Géolocalisation : 31 janvier 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/04206

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Géolocalisation : 31 janvier 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/04206
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31 janvier 2023
Cour d’appel de Rennes
RG n°
22/04206

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N° 48

N° RG 22/04206 – N° Portalis DBVL-V-B7G-S5D3

E.U.R.L. AR’MOR TAXI

C/

M. [U] [F]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me EVENO

Me PICART

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 31 JANVIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre, rapporteur,

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Julie FERTIL, lors des débats, et Madame Lydie CHEVREL, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 22 Novembre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 31 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

E.U.R.L. AR’MOR TAXI, immatriculée au RCS de LORIENT sous le n°885 073 833, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités au siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Patrick EVENO de la SELARL P & A, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES

INTIMÉ :

EIRL [F] représentée par Monsieur [U] [F] ayant pour numéro SIREN 853 119 899

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Sébastien PICART de la SELARL BEAUVOIS PIERRE – PICART SEBASTIEN – BERNARD HELENE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT

FAITS ET PROCEDURE :

M. [F] exerce, à titre indépendant, une activité de taxi sous la dénomination commerciale Taxi Neptune [Localité 8], demeurant [Adresse 6] et disposant d’une autorisation de stationnement sur la commune de [Localité 8].

La société Ar’Mor Taxi, gérée par M. [S], est une société de taxi ayant son siège social au [Adresse 2], et disposant d’une autorisation de stationnement sur la commune de [Localité 10].

La société Taxi Courses, gérée par M. [D], est une société de taxi ayant son siège social à [Adresse 11], et disposant d’une autorisation de stationnement sur la commune de [Localité 7].

Estimant que les sociétés Taxi Courses et Ar’Mor Taxi avait recours à des pratiques anticoncurrentielles en se faisant référencer comme exerçant leur activité sur la commune de [Localité 8], M. [F] les a assignées en référé en interdiction sous astreinte de ces pratiques.

Par ordonnance du 16 juin 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Lorient a :

– Dit que le maintien du lieu du siège social dans le cadre de la géolocalisation des sociétés Taxi Courses et Ar’Mor Taxi est constitutif d’un trouble manifestement illicite en ce qu’il crée une confusion dans l’esprit de la clientèle laissant croire que leur activité s’exerce sur la commune de [Localité 8],

– Condamné les sociétés Taxi Courses et Ar’Mor Taxi à faire supprimer la géolocalisation de leurs sièges sociaux, et ce sur quelque support que ce soit,

– Et, ce dans un délai de 30 jours à compter de la signification de l’ordonnance, sous astreinte de 200 euros par jour de retard,

– S’est réservé le droit de liquider l’astreinte ainsi ordonnée, conformément à l’article L.131-3 du code des procédures civiles d’exécution,

– Débouté les sociétés Taxi Courses et Ar’Mor Taxi de leurs demandes, fins et conclusions,

– Condamné in solidum les sociétés Taxi Courses et Ar’Mor Taxi à payer à l’EIRL [F] une somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné in solidum les sociétés Taxi Courses et Ar’Mor Taxi aux entiers dépens de l’instance, comprenant les frais de greffe et le coût des constats d’huissier dressés les 3 septembre 2021 et 14 octobre 2021.

L’Eurl Ar’Mor Taxi a interjeté appel le 4 juillet 2022.

Les dernières conclusions de l’Eurl Ar’Mor Taxi sont en date du 2 août 2022. Les dernières conclusions de M. [F] sont en date du 1er septembre 2022.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 novembre 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS :

L’Eurl Ar’Mor Taxi demande à la cour de :

– Infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a :

– Dit que le maintien du lieu du siège social dans le cadre de la géolocalisation des sociétés Taxi Courses et Ar’Mor Taxi est constitutif d’un trouble manifestement illicite en ce qu’il crée une confusion dans l’esprit de la clientèle laissant croire que leur activité s’exerce sur la commune de [Localité 8],

– Condamné les sociétés Taxi Courses et Ar’Mor Taxi à faire supprimer la géolocalisation de leurs sièges sociaux, et ce sur quelque support que ce soit,

– Et, ce dans un délai de 30 jours à compter de la signification de l’ordonnance, sous astreinte de 200 euros par jour de retard,

– Réservé le droit de liquider l’astreinte ainsi ordonnée, conformément à l’article L.131-3 du code des procédures civiles d’exécution,

– Débouté les sociétés Taxi Courses et Ar’Mor Taxi de leurs demandes, fins et conclusions,

– Condamné in solidum les sociétés Taxi Courses et Ar’Mor Taxi à payer à l’EIRL [F] une somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné in solidum les sociétés Taxi Courses et Ar’Mor Taxi aux entiers dépens de l’instance, comprenant les frais de greffe et le coût des constats d’huissier dressés les 3 septembre 2021 et 14 octobre 2021,

Statuant de nouveau :

– Débouter M. [F] de toutes ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de la société Ar’Mor Taxi,

– Condamner M. [F] à verser à la société Ar’Mor Taxi une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée,

– Condamner M. [F] à payer la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner M. [F] aux entiers dépens.

