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6 juillet 2023
Cour d’appel de Rouen
RG n°
22/00053
N° RG 22/00053 – N° Portalis DBV2-V-B7G-I7D3
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 06 JUILLET 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE LOUVIERS du 15 Décembre 2021
APPELANTE :
S.A.S. SOCIETE D’EQUIPEMENT DE BLANCHISSERIES INDUSTRIELLES (SEBI)
[Adresse 25]
[Localité 1]
représentée par Me Stéphane CAMPANARO de la SELARL CAMPANARO NOEL OHANIAN, avocat au barreau de l’EURE
INTIME :
Monsieur [V] [W]
[Adresse 2]
[Localité 3]
présent
représenté par Me David VERDIER de la SELARL VERDIER MOUCHABAC, avocat au barreau de l’EURE substituée par Me Johann PHILIP, avocat au barreau de l’EURE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 06 Juin 2023 sans opposition des parties devant Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame BERGERE, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 06 Juin 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 06 Juillet 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 06 Juillet 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [V] [W] a été engagé par la société d’équipement de blanchisseries industrielles (SEBI) en qualité de technico-commercial par contrat de travail à durée indéterminée du 2 mai 2016.
Le licenciement pour faute grave a été notifié au salarié le 9 juin 2020.
Par requête du 22 juillet 2020, M. [V] [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Louviers en contestation du licenciement et paiement de rappels de salaire et d’indemnités.
Par jugement du 15 décembre 2021, le conseil de prud’hommes a dit que le licenciement de M. [V] [W] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, pris acte du renoncement de M. [V] [W] à la demande relative au forfait jours, dit qu’il n’y a pas d’atteinte caractérisée à la vie privée, fixé le salaire moyen à 5 318,69 euros bruts, condamné la SAS société d’équipement de blanchisseries industrielles à verser à M. [V] [W] les sommes suivantes :
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 26 593 euros,
indemnité légale de licenciement : 6 648,36 euros,
préavis non effectué : 15 956,07 euros bruts,
congés payés afférents au préavis : 1 595,61 euros bruts,
rappels sur le chômage partiel : 4 385,02 euros bruts,
congés payés afférents au chômage partiel : 438,50 euros bruts,
remboursement de la somme déduite du solde de tout compte : 5 121,19 euros bruts,
indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile : 1 700 euros,
– ordonné à l’employeur de fournir le détail des calculs et les justificatifs pour les sommes de 3 511,49 euros et 1 595,80 euros figurant sur le solde de tout compte, ordonné la remise d’un bulletin de salaire et d’une attestation Pôle Emploi conformes à la décision sous astreinte de 30 euros par jour et par document à compter du 16ème jour suivant la notification de la décision par le greffe, s’est réservé le droit de liquider l’astreinte, a assorti la décision de l’exécution provisoire et condamné la société d’équipement de blanchisseries industrielles aux entiers dépens y compris frais d’exécution et honoraires d’huissier.
La société d’équipement de blanchisseries industrielles a interjeté un appel limité le 6 janvier 2022.
Par conclusions remises le 9 mai 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la société d’équipement de blanchisseries industrielles demande à la cour de :
– infirmer le jugement rendu en ce qu’il a affirmé que le licenciement de M. [V] [W] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, constaté que le solde de tout compte présentait des erreurs et des déductions injustifiées, l’a condamnée à verser à M. [V] [W] diverses sommes, a ordonné de fournir le détail des calculs et les justificatifs pour les sommes de 3 511,49 euros et 1 595,80 euros figurant sur le solde de tout compte, ordonné la remise d’un bulletin de salaire et d’une attestation Pôle Emploi conformes à la décision sous astreinte, assorti sa décision de l’exécution provisoire et condamné aux entiers dépens y compris frais d’exécution et honoraires d’huissier,
– confirmer le jugement en ce qu’il a dit qu’il n’y avait pas d’atteinte caractérisée à la vie privée,
statuant à nouveau,
– dire le licenciement pour faute grave prononcé à l’encontre de M. [V] [W] légitime,
