Géolocalisation : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/03635

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Géolocalisation : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/03635
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6 juillet 2023
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
21/03635

C 9

N° RG 21/03635

N° Portalis DBVM-V-B7F-LAH6

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Audrey DAVIER

la SCP BOUSEKSOU CHARVET CLARET

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 06 JUILLET 2023

Appel d’une décision (N° RG 20/00082)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOURGOIN JALLIEU

en date du 08 juillet 2021

suivant déclaration d’appel du 07 août 2021

APPELANTE :

S.A.S. SOCIETE D’ASSISTANCE TOURING SECOURS, prise en la personne de son représentant légal en exercice sis au-dit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Audrey DAVIER, avocat au barreau de LYON

INTIME :

Monsieur [D] [Y]

né le 22 Juillet 1967 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Houria BOUSEKSOU de la SCP BOUSEKSOU CHARVET CLARET, avocat au barreau de BOURGOIN-JALLIEU substituée par Me Briac MOULIN, avocat au barreau de BOURGOIN-JALLIEU

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 24 mai 2023,

Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de président chargé du rapport et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 06 juillet 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 06 juillet 2023.

EXPOSE DU LITIGE’:

M. [D] [Y], né le 22 juillet 1967, a été embauché le 1er février 2010 par la société par actions simplifiée (SAS) Assistance Touring Secours, suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de dépanneur remorqueur véhicule léger, échelon 3, coefficient 24 de la grille ouvrier/employé de la convention collective des services de l’automobile.

En date du 31 décembre 2018, M. [D] [Y] a utilisé son adresse mail professionnelle pour écrire à des collègues.

En date du 4 janvier 2019, M. [D] [Y] a adressé un mail à certains collègues de travail ainsi qu’aux délégués du personnel concernant un accident subi par un salarié de la SAS Assistance Touring Secours lors d’une mission de dépannage.

Par courrier en date du 7 janvier 2019, M. [D] [Y] a été convoqué par la SAS Assistance Touring Secours à un entretien préalable à une sanction disciplinaire fixé au 15 janvier 2019.

Par courrier en date du 18 janvier 2019, la SAS Assistance Touring Secours a notifié à M. [D] [Y] une mise à pied disciplinaire de deux jours, appliquée les 29 et 30 janvier 2019, en raison de la violation du règlement intérieur concernant l’utilisation de la messagerie professionnelle.

Par courrier en date du 19 mars 2019, M. [D] [Y] a été convoqué par la SAS Assistance Touring Secours à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 3 avril 2019.

Par lettre en date du 8 avril 2019, la SAS Assistance Touring Secours a notifié à M.'[D] [Y] son licenciement pour faute grave en invoquant plusieurs griefs’: le désistement du salarié sur une intervention en date du 28 février 2019, le fait d’avoir passé plusieurs heures à son domicile alors qu’il devait se trouver au travail en date du 2 mars 2019, d’être resté sur le site de [Localité 7] au lieu de se rendre à [Localité 6] en date du 8 mars 2019, de remplir des rapports journaliers et des éditions sur le logiciel de la société incomplets et de prendre des fins de poste anticipées.

Par requête en date du 20 janvier 2020, M. [D] [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Bourgoin-Jallieu afin de faire annuler la mise à pied disciplinaire prononcée le 18 janvier 2019 et de contester son licenciement.

La SAS Assistance Touring Secours s’est opposée aux prétentions adverses.

Par jugement en date du 8 juillet 2021, le conseil de prud’hommes de Bourgoin-Jallieu a’:

– annulé la mise à pied disciplinaire ;

– Par conséquent, condamné la SAS Assistance Touring Secours à verser à M. [D] [Y] les sommes suivantes avec intérêts légaux au jour de la saisine :

– 167,53 euros bruts en paiement des deux jours de mise à pied

– 16,75 euros bruts à titre de congés payés afférents.

