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28 mars 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
23/00510
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 23/00510 – N° Portalis DBVT-V-B7H-U2LR
N° de Minute : 519
Ordonnance du mardi 28 mars 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [K] [F]
né le 25 Mars 1987 à [Localité 3] (ALGERIE)
de nationalité Algérienne
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 4]
dûment avisé, comparant en personne
assisté de Me Henry-pierre RULENCE, avocat au barreau de DOUAI, avocat commis d’office et de Mme [N] [G] interprète assermenté en langue arabe, tout au long de la procédure devant la cour,
INTIMÉ
M. LE PREFET DU NORD
dûment avisé, absent non représenté
PARTIE JOINTE
M. le procureur général près la cour d’appel de Douai : non comparant
MAGISTRAT DELEGUE : Bertrand DUEZ, conseiller à la cour d’appel de Douai désigné par ordonnance pour remplacer le premier président empêché, assisté de Jean-Luc POULAIN, greffier
DÉBATS : à l’audience publique du mardi 28 mars 2023 à 08 h 30
Les parties comparantes ayant été avisées à l’issue des débats que l’ordonnance sera rendue par mise à disposition au greffe
ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai le mardi 28 mars 2023 à
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) et spécialement les articles L 743-21, L 743-23, R 743-10, R 743-11, R 743-18 et R 743-19 ;
Vu l’ordonnance rendue le 26 mars 2023 par le Juge des libertés et de la détention de LILLE prolongeant la rétention administrative de M. [K] [F] ;
Vu l’appel interjeté par M. [K] [F], ou son Conseil, par déclaration reçue au greffe de la cour d’appel de ce siège le 27 mars 2023 ;
Vu l’audition des parties, les moyens de la déclaration d’appel et les débats de l’audience ;
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [K] [F], de nationalité algérienne s’est vu délivrer une obligation de quitter le territoire français par monsieur le Préfet du Nord le 17 juin 2022.
Disposant d’un domicile [Adresse 2] monsieur [K] [F] a fait l’objet d’une mesure d’assignation à résidence à ce domicile par arrêté de monsieur le Préfet du Nord en date du 21 février 2023 à sa sortie du Centre de Rétention Administrative.
Il ressort du procès-verbal de police du 23 mars 2023 que monsieur [K] [F] ne ses jamais présenté dans le cadre de ses obligations de pointages tri-hebdomadaires au commissariat de [Localité 6].
Interpellé le 22 mars 2023 le 22 mars 2023 devant le [Adresse 1] (59) suite à la géolocalisation d’un téléphone volé pour lequel une plainte a été déposée monsieur [K] [F] a fait l’objet d’un placement en rétention administrative ordonné par monsieur le Préfet du Nord le 24/03/2023 (16h20) pour l’exécution de la mesure d’obligation de quitter le territoire français du 17 juin 2022..
Un recours en annulation de l’arrêté de placement en rétention administrative a été déposé au visa de l’article L 741-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
‘ Vu l’article 455 du code de procédure civile
‘ Vu l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Lille en date du 26 mars 2023 (15h39) ,ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de l’appelant pour une durée de 28 jours et rejetant le recours en annulation du placement en rétention administrative.
‘ Vu la déclaration d’appel du 27/03/2023 à 15h11 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative.
Au soutien de sa déclaration d’appel monsieur [K] [F] soutient les moyens suivants:
Insuffisance de motivation et erreur de fait de l’arrêté de placement en rétention administrative en ce que l’acte incriminé ne mentionne pas que monsieur [K] [F] vit depuis quatre ans avec Mme [Y] et a le projet de se marier.
Erreur d’appréciation de l’arrêté de placement en rétention administrative en ce que monsieur [K] [F] indique disposer d’une adresse constituant une garantie de représentation.
Violation de l’article 6 de la CESDH en ce que monsieur [K] [F] indique être convoqué devant le tribunal correctionnel de Lille pour l’audience du 04 juillet 2024 et être suivi par le SPIP.
Incompétence de l’auteur de la saisine du juge des libertés et de la détention pour défaut de délégation de la signature préfectorale.
