Géolocalisation : 5 juillet 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/05193

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Géolocalisation : 5 juillet 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/05193
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5 juillet 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/05193

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 5 JUILLET 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/05193 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCG45

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Février 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY -Section Activités diverses – RG n° F18/00805

APPELANT

Monsieur [P] [G]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Christophe BASTIANI, avocat au barreau de VAL D’OISE, toque : 221

INTIMÉE

SASU ADREXO

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Pauline MORDACQ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0380

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 6 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Fabrice MORILLO, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Philippe MICHEL, président de chambre

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour.

– signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à temps partiel modulé à compter du 26 septembre 2005, M. [P] [G] a été engagé en qualité de distributeur par la société Adrexo, ladite société employant habituellement au moins 11 salariés et appliquant la convention collective nationale de la distribution directe.

Suivant courrier recommandé du 1er août 2017, M. [G] s’est vu proposer un avenant au contrat de travail de distributeur à temps partiel modulé, et ce à la suite de la signature le 4 juillet 2016 d’un accord collectif d’entreprise sur la mesure du temps de distribution.

Après avoir fait l’objet d’une mise à pied conservatoire et été convoqué, suivant courrier recommandé du 21 août 2017, à un entretien préalable fixé au 4 septembre 2017, M. [G] a été licencié pour faute grave suivant courrier recommandé du 11 septembre 2017.

Sollicitant la requalification du contrat de travail à temps partiel modulé en contrat à temps complet, contestant le bien-fondé de son licenciement et s’estimant insuffisamment rempli de ses droits, M. [G] a saisi la juridiction prud’homale le 19 mars 2018.

Par jugement du 27 février 2020, le conseil de prud’hommes de Bobigny a :

– débouté M. [G] de l’ensemble de ses demandes,

– débouté la société Adrexo de sa demande reconventionnelle,

– condamné M. [G] aux dépens.

Par déclaration du 7 août 2020, M. [G] a interjeté appel du jugement.

Par ordonnance sur incident du 13 avril 2021, le conseiller de la mise en état de la cour d’appel a déclaré irrecevable la déclaration d’appel de M. [G] formée par lettre recommandée avec avis de réception le 7 août 2020.

Par arrêt du 20 avril 2022, la cour d’appel, statuant en déféré, a :

– infirmé l’ordonnance du conseiller de la mise en état du 13 avril 2021 et, statuant à nouveau,

– dit que l’appel est recevable,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

– renvoyé le dossier à la mise en état pour fixation.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 9 novembre 2020, M. [G] demande à la cour de :

– infirmer le jugement,

– prononcer la requalification du contrat de travail à temps partiel modulé en contrat à temps plein,

– dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamner en conséquence la société Adrexo à lui payer les sommes suivantes :

– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (18 mois) : 30 591,72 euros,

– indemnité légale de licenciement : 4 532,11 euros,

– indemnité compensatrice de préavis : 3 399,08 euros,

– indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 339,91 euros,

– rappel de salaires du 1er janvier 2015 au 31 septembre 2017 : 14 211,47 euros, outre 1 421,15 euros au titre des congés payés y afférents,

– indemnité pour préjudice moral et autres préjudices distincts : 10 000 euros,

– article 700 du code de procédure civile : 5 000 euros,

– intérêts au taux légal et anatocisme,

– condamner la société Adrexo aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 4 février 2021, la société Adrexo demande à la cour de :

– débouter M. [G] de ses différentes demandes,

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

– condamner M. [G] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’instruction a été clôturée le 31 janvier 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 6 mars 2023.

MOTIFS

Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel modulé en contrat à temps complet

L’appelant fait valoir que le dispositif de modulation du temps de travail résultant des dispositions de l’article L. 3123-25 du code du travail, dans sa version alors applicable, ainsi que de celles de la convention collective nationale de la distribution directe, n’a pas été respecté en ce qu’il ne lui a pas été régulièrement communiqué un calendrier indicatif individualisé de répartition des horaires avant le début de chaque période de modulation. Il souligne qu’il lui était impossible de prévoir son rythme de travail et que ses horaires variaient considérablement d’un mois sur l’autre, ce qui l’empêchait de s’engager durablement auprès d’un autre employeur, lesdits horaires de travail n’étant en outre pas portés à sa connaissance avec un délai de prévenance minimal, ceux-ci lui étant remis le vendredi avant la semaine à venir, voire le lundi pour la semaine en cours.