– débouter M. [V] [W] de toutes ses demandes,
sur l’appel incident,
– débouter M. [V] [W] de sa demande relative à la détermination du salaire de référence,
– débouter M. [V] [W] de sa demande indemnitaire pour atteinte à sa vie privée,
en tout de cause,
– débouter M. [V] [W] de sa demande en liquidation de l’astreinte,
– débouter M. [V] [W] de toutes ses demandes,
– condamner M. [V] [W] à lui verser une somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Par conclusions remises le 11 mai 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, M. [V] [W] demande à la cour de :
à titre principal,
– confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a fixé le salaire moyen à 5 318,69 euros, a statué sur les montants des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité légale de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et dit qu’il n’y a pas d’atteinte caractérisée à la vie privée,
statuant à nouveau,
– fixer le salaire moyen à la somme de 6 796,23 euros,
– juger que la société SEBI a porté atteinte à sa vie privée,
– condamner la société SEBI à lui verser les sommes de :
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 33 980 euros,
indemnité légale de licenciement : 6 932,15 euros,
indemnité compensatrice de préavis : 20 388,69 euros,
congés payés afférents : 2 038,89 euros,
dommages et intérêts pour atteinte par l’employeur au respect de sa vie privée : 5 000 euros,
Y ajoutant,
– condamner la société SEBI à lui verser les sommes suivantes :
commissions à valoir sur le chiffre d’affaires réalisé en 2020 : 9 090,57 euros,
liquidation de l’astreinte : 900 euros,
indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel : 2 000 euros,
les entiers dépens
à titre subsidiaire,
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
– condamner la société SEBI à lui verser les sommes suivantes :
commissions à valoir sur le chiffre d’affaires réalisé en 2020 : 9 090,57 euros,
liquidation de l’astreinte : 900 euros,
indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel : 2 000 euros,
les entiers dépens.
L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 11 mai 2023.
Par de nouvelles conclusions remises le 25 mai 2023, M. [V] [W] a sollicité le rabat de l’ordonnance de clôture, a maintenu ses demandes, sauf à apporter des pièces au soutien de sa demande de liquidation de l’astreinte.
Dès lors que le salarié produit au soutien de ses écritures des éléments dont il disposait bien antérieurement s’agissant de la preuve de la notification du jugement et de l’enveloppe contenant les documents que le conseil avait demandé à la société de transmettre, que sollicitant la liquidation de l’astreinte, il lui appartenait au soutien de cette prétention d’apporter les justifications utiles dès sa présentation pour mettre la partie adverse en mesure d’y répondre, son caractère tardif ne repose sur aucune cause légitime, de sorte que la demande de rabat de clôture est rejetée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I – Sur la rupture du contrat de travail
La société SEBI explique que c’est à la suite d’un contrôle approfondi opéré courant avril 2020 de l’état annuel des ventes déclarées par M. [V] [W] sur l’année 2019 pour l’ouverture de ses droits à commissionnement qu’elle s’est aperçue de nombreuses anomalies dans les déclarations ainsi faites, que s’agissant des grands comptes, le fait qu’elle n’ait pas constaté l’application du taux de commissionnement applicable en l’absence de contrôle ne peut excuser la majoration du taux appliqué par le salarié, que ni les opérations de service après-vente, ni les prestations de service ne peuvent être comptabilisées, ce que le salarié ne pouvait ignorer, que le nombre élevé d’anomalies ne peut être constitutif de simples erreurs, les fausses déclarations du salarié lui permettant de bénéficier de la prime sur objectif à laquelle il ne pouvait prétendre, ce qui caractérise des agissements déloyaux ayant eu pour conséquence de détourner les fonds de l’entreprise, sans que ne puisse être retenue une tolérance compte tenu de la confiance accordée au salarié, ni une modification unilatérale du contrat de travail, ni une prescription des faits fautifs lesquels n’ont été découverts qu’à l’occasion du contrôle opéré en avril 2020.
