Géolocalisation : 5 juillet 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/11290

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Géolocalisation : 5 juillet 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/11290
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5 juillet 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/11290

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRET DU 05 JUILLET 2023

(n° 099/2023, 22 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 21/11290 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD4EC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Avril 2021 -Tribunal Judiciaire de PARIS 3ème chambre – 2ème section – RG n° 17/10677

APPELANTES

S.A.S. SOCIETE DU TOUR DE FRANCE (STF)

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro 301 192 142

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Marianne LABORDE de la SELEURL MARIANNE LABORDE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1327

S.A. AMAURY SPORT ORGANISATION (ASO)

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro 383 160 348

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Marianne LABORDE de la SELEURL MARIANNE LABORDE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1327

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

INTIMÉS

Monsieur [X] [R]

Né le 03 Mars 1958 à [Localité 8] (69)

De nationalité française.

Aventurier

Demeurant [Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté et assisté de Me Olivier LEGRAND de la SEP LEGRAND LESAGE-CATEL GAULTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1104

Monsieur [N] [R]

Né le 07 Juin 1990 à [Localité 8] (69)

De nationalité française

Dirigeant de société

Demeurant [Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté et assisté de Me Olivier LEGRAND de la SEP LEGRAND LESAGE-CATEL GAULTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1104

Madame [T] [R] [U]

Née le 14 Avril 1958 à [Localité 8] (69)

De nationalité française.

Dirigeante de société

Demeurant [Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée et assistée de Me Olivier LEGRAND de la SEP LEGRAND LESAGE-CATEL GAULTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1104

S.A.R.L. ALPHAND EVENEMENTS

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 823 496 492

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée et assistée de Me Olivier LEGRAND de la SEP LEGRAND LESAGE-CATEL GAULTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1104

SOCIÉTÉ CIVILE ALPHAND

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 412 228 132

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée et assistée de Me Olivier LEGRAND de la SEP LEGRAND LESAGE-CATEL GAULTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1104

RESPECTONS LA TERRE

Association

Immatriculée au Répertoire SIRENE sous le numéro 522 897 958

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée et assistée de Me Olivier LEGRAND de la SEP LEGRAND LESAGE-CATEL GAULTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1104

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre et Mme Françoise BARUTEL, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre

Mme Françoise BARUTEL, conseillère

Mme Déborah BOHÉE, conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

Contradictoire

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La Société du Tour de France (STF), constituée le 5 mai 1973, indique venir aux droits du quotidien sportif l’Auto, créateur en 1903 de la course cycliste, le Tour de France.

Elle est titulaire de la marque verbale française« TOUR DE FRANCE » n° 1368310 (n°310) dont le premier dépôt par la STF date du 10 février 1977 pour divers produits des classes 1 à 45, et notamment en classe 41 des services de « Divertissements radiophoniques ou par télévision. Production de films, Distribution de journaux. Organisation d’épreuves sportives ».

Cette marque a fait l’objet d’une concession de licence enregistrée auprès de l’INPI le 11 février 2003 au profit de la société Amaury Sport Organisation (ASO) devenue l’organisatrice du Tour de France à compter de l’année 2002, la société STF lui ayant par ailleurs concédé en location-gérance son fonds de commerce d’épreuves sportives par contrat du 31 décembre 2001.

M. [X] [R] est un ancien chef d’entreprise qui a décidé à compter de 2001 de se consacrer à sa passion, l’aventure sportive et l’exploration, et qui a notamment effectué en 2010 le tour du monde à la voile par les deux pôles et en 2015 la traversée à pieds sans assistance du désert de l’Atacama. Il dispose d’un palmarès dans le domaine de la traversée à la rame des mers et des océans, et notamment la traversée aller-retour de l’océan atlantique nord en 145 jours en 2012, et le passage du détroit de Béring en Alaska au détroit de Davis au Groenland en165 jours dans les glaces en 2013.

En 2016, il a effectué un tour de France à la rame sur les canaux, voies navigables, fleuves et façades maritimes, cette expédition ayant eu un certain retentissement médiatique.

M. [R] a créé en 2008 l’association ‘Respectons la terre’ (RLT), dont il assure la présidence. Elle a pour objectifs de promouvoir la pratique d’activités de sport aventure, et de mettre la notoriété de ce type d’événements au profit de causes d’intérêt général, telles que l’utilisation des énergies naturelles et renouvelables. Elle a entrepris de mener des opérations d’insertion sociale : 426 jeunes ont participé aux projets de l’Association RLT de 2012 à 2016.

En 2016, M. [R] et l’association RLT ont envisagé d’organiser une nouvelle course : le tour de France à la rame.

M. [R] a déposé la marque française semi-figurative ‘TOUR DE FRANCE A LA RAME’ n° 4310124 (n°124), enregistrée le 26 octobre 2016, pour désigner en classe 9 les « appareils et instruments nautiques »,en classe 12, les « appareils de locomotion maritimes », en classe 39, les « locations de bateaux à rame ; location d’appareils de géolocalisation par satellite », et en classe 41 « Éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles ; informations en matière de divertissement ; informations en matière d’éducation ; mise à disposition d’installations de loisirs ; publications de livres ; production de films cinématographiques ; montage de bandes vidéo ; organisation de concours (éducation ou divertissement) ; organisation et conduite de conférences ; organisation d’expositions à buts culturels ou éducatifs », ci-après illustrée :

Le 28 octobre 2016, deux jours après le dépôt de la marque susvisée, M. [R] a constitué, avec la société civile Alphand, Mme [T] [R] [U] et M. [N] [R], une société dénommée Alphand Evénements, ayant pour objet l’organisation d’activités sportives et culturelles, de manifestations sportives, et d’événements sportifs.

Estimant que le dépôt de cette marque par [X] [R] et son usage, notamment pour désigner et promouvoir le périple de 3000 kilomètres qu’il envisageait sur les canaux et voies navigables de France, constituaient une exploitation indue de la renommée de leur marque TOUR DE FRANCE, les sociétés ASO et STF ont vainement, par lettre recommandée en date du 7 mars 2017, mis en demeure M. [R] d’avoir à renoncer à sa marque auprès de l’INPI ainsi qu’à l’utilisation des signes d’identification du « Tour de France ».

C’est dans ces conditions que par acte en date du 24 juillet 2017 les sociétés ASO et STF ont fait citer [X] [R] devant le tribunal de grande instance de Paris.

La société Alphand Evénements, la société civile Alphand, M. [N] [R], Mme [T] [R] [U] et l’association RLT sont volontairement intervenus à l’instance.

Dans un jugement rendu le 16 avril 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

– déclaré irrecevable la demande de [X] [R] tendant à voir prononcer la déchéance des droits de la société Tour de France sur la marque verbale française n° 1368310 « TOUR DE FRANCE » pour défaut d’exploitation ;

– déclaré recevable la demande visant à voir prononcer la déchéance de la marque verbale française n° 1368310 « TOUR DE FRANCE » sur le fondement des dispositions de l’article L. 714-6 du code de la propriété intellectuelle en raison de son caractère trompeur allégué ;

– rejeté les demandes de [X] [R] visant à voir prononcer la déchéance des droits de la société Tour de France sur la marque verbale française n° 1368310 « TOUR DE FRANCE » sur le fondement des dispositions de l’article L. 714-6 du code de la propriété intellectuelle (caractère trompeur) ;

– débouté les sociétés Tour de France et Amaury Sport Organisation de leurs demandes au titre de l’atteinte à la marque renommée ;

– déclaré recevable l’intervention volontaire de la société Alphand Evénements, la SCI Alphand, l’association ‘Respectons la terre’, [T] [R] [U] et [N] [R] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– débouté [X] [R], la société Alphand Evénements, la SCI Alphand, l’association ‘Respectons la terre’, [T] [R] [U] et [N] [R] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– condamné les sociétés Tour de France et Amaury Sport Organisation à payer à [X] [R] la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– condamné les sociétés Tour de France et Amaury Sport Organisation aux dépens qui seront recouvrés par maître Stéphane Begin conformément à l’article 699 du code de procédure civile;

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Le 18 juin 2021, les sociétés STF et ASO ont interjeté appel de ce jugement.