L’intimée réplique que l’appelant connaissait parfaitement sa durée et ses jours de travail, qu’il a effectué une activité régulière d’une année sur l’autre et qu’il ne saurait ainsi alléguer qu’il ne pouvait prévoir son rythme de travail. Elle ajoute que l’intéressé a reconnu que ses jours de disponibilité étaient le lundi, le mardi et le mercredi, ainsi que cela figure sur les feuilles de route qu’il a signées et acceptées, qu’il savait donc qu’il ne travaillait que les lundi, mardi et éventuellement mercredi et qu’il pouvait exercer une activité complémentaire le jeudi et le vendredi. Elle affirme que l’appelant ne saurait donc valablement prétendre se trouver en permanence à la disposition de son employeur et qu’il n’aurait pu prendre un autre emploi.

Selon l’article L. 3123-25 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, une convention ou un accord collectif de travail étendu ou un accord d’entreprise ou d’établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire ou mensuelle peut varier dans certaines limites sur tout ou partie de l’année à condition que, sur un an, la durée hebdomadaire ou mensuelle n’excède pas en moyenne la durée stipulée au contrat de travail.

Cette convention ou cet accord prévoit :

1° Les catégories de salariés concernés ;

2° Les modalités selon lesquelles la durée du travail est décomptée ;

3° La durée minimale de travail hebdomadaire ou mensuelle ;

4° La durée minimale de travail pendant les jours travaillés. Une convention de branche ou un accord professionnel étendu ou une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement peut prévoir plus d’une interruption d’activité ou une interruption supérieure à deux heures ;

5° Les limites à l’intérieur desquelles la durée du travail peut varier, l’écart entre chacune de ces limites et la durée stipulée au contrat de travail ne pouvant excéder le tiers de cette durée. La durée du travail du salarié ne peut être portée à un niveau égal ou supérieur à la durée légale hebdomadaire ;

6° Les modalités selon lesquelles le programme indicatif de la répartition de la durée du travail est communiqué par écrit au salarié ;

7° Les conditions et les délais dans lesquels les horaires de travail sont notifiés par écrit au salarié ;

8° Les modalités et les délais selon lesquels ces horaires peuvent être modifiés, cette modification ne pouvant intervenir moins de sept jours après la date à laquelle le salarié en a été informé. Ce délai peut être ramené à trois jours par convention ou accord collectif de branche étendu ou convention ou accord d’entreprise ou d’établissement.

En application de ces dispositions, il est établi qu’en cas de défaut de respect des modalités selon lesquelles le programme indicatif de la répartition de la durée du travail est communiqué par écrit au salarié et des conditions et délais dans lesquels les horaires de travail sont notifiés par écrit au salarié, le contrat est présumé à temps complet et qu’il incombe alors à l’employeur de rapporter la preuve que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition.

En l’espèce, étant constaté, au vu des seules pièces versées aux débats par l’intimée (soit 4 programmes indicatifs de modulation des 11 décembre 2006, 13 avril 2007, 4 décembre 2009 et 28 novembre 2016), que celle-ci ne rapporte pas la preuve d’avoir communiqué par écrit l’intégralité des programmes indicatifs de modulation au salarié, de sorte que le contrat de travail à temps partiel modulé litigieux doit être présumé à temps complet, la cour relève par ailleurs que la durée de travail de l’appelant variait de manière importante d’un mois sur l’autre et qu’il n’est pas établi que l’intéressé recevait ses feuilles de route avec un délai de prévenance suffisant, celles-ci apparaissant, dans leur grande majorité, lui être uniquement remises en début de semaine pour la semaine en cours et l’employeur ne produisant à nouveau qu’un nombre très partiel de feuilles de route au titre des seuls mois, pour certains de surcroît incomplets, de décembre 2015, octobre 2016, novembre 2016 et décembre 2016, ce dont il se déduit que l’employeur ne démontre pas que le salarié n’était pas dans l’impossibilité de prévoir son rythme de travail et n’avait pas à se tenir à sa disposition constante.