– jugé le licenciement de M. [D] [Y] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– fixé les trois derniers salaires à la somme de 2 246,75 euros bruts’;

– condamné la SAS Assistance Touring Secours à verser à M. [D] [Y] les sommes suivantes avec intérêts légaux date de saisine’:

– 4 493,50 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 449,35 euros bruts à titre de congés payés afférents

– 5 400,85 euros nets à titre d’indemnité de licenciement

– 16 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

– ordonné à la SAS Assistance Touring Secours le remboursement auprès de Pôle emploi des allocations versées à M. [D] [Y] dans la limite de six mois’;

– débouté M. [D] [Y] du surplus de ses demandes ;

– débouté la SAS Assistance Touring Secours de sa demande reconventionnelle ;

– condamné la SAS Assistance Touring Secours aux entiers dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 10 juillet 2021 pour M. [Y] et le 13 juillet 2021 pour la société Assistance Touring Secours.

Par déclaration en date du 7 août 2021, la SAS Assistance Touring Secours a interjeté appel à l’encontre dudit jugement.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 14 mars 2023, la SAS Assistance Touring Secours sollicite de la cour de’:

Vu les articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail,

Vu les éléments versés aux débats,

A titre principal,

– Infirmer le jugement rendu le 8 juillet 2021 par le conseil de prud’hommes de Bourgoin-Jallieu en ce qu’il a annulé la mise à pied disciplinaire prononcée à l’encontre de M. [D] [Y] ;

– Infirmer le jugement rendu le 8 juillet 2021 par le conseil de prud’hommes de Bourgoin-Jallieu en ce qu’il a condamné la SAS Assistance Touring Secours à verser à M. [D] [Y] les sommes suivantes avec intérêts légaux au jour de la saisine :

– 167,53 euros bruts en paiement des deux jours de mise à pied,

– 16,75 euros bruts à titre de congés payés afférents.

– Infirmer le jugement rendu le 8 juillet 2021 par le conseil de prud’hommes de Bourgoin-Jallieu en ce qu’il a jugé le licenciement de M. [D] [Y] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– Infirmer le jugement rendu le 8 juillet 2021 par le conseil de prud’hommes de Bourgoin-Jallieu en ce qu’il a fixé les trois derniers salaires à la somme de 2.246,75 euros bruts,

– Infirmer le jugement rendu le 8 juillet 2021 par le conseil de prud’hommes de Bourgoin-Jallieu en ce qu’il a condamné la SAS Assistance Touring Secours à verser à M. [D] [Y] les sommes suivantes avec intérêts légaux au jour de la saisine :

– 4.493,50 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 449,35 euros bruts à titre de congés payés afférents,

– 5.400,85 euros nets à titre d’indemnité de licenciement,

– 16.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Infirmer le jugement rendu le 8 juillet 2021 par le conseil de prud’hommes de Bourgoin-Jallieu en ce qu’il a ordonné à la SAS Assistance Touring Secours le remboursement auprès de Pôle emploi des allocations versées à M. [D] [Y] dans la limite de 6 mois.

Le réformant,

– Juger que la mise à pied disciplinaire prononcée à l’encontre de M. [D] [Y] est justifiée,

– Juger que le licenciement de M. [D] [Y] est fondé sur une faute grave,

En conséquence,

– Rejeter comme mal fondées les demandes formées par M. [D] [Y] et le débouter de toutes ses prétentions.

A titre subsidiaire,

– Réduire dans de notables et justes proportions les sommes qui seraient allouées à M. [D] [Y].

Et en tout état de cause,

– Condamner M. [D] [Y] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 17 mars 2023, M. [D] [Y] sollicite de la cour de’:

Vu les causes sus-énoncées,

Vu le jugement du 8/07/2021 du conseil des prud’hommes de Bourgoin-Jallieu,

Vu les pièces versées aux débats,

Confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a annulé la mise à pied disciplinaire décidée par la SAS Assistance Touring Secours à l’encontre de M. [D] [Y] le 18/01/2019.

Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SAS Assistance Touring Secours à payer à M. [D] [Y] le salaire dû pour les 29 et 30 janvier 2019 soit la somme de 167.53€, outre 16.75€ au titre de l’indemnité de congés payés sur ces deux jours (1815€/151.67h X 14h).

Confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a jugé que le licenciement de M. [D] [Y] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné la SAS Assistance Touring Secours à verser à M. [D] [Y] la somme de 4 493.50 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

Confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné la SAS Assistance Touring Secours à verser à M. [D] [Y] la somme de 449.35€ à titre d’indemnité de congés payés sur préavis’;

Confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné la SAS Assistance Touring Secours à verser à M. [D] [Y] la somme de 5 400.85€ au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

Infirmer le jugement attaqué qui a fixé à la somme de 16 000€ le montant net des dommages et intérêts dus par la SAS Assistance Touring Secours à M. [D] [Y] en réparation de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamner la SAS Assistance Touring Secours à verser à M. [D] [Y] une somme de 30 000€ en réparation de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a ordonné à la SAS Assistance Touring Secours le remboursement auprès de Pôle emploi des allocations versées à M. [D] [Y] dans la limite de six mois ;

Confirmer le jugement du 08/07/2021 en ce qu’il a condamné la SAS Assistance Touring Secours à payer à M. [D] [Y] la somme de 1 500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamner la SAS Assistance Touring Secours à verser à M. [D] [Y] pour la procédure d’appel la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la SAS Assistance Touring Secours aux entiers dépens.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 23 mars 2023.

L’affaire, fixée pour être plaidée à l’audience du 24 mai 2023.

EXPOSE DES MOTIFS’:

Sur la demande d’annulation de la mise à pied disciplinaire’:

L’article L 1333-1 du code du travail dispose qu’en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L’article L 1333-2 du même code précise que le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Selon les articles L. 2281-1 et L. 2281-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, les salariés bénéficient d’un droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail. Sauf abus, les opinions que le salarié émet dans l’exercice de ce droit, ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement.

Par ailleurs, Sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression.

En l’espèce, par courrier en date du 18 janvier 2019, l’employeur a notifié à M. [Y] une mise à pied à titre disciplinaire de deux jours aux motifs qu’il avait envoyé, le 04 janvier 2019, deux messages mails à plusieurs collègues en recourant à la messagerie professionnelle, en contravention avec l’article 2 de l’annexe au règlement intérieur «’charte relative à l’utilisation des systèmes d’information’».

Le courrier de sanction disciplinaire n’explicite pas en quoi ces deux correspondances sont contraires à cette disposition du règlement intérieur.

Dans ses conclusions d’appel, l’employeur indique que ce qui a été sanctionné ce n’est pas la teneur des messages ni leur tonalité mais le fait pour le salarié d’avoir utilisé sa messagerie professionnelle à des fins personnelles (page 10 des conclusions de l’appelant).

L’employeur précise plus avant que selon lui «’les messages litigieux constituent l’expression d’une opinion et sont dénués de tout caractère professionnel» (page 11 des conclusions de l’appelante), pour en déduire qu’il s’agit de messages à caractère personnel.

Une telle distinction ne saurait être validée, sauf à considérer que l’expression d’une opinion par un salarié se situerait nécessairement en dehors de sa sphère professionnelle et, partant, serait uniquement rattachable à sa vie personnelle’; ce qui revient indirectement mais nécessairement à nier le droit du salarié à l’expression directe et collective mais encore son droit à la liberté d’expression dans l’entreprise, qui sont tous deux garantis, sauf abus.

Au demeurant, la seule lecture des courriels reproduits dans la lettre de sanction disciplinaire permet au contraire de considérer que ces messages, pour être l’expression par un salarié de son opinion à destination de collègues de travail, sont clairement rattachables à sa vie professionnelle et plus particulièrement à ses conditions de travail puisque M. [Y] a déploré l’absence de réaction des délégués du personnel à la suite d’un accident dont un collègue de travail avait été victime dans le cadre de l’exécution de ses missions.

Surtout, la formule très générale de l’article 2 de l’annexe au règlement intérieur ne permet aucunement d’en déduire qu’en procédant ainsi, M. [Y] aurait contrevenu à une règle relative à l’utilisation de la messagerie professionnelle.