Dans leurs dernières conclusions, numérotées 4 et signifiées par RPVA le 6 mars 2023, la société du Tour de France et la société Amaury Sport Organisation demandent à la cour de :

A titre principal

– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :

– débouté les sociétés TOUR DE FRANCE et Amaury Sport Organisation de leurs demandes au titre de l’atteinte à la marque renommée ;

– déclaré recevable l’intervention volontaire de la société AlphandEvénements , la SCI Alphand, l’association ‘Respectons la terre’, [T] [R] [U] et de [N] [R] ;

– condamné les sociétés TOUR DE FRANCE et Amaury Sport Organisation à payer à [X] [R] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Et statuant à nouveau,

Sur les demandes formées par [X] [R], la société Alphand Evénements , la SCI Alphand, l’association ‘Respectons la terre’, [T] [R] [U] et [N] [R] :

– déclarer irrecevable la demande visant à prononcer la déchéance de la marque verbale française n° 1369310 « TOUR DE FRANCE » pour défaut d’exploitation par application des articles 31 du code de procédure civile et L 713- 5, ancien, du code de la propriété intellectuelle ;

– déclarer irrecevable l’intervention volontaire de la société Alphand Evénements, la SCI Alphand, l’association ‘Respectons la terre’, [T] [R] [U] et de [N] [R] ;

Sur les demandes formées par les sociétés Société du Tour de France et Amaury Sport Organisation

– constater que la marque française verbale « TOUR DE FRANCE » N°1368310 jouit d’une haute renommée pour désigner notamment en classe 41, les services de « Divertissements radiophoniques ou par télévision. Production de films, Distribution de journaux. Organisation d’épreuves sportives. » ;

– dire et juger que le dépôt par M. [X] [R] de la marque française « TOUR DE FRANCE A LA RAME » N°4310124, ainsi que son usage, notamment sur les sites internet aux adresses [06] et [05], sur YouTube et Facebook, pour désigner notamment un évènement sportif, ainsi que sur des plaquettes publicitaires destinées à promouvoir cet évènement sportif, consacrent une exploitation indue de la renommée de la marque « TOUR DE FRANCE » N°1368310 ;

– dire et juger que le dépôt et l’usage de la marque « TOUR DE FRANCE A LA RAME » N°4310124, ainsi que son usage, consacrent un risque de dilution de la marque « TOUR DE FRANCE » N°1368310 et porte ainsi préjudice à ladite marque ;

– dire et juger que de tels agissements engagent la responsabilité civile de M. [X] [R], à l’égard de la Société du Tour de France et de la société Amaury Sport Organisation, par application de l’article L 713-5 (ancien) du code de la propriété intellectuelle et de l’article 1240 du code civil ;

– dire et juger que l’exploitation par M. [R], dans des documents publicitaires, des termes « La caravane du Tour », pour animer les « villes étapes du Tour de France à la rame », constituent, par l’emprunt d’un des concepts originaux et emblématiques du Tour de France, des agissements parasitaires engageant la responsabilité civile de M. [X] [R], sur le fondement de l’article 1240 du code civil ;

En conséquence ;

– prononcer l’annulation totale de la marque française semi-figurative « TOUR DE FRANCE A LA RAME » N° 4310124 et ordonner à Mme ou M. le Greffier en Chef de transmettre l’arrêt à intervenir à l’INPI afin de transcription en marge de ladite marque ;

– faire interdiction à M. [X] [R] de faire usage, directement ou par le biais de tout autre tiers, de la marque française semi-figurative « TOUR DE FRANCE A LA RAME » N°4310124, de quelque façon que ce soit et sur tout support que ce soit, dont notamment sur les sites internet à l’adresse [06] et http://1er-tdframe.blogspot.fr/, ainsi que sur YouTube, sur tous réseaux sociaux, et à titre de référencement sur tout moteur de recherche ;

– faire interdiction à M. [X] [R], de faire usage, directement ou par le biais de tout autre tiers, des termes « TOUR DE FRANCE », seuls ou en association avec tout autre mot, groupe de mots, marques, millésimes, chiffres ou logos, quelconques, à quelque titre que ce soit et sur tout support que ce soit ;

– faire interdiction à M. [X] [R] d’exploiter les concepts de la « Caravane publicitaire du Tour » et de « villes étapes du Tour », à quelque titre que ce soit ;

– dire et juger que ces mesures d’interdiction prendront effet, quinze jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir et passé ce délai, sous astreinte de 1 000 € par infraction constatée et par jour de retard ;

– se déclarer compétente pour la liquidation des astreintes ainsi ordonnées ;

– ordonner la publication de l’arrêt à intervenir, par extraits et aux frais exclusifs de M. [X] [R], dans deux journaux ou magazines, au choix de LA Société du Tour de France et de la société Amaury Sport Organisation, dans la limite d’un coût global de 15 000 € Hors taxes ;

– condamner M. [X] [R] à verser à LA Société du Tour de France, la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte portée à la marque « TOUR DE FRANCE » N°1368310 ;

– condamner M. [X] [R] à verser à la société Amaury Sport Organisation, la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts des chefs d’atteinte à la marque « TOUR DE FRANCE » N°1368310 ;

– condamner M. [X] [R] à verser à la société Amaury Sport Organisation, en sa qualité d’organisatrice du Tour de France, la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts des chefs de parasitisme sur le fondement de l’article 1240 du code civil ;

En tout état de cause

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a rejeté les demandes de [X] [R] visant à voir prononcer la déchéance des droits de la Société du Tour de France sur la marque verbale française « TOUR DE FRANCE » n° 1368310 sur le fondement des dispositions de l’article L. 714-6 du code de la propriété intellectuelle ;

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :

– déclaré irrecevable la demande [X] [R] tendant à voir prononcer la déchéance des droits de la Société du Tour de France sur la marque verbale française « TOUR DE FRANCE » n° 1368310 pour défaut d’exploitation ;

– débouté [X] [R], la société Alphand Evénements , la SCI Alphand, l’association ‘Respectons la terre’, [T] [R] [U] et [N] [R] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– débouter [X] [R], la société Alphand Evénements , la SCI Alphand, l’association ‘Respectons la terre’, [T] [R] [U] et [N] [R] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

– condamner M. [X] [R] à verser aux sociétés Société du Tour de France et Amaury Sport Organisation, à chacune, la somme de 30 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner solidairement la société Alphand Evénements , la SCI Alphand, l’association ‘Respectons la terre’, [T] [R] [U] et [N] [R] à verser aux sociétés Société du Tour de France et Amaury Sport Organisation, à chacune, la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du caractère abusif et dilatoire de leur intervention et de leurs prétentions ;

– condamner solidairement la société Alphand Evénements , la SCI Alphand, l’association ‘Respectons la terre’, [T] [R] [U] et [N] [R] à verser aux sociétés Société du Tour de France et Amaury Sport Organisation, à chacune, la somme de 20 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner solidairement [X] [R], la société Alphand Evénements , la SCI Alphand, l’association ‘Respectons la terre’, [T] [R] [U] et [N] [R] aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions, numérotées 3 et signifiées par RPVA le 6 avril 2023, M. [X] [R], la société Alphand Evénements, la société civile Alphand, M. [N] [R], Mme [T] [R] [U] et l’association ‘Respectons la terre’ demandent à la cour de :

