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26 octobre 2023
Cour d’appel de Rouen
RG n°
21/01509
N° RG 21/01509 – N° Portalis DBV2-V-B7F-IXUS
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 26 OCTOBRE 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE LOUVIERS du 16 Mars 2021
APPELANT :
S.A.S. TRANSPORTS GEVAUX
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
représentée par Me David ALVES DA COSTA de la SELARL DAVID ALVES DA COSTA AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Maud LEBRUN, avocat au barreau de LYON
INTERVENANTS VOLONTAIRES :
Me [U] [H], Mandataire judiciaire de la S.A.S. TRANSPORTS GEVAUX
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représenté par Me David ALVES DA COSTA de la SELARL DAVID ALVES DA COSTA AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Maud LEBRUN, avocat au barreau de LYON
Me [O] [K], Administrateur judiciaire de la S.A.S. TRANSPORTS GEVAUX
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me David ALVES DA COSTA de la SELARL DAVID ALVES DA COSTA AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Maud LEBRUN, avocat au barreau de LYON
INTIME :
Monsieur [E] [C]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Géraldine BOITIEUX, avocat au barreau de ROUEN
INTERVENANT FORCE :
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 5]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
n’ayant pas constitué avocat
régulièrement assigné par acte d’huissier en date du 02/06/2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 30 Août 2023 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame BERGERE, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. GUYOT, Greffier
DEBATS :
A l’audience publique du 30 août 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 26 octobre 2023
ARRET :
REPUTE CONTRADICTOIRE
Prononcé le 26 Octobre 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [E] [C] a été engagé par la société Transports Gevaux en qualité de conducteur groupe 7 coefficient M 150 par contrat à durée indéterminée du 28 août 2018.
Par requête du 27 mai 2020, M. [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Louviers en résiliation judiciaire de son contrat de travail, ainsi qu’en paiement de rappel de salaires et indemnités.
M. [C] a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 30 juillet 2020.
Par jugement du 16 mars 2021, le conseil de prud’hommes a :
– requalifié la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de M. [C] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– fixé le salaire moyen mensuel de M. [C] à la somme de 3 513,39 euros et condamné la société Transports Gevaux à lui payer les sommes suivantes :
indemnité de préavis : 3 513,39 euros
congés payés afférents : 351,34 euros
indemnité de licenciement : 1 466,84 euros
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 7 026,78 euros nets de CSG et CRDS
– assorti ces sommes d’intérêts au taux légal,
– ordonné la remise des bulletins de salaire et documents de fin de contrat conformes à la décision sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification de la décision, le conseil se réservant la possibilité de liquider l’astreinte,
– condamné la société Transports Gevaux à payer à M. [C] les sommes suivantes :
dommages et intérêts pour non-respect de l’amplitude horaire : 2 000 euros nets de CSG et de CRDS
dommages et intérêts pour non-respect des temps de pause : 2 000 euros nets de CSG et de CRDS
dommages et intérêts pour non-respect des repos journaliers : 2 000 euros nets de CSG et de CRDS
dommages et intérêts pour non-respect de la compensation obligatoire en repos : 81,68 euros nets de CSG et de CRDS
dommages et intérêts pour non-transmission des plannings à l’avance : 2 000 euros nets de CSG et de CRDS
indemnité de congés payés : 5 111,41 euros bruts
dommages et intérêts pour manquements graves à l’obligation de sécurité : 10 000 euros nets de CSG et de CRDS
indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile : 3 700 euros
– ordonné la remise d’une attestation précisant la classification professionnelle de M. [C] conforme au contrat de travail, groupe 7, sous astreinte de 20 euros par jour de retard à partir du 15ème jour suivant la notification de la présente décision, le conseil se réservant la possibilité de liquider l’astreinte,
– prononcé l’exécution provisoire sur les salaires,
– débouté M. [C] de ses autres demandes et la société Transports Gevaux de toutes ses demandes,
– ordonné le remboursement en application de l’article L. 1235-4 du code du travail par la société Transports Gevaux aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à M. [C] du jour de son licenciement à la date du jugement à hauteur de six mois,
– condamné la société Transports Gevaux aux entiers dépens et dit qu’à défaut d’exécution spontanée du jugement, et en cas d’exécution forcée par voie extrajudiciaire, l’intégralité des sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application de l’article10 du décret du 8 mars 2011 portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la société Transports Gevaux en plus des condamnations mises à sa charge sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Transports Gevaux a interjeté appel de cette décision le 12 avril 2021.
Par jugement du 4 janvier 2023, le Tribunal de commerce d’Annecy a prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Transports Gevaux et désigné la Selarl AJ [O] & associés administrateur et M. [U] mandataire judiciaire.
Par acte du 2 juin 2023, M. [C] a assigné le CGEA de [Localité 5], en qualité de gestionnaire de l’AGS, en intervention forcée, lequel a indiqué par courrier du 5 juin 2023 qu’il ne serait ni présent, ni représenté lors de l’audience.