Cette disposition dispose en effet que «’l’usage de la messagerie électronique de l’entreprise est exclusivement réservé à des fins professionnelles. Tout usage à des fins personnelles est prohibé sauf usage ponctuel, identifié comme personnel, rendu nécessaire pour un acte de la vie courante ne pouvant pas être réalisé en dehors des heures de travail’».

Il n’est aucunement précisé que les salariés auraient l’interdiction de recourir à la messagerie pour exprimer une opinion sur leurs conditions de travail ou l’exécution de leurs missions.

Enfin, il est observé que l’employeur ne se prévaut aucunement d’un abus par le salarié de sa liberté d’expression et/ou de son droit à l’expression directe et collective puisque l’employeur indique explicitement qu’il n’entend pas faire de commentaires sur la teneur des messages et le ton utilisé.

Il s’ensuit que le grief reproché au salarié n’est pas fondé et qu’il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a’:

– annulé la mise à pied disciplinaire ;

– Par conséquent, condamné la SAS Assistance Touring Secours à verser à M. [D] [Y] les sommes suivantes :

– 167,53 euros bruts en paiement des deux jours de mise à pied

– 16,75 euros bruts à titre de congés payés afférents.

Sur le licenciement’:

Premièrement, l’article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

La faute grave est définie comme celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.

La charge de la preuve de la faute grave incombe à l’employeur, qui doit prouver à la fois la faute et l’imputabilité au salarié concerné.

La procédure pour licenciement pour faute grave doit être engagée dans un délai restreint après la découverte des faits.

En vertu de l’article L 1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement fixe les termes du litige.

Deuxièmement, selon l’article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. L’utilisation d’un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail, laquelle n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, fût-il moins efficace que la géolocalisation et que le salarié en a été préalablement informé, n’est pas justifiée lorsque le salarié dispose d’une liberté dans l’organisation de son travail.

En application des articles 2 et 6 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 les informations relatives à la connexion d’un salarié sur un logiciel interne à l’entreprise, sont des données à caractère personnel, au sens de l’article 2 susvisé, de sorte que leur collecte par l’exploitation du fichier de journalisation doit avoir fait l’objet d’une information préalable du salarié par application de l’article L 1222-4 du code du travail.

En l’espèce, dans la lettre de licenciement pour faute grave, la société d’assistance Touring Secours a reproché à M. [Y] les faits suivants’:

– le fait de s’être désisté le 28 février 2019, de nuit, à 4h03, pour une demande d’intervention

– le fait d’être resté stationné entre les interventions à son domicile le 02 mars 2019

– le fait d’être resté au dépôt de [Localité 7] le 08 mars 2019 et ne pas être redescendu au dépôt de [Localité 6] après avoir traité une panne

– le fait de ne pas avoir renseigné complètement les rapports d’intervention et le logiciel de dépannage Lidie

– le fait d’avoir terminé son poste 15 à 20 minutes avant sa fin effective d’après le logiciel Lidie.

D’une première part, s’agissant des faits du 02 mars 2019, si l’employeur produit le compte-rendu de la réunion des délégués du personnel du 11 décembre 2018 et une note d’information relative à la mise en place de la géolocalisation des véhicules, force est de constater qu’il ne rapporte pas la preuve suffisante qui lui incombe qu’il avait informé préalablement aux faits reprochés M. [Y] de la mise en place de ce dispositif et surtout que celui-ci était le cas échéant destiné à contrôler son activité.

En effet, l’employeur prétend sans le prouver que la note était affichée dans tous les dépôts de la société d’assistance Touring Secours, sans d’ailleurs que la date à laquelle cet affichage allégué a été mise en ‘uvre ne soit connue.

Il se prévaut d’échanges de courriels du 31 décembre 2018 dont M. [Y] est partie prenante sur la signature d’un accord sur la géolocalisation des véhicules des salariés.

Toutefois, rien n’indique que M. [Y] ait connu dès cette date de manière précise l’objet et la finalité de cette géolocalisation.