A titre principal

– confirmer le jugement du 16 avril 2021 en ce qu’il a débouté la Société du Tour de France et la société Amaury Sport Organisation de leurs demandes au titre de l’atteinte alléguée à la marque jouissant prétendument d’une renommée « TOUR DE FRANCE » n° 1 368 310 ;

– déclarer en conséquence la Société du Tour de France et la société Amaury Sport Organisation mal fondées en leur appel de ce chef du jugement du 16 avril 2021, ainsi qu’en toutes leurs demandes consécutives de condamnation, d’annulation de la marque « TOUR DE FRANCE A LA RAME » n° 4 310 124, d’interdiction sous astreinte d’usage de cette marque et des termes « TOUR DE FRANCE », de publication, de dommages et intérêts et de condamnations au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ; les en débouter;

– déclarer la Société du Tour de France et la société Amaury Sport Organisation irrecevables en leurs demandes tendant à voir :

– « dire et juger que l’exploitation par M. [R], dans des documents publicitaires, des termes « La caravane du Tour », pour animer les « villes étapes du Tour de France à la rame », constituent, par l’emprunt d’un des concepts originaux et emblématiques du Tour de France, des agissements parasitaires engageant la responsabilité civile de M. [X] [R], sur le fondement de l’article 1240 du code civil » ;

– « faire interdiction à M. [X] [R] d’exploiter les concepts de la « Caravane publicitaire du Tour » et de « villes étapes du Tour », à quelque titre que ce soit» ;

– « condamner M. [X] [R] à verser à la société Amaury Sport Organisation, en sa qualité d’organisatrice du Tour de France, la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts des chefs de parasitisme sur le fondement de l’article 1240 du code civil»;

ainsi qu’en toutes leurs demandes consécutives de publication et de condamnations au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

– confirmer le jugement du 16 avril 2021 en ce qu’il a déclaré la société AlphandEvénements , la société civile Alphand, Mme [T] [R] [U], M. [N] [R] et l’association ‘Respectons la terre’ recevables en leur intervention volontaire;

– déclarer en conséquence la Société du Tour de France et la société Amaury Sport Organisation mal fondées en leur appel de ce chef du jugement du 16 avril 2021 ; les en débouter ;

– infirmer le jugement du 16 avril 2021 en ce qu’il a débouté la société AlphandEvénements , la société civile Alphand, M. [X] [R], Mme [T] [R] [U], M. [N] [R] et l’association ‘Respectons la terre’ de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Et, statuant à nouveau :

– dire et juger que l’action engagée par la Société du Tour de France et la société Amaury Sport Organisation constitue une procédure abusive ;

– déclarer en conséquence la Société du Tour de France et la société Amaury Sport Organisation mal fondées en leur demande tendant à voir « confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a » « débouté [X] [R], la société AlphandEvénements , la SCI Alphand, l’association ‘Respectons la terre’, [T] [R] [U] et [N] [R] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive » ; les en débouter ;

– condamner in solidum la Société du Tour de France et la société Amaury Sport Organisation à verser : la somme de 627.817,75 € à la société civile Alphandà titre de dommages et intérêts ; la somme de 369.304,56 € à M. [N] [R] à titre de dommages et intérêts ; la somme de 116.946,44 € à M. [X] [R] à titre de dommages et intérêts ; la somme de 116.946,44 € à Mme [T] [R] [U] à titre de dommages et intérêts;

– condamner in solidum la Société du Tour de France et la société Amaury Sport Organisation à verser la somme de 1.312.000 € à la société Alphand Evénements à titre de dommages et intérêts ;

– condamner in solidum la Société du Tour de France et la société Amaury Sport Organisation à verser la somme de 250.000 € à M. [X] [R] à titre de dommages et intérêts ;

– condamner in solidum la Société du Tour de France et la société Amaury Sport Organisation à verser la somme de 427.500 € à l’association ‘Respectons la terre’ à titre de dommages et intérêts ;

– déclarer la Société du Tour de France et la société Amaury Sport Organisation mal fondées en leur demande de condamnation de la société Alphand Evénements , la société civile Alphand, M. [N] [R], Mme [T] [R] [U] et l’association ‘Respectons la terre’ au paiement de dommages et intérêts pour procédure dilatoire et abusive ; les en débouter ;

– condamner in solidum la Société du Tour de France et la société Amaury Sport Organisation à verser à M. [X] [R] la somme de 50.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner in solidum la Société du Tour de France et la société Amaury Sport Organisation aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Me Olivier Legrand dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire

– infirmer le jugement du 16 avril 2021 en ce qu’il a déclaré M. [X] [R] irrecevable en sa demande tendant à voir prononcer la déchéance des droits de la Société du Tour de France sur la marque « TOUR DE FRANCE » n° 1 368 310 pour défaut d’exploitation ;

Et, statuant à nouveau, déclarer M. [X] [R] recevable en cette demande ;

– déclarer en conséquence la Société du Tour de France et la société Amaury Sport Organisation mal fondées en leurs demandes tendant à voir :

– « déclarer irrecevable la demande visant à prononcer la déchéance de la marque verbale française n° 1369310 « TOUR DE FRANCE » pour défaut d’exploitation par application des articles 31 du code de procédure civile et L 713- 5, ancien, du code de la propriété Intellectuelle»;

– « confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a » « déclaré irrecevable la demande [de] [X] [R] tendant à voir prononcer la déchéance des droits de la Société du Tour de France sur la marque verbale française « TOUR DE FRANCE » n° 1368310 pour défaut d’exploitation » ;

Les en débouter ;

– déclarer la Société du Tour de France déchue de ses droits sur la marque « TOUR DE FRANCE » n° 1 368 310 à compter du 1er janvier 2007 pour l’ensemble des produits et services qu’elle désigne en classes 1 à 45, à l’exception des services d’« Organisation d’épreuves sportives » en classe 41, à savoir : – l’ensemble des produits et services désignés en classes 1 à 40 et 42 à 45 ; – les services d’« Education. Institutions d’enseignement. Edition de livres, revues. Abonnements de journaux. Prêts de livres. Dressage d’animaux. Divertissements. spectacles. Divertissements radiophoniques ou par télévision. Production de films. Agences pour artistes. Location de films, d’enregistrements phonographiques, d’appareils de projection de cinéma et accessoires de décors de théâtre. Distribution de journaux. Organisation de concours en matière d’éducation ou de divertissement. exploitation d’établissements de culture physique et d’entraînement à la pratique des sports» désignés en classe 41 ;

– confirmer le jugement du 16 avril 2021 en ce qu’il a déclaré M. [X] [R] recevable en sa demande visant à voir prononcer la déchéance de la marque verbale française « TOUR DE FRANCE » n° 1 368 310 sur le fondement des dispositions de l’article L. 714-6 b) du code de la propriété intellectuelle ;

– infirmer le jugement du 16 avril 2021 en ce qu’il a rejeté les demandes de M. [X] [R] visant à voir prononcer la déchéance des droits de la société STF sur la marque « TOUR DE FRANCE » n° 1 368 310 sur le fondement des dispositions de l’article L 714-6 b) du code de la propriété intellectuelle ;

Et, statuant à nouveau, déclarer la Société du Tour de France déchue de ses droits sur la marque « TOUR DE FRANCE » n° 1 368 310, en ce qu’elle désigne des services d’« Organisation d’épreuves sportives » en classe 41, à compter du 1er janvier 2002 ;

