Géolocalisation : 30 juin 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 23/00030

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Géolocalisation : 30 juin 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 23/00030
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30 juin 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
23/00030

ARRÊT DU

30 Juin 2023

N° 921/23

N° RG 23/00030 – N° Portalis DBVT-V-B7H-UVSM

OB/AA

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Douai

en date du

06 Décembre 2022

(RG 22/00048 -section )

GROSSE :

Aux avocats

le 30 Juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANTE:

S.A.S. HORMANN FRANCE prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Loïc LE ROY, avocat au barreau de DOUAI

INTIMÉ:

M. [J] [S]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me David LACROIX, avocat au barreau de DOUAI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Olivier BECUWE

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Frédéric BURNIER

: CONSEILLER

Isabelle FACON

: CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : Angelique AZZOLINI

DÉBATS : à l’audience publique du 30 Mai 2023

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Olivier BECUWE, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 10/05/2023

EXPOSE DU LITIGE :

M. [S] a été engagé le 12 janvier 2004 par la société Hormann France (la société) en qualité d’attaché technico-commercial.

Il est salarié protégé pour avoir été élu au comité d’entreprise en février 2014 et au comité social et économique (CSE) en novembre 2018.

La société a mis en place en janvier 2022 le logiciel ‘Yellow Box’ présenté comme un outil CRM (Customer Relationship Management).

Un outil CRM est destiné à piloter l’activité commerciale d’une entreprise et à assurer la gestion des relations et interactions avec les clients.

L’employeur entend assujettir depuis janvier 2022 à l’installation de ce logiciel le remboursement de divers frais professionnels, dont ceux exposés par le salarié.

L’ayant refusé, ce dernier a saisi en référé le conseil de prud’hommes de Douai.

Par une ordonnance du 6 décembre 2022, la juridiction prud’homale a condamné la société à payer à M. [S] la somme de 5 467,98 euros au titre du remboursement des frais.

Elle a retenu, en substance, l’absence de contestation sérieuse concernant l’obligation de rembourser les frais de carburant au titre du véhicule de fonction ainsi que d’autres frais liés à l’activité syndicale et à verser l’indemnité forfaitaire prévue par ailleurs.

Le conseil de prud’hommes s’est basé sur le fait que l’employeur avait assuré sans difficultés la prise en charge de ces frais jusqu’en janvier 2022, que l’outil ‘Yellow Box’ est un outil de contrôle de l’activité des salariés qui aurait dû faire l’objet d’une consultation et que le refus de remboursement s’analyse en une sanction financière.

Par déclaration du 4 janvier 2023, la société a fait appel et sollicite, par ses conclusions d’appel, l’infirmation de l’ordonnance et le rejet des prétentions de l’intimé.

Elle soutient, pour l’essentiel, qu’elle a le droit de vérifier que les frais professionnels dont le remboursement est réclamé ont bien été engagés pour les besoins de l’activité professionnelle et dans l’intérêt de l’entreprise, que son pouvoir de direction lui permet d’imposer une procédure de remboursement de frais, que seuls 2 salariés sur les 44 qui sont concernés ont refusé l’installation du logiciel, que M. [S], en sa qualité de secrétaire du CSE, aurait pu, ce qu’il n’a pas fait, inscrire à l’ordre du jour la question du dispositif ‘Yellow Box’ et que cet outil ne constitue d’ailleurs pas un dispositif de contrôle.

Le salarié demande, en réponse, la confirmation de l’ordonnance s’en appropriant les motifs.

Il ajoute que, ne contestant pas l’obligation de rembourser les frais, l’employeur ne saurait exciper de modalités de contrôle pour s’y soustraire et insiste sur l’entrave à l’activité syndicale que constitue l’attitude de la société.

MOTIVATION :

Les frais dont le remboursement est conditionné à la soumission du salarié à l’outil ‘Yellow Box’ sont de trois ordres : des frais de carburant, des frais au titre d’une obligation de déplacement continu à l’année et des frais de déplacement liés à l’activité syndicale, et notamment au sein du CSE.

Ils ont trait à la période de janvier à novembre 2022.