L’Eirl [F] demande à la cour de :

– Confirmer l’ensemble des dispositions de l’ordonnance,

A titre subsidiaire :

– Condamner la société Ar’Mor Taxi a faire supprimer les mentions, et ce sur quelque support que ce soit, présentant son entreprise comme exerçant une activité de taxi sur la commune de [Localité 8] et, plus généralement, ne plus faire figurer son activité de taxi sous la rubrique géographique [Localité 8], à l’exception des informations obligatoires au titre des mentions légales, et ce dans un délai de 8 jours à compter de la notifi cation de l’arrêt à intervenir passé lequel une astreinte de 200 euros par jour de retard sera prononcée a titre définitif,

En tout état de cause :

– Condamner la société Ar’Mor Taxi à payer la somme de 5.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles en instance d’appel,

– La condamner aux entiers dépens d’appel,

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

M. [F] reproche à la société Ar’Mor Taxi un trouble manifestement illicite résultant de ce qu’elle serait référencée comme exerçant son activité à [Localité 8] alors qu’elle bénéficie d’une autorisation de stationnement à [Localité 10]. Selon M. [F], le public serait ainsi induit en erreur.

M. [F] fait valoir que le siège social de la société Ar’Mor Taxi aurait été choisi sans raison légitime et ne serait pas celui du domicile du dirigeant de la société Ar’Mor Taxi mais celui de sa mère. Il ajoute qu’en choisissant un tel siège social, la société Ar’Mor Taxi aurait cherché à profiter des algorithmes de traitement des moteurs de recherche disponibles sur internet afin d’apparaître comme étant référencée sur la commune de [Localité 8]. Cette pratique de référencement lui permettrait d’apparaître systématiquement sur une recherche « Taxi [Localité 8] » ne correspondant pas à sa commune de stationnement.

La société Ar’Mor Taxi a son siège social à [Localité 8]. Elle est libre de fixer son siège social sur cette commune et ce choix n’est pas, en soi, en contradiction avec le fait qu’elle ne dispose d’une autorisation de stationnement qu’à [Localité 10]. Le gérant de la société Ar’Mor Taxi dispose d’une attache familiale sur la commune de [Localité 8] et a fixé son siège social au domicile de sa mère qui exerce elle-même une activité commerciale à cette même adresse. Il ne s’agit donc pas d’une boîte aux lettres choisie artificiellement. La commune de [Localité 8] est en outre limitrophe de celle de [Localité 10]. Il n’est ainsi pas établi que le choix d’un siège social à [Localité 8] ait été fait dans le but de détourner les moteurs de recherche internet aux fins de tromper le public concerné.

En outre, il résulte de l’analyse SEO du site internet armortaxi.fr que le code source pris en compte par les moteurs de recherche mentionne 45 fois [Localité 9], 35 fois [Localité 10] et 31 fois [Localité 8]. Pour ce qui concerne les mots clés présents sur la page d’accueil, le mot clé [Localité 8] apparaît 17 fois, [Localité 9] 12 fois et [Localité 10] 8 fois. Sachant que la société Ar’Mor Taxi a son siège social à [Localité 8] et que sa communication doit mentionner ce siège social, la prédominance du mot [Localité 8] n’est pas significative.

Il apparaît ainsi qu’il n’est pas établi que la société Ar’Mor Taxi ait cherché à tromper les moteurs de recherche pour apparaître en priorité comme étant basée à [Localité 8].

M. [F] fait valoir que l’indication que la société Ar’Mor Taxi aurait son activité à [Localité 8] figurerait sur certains supports de communication de la société Ar’Mor Taxi.

Il résulte des procès-verbaux de constats d’huissier établis à la demande de M. [F] que sur les moteurs de recherche Google ou encore Pages Jaunes, la société Ar’Mor Taxi apparaît comme résultat de recherche avec les mots clés Taxi [Localité 8] ou Taxi courses [Localité 8]. Elle n’apparaît cependant pas systématiquement sur les recherches et lorsqu’elle apparaît, ce n’est pas comme premier résultat. Ces moteurs de recherche ne sont pas maitrisés par la société Ar-Mor Taxi et il n’est pas justifié qu’elle ait passé un contrat avec ces sites de façon à apparaître en bonne position dans les résultats de recherches visant la commune de [Localité 8].