Absence de diligence de l’autorité préfectorale envers :
‘ les autorités consulaires
‘ une réservation d’un vol de retour
MOTIFS DE LA DÉCISION
1) Sur les moyens de légalité externe de l’arrêté de placement en rétention administrative
L’obligation de motivation des actes administratifs, sanctionnée au titre du contrôle de la légalité externe de l’acte, doit être existante, factuelle en rapport avec la situation de l’intéressé et non stéréotypée.
Cependant, cette motivation n’est pas tenue de reprendre l’ensemble des éléments de la personnalité ou de la situation de fait de l’intéressé dès lors qu’elle contient des motifs spécifiques à l’étrangers sur lesquels l’autorité préfectorale a appuyé sa décision.
En l’espèce l’arrêté de placement en rétention administrative est motivé en relevant que :
‘ monsieur [K] [F] s’est soustrait à une mesure d’assignation à résidence
‘ n’a entamé aucune démarche en vue de quitter le territoire national
‘ indique refuser de quitter la France et de repartir en Algérie et mentionne que ‘s’il y est obligé il reviendra vite’
Indépendamment de toute appréciation de fond, et même si les motivations ne mentionne pas la vie conjugale de monsieur [K] [F], cette motivation est suffisante en soi, le préfet n’est pas tenu de motiver sa décision sur l’ensemble des critères de personnalité de l’étranger dés lors qu’il s’appuie sur des motifs suffisants pour justifier l’inanité du recours à l’assignation à résidence.
De même l’erreur de fait fondée sur les mêmes moyens est inopérante puisqu’il n’est pas acquis que monsieur le Préfet du Nord aurait adopté une autre décision s’il avait intégré le fait que monsieur [K] [F] vivait depuis quatre ans en couple et avait l’intention de se marier dès lors que ce dernier était sous le coup d’une mesure d’obligation de quitter le territoire français du 17/06/2022 qu’il n’entendait pas exécuter.
2) Sur le moyen tiré de l’erreur d’appréciation du placement en rétention administrative
A/ Aux termes des articles L 731-1 et L 731-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’autorité administrative peut prendre une décision d’assignation à résidence à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné à l’article L 612-2,3°, qu’il se soustraie à cette obligation.
Il s’en suit que le fait de justifier disposer ‘d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale’ conforme à l’article L.612-3,8°du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile peut, au cas d’espèce, légitimement être considérée par l’autorité préfectorale comme néanmoins insuffisant pour accorder à l’étranger une assignation à résidence sur le fondement des articles précités, dés lors que d’autres éléments de fait permettent raisonnablement de considérer que l’étranger n’entend pas se conformer à l’obligation de quitter le territoire français.
En l’espèce il est constant que :
‘ monsieur [K] [F] s’est soustrait à une mesure d’assignation à résidence
‘ n’a entamé aucune démarche en vue de quitter le territoire national
‘ indique refuser de quitter la France et de repartir en Algérie et mentionne que ‘s’il y est obligé il reviendra vite’
La conjonction de ces trois éléments caractérise suffisamment le fait que le projet de vie de monsieur [K] [F] est de demeurer en France malgré une mesure d’obligation de quitter le territoire français définitive.
Dés lors, l’autorité préfectorale n’a pas commis d’erreur d’appréciation en ordonnant le placement en rétention administrative de l’intéressé.
B/ Le contrôle du respect de l’article 8 de la CEDH, accordant à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, par le juge judiciaire ne doit s’entendre qu’au regard de l’arrêté préfectoral de placement en rétention contesté et non au regard du titre d’éloignement ou du choix du pays de retour, critères de la compétence du juge administratif.
Le moyen ne doit pas être apprécié en fonction du titre d’éloignement puisque cette analyse relève exclusivement de la juridiction administrative, mais sur les seules bases du placement en rétention administrative.
Toute privation de liberté est en soi une atteinte à la vie privée et familiale de la personne qui en fait l’objet.
Cependant le seuil d’application de l’article 8 de la CEDH nécessite qu’il soit démontré une atteinte disproportionnée à ce droit, c’est à dire une atteinte trop importante et sans rapport avec l’objectif de la privation de liberté.