M. [V] [W], exposant qu’initialement il communiquait un tableau de ses ventes sans préciser le taux applicable, ni le calcul de son droit à commission avant que courant 2017, M. [U], alors directeur commercial, lui demande de préciser à titre indicatif le taux de commissionnement, ce qui n’excluait pas le contrôle de l’employeur, qu’aucune difficulté n’a été élevée jusqu’à l’arrivée de M. [X] [Y], directeur opérationnel, lequel a souhaité modifier les modalités de calcul de la rémunération variable pour les salariés occupant le poste de technico commercial, en réduisant le taux de commissionnement à effet rétroactif au 1er janvier 2019, ce qu’il a refusé, soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse aux motifs que :
– l’employeur ne produit pas les pièces de nature à prouver ses allégations
– qu’aucune faute ne peut lui être imputée dès lors qu’a été mise en place une pratique longuement tolérée par l’employeur sans que ne lui soit opposé aucun reproche
– les faits reprochés sont prescrits comme datant de janvier à décembre 2019 alors que l’employeur étant destinataire chaque mois de l’état des ventes pour prise en compte et validation avant mise en paiement,
– la réalité des griefs est contestée.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
Aux termes de la lettre de licenciement du 9 juin 2020 qui fixe les limites du litige, il est reproché au salarié un certain nombre d’anomalies dans la comptabilisation des affaires et modalités de commissionnements et primes, à savoir :
. application aux dossiers des grands comptes d’un taux de commission de 1,5 % au lieu de 0,75 %, alors que les grands comptes appelés ‘MERCURIAL’ constituent une catégorie pour laquelle un tarif remisé particulier s’applique, lequel n’a pas été pris en compte par le salarié,
. application d’un taux de commission aux opérations de service après-vente alors que les reprises de matériels sont considérés comme des remises, les commissions étant alors établies sur le tarif de vente déduit du montant des reprises de matériel et les commissions sur le chiffre d’affaires des matériels d’occasion étant établies au cas pas cas, au regard de la marge brute déduit des frais techniques (démontage, transport, révision, installation, SAV…), dans les dossiers suivants :
– [14] en janvier 2019 pour un montant de 100 euros
– Résidence [11] en janvier 2019 pour 1 890 euros
– Résidence [13] en mai 2019 pour 550,91 euros, Bouygues Batiments IDF en juin 2019 pour 250 euros, CMPR [Localité 5] en juin 2019 pour 568,80 euros, résidence [4] en juillet 2019 pour 225 euros, EHPAD [6] en juillet 2019 pour 100 euros
. comptabilisation de la vente du matériel, sans tenir compte de la remise qui a été consentie sur le prix public, alors que la commission doit s’appliquer sur le chiffre d’affaires réalisé,
. application d’une commission sur l’enlèvement du matériel qui est une opération de service après-vente sur laquelle aucun commissionnement ne s’applique dans les dossiers suivants : [24] (février 2019), Résidence [15] (février 2019), EHPAD [21] : 200 euros (mars 2019), [9] (avril 2019), [19] en mai 2019, Résidence [26] en novembre 2019 pour 250 euros, résidence [20] en décembre 2019 pour 450 euros,
. Double comptabilisation des prestations suivantes :
– dossier Résidence [11] en janvier 2019 d’un montant de 282 euros,
– dossier [27]:le prix de vente de la table s’élevant à 1 201,92 euros en février et juin 2019 et un certain nombre de matériels d’un montant total de 940,74 euros en mars et juin 2019,
– dossier EHPAD publics du Val de Marne : montant de la prestation de modification d’arrivée du gaz s’élevant à 2 331,20 euros en mars et avril 2019 et le montant de la prestation d’évacuation de l’ancien matériel et de travaux s’élevant à 7 500 euros en mars et juin 2019,
– dossier Résidence de [18] : prix des étiquettes s’élevant à 255 euros en avril et mai 2019
– dossier CMPR [Localité 5] pour un montant de 12 273,60 euros en juin et juillet 2019
– dossier Résidence [23] en mai et juillet 2019 pour 163 euros
– dossier Résidence de [18] en juillet 2019 pour 227,10 euros
– EHPAD [6] en juillet et août 2019 pour 828,60 euros
– EHPAD [16] en octobre 2019 pour 2 126,70 euros,
. Comptabilisation d’une prestation de location non sujette à commission dans le dossier du centre hospitalier de [Localité 22] en mai 2019,
– comptabilisation de montants ne correspondant pas à la facture dans les dossiers Résidence [8] en juin 2019, EHPAD [17] en septembre 2019 (56 194,60 euros au lieu de 54 652,80 euros), EHPAD [16],
– comptabilisation d’un avoir dans le chiffre d’affaire réalisé pour le dossier Maison la résidence [7] en septembre 2019.
Il en est résulté un impact sur le calcul de ses primes et commissionnement pour l’année 2019 avec un trop-perçu de 5 040,70 euros bruts.
Selon le contrat de travail que le salarié percevait une rémunération fixe forfaitaire annuelle de 31 237 euros et était soumis à des objectifs de vente avec paiement d’une prime sur objectif dont les modalités et conditions seront déterminées par avenant.
