses demandes en paiement au titre d’heures supplémentaires et de dommages-intérêts pour travail dissimulé, qui s’y rattachent par un lien de dépendance nécessaire, l’arrêt ayant rejeté ses demandes en paiement au titre d’heures supplémentaires et de dommages-intérêts pour travail dissimulé en se fondant sur les données issues du système de géolocalisation installé sur le véhicule du salarié.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 25 mai 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier ;

Condamne la société AJ pompages aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société AJ pompages et la condamne à payer à Me Haas la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six septembre deux mille vingt-trois.

 


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