Par conséquent, il convient de requalifier le contrat de travail à temps partiel modulé en contrat à temps complet et d’accorder à l’appelant, au titre de la période non prescrite courant de janvier 2015 à septembre 2017, un rappel de salaire d’un montant de 14 211,47 euros outre 1 421,15 euros au titre des congés payés y afférents, et ce par infirmation du jugement.

Sur la rupture du contrat de travail

L’appelant fait valoir qu’un salarié ne peut être licencié pour ne pas avoir accepté de signer un avenant et qu’il n’a, en définitive, commis aucune faute mais a simplement fait usage de son droit de ne pas signer un avenant, son licenciement, pris pour un motif disciplinaire, étant donc sans cause réelle et sérieuse. Il souligne que l’avenant litigieux modifiait tant ses conditions de travail (suivi par un système de géolocalisation) que les conditions essentielles de son contrat de travail, et ce s’agissant notamment de la détermination et du mode de calcul de sa rémunération.

L’intimée réplique qu’à la suite de l’accord d’entreprise sur la mesure du temps de distribution conclu avec les organisations syndicales représentatives au sein de la société le 4 juillet 2016, ledit accord ayant notamment mis en place un mécanisme de contrôle du temps de travail de ses salariés, l’application des conventions et accords collectifs d’entreprise s’imposant à tous les signataires et cette obligation reposant autant sur l’employeur que sur le salarié, sa non-exécution est donc constitutive d’une faute pouvant faire l’objet d’une sanction. Elle soutient que l’accord précité était uniquement destiné à mettre en ‘uvre un dispositif de contrôle de la durée du travail mais qu’il ne venait aucunement modifier l’équilibre du contrat de travail en lui-même et encore moins les conditions de travail et de rémunération de l’appelant.

Aux termes de l’article L. 1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instructions qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié constituant une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, le salarié licencié pour faute grave n’ayant pas droit aux indemnités de préavis et de licenciement.

L’employeur qui invoque la faute grave doit en rapporter la preuve.

En l’espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée de la manière suivante :

« […] Lors de l’entretien du 4 septembre 2017, avec Monsieur [U] [T], auquel vous vous êtes présenté, nous vous avons entendu sur les faits qui vous sont reprochés, à savoir le refus de signer l’avenant à votre contrat de travail suite à la mise en ‘uvre de l’accord d’entreprise du 4 juillet 2016.

La société ADREXO a signé le 4 juillet 2016 avec les organisations syndicales, un accord d’entreprise concernant la mesure du temps de distribution. Cet accord prévoit que le temps de distribution soit enregistré et contrôlé à l’aide d’un boîtier mobile, moyen d’enregistrement du temps de travail qui s’impose au distributeur. En application de l’avenant n°1, cet accord est applicable depuis le 14 août 2017.

De plus, l’avenant n° 2 à l’accord du 4 juillet 2016, prévoit la mise en place d’un système de géolocalisation des données via l’utilisation d’un boîtier mobile ou « Mobibox ». Nous vous rappelons que l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, à la condition que le dispositif de contrôle soit justifié par rapport à la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché.

Conformément à nos obligations légales, et afin de mettre en place au 14 août 2017 ce nouveau dispositif, vous avez reçu une proposition d’avenant à votre contrat de travail définissant les nouvelles conditions de votre rémunération avec l’usage du boîtier mobile et les modalités de géolocalisation de vos parcours de distribution.

Cependant, vous avez refusé de signer cet avenant à votre contrat de travail et ce malgré la mise en demeure qui vous a été adressée par lettre recommandée AR n°2C 111 179 7683 6, le 1er août 2017. Nous ne pouvons que déplorer le fait que vous refusiez toujours de signer cet avenant à votre contrat de travail.

Compte tenu de ce qui précède et de votre refus de vous conformer aux dispositions légales et conventionnelles concernant l’enregistrement et le contrôle du temps de distribution applicables au sein de notre société, il ne nous est pas possible, pour le bon fonctionnement de notre société, de pérenniser la relation de travail, vos agissements étant contraires à la collaboration attendue.