– déclarer en conséquence la Société du Tour de France et la société Amaury Sport Organisation mal fondées en leur demande tendant à voir « confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a rejeté les demandes de [X] [R] visant à voir prononcer la déchéance des droits de la Société du Tour de France sur la marque verbale française « TOUR DE FRANCE » n° 1368310 sur le fondement des dispositions de l’article L. 714-6 du code de la propriété intellectuelle » ; les en débouter ;

– A défaut et en tout état de cause, déclarer nulle la marque « TOUR DE FRANCE » n° 1 368 310, en ce qu’elle désigne des services d’« Organisation d’épreuves sportives » en classe 41, par application de l’article 3 de la loi n°;

– ordonner la transmission de l’arrêt à intervenir à l’INPI aux fins d’inscription au Registre National des Marques ;

– confirmer en conséquence le jugement du 16 avril 2021 en ce qu’il a débouté la Société du Tour de France et la société Amaury Sport Organisation de leurs demandes au titre de l’atteinte alléguée à la marque jouissant prétendument d’une renommée « TOUR DE FRANCE » n° 1 368 310 ;

– déclarer en conséquence la Société du Tour de France et la société Amaury Sport Organisation mal fondées en leur appel de ce chef du jugement du 16 avril 2021, ainsi qu’en toutes leurs demandes consécutives de condamnation, d’annulation de la marque « TOUR DE FRANCE A LA RAME » n° 4 310 124, d’interdiction sous astreinte d’usage de cette marque et des termes « TOUR DE FRANCE », de publication, de dommages et intérêts et de condamnations au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ; les en débouter;

– déclarer la Société du Tour de France et la société Amaury Sport Organisation mal fondées en leurs demandes tendant à voir :

– « dire et juger que l’exploitation par M. [R], dans des documents publicitaires, des termes « La caravane du Tour », pour animer les « villes étapes du Tour de France à la rame », constituent, par l’emprunt d’un des concepts originaux et emblématiques du Tour de France, des agissements parasitaires engageant la responsabilité civile de M. [X] [R], sur le fondement de l’article 1240 du code civil » ;

– «faire interdiction à M. [X] [R] d’exploiter les concepts de la « Caravane publicitaire du Tour » et de « villes étapes du Tour », à quelque titre que ce soit » ;

– « condamner M. [X] [R] à verser à la société Amaury Sport Organisation, en sa qualité d’organisatrice du Tour de France, la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts des chefs de parasitisme sur le fondement de l’article 1240 du code civil»;

ainsi qu’en toutes leurs demandes consécutives de publication et de condamnations au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Les en débouter ;

– confirmer le jugement du 16 avril 2021 en ce qu’il a déclaré la société Alphand Evénements , la société civile Alphand, Mme [T] [R] [U], M. [N] [R] et l’association ‘Respectons la terre’ recevables en leur intervention volontaire;

– déclarer en conséquence la société du Tour de France et la société Amaury Sport Organisation mal fondées en leur appel de ce chef du jugement du 16 avril 2021 ; les en débouter ;

– infirmer le jugement du 16 avril 2021 en ce qu’il a débouté la société Alphand Evénements , la société civile Alphand, M. [X] [R], Mme [T] [R] [U], M. [N] [R] et l’association ‘Respectons la terre’ de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Et, statuant à nouveau :

– dire et juger que l’action engagée par la société du Tour de France et la société Amaury Sport Organisation constitue une procédure abusive ;

– déclarer en conséquence la société du Tour de France et la société Amaury Sport Organisation mal fondées en leur demande tendant à voir « confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a » « débouté [X] [R], la société AlphandEvénements , la SCI Alphand, l’association ‘Respectons la terre’, [T] [R] [U] et [N] [R] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive » ; les en débouter ;

– condamner in solidum la société du Tour de France et la société Amaury Sport Organisation à verser : la somme de 627.817,75 € à la société civile Alphand à titre de dommages et intérêts ; la somme de 369.304,56 € à M. [N] [R] à titre de dommages et intérêts ; la somme de 116.946,44 € à M. [X] [R] à titre de dommages et intérêts ; la somme de 116.946,44 € à Mme [T] [R] [U] à titre de dommages et intérêts;

– condamner in solidum la Société du Tour de France et la société Amaury Sport Organisation à verser la somme de 1.312.000 € à la société AlphandEvénements à titre de dommages et intérêts ;

– condamner in solidum la société du Tour de France et la société Amaury Sport Organisation à verser la somme de 250.000 € à M. [X] [R] à titre de dommages et intérêts ;

– condamner in solidum la Société du Tour de France et la société Amaury Sport Organisation à verser la somme de 427.500 € à l’association ‘Respectons la terre’ à titre de dommages et intérêts ;

– déclarer la Société du Tour de France et la société Amaury Sport Organisation mal fondées en leur demande de condamnation de la société Alphand Evénements , la société civile Alphand, M. [N] [R], Mme [T] [R] [U] et l’association ‘Respectons la terre’ au paiement de dommages et intérêts pour procédure dilatoire et abusive ; les en débouter ;

– condamner in solidum la société du Tour de France et la société Amaury Sport Organisation à verser à M. [X] [R] la somme de 50.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner in solidum la société du Tour de France et la société Amaury Sport Organisation aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Me Olivier Legrand dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 avril 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l’intervention volontaire de la société Alphand Evénements, la société civile Alphand, l’association ‘Respectons la terre’, [T] [R] [U] et [N] [R]

Les sociétés STF et ASO soutiennent qu’il n’est pas justifié que leur intervention se rattache par un lien suffisant à l’instance qui concerne l’atteinte à la marque « TOUR DE FRANCE », l’action des sociétés ASO et STF ne visant pas à faire interdire à M. [R] d’organiser son épreuve, mais à lui voir interdire de l’exploiter sous ce titre ; que M. [N] [R], fils de M. [X] [R], la société civile Alphand dirigée par M. [X] [R], Mme [T] [R]-[U], épouse de M. [X] [R] et ce dernier, sont irrecevables à agir dès lors qu’ils ne peuvent solliciter des dommages et intérêts au titre d’un préjudice subi en leur seule qualité d’associés de la société Alphand Evénements ; que les intervenants ne font état d’aucun intérêt personnel direct, né et actuel à solliciter des dommages et intérêts à l’encontre des sociétés ASO et STF, leurs prétentions indemnitaires ne reposant que sur des projections de gains estimés par la société Alphand Evénements dont ils sont les associés ; que l’association ‘Respectons la terre’ est également doublement irrecevable à agir, tant pour défaut de capacité d’ester en justice que pour défaut de tout intérêt ; que les sociétés ASO et STF ne se sont pas opposées à l’organisation de l’épreuve conçue par M. [R] mais à ce que cette épreuve s’appelle « Tour de France à la Rame » ; que si M. [R] a décidé de ne pas organiser cette épreuve, les prétentions indemnitaires des intervenants qui se fondent sur la perte de chance de l’organiser sont nécessairement irrecevables en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre des sociétés ASO et STF.

M. [X] [R], la société Alphand Evénements, la société civile Alphand, M. [N] [R], Mme [T] [R] [U] et l’association ‘Respectons la terre’ soutiennent que des investisseurs intéressés, contactés par les associés de la société Alphand Evénements ont renoncé à leur prise de participation du fait de l’action engagée par les sociétés STF et ASO ; que la société Alphand Evénements s’est trouvée dans l’impossibilité d’exercer l’activité prévue par son objet social et d’organiser le tour de France à la rame du fait de l’action engagée par les sociétés STF et ASO ; que l’association RLT était directement impliquée dans l’organisation de l’évènement ; que leurs démarches ont été anéanties du fait de l’action engagée par les sociétés STF et ASO, rendant impossible l’organisation du tour de France à la rame.

En application de l’article 325 du code de procédure civile, l’intervention n’est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.