Surtout, M. [Y], qui ne supporte pas la charge de la preuve, établit qu’il n’a reçu une information sur la mise en ‘uvre de la géolocalisation que par courriel postérieur du 22 mars 2019 l’informant du fait que les cartes de passage avaient été programmées pour la géolocalisation et qu’il devait passer sa carte personnelle sur le boitier.

Par ailleurs, l’employeur ne démontre pas qu’il n’existait pas un autre procédé de contrôle de l’activité du salarié que la géolocalisation et ce d’autant que la note dont il se prévaut prévoit expressément que «’la mise en place de ce système permettra de (‘) accessoirement, suivre le temps de travail, lorsque cela ne peut être réalisé par un autre moyen.’».

La preuve est en conséquence illicite et ne saurait permettre à l’employeur d’établir la faute alléguée du salarié le 02 mars 2019, la société assistance Touring Secours ne prétendant pas que la production de cette preuve illicite aurait été indispensable à l’exercice de son droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi.

Pour autant, M. [Y] a reconnu dans ses écritures qu’il s’était rendu à son domicile entre les interventions le jour litigieux, distant de 5 kilomètres par rapport au péage des Abrets où il devait stationner.

Le salarié développe un moyen inopérant tenant au fait qu’il n’aurait pas été en mesure de prévenir un responsable pendant cette vacation alors que l’employeur met en évidence qu’il existait un tableau avec les coordonnées du responsable d’astreinte.

En revanche, l’importance de la faute du salarié est nettement atténuée par le fait que l’employeur ne justifie pas suffisamment par sa seule pièce n°8 correspondant à une photographie de mauvaise qualité que les conditions de travail du salarié étaient satisfactoires puisqu’il appert qu’il devait au titre de cette activité de renfort rester dans le véhicule d’intervention de 08 à 18h, le tableau produit mentionnant une affectation sur le secteur de Nances mais l’employeur ajoutant l’obligation faite au salarié de stationner le véhicule de service au niveau du péage des Abrets, dont il apparaît qu’était à sa disposition tout au plus une cabine sanitaire, la société d’assistance Touring de Secours ne répondant pas au moyen adverse pertinent sur l’absence de local d’attente, les pièces produites ne permettant pas à la cour d’appel de pouvoir porter une appréciation utile et de connaître les contraintes effectives d’exploitation de l’entreprise et en particulier, de répondre à la question de savoir s’il n’y avait aucune autre alternative au fait pour M. [Y] de patienter entre deux dépannages dans le véhicule de service pendant une vacation d’une durée de 10 heures consécutives.

D’une seconde part, s’agissant du fait que le salarié terminait ses postes 15 à 20 minutes avant leur fin effective, force est de constater que l’employeur, qui supporte la charge de la preuve de la faute grave, ne vise aucune pièce à ce titre dans ses conclusions et qu’il se fonde uniquement sur l’exploitation des éditions du logiciel de l’entreprise, dont il n’est pas établi qu’elle a fait l’objet d’une information préalable du salarié sur le fait qu’elle puisse servir au contrôle de sa durée du travail’; M. [Y] développant un moyen de défense de ce chef.

Si ce dernier admet pour autant cette pratique de fermer sa session 15 à 20 minutes avant la fin de sa vacation, aucune pièce produite par l’employeur ne permet de remettre en cause l’affirmation de M. [Y] selon laquelle la fermeture de sa session informatique n’impliquait pas pour autant qu’il partait immédiatement de son poste.

Le grief n’est pas suffisamment démontré de sorte qu’il n’est pas retenu.

D’une troisième part, s’il est établi que M. [Y] a refusé de se déplacer pour une intervention la nuit du 28 février 2019, force est de constater que les deux parties ont des versions divergentes sur la raison avancée, l’employeur se prévalant d’un refus injustifié du salarié tenant à l’heure et au lieu du dépannage dont il s’est ravisé 5 minutes plus tard, le garage de renfort ayant néanmoins d’ores et déjà accepté d’assurer l’intervention alors que M. [Y] soutient qu’il a fait valoir un motif médical tenant à une gastro-entérite.