Selon l’avenant N°1 portant sur le taux de commissionnement du 2 mai 2016 au 31 décembre 2016, la rémunération variable a été fixée comme suit :
– Commissions sur chiffre d’affaires :
. Commission brute de 1,5 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé personnellement sur chaque vente sans remise ou avec une remise inférieure ou égale à 5% du tarif public
. Commission brute de 1% du chiffre d’affaires hors taxes réalisé personnellement sur chaque vente avec remise comprise entre 5 et 15 % du tarif public
. Commission brute de 0,75% du chiffre d’affaires hors taxes réalisé personnellement sur chaque vente avec remise comprise entre 15 et 25 % du tarif public.
Les ventes qui n’auraient pas été réalisées personnellement et directement par M. [V] [W] ne seront pas prises en compte dans le calcul des commissions.
Les reprises de matériels sont considérés comme des remises, les commissions seront établies sur le tarif de vente déduit du montant des reprises de matériel. Dans ce cas, les commissions sur le chiffre d’affaire des matériels d’occasion seront établies au cas par cas, au regard de la marge brute déduit des frais techniques (démontage, transport, réévision, installation, SAV….)
– prime sur objectif atteint
En cas d’atteinte de l’objectif fixé ci-après, une prime sur objectif sera attribuée selon la grille suivante :
. Pour un objectif en prix de vente facturé de 820 000 euros hors taxes : prime brute de 1 500 euros
. Pour un objectif en prix de vente facturé de 930 000 euros hors taxes : prime brute de 2 200 euros
. Pour un objectif en prix de vente facturé de 1 100 000 euros hors taxes : prime brute de 3 000 euros.
– modalités de règlement des commissions :
Pour ouvrir droit à commissions, tout ordre doit avoir été accepté par la Société. …….
Il est précisé que M. [V] [W] doit fournir un état des ventes mensuel pour prise en compte de celles-ci et validation par le directeur commercial ou supérieur direct.
Une régularisation des commissions sera établie trimestriellement sur la base des ventes facturées et encaissées au cours dudit trimestre.
Enfin l’article 3 précisait que le présent avenant fixant la partie variable de la rémunération s’applique exclusivement sur la période du 2 mai au 31 décembre 2016.
Cette clause de rémunération variable sera révisée chaque année, en accord entre la Direction et M. [V] [W] par avenant intervenant le 31 janvier 2017 au plus tard. A défaut d’accord entre les parties, aucune commission ne sera due à M. [V] [W].
Néanmoins, il est admis par les parties qu’aucun avenant n’a été pris pour la période postérieure au 31 décembre 2016 et le salarié reconnaît dans ses écritures que les mêmes modalités se sont poursuivies tout au long du contrat de travail jusqu’à ce que lui soit proposée une modification courant 2020 qu’il a refusée.
Il en résulte que pour la période litigieuse, les conditions du commissionnement étaient celles ci-dessus rappelées.
Il n’est pas reproché au salarié la forme du tableau mentionnant les commissions mais son contenu en ce qu’il comporte des anomalies sur la base de calcul des commissions et/ou une majoration injustifiée du chiffre d’affaire, assiette de la prime sur objectif.
S’il n’est pas contesté qu’aucune remarque n’avait été faite au salarié jusqu’au contrôle opéré en avril 2020, néanmoins cela n’induit pas l’existence d’une pratique admise par l’employeur l’empêchant de procéder au contrôle tel qu’il était prévu par l’avenant et de relever d’éventuelles anomalies. Par ailleurs, les griefs invoqués par l’employeur ne sont pas en relation avec un nouveau mode de calcul de la rémunération variable mais repose sur l’application de l’avenant liant les parties depuis l’origine du contrat, de sorte que la discussion relative à une modification unilatérale du contrat de travail est inopérante.
Il n’est pas discuté que l’employeur était destinataire mensuellement de l’état des ventes du salarié lui permettant de déterminer l’assiette et le taux de commissionnement et d’exercer son contrôle, y compris sur les mentions complémentaires portées par le salarié et non prévues contractuellement, conduisant à proposer son propre calcul auquel l’employeur n’était pas tenu, de sorte que l’employeur disposait de tout élément lui permettant de relever d’éventuelles anomalies.