En outre, l’article 329 du même code énonce que l’intervention est principale lorsqu’elle élève une prétention au profit de celui qui la forme, et qu’elle n’est recevable que si son auteur a le droit d’agir relativement à cette prétention.

En l’espèce, les intervenants volontaires interviennent à la présente instance pour réclamer des dommages-intérêts en réparation du préjudice qu’ils prétendent avoir personnellement subi du fait de l’action intentée par les sociétés STF et ASO.

Il résulte des pièces versées à la procédure que l’association RLT, créée et présidée par M. [R] en 2008 et qui a pour objectifs de promouvoir la pratique d’activités de sports aventure et de mettre la notoriété de ce type d’événements au service de causes d’intérêt général, était impliquée en 2016 dans le projet d’organisation du tour de France à la rame qui devait lui assurer une exposition médiatique et attirer de nouveaux donateurs ; que son intervention dans la présente instance a été autorisée par son assemblée générale selon procès-verbal du 1er décembre 2020 ; que la société Alphand Evénements, constituée par M. [X] [R] avec la société civile Alphand, Mme [T] [R] [U] et M. [N] [R], a pour objet l’organisation d’événements sportifs et que son activité devait être consacrée à l’organisation et à la gestion du tour de France à la rame ; que les associés de la société Alphand Evénements avaient obtenu l’accord d’investisseurs pour une participation à hauteur de 617 000 euros au financement du tour de France à la rame ; que la société Alphand Evénements fait valoir qu’elle a été dans l’impossibilité d’organiser le tour de France à la rame du fait de l’action judiciaire engagée par les sociétés STF et ASO.

Il ressort de ces éléments que la société Alphand Evénements, ses associés, la société civile Alphand, [T] [R] [U] et [N] [R] et l’association ‘Respectons la terre’, sans préjudice du bien fondé de leurs demandes de dommages-intérêts, démontrent tant leur qualité que leur intérêt à agir au soutien desdites demandes qui se rattachent à l’instance principale par un lien suffisant.

La décision entreprise sera confirmée sur ce point.

Sur l’atteinte à la marque renommée TOUR DE FRANCE

Les sociétés STF et ASO font valoir que la marque TOUR DE FRANCE est plus que centenaire; que selon le dictionnaire Larousse, le Tour de France crée en 1903 et classé troisième événement sportif mondial, après les Jeux olympiques et la Coupe du monde de football, est devenu aujourd’hui bien plus que du vélo, une vitrine de la France, proposé au monde entier durant trois semaines, un lieu de mémoire totalement intégré à la mondialisation ; que la notoriété de la marque verbale TOUR DE FRANCE a été reconnue par des décisions françaises ainsi que par des études et sondages couvrant une période s’étendant de 2001 à 2018 ; que la date à laquelle la renommée de la marque antérieure doit être prouvée est celle du dépôt de la marque contestée; que des pièces antérieures ou postérieures au dépôt de la marque litigieuse ne sont cependant pas privées de valeur probante ; qu’outre la longévité de la marque, l’existence d’une couverture médiatique importante et l’audimat sont des facteurs pertinents pour établir cette renommée.

Les sociétés STF et ASO soutiennent que la marque litigieuse a un degré de similarité élevé avec la marque renommée TOUR DE FRANCE qu’elle reproduit intégralement en position d’attaque, les termes « à la rame » dans la marque litigieuse étant quant à eux situés en dessous et séparés; que les seuls éléments distinctifs et dominants de la marque litigieuse sont les termes « TOUR DE FRANCE », dès lors que les termes « A LA RAME » sont quant à eux purement descriptifs de la discipline de cet événement sportif ; que l’adjonction dans la marque litigieuse aux signes verbaux « TOUR DE FRANCE A LA RAME » du dessin stylisé d’une carte de France et d’un drapeau de départ utilisé dans les compétitions sportives, éléments décoratifs purement banals et descriptifs, renforce sur le plan intellectuel la similarité des marques en cause, puisqu’ils évoquent une compétition sportive qui se déroule dans l’hexagone ; que la marque litigieuse revendique des services identiques à la marque TOUR DE FRANCE, en classe 41, dont notamment les activités sportives et la production de films, pour lesquels la marque première est amplement exploitée et jouit d’une intense renommée ; que la protection conférée aux marques jouissant d’une renommée n’est pas subordonnée à la constatation d’un risque de confusion ; qu’une similitude, même faible, entre les marques peut être compensée par la notoriété de la marque première ; que la présentation stylisée de la marque utilisée sur les plaquettes renforce, sur le plan visuel, le caractère dominant des termes « TOUR DE FRANCE » en position d’attaque; que le risque que la marque seconde bénéficie de la notoriété de la marque première est manifeste en l’état des sondages qui établissent que la marque première véhicule une image d’excellence, de savoir-faire et de popularité ; que la marque litigieuse est susceptible de bénéficier indûment, par transfert d’image, du prestige de la marque première et des retombées médiatiques de l’événement sportif qu’elle désigne ; que le risque que la marque litigieuse porte atteinte à la marque première est d’autant plus patent que M. [R] fait notamment état sur son site internet de partenaires tels notamment Carrefour, qui est un concurrent direct des Centres E.Leclerc, partenaire majeur du TOUR DE FRANCE ; que l’usage de la marque litigieuse est susceptible de conférer à son titulaire et à ses partenaires un avantage illégitime, en menaçant ainsi directement le périmètre d’exclusivité de la marque TOUR DE FRANCE et les droits concédés par la société ASO à ses partenaires officiels ; que M. [R] a fait usage de sa marque dans la vie des affaires ; qu’en déposant la marque litigieuse et en en faisant une ample exploitation à des fins publicitaires avant son dépôt pour promouvoir au surplus une épreuve sportive, M. [R] a exposé la marque TOUR DE FRANCE à un risque de brouillage en affaiblissant le rattachement opéré par le public et les médias avec ladite marque et en amenant ainsi ces derniers à penser que ces termes sont génériques, affectant ainsi son caractère distinctif propre et sa fonction d’origine essentielle; que l’atteinte à la marque renommée est donc bien caractérisée.

M. [X] [R] soutient qu’il appartient aux sociétés STF et ASO de démontrer la renommée dont jouirait la marque n° 310 sur la période du 26 octobre 2016 au 17 mai 2023 ; que les documents produits pour justifier de la renommée alléguée sont d’autant moins probants qu’ils sont éloignés des dates à laquelle cette renommée doit être appréciée ; que c’est sur le territoire français que la renommée dont jouirait la marque doit être prouvée ; que les éléments invoqués sont inopérants à établir la renommée de la marque « TOUR DE FRANCE » n°310 à la date et sur le territoire pertinents ; que l’événement visé par le décret du 22 décembre 2004 n’est pas le « TOUR DE FRANCE », signe couvert par la marque, mais le « Tour de France cycliste masculin» ; que l’appartenance du « Tour de France cycliste masculin » aux événements auxquels un accès télévisé libre doit être laissé au public français ne permet pas d’en tirer un quelconque enseignement sur la renommée de la marque « TOUR DE FRANCE » n°310 sur la période 2016-2023 ; que les décisions invoquées sont antérieures de 6 à 19 ans à la date des faits incriminés et de 13 à 26 ans à la date à laquelle la cour statuera, et sont inopérantes à prouver que la marque « TOUR DE FRANCE » n° 310 jouirait d’une renommée en 2016 et 2023 ; que les études, sondages et enquêtes versés aux débats ne démontrent pas sur cette période la connaissance de la marque « TOUR DE FRANCE » par une partie significative du public concerné sur le territoire français ; que le fait que la compétition a donné lieu à une forte exposition médiatique et a généré des audiences importantes ne permet pas, en l’absence de réalisation concomitante d’une étude ou d’un sondage d’opinion, d’apprécier ce que le public a pu en retenir quant à la marque «TOUR DE FRANCE» n° 310 et à sa renommée éventuelle.