Si le salarié ne produit aucun élément permettant d’étayer la réalité du motif qu’il avance, il y a lieu de rappeler que la charge de la preuve d’une faute grave repose exclusivement sur l’employeur et que la seule pièce n°7 correspondant à des échanges de courriels entre M. [N], le supérieur hiérarchique de M. [Y] et un employé, M. [T], ne permet pas d’établir de manière certaine les faits dans la mesure où ce dernier n’était pas même l’interlocuteur de M. [Y] cette nuit-là mais qu’il s’agissait d’une collègue dont l’identité n’est pas révélée, M. [T] n’étant dès lors pas témoin direct des faits reprochés au salarié.

Ce grief n’est en conséquence pas davantage retenu, une indisposition d’ordre médical temporaire ne pouvant être exclue, de sorte que la non-exécution par le salarié de sa mission a pu ne pas procéder d’une volonté délibérée de ne pas se soumettre au pouvoir de direction de son employeur.

D’une quatrième part, s’agissant des faits du 08 mars 2019, M. [Y] admet qu’il devait regagner le dépôt de [Localité 6] et qu’il s’est arrêté à celui du [Localité 7].

Toutefois, le salarié affirme que cet arrêt était justifié par la nécessité d’aller aux toilettes et qu’il a pris un café.

Ne saurait être fautif le fait pour un salarié d’interrompre de manière ponctuelle son activité pour satisfaire un besoin naturel dès lors que l’employeur ne se prévaut d’aucune procédure spécifique à suivre définie préalablement et mise en place à raison de contraintes inhérentes et impérieuse résultant de son activité.

L’employeur n’apporte aucun élément permettant de contredire l’affirmation de M. [Y] selon laquelle il revenait d’un dépannage sur le secteur de [Localité 5] lorsqu’il s’est arrêté au dépôt de [Localité 7] et que celui-ci se trouvait sur le trajet pour se rendre au dépôt de [Localité 6] et ce, pour satisfaire un besoin naturel.

Si le fait de prendre un café prête davantage à discussion s’agissant du point de savoir s’il s’agissait uniquement pour M. [Y] de s’hydrater ou si cela revenait pour le salarié à se mettre en pause, force est néanmoins de constater que la société d’assistance Touring Secours ne produit pas les éléments pertinents permettant à la cour d’apprécier si ce seul fait a pu occasionner un retard dans l’intervention sur l’autoroute A48 au point kilométrique 80, l’heure de l’intervention sur le secteur de [Localité 5], qui ressort du courrier de l’employeur du 08 avril 2019, étant ignorée, de même que le temps de trajet nécessaire pour rallier le dépôt de [Localité 6], mais encore l’heure à laquelle il a été demandé au salarié de prendre en charge la nouvelle panne située en dehors de son secteur, possibilité prévue par une note de service.

L’employeur ne fait au demeurant qu’affirmer que le temps de trajet aurait été réduit d’une dizaine de minutes depuis le dépôt de [Localité 6] par rapport à celui de [Localité 7] et aurait ainsi permis de satisfaire à la condition imposée à l’entreprise de rallier le lieu d’une panne en principe en moins de 30 minutes dès lors qu’aucune pièce ne permet de contredire le fait avancé par M. [Y] que le point 80 sur l’A 48 se trouvait à 46 kilomètres du dépôt de [Localité 6], que la vitesse maximale du véhicule d’intervention est de 90 kilomètres par heure, si bien qu’il aurait parcouru tout au plus 45 kilomètres en 30 minutes avec immanquablement un dépassement du délai.

Ce grief n’est en conséquence pas retenu.

D’une cinquième part, si M. [Y] admet dans ses écritures certains manques dans les informations renseignées sur les rapports journaliers et le logiciel, la preuve d’un rappel à l’ordre de ce chef ne saurait ressortir de la seule production du bulletin de paie d’avril 2018 mentionnant une prime de rondier réduite, le salarié contestant avoir été destinataire des informations figurant au dos qu’il présente comme un document administratif interne, l’employeur développant un moyen hypothétique tenant au fait que le salarié aurait nécessairement sollicité des explications sur le montant réduit de sa prime s’il n’avait pas été destinataire dudit document.