Les frais de carburant se rattachent à l’avantage en nature dont bénéficie M. [S] par le biais d’un véhicule de fonction.

C’est avec pertinence que l’intimé observe qu’il est constant que ces frais lui ont été remboursés sans aucune difficulté depuis l’embauche en janvier 2004 jusqu’en décembre 2021, soit pendant près de 18 ans.

L’employeur ne justifie pas en quoi la mise en place en janvier 2022 de l’outil ‘Yellow Box’ était soudainement, et de toute évidence, devenu nécessaire pour répondre à l’obligation de prise en charge de ces frais professionnels.

M. [S] explique d’ailleurs, sans être véritablement démenti, que son véhicule de fonction, comme celui de ses collègues, est déjà équipé d’un système de géolocalisation qui donne les moyens adéquats à l’employeur pour contrôler l’adéquation entre la demande de remboursement et l’activité professionnelle.

Les frais au titre de l’obligation de déplacement continu à l’année sont, quant à eux, prévus, au titre d’une indemnité forfaire de déplacement, par la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment du 12 juillet 2006.

C’est, en conséquence, à juste titre que le salarié expose que, dans ces conditions, l’obligation à paiement de l’employeur ne peut être sérieusement discutable, comme la Cour de cassation l’a d’ailleurs déjà jugé dans une espèce comparable (Soc., 19 mai 1988, n° 87-41.602) : la société ne peut, en effet, sérieusement contester que M. [S] a, par ses fonctions, exposé des frais de déplacement dont la prise en charge est, en toute hypothèse, prévue à titre forfaitaire par la convention collective.

S’agissant des frais liés à l’activité syndicale, et plus particulièrement des mois de janvier et de mai 2022, c’est à bon droit que M. [S] soutient qu’est susceptible de constituer le délit d’entrave au fonctionnement régulier du CSE le refus de l’employeur de prendre en charge ses frais de déplacement pour s’y rendre, comme la Cour de cassation a d’ailleurs déjà pu le décider dans une autre espèce (Crim., 22 novembre 2005, n° 04-87.451).

De tels frais de déplacement sont, en leur principe, à la charge de l’employeur, lorsque la réunion est organisée à son initiative ou à la demande de la majorité des membres du comité, comme la Cour de cassation l’a consacré (Soc., 22 mai 2002, n° 99-43.990).

Le fait de conditionner leur prise en charge à l’installation d’un logiciel destiné à l’activité professionnelle est, à l’évidence, complètement inopérant.

Indépendamment du point de savoir si l’employeur a, par le comportement incriminé, infligé une sanction pécuniaire prohibée ou s’il a institué un dispositif de contrôle soumis à la consultation préalable du CSE, il ressort des développements précédents qu’en rompant, sans raison apparente, une pratique de prise en charge qui avait fait ses preuves pendant 18 ans et en s’abstenant de s’acquitter de frais dont le principe était acquis, la société est devenue débitrice de sommes dont le montant n’est pas sérieusement discutable.

Une provision est donc due au sens de l’article R.1455-7 du code du travail et a été exactement arrêtée par l’ordonnance attaquée à la somme qu’elle fixe.

L’ordonnance sera confirmée, sauf à préciser qu’il s’agit d’une provision.

En revanche, la demande en dommages-intérêts au titre d’un appel abusif formée par le salarié sera rejetée.

Les conditions de l’abus, particulièrement restrictives, n’apparaissent ici pas réunies, la contestation relevant simplement, à ce stade, du juge des référés, c’est-à-dire le juge de l’apparence, et s’appuyant sur des moyens de droit et de fait.

Mais il sera équitable d’accorder à l’intimé la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS :

la cour d’appel statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi :

– confirme l’ordonnance attaquée ;

– y ajoutant, précise que la condamnation s’entend à titre provisionnel ;

– condamne la société Hormann France à payer à M. [S] la somme de 2 000 euros à titre de frais irrépétibles d’appel ;

– rejette le surplus des prétentions ;

– la condamne aux dépens d’appel.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRESIDENT

Olivier BECUWE

 


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