Aussi, alors que finalement le contrôle opéré en avril 2020 n’a porté que sur ces mêmes éléments communiqués par le salarié et que les derniers griefs datent de décembre 2019, à la date d’engagement de la procédure de licenciement, les faits sont prescrits, mais seulement dans la limite du contrôle pouvant être exercé mensuellement après analyse de l’état transmis par le salarié, ce qui ne peut concerner le grief tenant à la double comptabilisation de prestations sur deux mois différents, ce grief ne pouvant être connu de l’employeur que par l’analyse de l’ensemble des états établis par le salarié, laquelle n’a été opérée qu’en avril 2020, soit dans les deux mois de l’engagement de la procédure disciplinaire.
Concernant ce grief, l’employeur produit au débat les tableaux communiqués par le salarié mensuellement, une synthèse des anomalies constatées à la suite de leur examen en avril 2020 et les factures des clients correspondantes dont l’analyse croisée permet de retenir que le salarié a porté sur ses états mensuels à deux reprises la même vente pour les clients suivants :
– [27] : le prix de vente d’une table s’élevant à 1 201,92 euros en février et juin 2019 et un certain nombre de matériels d’un montant total de 940,74 euros en mars 2019 et juin 2019,
– dossier EHPAD publics du Val de Marne : montant de la prestation de modification d’arrivée du gaz s’élevant à 2 331,20 euros en mars et avril 2019 et le montant de la prestation d’évacuation de l’ancien matériel et de travaux s’élevant à 7 500 euros en mars et juin 2019,
– dossier Résidence de [18] : prix des étiquettes s’élevant à 255 euros en avril et mai 2019
– dossier CMPR [Localité 5] pour un montant de 12 273,60 euros en juin et juillet 2019
– dossier Résidence [23] en mai et juillet 2019 pour 163 euros
– EHPAD [6] en juillet et août 2019 pour 828,60 euros.
Aussi, alors que le salarié n’apporte aucune explication sur ses doubles comptabilisations, leur nombre et l’importance de leur montant ne peuvent relever d’une simple erreur, mais d’une volonté délibérée d’accroître son chiffre d’affaires pour augmenter sa rémunération variable et obtenir sa prime d’objectif.
Alors que les parties sont tenues d’une obligation de bonne foi et de loyauté dans l’exécution de la relation contractuelle, un tel procédé, certes facilité par la carence de l’employeur qui n’exerçait pas suffisamment de contrôle, est constitutif d’une faute grave empêchant la poursuite du contrat de travail en ce qu’elle affecte la nécessaire confiance accordée au salarié, laquelle est nécessairement rompue par le stratagème mis en oeuvre par le salarié.
Par conséquent, la cour infirme le jugement déféré et déboute le salarié de ses demandes en lien avec la rupture du contrat de travail.
II – Sur le rappel de salaires
La société SEBI soutient qu’au cours de la période de chômage partiel, le salaire a été maintenu en application de l’accord du 28 juillet 1998 relatif à l’organisation du travail dans la métallurgie.
M. [V] [W] indique n’avoir jamais cessé de travailler au cours de la période de mise en activité partielle à compter du 18 mars 2020 et, même à supposer qu’il a été effectivement soumis à cette mesure, en tout état de cause, il lui est dû un solde de 4 385,02 euros bruts et les congés payés afférents, sa rémunération ne pouvant être réduite.
En vertu de l’article 14.3 de l’accord du 28 juillet 1998, la rémunération du salarié ne peut être réduite du fait d’une mesure de chômage partiel affectant l’entreprise.
Il résulte des bulletins de paie qu’à compter de mars 2020, alors qu’a été mise en oeuvre des mesures d’activité partielle, à ce titre, ont été déduites les sommes suivantes :
– mars : 1 512,08 euros bruts
– avril : 2 570,52 euros bruts
– mai : 302,42 euros bruts
Dans le même temps, le salarié a perçu une indemnité d’activité partielle exonérée de charges sociales à hauteur de :
– mars : 1 307,67 euros
– avril : 2 223,04 euros
– mai : 165,62 euros et un complément d’activité partielle de 70,98 euros.
Il s’en infère que, déduction faite des charges sociales au titre de la rémunération qu’il aurait dû percevoir, le salarié a été rempli de ses droits au titre du maintien de salaire, de sorte que la cour infirme le jugement entrepris ayant alloué un rappel de salaire.
III – Sur la déduction lors du solde de tout compte
La société SEBI admet avoir opéré une retenue lors du solde de tout compte à hauteur de 5 121,19 euros correspondant aux commissions indûment perçues en raison des fausses déclarations du salarié.