Surtout, l’employeur ne verse aucune pièce aux débats permettant à la cour de mesurer l’ampleur et les conséquences des informations manquantes sur les rapports journaliers et le logiciel et pas davantage d’éléments sur les procédures internes devant être respectées par les salariés, la pièce n°15 n’étant que l’accusé de réception par le salarié de la transmission des consignes d’interventions et de sécurité à l’usage des salariés SATS et des procédures administratives liées aux dépannages sans que lesdites règles ne soient versées aux débats.

Ce grief n’est en conséquence pas retenu comme fautif.

En conséquence, la seule faute établie par l’employeur dans des circonstances insuffisamment explicitées quant aux conditions de travail ce jour-là, en l’absence de sanction disciplinaire ou de mise en garde antérieure valable et ce, après 9 ans d’ancienneté, ne saurait constituer une faute grave et pas davantage justifier un licenciement disciplinaire de sorte qu’il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié le 08 avril 2019 à M. [Y] par la société d’assistante Touring Secours à M. [Y].

Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail’:

Premièrement, dès lors que le licenciement pour faute grave est jugé sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la SAS Assistance Touring Secours à verser à M. [D] [Y] les sommes suivantes’:

-4 493,50 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis

-449,35 euros bruts à titre de congés payés afférents

-5 400,85 euros nets à titre d’indemnité de licenciement, l’employeur ne développant aucun moyen de défense sur le caractère net de l’indemnité.

Deuxièmement, au jour de son licenciement injustifié, M. [Y] avait plus de 9 ans d’ancienneté et un salaire de 2246,75 euros bruts.

Il justifie de la perception de l’ARE du 01 mai 2019 au 30 avril 2020 et d’un emploi à durée déterminée du 15 mai 2020 au 30 novembre 2020 moyennant une rémunération brute de 1539,45 euros bruts.

Il ne fournit pas d’éléments sur sa situation ultérieure au regard de l’emploi.

Les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice subi en lui allouant la somme de 16000 euros de sorte que le jugement entrepris est confirmé de ce chef, sauf à préciser qu’il s’agit d’une somme brute, le surplus de la demande étant rejetée.

Troisièmement, les dispositions du jugement sont également confirmées en ce qu’en application de l’article L 1235-4 du code du travail, l’employeur a été condamné à rembourser à l’établissement public Pôle Emploi les indemnités de chômage perçues par M. [Y] dans la limite de 6 mois.

Ajoutant, il convient d’ordonner la transmission par le greffe d’une copie du présent arrêt.

Quatrièmement, infirmant le jugement entrepris, il convient de dire que les intérêts au taux légal sur les condamnations au principal courent à compter du 21 janvier 2020, sauf s’agissant de celle relative aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dont les intérêts courent à compter du prononcé du jugement.

Sur les demandes accessoires’:

L’équité commande de confirmer l’indemnité de procédure de 1500 euros allouée par les premiers juges à M. [Y] et de lui accorder une indemnité complémentaire de 1500 euros.

Le surplus des prétentions des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile est rejeté.

Au visa de l’article 696 du code de procédure civile, confirmant le jugement entrepris et y ajoutant, il convient de condamner la société d’assistance Touring de Secours, partie perdante, aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS’;

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi’;

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf s’agissant des dispositions sur les intérêts moratoires et sauf à dire que la somme allouée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est en brute

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

DIT que les intérêts au taux légal sur les condamnations au principal courent à compter du 21 janvier 2020, sauf s’agissant de celle relative aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dont les intérêts courent à compter du prononcé du jugement

DIT qu’une copie du présent arrêt sera transmis par le greffe à l’établissement public Pôle Emploi

CONDAMNE la société d’assistance Touring Secours à payer à M. [Y] une indemnité complémentaire de procédure de 1500 euros

REJETTE le surplus des prétentions au titre de l’article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société d’assistance Touring Secours aux dépens d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président

 


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