Les droits des étrangers en rétention prévus par les articles L 744-4 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, accordent à la personne placée en rétention un large droit de visite et de contact familiaux.
Le placement en rétention est justifié au cas d’espèce par la nécessité de s’assurer de la personne sur qui pèse une obligation de quitter le territoire et qui n’entend pas s’y conformer volontairement.
Il ne saurait donc être considéré, au cas d’espèce, que le placement en rétention administrative de monsieur [K] [F] soit constitutif d’une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l’article 8 de la CEDH.
C/ Il ressort d’un arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 06 juin 2007 que :
” si l’administration consulaire dispose en principe d’un large pouvoir discrétionnaire pour se prononcer sur les demandes de visa de court séjour dont elle est saisie, elle est toutefois tenue de réserver à ces demandes une suite favorable lorsque l’étranger doit se voir reconnaître le bénéfice des garanties résultant des articles 6 et 13 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, relatives au procès équitable et au recours effectif ” et que ” tel est le cas, en particulier, lorsque l’étranger doit comparaître personnellement, à la demande de la juridiction, à l’audience au cours de laquelle un Tribunal français doit se prononcer sur le fond d’un litige auquel l’intéressé est partie “.
(CE : 06/06/2007 N° 292076 ; 6ème et 1ère sous-sections réunies)
Il ressort de cet arrêt que l’étranger expulsé et convoqué à une audience pénale ultérieure à laquelle sa présence est obligatoire ou recommandée, dispose du droit de solliciter et d’obtenir un visa de cour séjour à cette fin.
Il s’en suit que l’exécution de l’éloignement, et le placement en rétention administrative qui en est la garantie, ne prive pas pour autant l’étranger du droit de déférer personnellement à une audience de CRPC en demandant un ‘visa cour séjour’ qui ne pourra lui être refusé.
En conséquence le placement en rétention administrative de monsieur [K] [F], ne contrevient pas aux dispositions de l’article 6 de la CEDH.
3) Sur les moyens tirés de la compétence de l’auteur de la saisine du juge des libertés et de la détention et des diligences pour organiser l’éloignement
A/ Il ressort des pièces du dossier que le signataire de la requête saisissant le juge des libertés et de la détention (Mme [J] [O]) disposait de la signature préfectorale pour la période concernée.
Il est en outre constant que, face à une délégation de compétence accordée en cas d’empêchement, la seule signature du délégataire suffit pour établir que l’autorité délégante ne pouvait pas signer
(Cass 2ème Civ 7 octobre 2004 n°03-50.042).
Le moyen est inopérant.
B/
‘ Un laissez-passer consulaire a été sollicité dès le 25/03/2023 à 11h05
‘ Une demande de routing a été requise dès le 28/03/2023 11h08
Ces diligences sont suffisantes pour justifier de la prolongation du placement en rétention administrative en l’attente de leur accomplissement.
PAR CES MOTIFS :
DÉCLARE l’appel recevable ;
CONFIRME l’ordonnance entreprise ;
DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à M. [K] [F] par l’intermédiaire du greffe du centre de rétention administrative par truchement d’un interprète en tant que de besoin, à son conseil et à l’autorité administrative ;
LAISSE les dépens à la charge de l’État.
Jean-Luc POULAIN, greffier
Bertrand DUEZ, conseiller
N° RG 23/00510 – N° Portalis DBVT-V-B7H-U2LR
REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE 519 DU 28 Mars 2023 ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l’intéressé au greffe de la cour d’appel de Douai par courriel – [Courriel 5]) :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R. 743-20 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
Pour information :
L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le 28 mars 2023
– M. [K] [F]
– interprète :
– décision transmise par courriel au centre de rétention de pour notification à M. [K] [F] le mardi 28 mars 2023
– décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DU NORD et à Maître Henry-pierre RULENCE le mardi 28 mars 2023
– décision communiquée au tribunal administratif de Lille
– décision communiquée à M. le procureur général
– copie au Juge des libertés et de la détention de LILLE
Le greffier, le mardi 28 mars 2023
N° RG 23/00510 – N° Portalis DBVT-V-B7H-U2LR