L’employeur dresse la liste des anomalies lui ayant permis de fixer à 5 121, 19 euros la somme qu’il estime que le salarié a trop -perçu tant en terme de commissions que de prime sur objectif, ce qui permet de chiffrer leur impact sur la commission due et sur le chiffre d’affaire ouvrant droit à prime d’objectif.
Si le taux de commissionnement variait en fonction du taux de remise accordé aux clients, alors que le salarié invoque que tout au long de la relation contractuelle a été appliqué un taux de 1,5 % sur les grands comptes sans observation aucune de l’employeur, il n’est pas établi par la société SEBI que le salarié avait connaissance du taux de remise accordé au client dans le cadre des accords-cadre et, en tout état de cause, la cour observe que l’employeur n’apporte aucun élément quant au taux de remise accordé aux grands comptes appelés ‘Mercurial’ de sorte qu’il ne justifie pas que le taux de commission devait être inférieur à 1,5 %.
Concernant la prise en compte des prestations de SAV, dans la mesure où l’avenant déterminant les conditions d’attribution des commissions sur chiffre d’affaire en visant le chiffre d’affaires résultant des ventes, sans distinction, lesquelles peuvent s’entendre tant de ventes de matériel neuf ou d’occasion que de prestations de service, à défaut de précision, il n’y a pas lieu de soustraire les commissions obtenues sur les prestations de SAV résultant de l’activité personnelle du salarié, ni de les soustraire du chiffre d’affaire.
En revanche, la commission ne concernant que les ventes, elle ne s’applique pas à une opération de location, laquelle ne peut davantage être prise en compte pour la prime sur objectif qui ne vise que les ventes.
Il résulte de ce qui précède que doivent être déduites les commissions et soustraites du chiffre d’affaires servant d’assiette à la prime sur objectifs d’affaire les sommes suivantes :
clients
commissions à déduire
chiffre d’affaires à déduire
résidence [11]
4,23
282
[27]
1 201, 92
[10]
23,10
Ehpad publics du Val de Marne
7 500
Ehpad publics du Val de Marne
2 331, 20
[27]
940,74
centre hospitalier de [Localité 22]
1 497,11
[12]
600,97
résidence de [18]
255
CMPR [Localité 5]
12 273,60
Ehpad [6]
828,60
Résidence de [18]
227,10
Résidence [23]
163
Ehpad [17]
15,41
1 541,80
Ehpad [16]
2 126,70
totaux
19,64 euros
31 792,84 euros
Alors qu’il n’est pas justifié d’une modification des objectifs fixés depuis l’avenant de mai 2016, déduction faite des sommes ci-dessus retenues, le salarié pouvait prétendre à une prime sur objectif de 1500 euros alors qu’il a perçu 3 000 euros comme cela résulte du décompte établi par mail du 28 avril 2020, de sorte qu’il y a un indû de 1 500 euros.
Ainsi, l’employeur était fondé à retenir la somme de 1 519,64 euros, et non 5 121,19 euros, de sorte que par arrêt infirmatif, l’employeur est condamné à rembourser la somme de 3 601,55 euros indûment retenue.
IV – Sur l’atteinte à la vie privée
M. [V] [W] soutient qu’il n’a jamais été informé de la mise en place dans son véhicule de fonction qu’il utilisait à des fins personnelles et professionnelles d’un boîtier de géolocalisation, lequel a été posé à son insu en mai 2017 alors qu’il se trouvait en formation et que, dès lors, l’employeur a porté atteinte à sa vie privée, car se sachant épié, il restreignait sensiblement l’usage de ce véhicule.
La société SEBI s’oppose à la demande du salarié aux motifs que le contrat de travail en son article 13 prévoyait la mise en place d’un dispositif de géo localisation dans son véhicule à compter de juin 2017, que la charte d’utilisation des véhicules de la société, qui vise expressément les véhicules de fonction, portée à la connaissance de tous les salariés et affichée dans l’entreprise, la prévoit à compter de juin 2017 ; en tout état de cause, elle n’a à aucun moment utilisé les données récoltées par ce biais et n’a donc causé aucun préjudice au salarié.
L’article 13 dispose que M. [V] [W] est informé qu’un dispositif de géo localisation pourra être mis en place sur les outils de travail de la société SEBI.