M. [X] [R] fait valoir que le terme Tour de France est couramment utilisé pour désigner divers produits et services, notamment en lien avec un voyage ou un parcours autour de la France; que les juges ont admis à de nombreuses reprises que la protection qui s’attache à la marque « TOUR DE FRANCE » ne peut faire obstacle à l’utilisation de cette expression dans son acception usuelle pour désigner un parcours, un voyage à travers la France ; que les sociétés STF et ASO ne rapportent par ailleurs aucune preuve de ce que le dépôt et l’usage de la marque TOUR DE FRANCE A LA RAME litigieuse ne permettraient plus une association de la marque « TOUR DE FRANCE » n° 310 aux produits et services qu’elle désigne ou seraient de nature à entraîner une modification du comportement du consommateur de tels produits et services ; que la simple mise en parallèle des signes en présence démontre que la marque n° 124 critiquée ne constitue pas la reproduction ni l’imitation de la marque antérieure car il n’existe aucune similitude au plan visuel entre les deux signes ; que le rythme et la sonorité diffèrent totalement; que la seule similitude se situe au plan intellectuel qui est cependant inopérante à caractériser une quelconque imitation de la marque antérieure dès lors que les deux signes ont une vocation purement descriptive pour désigner des services d’« Organisation d’épreuves sportives » ; que la cour d’appel de Paris a en effet jugé que la marque semi-figurative LE TOUR DE FRANCE A LA VOILE ne constituait pas l’imitation de la marque TOUR DE FRANCE n° 310 en ce que l’ensemble formé par l’expression « LE TOUR DE FRANCE A LA VOILE » constituait un tout indivisible doté d’une signification distincte dans lequel l’expression « TOUR DE FRANCE » perdait son pouvoir attractif propre ; que la marque française « TOUR DE FRANCE » n° 310 est intrinsèquement faiblement distinctive ; que c’est notamment ce qu’a retenu la Chambre de recours de l’EUIPO dans sa décision du 11 juillet 2022; que la déclinaison, en Italie et en Espagne, de cette compétition cycliste sous les noms « Tour d’Italie » et « Tour d’Espagne » l’illustre également ; que l’absence de risque de confusion ressort encore de l’ensemble des publications ou émissions relatives au tour de France à la rame réalisé par M. [R] dans lesquelles, à aucun moment, il n’ a été fait référence au Tour de France ; que les sociétés STF et ASO échouent à prouver les qualités positives ou le prestige dont jouirait la marque « TOUR DE FRANCE » n° 310 alors que cette compétition est associée à des scandales ; que M. [R] a souhaité tirer profit de sa propre image et de celle du tour de France à la rame qu’il a personnellement réalisé en 2016, et non de l’image prêtée par les sociétés ASO et STF à la marque « TOUR DE FRANCE » n°310 ; qu’aucune atteinte à une marque renommée n’est ainsi caractérisée.

Sur ce,

L’article L 713- 5, ancien, du code de la propriété intellectuelle dispose : ‘La reproduction ou l’imitation d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière.

Les dispositions de l’alinéa précédent sont applicables à la reproduction ou l’imitation d’une marque notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle précitée.’

Cet article est issu de la transposition de l’article 5, paragraphe 2 de la première directive 89/104/CEE du conseil du 21 décembre 1988 qui dispose ‘2. Tout État membre peut également prescrire que le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique ou similaire à la marque pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’État membre et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice’.

Le degré de connaissance requis doit être considéré comme atteint lorsque la marque antérieure est connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par cette marque.

Le juge national doit prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage, ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir. (CJUE arrêt General Motors du 14 septembre 1999 C 375-97)

Il est enfin acquis que « si la renommée d’une marque antérieure doit être établie à la date de dépôt de la demande de marque contestée, les documents portant une date postérieure à cette date ne sauraient toutefois être privés de valeur probante s’ils permettent de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait à cette même date. Il ne saurait être exclu a priori qu’un document établi un certain temps avant ou après cette date puisse contenir des indications utiles compte tenu du fait que la renommée d’une marque s’acquiert, en général, progressivement (TUE, 16 décembre 2010, affaires n° T-345/08 et T-357/08 -point 52).

Pour démontrer la renommée de la marque TOUR DE FRANCE n° 310 pour les services de «Divertissements radiophoniques ou par télévision. Production de films, Distribution de journaux. Organisation d’épreuves sportives» qu’elle désigne en classe 41, les sociétés STF et ASO font valoir que la marque verbale TOUR DE FRANCE a été déposée en février 1977, que l’événement qu’elle désigne s’est déroulé tous les ans, sans aucune interruption depuis ce dépôt, et que la société du Tour de France, déposante de ladite marque, venait elle-même aux droits du journal l’Auto, fondateur du Tour de France en 1903.

En outre, elles produisent au débat :

-l’encyclopédie Larousse diffusée sur internet laquelle mentionne à propos du Tour de France «Troisième événement sportif mondial, après la Coupe du monde de football et les Jeux olympiques, le Tour de France est devenu aujourd’hui bien plus que du vélo, une vitrine de la France, proposé au monde entier durant trois semaines (…)».

– un décret du 22 décembre 2004 pris en application de la loi du 1er août 2000 transposant la directive 89/552/CE du conseil, dite Télévision sans Frontières, qui a notamment classé parmi les événements majeurs le Tour de France cycliste de sorte que les chaînes du groupe France Télévision sont depuis plus de 20 ans le diffuseur exclusif, en France, de la retransmission télévisuelle du Tour de France.

-une étude intitulée TOUR DE FRANCE 2018 portant sur 20 pays dont la France correspondant à un sondage sur un panel de 1000 personnes effectué en ligne sur l’ensemble des pays précités et évaluant à 94% le taux de notoriété de l’événement sportif en France, le Tour de France ayant enregistré en 2018, en France, une audience cumulée de 230 millions de téléspectateurs sur la chaîne France Tv Sport et de 10, 5 millions de visiteurs français sur le site officiel à l’adresse letour.fr.

Ces éléments, qui établissent la forte connaissance par le public français, à la date du dépôt de la marque incriminée, de la marque TOUR DE FRANCE pour l’organisation du Tour de France cycliste sont en outre corroborés par des études antérieures au dépôt de la marque incriminée, dont certaines, très anciennes, démontrent la durée de l’usage de la marque TOUR DE FRANCE pour l’organisation de la course cycliste éponyme et notamment :

– un sondage intitulé « Etude internationale grand public concernant le Tour de France », effectué par la SOFRES en Mars 2001 qui indique « La notoriété assistée de l’événement se situe autour de 95% dans tous les pays, ce qui confirme son aura internationale. L’intérêt pour le Tour ( …) est dans tous les pays plus élevé que celui pour le cyclisme en général, ce qui montre son caractère exceptionnel et mobilisateur, dans la mesure où il touche un public beaucoup plus large que celui des amateurs réguliers de cyclisme» ;

-un sondage [P] [B] réalisé les 29 et 30 avril 2003 sur un échantillon de 1052 personnes représentatives de la population française âgée de 15 ans et plus. A la première question posée à l’ensemble des sondés : « Cette année un grand événement sportif fête son centenaire, lequel d’après vous ‘ », le Tour de France est cité en premier par 19% des sondés. A la seconde question, dite de notoriété assistée, « connaissez-vous les événements sportifs suivants, ne serait-ce que de nom ‘ », 94% des sondés classent le Tour de France en première position. A la question : « Vous intéressez-vous beaucoup, assez, peu ou pas du tout aux événements suivants’», les sondés se déclarent à 72% intéressés par le Tour de France qui se place en première position. A la question concernant l’image du Tour de France, 71% des sondés déclarent qu’il s’agit d’un spectacle populaire et 67% des sondés, qu’il s’agit d’un « événement qui appartient à la légende du sport ». A la question : « Avez-vous déjà vu passer le Tour de France ‘ », 76% des sondés répondent oui.