La recherche sur le site Cylex-locale ne mentionne d’ailleurs M. [S] comme résultat avec les mots clés taxi et [Localité 8] qu’au titre des résultats de catégorie similaires et non pas comme résultat direct de la recherche.

Il n’est pas établi que l’indication de la commune de [Localité 8] figurant le résultat de la recherche sur Google mentionné copie d’écran n°15 de la pièce n°6 et sur la pièce n°17 produites devant la cour par M. [F] résulte d’un choix de la société Ar’Mor Taxi et non pas du site Google lui même. M. [F] indique en outre que la recherche figurant sur sa pièce n°17 est ancienne et il en résulte qu’il est, sur ce point, mal fondé à demander la suppression d’une mention qui n’était plus d’actualité à la date d’introduction de sa demande en justice.

Le résultat de la recherche sur le site Pages Jaunes est accompagné d’un logo de la société Ar’Mor Taxi. Le résultat est accompagné de l’adresse du siège social et d’une mention explicative commençant par « Service de taxi indépendant sur le pays de [Localité 9] (stationné à [Localité 10]) ».

Après cette mention descriptive, figure en caractères distincts la mention « Commune de stationnement : [Localité 8] ». Autant la mention descriptive et le choix du logo paraissent relever d’un choix de la société Ar’Mor Taxi, autant il n’est pas établi que la mention sur la commune de rattachement soit le fruit de l’intervention de la société Ar’Mor Taxi auprès de la société Pages Jaunes alors qu’au contraire la mention descriptive mentionne un stationnement à [Localité 10].

Le fait que la société Ar’Mor Taxi soit intervenue auprès de la société Pages Jaunes pour faire modifier la référence à un lieu de stationnement à [Localité 8] ne peut être considérer comme la reconnaissance de ce qu’elle s’était livrée à des pratiques trompeuses. Comme il a été vu supra, il n’est au contraire pas établi que cette mention ait résulté d’un choix de la société Ar’Mor Taxi.

Il résulte du site internet de la société Ar’Mor Taxi et de son compte Facebook qu’elle y précise clairement sa commune d’autorisation de stationnement, [Localité 10], et que les photographies qui y sont disponibles montrent son véhicule au lieu dit « Fort Bloqué », lieu remarquable de la commune de [Localité 10]. Une autre photographie apparaissant sur le site Pages Jaunes montre le véhicule de la société Ar’Mor Taxi devant l’aérogare de l’aéroport de [Localité 9], également situé sur la commune de [Localité 10].

Il apparaît ainsi qu’il n’est pas établi que la société Ar’Mor Taxi ait cherché à tromper le public sur la localisation de la commune sur laquelle elle dispose d’une autorisation de stationnement.

Il y a lieu d’infirmer l’ordonnance dans les limites de la saisine de la cour.

Sur le caractère abusif de la procédure :

Il n’est pas établi que M. [F] ait agi en justice dans un but autre que celui de faire valoir ses droits. La demande de paiement de dommages-intérêts formée par la société Ar’Mor Taxi au titre du caractère abusif de la procédure sera rejetée.

Sur les frais et dépens :

Il y a lieu de condamner M. [F] aux dépens d’appel et à payer à la société Ar’Mor Taxi la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant dans la limite de sa saisine :

– Infirme l’ordonnance en ce qu’elle a :

– Dit que le maintien du lieu du siège social dans le cadre de la géolocalisation de la société Ar’Mor Taxi est constitutif d’un trouble manifestement illicite en ce qu’il crée une confusion dans l’esprit de la clientèle laissant croire que son activité s’exerce sur la commune de [Localité 8],

– Condamné la société Ar’Mor Taxi à faire supprimer la géolocalisation de son siège social, et ce sur quelque support que ce soit,

– Débouté la société Ar’Mor Taxi de ses demandes, fins et conclusions,

– Condamné la société Ar’Mor Taxi à payer à l’EIRL [F] une somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné la société Ar’Mor Taxi aux entiers dépens de l’instance, comprenant les frais de greffe et le coût des constats d’huissier dressés les 3 septembre 2021 et 14 octobre 2021,

– Confirme l’ordonnance pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

– Rejette les autres demandes des parties,

– Condamne M. [F] à payer à la société Ar-Mor Taxi la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamne M. [F] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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