L’employeur communique la charte d’utilisation des véhicules de société datée du 5 mai 2017, laquelle s’applique aux véhicules de fonction qui, notamment, dispose qu’à compter de juin 2017, sera mis en fonction un système de géolocalisation dans les véhicules de fonction, définissant les objectifs poursuivis et les modalités d’utilisation des données et de leur conservation.
S’il n’est pas établi par l’employeur que le salarié a été personnellement informé de la mise en place d’un système de géolocalisation, aucun élément permettant de s’assurer de l’affichage de la charte d’utilisation des véhicules de société, laquelle visait expressément les véhicules de fonction contrairement à ce que prétend le salarié et les termes du contrat de travail évoquant seulement une possibilité de mise en oeuvre d’un tel outil, néanmoins, outre que le salarié admet dans ses écritures le savoir lorsqu’il évoque avoir restreint l’usage du véhicule de fonction comme se sachant épié, il n’est apporté aucun élément permettant d’établir que l’employeur a fait un usage de ce système de nature à porter atteinte à la vie privée du salarié, de sorte que la cour confirme le jugement entrepris ayant rejeté cette demande.
V – Sur le rappel de salaire au titre des commissions à valoir sur le chiffre d’affaires réalisé en 2020
Le salarié, qui a perçu la somme de 3 511,49 euros au titre de son solde de commissions 2020, sollicite un rappel à hauteur de 9 090,57 euros, sur la foi du tableau des ventes qu’il produit, dès lors que l’employeur ne produit aucun élément de nature à justifier le montant versé.
L’employeur est taisant sur ce point et alors qu’il lui incombe de justifier des modalités de calcul retenues pour obtenir la somme qu’il a effectivement versée, il n’apporte aucun élément, ni critique du tableau dressé par le salarié au titre des ventes réalisées en 2020, de sorte qu’il convient de le condamner au paiement de la somme de 9 090,57 euros.
VI – Sur la liquidation de l’astreinte
M. [V] [W] sollicite que l’astreinte ordonnée par le conseil de prud’hommes dans son jugement du 15 décembre 2021 pour la remise d’un bulletin de salaire et d’une attestation Pôle emploi conforme à sa décision soit liquidée, la société ne s’étant exécutée que 15 jours après l’échéance fixée.
La société SEBI s’y oppose au motif que M. [V] [W] ne produit aucun élément au soutien de sa demande.
Dans sa décision, la juridiction de première instance a ordonné la remise d’un bulletin de salaire et d’une attestation Pôle emploi conformes à sa décision sous astreinte de 30 euros par jour de retard et par document à compter du 16 ème jour suivant la notification de sa décision.
Il résulte des éléments résultant du dossier de première instance que le jugement a été notifié à l’employeur par lettre recommandée avec accusé de réception dont l’avis de réception a été signé le 28 décembre 2021.
L’astreinte courait donc à partir du 13 janvier 2022.
La société SEBI, débitrice de l’obligation, n’apporte aucun élément pour établir à quelle date elle s’est exécuté, alors que le salarié soutient qu’elle l’a fait 15 jours après le terme fixé par la juridiction prud’homale.
Dès lors, il convient de faire droit à la demande de liquidation sollicitée à hauteur de 900 euros.
VII – Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie partiellement succombante, la société SEBI est condamnée aux entiers dépens et déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Pour le même motif, elle est condamnée à payer à M. [V] [W] la somme de 1 000 euros en cause d’appel, en sus de la somme allouée en première instance pour les frais générés par l’instance et non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant dans les limites de l’appel, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Rejette la demande de rabat de l’ordonnance de clôture du 11 mai 2023 ;
En conséquence, déclare irrecevables les conclusions signifiées le 25 mai 2023 par M. [V] [W] ;
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande au titre de l’atteinte à la vie privée
L’infirme en ses autres dispositions,
Statuant à nouveau,
Dit le licenciement fondé sur une faute grave ;
Déboute M. [V] [W] de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail et du rappel de salaire au titre de l’activité partielle ;
Y ajoutant,
Condamne la société SEBI à payer à M. [V] [W] les sommes suivantes :
liquidation de l’astreinte : 900,00 euros
rappel au titre du solde de commissions 2020 : 9 090,57 euros
Condamne la société SEBI aux entiers dépens de première d’instance et d’appel ;
Condamne la société SEBI à payer à M. [V] [W] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en appel ;
Déboute la société SEBI de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile en appel.
La greffière La présidente