Your cart is currently empty!
31 mars 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
21/00232
ARRÊT DU
31 Mars 2023
N° 376/23
N° RG 21/00232 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TOSJ
OB/VM
AJ
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Dunkerque
en date du
02 Février 2021
(RG 20/00047 -section 2)
GROSSE :
aux avocats
le 31 Mars 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANT :
M. [G] [S]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Mickaël ANDRIEUX, avocat au barreau de LILLE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 591780022021003870 du 15/04/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de DOUAI)
INTIMÉE :
S.A.R.L. MAUFFREY FLANDRES MARITIME venant aux droits de VLB TRANS
prise en son établissement secondaire sis [Adresse 5]
[Localité 2]
[Adresse 8]
[Localité 4]
représentée par Me Bérengère LECAILLE, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS : à l’audience publique du 14 Février 2023
Tenue par Olivier BECUWE
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Cindy LEPERRE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Olivier BECUWE
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Frédéric BURNIER
: CONSEILLER
Isabelle FACON
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Mars 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Olivier BECUWE, Président et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 24 Janvier 2023
EXPOSE DU LITIGE :
M. [S] a été engagé à durée déterminée du 15 janvier au 14 août 2011 puis à durée indéterminée en qualité de chauffeur routier par la société Plessiet Logistique aux droits de laquelle est venue la société VLB Trans puis la société Mauffrey Flandres Maritime (la société).
Il a fait l’objet de deux mises à pied disciplinaires les 20 mars 2013 et 21 mars 2014 et de trois avertissements les 9 mars et 24 décembre 2015 ainsi que le 22 mars 2016.
Mis à pied à titre conservatoire, il a été licencié pour faute grave selon lettre du 1er février 2017 pour avoir le 16 janvier 2017 au volant de son ensemble routier, d’une part, roulé à ‘une vitesse excessive au-delà des 70 km/h autorisés sur la portion de route départementale 601″ et, d’autre part, causé un accident de la circulation ‘à une intersection [de cette route départementale] dans le sens [Localité 7] – [Localité 6] par une vitesse inappropriée de 58 km/h au moment de l’impact et d’autant plus par temps de route glissante’.
Contestant son licenciement, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Dunkerque de demandes au titre d’une rupture sans cause réelle et sérieuse ainsi qu’en paiement de primes de réglementation et de communication et d’indemnités kilométriques.
Par un jugement du 2 février 2021, la juridiction prud’homale l’en a débouté de sorte que, par déclaration du 22 février 2021, M. [S] en a fait appel.
Il sollicite l’infirmation du jugement et réitère ses prétentions initiales.
Sur le licenciement, contestant tout manquement disciplinaire, il soutient pour l’essentiel, en premier lieu, que la vitesse autorisée était, en réalité, de 90 km/h, en deuxième lieu, que les relevés du chrono tachygraphe ne sont pas fiables et, en troisième lieu, que les relevés de la géolocalisation ne peuvent être utilisés, faute pour celle-ci d’avoir été régulièrement installée.
Sur les primes, il expose qu’elles doivent être intégrées au calcul des heures supplémentaires en ce qu’elles sont inhérentes à son activité professionnelle et, sur les indemnités kilométriques, que le détour qu’il doit faire pour aller chercher chaque matin son camion justifie une compensation.
En réponse, la société demande la confirmation du jugement attaqué.
Elle se propose de démontrer que la vitesse maximale autorisée sur cette portion précise de route départementale ne pouvait dépasser 60 km/h et que le salarié a commis les infractions au code de la route reprochées.
Elle insiste sur les antécédents disciplinaires dont aucun n’a été contesté.
Sur les primes, elle prétend que rien ne justifie leur inclusion dans le salaire de base et, sur les indemnités kilométriques, se prévaut de l’article L.3261-3 du code du travail.
MOTIVATION :
1°/ Sur le licenciement :
C’est à tort que l’employeur se prévaut des nombreux antécédents disciplinaires du salarié dès lors qu’indépendamment de l’article L.1332-5 du code du travail, aucun n’est mentionné au sein de la lettre de licenciement.
Il s’ensuit que M. [S] doit être considéré comme n’ayant jamais été sanctionné.
Il lui est reproché un défaut de maîtrise et un excès de vitesse.
Le défaut de maîtrise n’est pas contestable : M. [S] reconnaît lui-même dans ses conclusions, page 7, que les véhicules devant lui au niveau de l’intersection ayant ‘freiné brutalement au passage du feu orange, il a à son tour freiné mais pas suffisamment puisque son véhicule a heurté le véhicule léger qui le précédait’.
Conduisant un ensemble routier avec conteneur, il se devait évidemment, à l’approche d’un feu, d’adapter sa vitesse pour ne pas être surpris par le freinage légitime, au passage au feu orange, d’un automobiliste.
L’excès de vitesse est discuté : les parties s’opposent sur le poids réel de l’ensemble routier, sur la configuration de la route, dont des tronçons ne sont pas soumis aux mêmes limitations, et sur l’interprétation de l’article R.413-8 du code de la route.
La fiabilité des relevés numériques du chrono tachygraphe est également remise en cause par le salarié.
Il résulte notamment des plannings que M. [S] conduisait bien, ce jour-là, l’ensemble routier dont les relevés de vitesse sont produits.