– un sondage TNS SOFRES intitulé ‘Fond de Marque Tour de France’ réalisé en 2014 à partir de 45 entretiens auprès de 16 journalistes, de 6 diffuseurs officiels de l’épreuve, de 5 équipes de coureurs, de la fédération française de cyclisme et des partenaires officiels, de 16 groupes de discussion qualitatifs avec le grand public, et d’un panel de 8000 personnes interrogées de manière quantitative, dont 1002 personnes en France dans une catégorie ‘grand public âgé de 16 ans’, ainsi qu’à partir de 456 066 conversations suivies et analysées sur le Web en juin et juillet 2014. Ce sondage conclut que « Tour de France » est un nom connu dans l’opinion publique avec un taux de notoriété de 92% en France, et un degré de familiarité (soit dans la catégorie de ceux qui connaissent très bien ou assez bien le Tour de France) de 64% en France.

-une étude de France TV Publicité intitulée « bilan du Tour de France 2015 » concernant les taux d’audience du Tour de France entre le 4 et le 26 juillet 2015 qui établit notamment que France Télévision a consacré plus de 80 heures de direct au Tour de France 2015, qu’un français sur trois, soit 21,3 millions de téléspectateurs, ont regardé au moins pendant une heure une étape du Tour de France 2015, que 7,2 millions de téléspectateurs ont regardé l’arrivée en direct du Tour à [Localité 7] le 25 juillet 2015 et que 14,1 millions ont visionné des vidéos du Tour.

La cour relève que le fait que la notoriété de la course cycliste du Tour de France est importante auprès du grand public y compris non amateur régulier de cyclisme, et que cet événement sportif bénéficie d’une forte exposition médiatique et d’audiences importantes ayant suivi la diffusion télévisuelle en direct et en différé de la course cycliste, est insuffisant, au regard de l’imprécision méthodologique des études invoquées et de l’absence de toute référence dans lesdites études à la marque en cause, seul étant invoqué le nom de l’événement sportif, à justifier de la renommée de la marque TOUR DE FRANCE pour des services de la classe 41 autres que celui de l’organisation d’épreuves cyclistes.

L’ensemble de ces éléments, sans qu’il soit pertinent d’y rajouter les décisions de justice invoquées, qui sont antérieures de 6 à 19 ans au dépôt de la marque incriminée, ou qui ont été rendues par des tribunaux de première instance dans des procédures non contradictoires, établissent la renommée de la marque verbale TOUR DE FRANCE n° 310 pour l’ ‘organisation d’épreuves cyclistes’ et non pour les autres services de la classe 41, étant observé que la décision de la chambre des recours de l’EUIPO en date du 11 juillet 2022, invoquée par les sociétés STF et ASO et qui fait l’objet d’un recours devant le TPUE, a reconnu que la marque verbale TOUR DE FRANCE a acquis un caractère distinctif par l’usage seulement en ce qui concerne l”organisation de compétitions cyclistes’ à l’exclusion d’autres services de la classe 41.

La cour rappelle que pour déterminer si l’utilisation de la marque contestée porte atteinte à la renommée de la marque antérieure, il convient d’analyser si, compte tenu de tous les facteurs pertinents, un lien ou une association entre les marques sera établi dans l’esprit du public concerné.

Les critères pertinents sont notamment le degré de similitude entre les signes, la nature des produits et des services (y compris le degré de similitude ou de dissemblance entre ces produits et services) ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure (afin de déterminer si celle-ci s’étend au-delà du public visé par cette marque), le degré de caractère distinctif intrinsèque ou acquis par l’usage de la marque antérieure et l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public.

L’atteinte à la marque renommée est constituée par un usage sans juste motif de la marque contestée qui, soit tire ou tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, soit porte ou porterait préjudice à son caractère distinctif, soit porte ou porterait préjudice à sa renommée. Un seul de ces trois types d’atteinte suffit pour que la protection de la marque de renommée puisse s’appliquer.

L’existence d’un profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ne présuppose ni l’existence d’un risque de confusion, ni celle d’un risque de préjudice porté à ces caractère distinctif ou renommée ou, plus généralement, au titulaire de celle-ci. Le profit résultant de l’usage par un tiers d’un signe similaire à une marque renommée est tiré indûment par ce tiers desdits caractères distinctif ou renommée lorsque celui-ci tente par cet usage de se placer dans le sillage de la marque renommée afin de bénéficier du pouvoir d’attraction, de la réputation et du prestige de cette dernière, et d’exploiter, sans compensation financière, l’effort commercial déployé par le titulaire de la marque pour créer et entretenir l’image de celle-ci (CJUE arrêt L’Oréal C487/07 du 18 juin 2009 – point 50).

En l’espèce, les signes en présence sont d’un côté la marque verbale TOUR DE FRANCE, de l’autre côté la marque semi-figurative TOUR DE FRANCE A LA RAME.

Au plan visuel, la marque semi-figurative critiquée est constituée d’une carte de France au fond vert, sur laquelle sont représentés, de haut en bas et de gauche à droite, un drapeau à damier, un bateau à rames de couleur rouge et les termes TOUR DE FRANCE A LA RAME en couleur bleue. La marque antérieure est une marque verbale constituée des seuls termes TOUR DE FRANCE. Les éléments figuratifs étant visuellement très présents, et les éléments verbaux, à peine lisibles sur la marque critiquée, ayant en commun ‘TOUR DE FRANCE’ mais se distinguant par les trois termes ‘A LA RAME’ ajoutés dans la marque incriminée, la similitude globale visuelle entre les signes en cause est donc plutôt faible.

Sur un plan phonétique, si les marques en présence comprennent toutes deux comme attaque les termes ‘TOUR DE FRANCE’, la marque critiquée est composée de trois autres mots ‘A LA RAME’ lui conférant un rythme et une sonorité différents de ceux de la marque antérieure, qui se prononce en trois temps.

Enfin, au plan intellectuel, les deux signes ont en commun l’évocation géographique du tour du territoire français, mais se distinguent par le fait que la marque antérieure est renommée pour une course cycliste de sorte que TOUR DE FRANCE sera perçu par le public visé comme un tour de France en vélo, alors que la marque incriminée TOUR DE FRANCE A LA RAME évoque un périple effectué en bateau à rames, cette compréhension conceptuelle étant renforcée par le visuel du bateau à rames, ce qui les distingue fortement compte tenu du caractère non usuel, et même original, de l’utilisation d’un bateau à rames pour faire le tour du territoire français.

L’impression d’ensemble qu’a le public visé d’une faible similarité visuelle, phonétique et conceptuelle entre les marques en présence n’est pas modifiée par la prise en compte des éléments distinctifs et dominants. En effet l’expression Tour de France est usuelle pour désigner un parcours, un voyage à travers la France, cette expression étant utilisée depuis le début du 18ème siècle pour désigner le voyage qu’accomplissaient les artisans Compagnons du devoir pour parfaire leur formation professionnelle. En outre, les termes TOUR DE FRANCE, pour désigner des services d’organisation d’épreuves sportives et notamment cyclistes, sont également peu distinctifs comme tendant à décrire le parcours de l’épreuve ou l’activité sportive concernée, à savoir le tour du territoire français, le caractère descriptif de ces termes résultant également de ce qu’il existe des déclinaisons de courses cyclistes pour d’autres territoires sous les noms de Tour d’Italie et Tour d’Espagne.