C’est dans ce contexte que nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave. […]».

Il sera rappelé à titre liminaire que la modification du contrat de travail par l’employeur, pour quelque cause que ce soit, nécessite l’accord du salarié et que le mode de rémunération d’un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié ni dans son montant ni dans sa structure sans son accord, et ce même dans un sens qui lui serait plus favorable. Il est également établi que, sauf dispositions légales contraires, un accord collectif ne peut pas modifier le contrat de travail d’un salarié sans son acceptation expresse.

En l’espèce, outre le fait que l’employeur reconnaît lui-même, tant dans son courrier de proposition d’avenant du 1er août 2017 que dans le cadre de la lettre de licenciement, qu’il s’agit d’une proposition d’avenant au contrat de travail « définissant les nouvelles conditions de votre rémunération avec l’usage du boîtier mobile et les modalités de géolocalisation de vos parcours de distribution », la cour ne peut en toute hypothèse que relever, à la lecture de l’avenant proposé au salarié, que son article II prévoit expressément que les articles 6 (rémunération) et 7 (feuille de route) du contrat de travail sont abrogés et remplacés par les dispositions suivantes, le nouvel article 6 stipulant notamment que « les prestations effectuées par le Salarié durant la période mensuelle de paye correspondante sont rémunérées sur la base des durées du travail effectuées et mesurées par la Société conformément aux dispositions conventionnelles en vigueur dans l’entreprise, ce qu’il accepte expressément. En l’état des dispositions conventionnelles actuellement en vigueur, le salarié est informé que les temps d’attente, de trajet et de préparation sont mesurés et rémunérés selon les dispositions de la Convention Collective de la Distribution Directe et les cadencements qu’elle prévoit. Le temps de distribution est mesuré et rémunéré selon les dispositions de l’accord d’entreprise du 04 juillet 2016 « mesure du temps de distribution ». La rémunération versée chaque mois correspond à la somme des durées du travail enregistrées pour chaque prestation réalisée sur la période de paie, sous réserve de la mise en oeuvre de la procédure de gestion des écarts pour le seul temps de distribution, conformément aux dispositions de l’accord d’entreprise du 4 juillet 2016 […]. », les termes de ce nouvel article différant manifestement de ceux de l’article 6 du contrat de travail initial (« les prestations effectuées par le salarié sont rémunérées sur la base des critères conventionnels de rémunération propres à chaque tâche et notamment à la typologie des secteurs et au type de documents, ce que le salarié accepte expressément pour avoir été expressément informé des grilles et de la structure des rémunérations en vigueur à la date de signature du contrat et qui y sont annexées […] »), de sorte que la société intimée ne peut sérieusement soutenir que l’avenant proposé n’avait aucune incidence sur le mode de rémunération de l’appelant.

S’agissant dès lors d’une modification du contrat de travail, un accord collectif d’entreprise ne pouvant pas modifier le contrat de travail d’un salarié sans son acceptation expresse ainsi que cela a déjà été rappelé, de sorte que l’intimée ne peut pas prétendre que la signature de l’avenant litigieux s’imposait à l’appelant, ce dernier étant au contraire effectivement en droit de refuser de le signer, la cour constate par ailleurs que l’appelant n’a jamais expressément refusé de signer l’avenant litigieux au motif qu’il s’opposerait ou contesterait la mise en oeuvre d’un système de géolocalisation, et ce contrairement à ce qu’affirme, sans en justifier au vu des seuls éléments produits, l’employeur.

Dès lors, étant rappelé que le seul refus du salarié d’accepter une modification de son contrat de travail ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement et qu’il appartient au juge de rechercher si cette modification est justifiée, le licenciement uniquement motivé par le refus du salarié d’une modification de son contrat de travail étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, outre le fait que la lettre de licenciement fait uniquement état du refus de l’appelant de signer l’avenant au contrat de travail suite à la mise en ‘uvre de l’accord d’entreprise du 4 juillet 2016 comme étant constitutif d’une faute grave, la cour relève également que l’employeur ne justifie pas de la nécessité de procéder à la modification du contrat de travail du salarié, et ce tant pour un motif économique que pour un motif personnel, le simple fait d’affirmer dans le cadre de la lettre de licenciement qu’il n’était « pas possible, pour le bon fonctionnement de notre société, de pérenniser la relation de travail, vos agissements étant contraires à la collaboration attendue » étant manifestement inopérant et insuffisant de ce chef.