Et, indépendamment de tout recours à la géolocalisation, il ressort de ces relevés de vitesse que M. [S] a conduit à près de 88 km/h durant quelques minutes sur la route départementale 601 avant l’accident, l’impact ayant eu lieu à la vitesse de 58 km/h.
Aucune raison technique n’impose d’écarter ces relevés issus du chrono tachygraphe.
Dans la lettre de licenciement, l’employeur précise que le salarié venait de charger un conteneur vide et qu’il se dirigeait vers une opération de chargement.
Il indique, par ailleurs, dans ses conclusions, que le poids à vide de l’ensemble routier était de 7,433 tonnes, que son poids total en charge s’élevait à 19 tonnes et que le poids total roulant autorisé était de 44 tonnes, et cela sur la base du certificat d’immatriculation
Il s’en déduit que le salarié conduisait un ensemble routier dont le poids réel était, au cours de la période incriminée, et comme celui-ci le soutient, effectivement inférieur à 12 tonnes puisqu’il est ainsi constant qu’il circulait à vide.
Mais, selon photographies, la route à deux chaussées n’était pas séparée par un terre-plein central au moment où a été enregistrée la vitesse de 88 km/h de sorte que la limitation de rouler à 80 km/h, prévue à l’article R.413-8, 2°, du code de la route, s’appliquait.
Il s’ensuit que le salarié a également commis l’excès de vitesse reproché.
Ces manquements au code de la route constituent, au regard des fonctions exercées, une cause sérieuse de licenciement en ce qu’elles ont trait à ce qui constitue la base du métier.
Mais l’absence de signalement de tout antécédent au sein de la lettre de licenciement ainsi que l’ancienneté du salarié ne justifient pas qu’une faute grave soit retenue.
Le licenciement pour faute grave sera donc disqualifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse, ce qui ouvre droit au paiement du rappel de salaire pour mise à pied conservatoire ainsi qu’au préavis et à l’indemnité de licenciement dont les montants, au regard du salaire moyen brut de 2 170,11 euros, n’apparaissent pas véritablement discutés.
Le jugement sera infirmé.
2°/ Sur les primes de réglementation et de communication :
M. [S] demande un rappel d’heures supplémentaires en incluant au sein du salaire de base les primes dites de réglementation et de communication.
Celles-ci ne peuvent entrer dans l’assiette de calcul que si elles sont inhérentes à la nature du travail fourni et en constituent une contrepartie directe.
C’est à juste titre que le salarié expose que ces primes étaient d’un montant variable de sorte qu’elles apparaissent liées à son activité régulière alors que l’employeur ne fournit, quant à lui, aucune précision sur les modalités de calcul.
Ces primes doivent donc être considérées comme rémunérant l’activité et être intégrées au calcul des heures supplémentaires.
Le tableau de rappel de salaire est convaincant, pièce n° 11.
Le jugement sera infirmé.
3°/ Sur les indemnités kilométriques :
M. [S] apparaît solliciter à la fois le paiement des frais kilométriques concernant le supplément engendré par sa prise de poste dans une ville distante de 11 kilomètres de son domicile, l’ensemble routier étant garé sur un parking qui n’est pas au siège de la société, et la rétribution du temps de trajet.
Mais, comme l’expose à juste titre l’employeur, l’article L.3261-3 du code du travail n’ouvre qu’une faculté de prise en charge des frais kilométriques et, comme l’énonce à bon droit le jugement attaqué, l’article L.3121-4 du code du travail soumet la rétribution du temps de trajet à son caractère anormal dont la preuve incombe au requérant, étant précisé que ce dernier n’exerce pas, par exemple, des fonctions de commercial itinérant.
La demande au titre des indemnités kilométriques sera donc rejetée et le jugement confirmé.
4°/ Sur les frais irrépétibles :
Il sera équitable de condamner la société, qui sera déboutée de ce chef ayant succombé, à payer à M. [S] la somme de 1 200 euros.
PAR CES MOTIFS :
La cour d’appel statuant publiquement, contradictoirement, et après en avoir délibéré conformément à la loi :
– confirme le jugement mais seulement en ce qu’il rejette la demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que celle au titre des indemnités kilométriques ;
– l’infirme pour le surplus et statuant à nouveau et y ajoutant :
* écarte toute faute grave ;
* condamne, en conséquence, au titre de la rupture, la société Mauffrey Flandres Maritime à payer à M. [S] la somme de 722,32 euros pour la mise à pied conservatoire outre congés payés afférents, celle de 4 340,22 euros pour le préavis, outre congés payés afférents ainsi que celle de 2 604 euros pour l’indemnité légale de licenciement ;
– la condamne également à payer à M. [S] la somme de 601,37 euros à titre de rappel de salaire sur l’incorporation des primes dans le règlement des heures supplémentaires, outre congés payés afférents de 60,13 euros ;
– précise que ces condamnations sont prononcées sous déduction des éventuelles cotisations applicables ;
– la condamne également à payer à M. [S] la somme de 1 200 euros à titre de frais irrépétibles ;
– rejette le surplus des prétentions ;
– condamne la société Mauffrey Flandres Maritime aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle.
LE GREFFIER
Séverine STIEVENARD
LE PRÉSIDENT
Olivier BECUWE