Enfin, l’ensemble formé par l’expression TOUR DE FRANCE A LA RAME constitue un tout indivisible doté d’une signification distincte dans lequel l’expression TOUR DE FRANCE perd son pouvoir attractif propre.

Il résulte de ces éléments que nonobstant la similarité des services en cause, le public visé ne sera pas conduit, au vu des différences relevées, à établir un lien entre la marque antérieure TOUR DE FRANCE renommée pour l’organisation d’épreuves cyclistes, et la marque semi-figurative TOUR DE FRANCE A LA RAME incriminée.

En l’absence de lien entre les marques en cause, les demandes fondées au titre de l’atteinte à la marque de renommée doivent être rejetées, étant au surplus observé qu’il n’est démontré ni une exploitation indue de la marque de renommée, M. [R] exploitant sa propre notoriété liée à ses exploits sportifs antérieurs et notamment au tour de France à la rame qu’il a effectué en 2016 sur les canaux, fleuves et façades maritimes, ni un risque de dilution de la marque de renommée, la protection qui s’attache à la marque TOUR DE FRANCE ne pouvant faire obstacle à l’utilisation de cette expression dans son acception usuelle, et aucune démonstration n’étant apportée d’une modification du comportement économique du consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels la marque antérieure est enregistrée consécutive à l’usage de la marque postérieure ou d’un risque sérieux qu’une telle modification se produise dans le futur.

Le jugement, qui a débouté les sociétés STF et ASO de leurs demandes au titre de l’atteinte à la marque de renommée, sera confirmé de ce chef.

La cour ayant fait droit à la demande principale de M. [R] de confirmation du jugement en ce qu’il a débouté les sociétés STF et ASO de leurs demandes au titre de l’atteinte à la marque de renommée, il n’y a pas lieu de statuer sur ses demandes subsidiaires en déchéance pour défaut d’exploitation et caractère trompeur ainsi qu’en annulation de la marque TOUR DE FRANCE.

Sur les demandes au titre du parasitisme

Sur la recevabilité

Les intimés soutiennent que ces prétentions n’avaient pas été formées en première instance ; que le seul fait de qualifier d’additionnels les prétendus faits de parasitisme soumis à la cour pour la première fois confirme qu’aucune demande à ce sujet n’avait été faite en première instance et que les demandes formées en appel par les sociétés STF et ASO sont nouvelles ; que l’action en atteinte à une marque jouissant d’une renommée, seule action exercée en première instance, est une action distincte de l’action en parasitisme.

Les sociétés STF et ASO soutiennent que leurs prétentions sur le fondement des agissements parasitaires ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges, en ce qu’elles tendent à voir sanctionner des faits additionnels de parasitisme à leur préjudice.

Sur ce,

L’article 565 du code de procédure civile dispose que ‘les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent’.

L’article 566 du même code dispose que ‘ les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire’.

En l’espèce les Sociétés STF et ASO demandent dans leurs conclusions d’appel, de :

– Dire et juger que l’exploitation par M. [R], dans des documents publicitaires, des termes « La caravane du Tour », pour animer les « villes étapes du Tour de France à la rame », constituent, par l’emprunt d’un des concepts originaux et emblématiques du Tour de France, des agissements parasitaires engageant la responsabilité civile de M. [X] [R], sur le fondement de l’article 1240 du Code civil » ;

– faire interdiction à M. [X] [R] d’exploiter les concepts de la « Caravane publicitaire du Tour » et de « villes étapes du Tour », à quelque titre que ce soit ;

– Condamner M. [X] [R] à verser à la société ASO, en sa qualité d’organisatrice du Tour de France, la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts des chefs de parasitisme sur le fondement de l’article 1240 du code civil.

L’action sur le fondement de l’atteinte à la marque de renommée sanctionne l’atteinte à un droit privatif, alors que l’action en concurrence parasitaire repose sur l’existence d’une faute au sens de l’article 1240 du code civil, de sorte que la demande additionnelle, relative à des agissements prétendument parasitaires du fait de l’usage dans des documents de présentation des termes ‘villes étapes du Tour’ ou ‘la caravane du Tour’, présentée pour la première fois en appel par les sociétés STF et ASO ne tend pas aux mêmes fins, ni ne constitue l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des demandes d’annulation et d’interdiction de la marque formées devant les premiers juges sur le fondement de l’atteinte à une marque de renommée. Cette demande nouvelle au sens des articles 565 et 566 du code de procédure civile précités, est dès lors irrecevable.

Sur les demandes de dommages-intérêts sur le fondement de la procédure abusive

M. [X] [R], la société Alphand Evénements, la société civile Alphand, M. [N] [R], Mme [T] [R] [U] et l’association ‘Respectons la terre’ soutiennent que les sociétés STF et ASO n’ont en aucun cas pu se méprendre sur leurs chances de succès ; que l’arrêt du 13 juin 2001 rendue par la présente cour dans l’action engagée contre la marque LE TOUR DE FRANCE A LA VOILE, qui avait conclu à l’absence de toute imitation de la marque TOUR DE FRANCE, excluait que leur action puisse prospérer.

Les sociétés STF et ASO soutiennent que l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 13 juin 2001, qui fonde les prétentions indemnitaires du défendeur et des intervenants, n’est pas transposable à la présente instance, notamment en ce qu’il a statué, non sur le fondement de l’article L 713-5 ancien du code de la propriété intellectuelle mais sur celui de l’article L. 713-3, ancien du même code; qu’elles ont le devoir de défendre leur marque et justifient de nombreuses actions qu’elles ont entreprises pour lutter contre sa dégénérescence.

Elles ajoutent que les interventions volontaires formées trois ans et demi après l’introduction de l’instance pour justifier de prétentions indemnitaires exorbitantes sont dilatoires et procèdent d’un abus manifeste d’ester en justice. Elles demandent à la cour de condamner chacun des intervenants volontaires à payer la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du caractère abusif et dilatoire de leurs interventions.

L’accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n’est que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles que le fait d’agir en justice ou d’exercer une voie de recours légalement ouverte est susceptible de constituer un abus.

En l’espèce, il n’est pas démontré la faute commise par les sociétés STF et ASO qui aurait fait dégénérer en abus leur droit d’agir en justice, les intéressées, titulaire et licenciée d’une marque, ayant pu légitimement se méprendre sur l’étendue de leurs droits. Les demandes de M. [X] [R], la société Alphand Evénements, la société civile Alphand, M. [N] [R], Mme [T] [R] [U] et l’association ‘Respectons la terre’ sur le fondement de la procédure abusive seront en conséquence rejetées. Le jugement entrepris sera dès lors confirmé de ce chef.

Les sociétés STF et ASO seront également déboutées de leurs prétentions à ce titre, les intimés triomphant en leur demande de confirmation du jugement et de rejet des demandes adverses sur le fondement de l’atteinte à la marque de renommée, de sorte qu’ils ne peuvent être condamnés à des dommages-intérêts pour abus du droit d’agir en justice, sauf circonstances particulières qui ne sont pas démontrées en l’espèce.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déclare irrecevables comme nouvelles les demandes d’interdiction et de condamnation à des dommages-intérêts formées par les sociétés STF et ASO sur le fondement du parasitisme ;

Rejette les demandes des sociétés STF et ASO sur le fondement de la procédure abusive ;

Condamne les sociétés STF et ASO in solidum aux dépens d’appel, et vu l’article 700 du code de procédure civile, les condamne in solidum à verser à ce titre à M. [X] [R] la somme de 40 000 euros.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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