Par conséquent, compte tenu de l’ensemble des développements précédents, l’employeur ne rapportant pas la preuve, qui lui incombe, de l’existence de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rendait impossible son maintien dans l’entreprise, le licenciement prononcé à l’encontre de l’intéressé pour faute grave étant ainsi manifestement injustifié, la cour retient que le licenciement litigieux est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et ce par infirmation du jugement.

Sur les conséquences financières de la rupture

En application des dispositions des articles L. 1234-1, L. 1234-9, R. 1234-2 et R. 1234-4 du code du travail, sur la base d’une rémunération de référence pour un temps complet de 1 699,54 euros, la cour accorde à l’appelant la somme de 3 399,08 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis (correspondant à un préavis d’une durée de 2 mois) outre 339,91 euros au titre des congés payés y afférents et, compte tenu d’une ancienneté de 12 ans, une somme de 4 532,11 euros à titre d’indemnité légale de licenciement, et ce par infirmation du jugement.

Par ailleurs, en application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version en vigueur à la date du litige, eu égard à l’ancienneté dans l’entreprise (12 ans), à l’âge du salarié (57 ans) et à la rémunération de référence précitée lors de la rupture du contrat de travail et compte tenu des seuls éléments produits concernant sa situation personnelle et professionnelle postérieurement à ladite rupture, la cour lui accorde la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ce par infirmation du jugement.

Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et préjudices distincts

L’appelant soutient qu’il a été confronté aux importants manquements de l’entreprise à ses obligations, notamment en ce qu’elle ne lui a pas permis de faire valoir ses droits et d’avoir un salaire décent et en ce qu’elle l’a soumis à une certaine précarité financière durant 12 années, mais également en ce qu’il a fait l’objet d’un licenciement brutal, immédiat et vexatoire pour avoir fait usage de son droit de ne pas accepter la signature d’un avenant modifiant son contrat de travail.

L’intimée réplique que l’appelant n’étaye pas sa demande et ne justifie pas des préjudices allégués.

Au vu des seules pièces versées aux débats et mises à part les propres affirmations de l’appelant, la cour relève que ce dernier ne justifie ni du principe et du quantum des différents préjudices allégués ni en toute hypothèse de leur caractère distinct des seuls effets de la requalification en contrat de travail à temps complet et du licenciement, déjà réparés par l’attribution des sommes et indemnités précitées.

Dès lors, la cour confirme le jugement en ce qu’il a débouté l’appelant de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et préjudices distincts.

Sur les autres demandes

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, il y a lieu de rappeler que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

Selon l’article L. 1235-4 du code du travail, dans sa version applicable au litige, il y a lieu d’ordonner à l’employeur fautif de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées au salarié du jour de la rupture au jour de la décision, dans la limite de trois mois d’indemnités.

En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, l’employeur sera condamné à verser au salarié la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens.

L’employeur, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté M. [G] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et préjudices distincts et en ce qu’il a débouté la société Adrexo de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Requalifie le contrat de travail à temps partiel modulé liant M. [G] et la société Adrexo en contrat de travail à temps complet ;

Dit le licenciement pour faute grave prononcé à l’encontre de M. [G] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Adrexo à payer à M. [G] les sommes suivantes :

– 14 211,47 euros à titre de rappel de salaire pour la période de janvier 2015 à septembre 2017 outre 1 421,15 euros au titre des congés payés y afférents,

– 3 399,08 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 339,91 euros au titre des congés payés y afférents,

– 4 532,11 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Rappelle que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Adrexo de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires ;

Ordonne la capitalisation des intérêts selon les modalités de l’article 1343-2 du code civil ;

Ordonne à la société Adrexo de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. [G] du jour de la rupture au jour de la décision, dans la limite de trois mois d’indemnités;

Condamne la société Adrexo à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute M. [G] du surplus de ses demandes ;

Condamne la société Adrexo aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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