Par conclusions remises le 7 juin 2023, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la société Transports Gevaux, M. [H] [U] et la Selarl AJ [O] & associés, ès qualités, demandent à la cour d’infirmer le jugement, et en conséquence, de :
– prendre acte de l’intervention volontaire de M. [U] et de la Selarl AJ [O] & associés,
– déclarer recevables les pièces numérotées 18 à 20,
– fixer la moyenne des salaires de M. [C] à la somme de 2 287,46 euros,
– débouter M. [C] de sa demande de prise d’acte de la rupture, constater sa démission et le débouter de l’intégralité de ses demandes,
– à titre reconventionnel, condamner M. [C] à lui rembourser les sommes de 4 618,10 euros au titre de salaires indus et 11 507,82 euros nets au titre d’indemnités de découchers indues, outre 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions remises le 15 juin 2023, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, M. [C] demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
requalifié la prise d’acte de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, fixé son salaire moyen mensuel à la somme de 3 513,39 euros et condamné la société Transports Gevaux à lui payer les sommes suivantes :
dommages et intérêts pour non-respect de l’amplitude horaire : 2 000euros
dommages et intérêts pour non-respect des temps de pause : 2 000 euros
dommages et intérêts pour non-respect des repos journaliers : 2 000 euros
dommages et intérêts pour non-respect de la compensation obligatoire en repos : 81,68 euros
dommages et intérêts pour non-transmission des plannings à l’avance : 2 000 euros
indemnité de congés payés : 5 111,41 euros bruts
dommages et intérêts pour manquements graves à l’obligation de sécurité : 10 000 euros
indemnité de préavis : 3 513,39 euros
congés payés afférents : 351,34 euros
indemnité de licenciement : 1 686,43 euros
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 7 026,78 euros
– ordonné la remise des bulletins de salaire modifiés tenant compte de la classification groupe 7 et de la décision à intervenir ainsi que des documents de fin de contrat sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification de la décision, le conseil se réservant la possibilité de liquider l’astreinte,
– débouté la société Transports Gevaux de ses autres demandes,
– dire que la condamnation en première instance à la somme de 3 700 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile est définitive,
– modifier la forme du jugement attaqué en ce qu’il convient désormais d’ordonner que l’ensemble de ces sommes soient inscrites au passif de la société et soient déclarées opposables au CGEA,
– infirmer le jugement rendu pour le surplus, en conséquence, déclarer irrecevables les pièces adverses 18 à 20 et les écarter des débats, écarter des débats les conclusions adverses communiquées le 20 novembre 2020 et celles soutenues en appel pour les mêmes motifs, et enfin, ordonner l’inscription au passif de la société Transports Gevaux des sommes suivantes :
rappel de salaire pour heures supplémentaires : 1 099,26 euros
congés payés afférents : 109,93 euros
rappel de salaire lié aux primes impayées : 2 980 euros
congés payés afférents : 298 euros
dommages et intérêts pour travail dissimulé : 21 080,34 euros
somme indûment prélevée sur le solde de tout compte : 1 601,87 euros
– assortir ces condamnations d’intérêt au taux légal à compter de la date de saisine de la juridiction prud’homale, avec capitalisation des intérêts,
– ordonner la communication des bulletins de salaire et documents de fin de contrat modifiés et tenant compte de l’arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par document et par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt, la cour se réservant compétence pour liquider l’astreinte,
– débouter la société Transports Gevaux de l’ensemble de ses demandes et la condamner au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 15 juin 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur la demande tendant à écarter les pièces n° 18 à 20
M. [C] explique que les pièces n°18 à 20 sont constituées de relevés de géolocalisation tendant à établir, non pas que les heures supplémentaires qu’il réclame sont injustifiées, mais qu’il aurait bénéficié d’indemnités de découchers non dues et ce, sans que l’installation du logiciel, ni a fortiori sa finalité n’aient été préalablement déclarées à la CNIL, sachant que si depuis 2018, cette déclaration n’est plus obligatoire, outre qu’il a été mis en place antérieurement, en tout état de cause, la société Transports Gevaux ne justifie pas davantage avoir respecté les nouvelles conditions légales.
Aussi, cette production constituant du traitement de données à caractère personnel dont l’utilisation est punie de peines d’emprisonnement, il considère que ces pièces ont été obtenues de manière illicite et déloyale et doivent être écartées des débats, étant enfin rappelé que l’utilisation d’un tel système ne peut être licite que si le contrôle ne peut être effectué par un autre moyen, ce qui n’est pas le cas en l’espèce dès lors qu’il existe les relevés chronotachygraphiques.
En réponse, la société Transports Gevaux explique que le logiciel Dynafleet a pour objet de connaître le suivi du carburant, sans pouvoir en aucun cas permettre le contrôle de la durée de travail puisque les seules informations recueillies sont celles déclenchées par l’événement ‘fin de session’, soit l’heure et le lieu de repos avec indication du kilométrage et du carburant, aussi n’y avait-t-il pas lieu à déclaration à la CNIL, sachant qu’en tout état de cause, M. [C] a été engagé après que cette déclaration obligatoire ait été abrogée en mai 2018 et qu’il était parfaitement informé de l’existence de ce logiciel comme en témoignent les sms échangés, ce qui limite l’atteinte à sa vie privée.
En tout état de cause, à supposer que la cour considère ce relevé illicite, elle rappelle que le juge doit désormais rechercher, en cas d’illicéité d’un moyen de preuve, si l’atteinte portée à la vie personnelle du salarié est justifiée au regard du droit à la preuve, étant noté que c’est le seul relevé qui pouvait permettre de mettre à jour les fausses déclarations de M. [C] quant à ses demandes d’indemnités de découchers pour lesquelles il indiquait un lieu de repos inexact puisqu’il rentrait en réalité à son domicile avec le camion mis à sa disposition, et ce, en considérant ce temps comme du temps de travail, ce qui ne pouvait en aucun cas être détecté par la remise des disques chronotachygraphiques.
Il résulte des articles 6 et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de l’article 9 du code de procédure civile et de l’article 9 du code civil que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.
A titre liminaire, il doit être relevé que la pièce n° 19 correspond aux feuilles de semaine que M. [C] remettait à la société Transports Gevaux aux fins de solliciter les indemnités de repas et de découchers, sur lesquelles étaient en conséquence mentionnés les trajets effectués avec indication des lieux de départ et d’arrivée, aussi, sa production en justice ne présente aucun caractère illicite, étant surabondamment précisé que M. [C] les verse également aux débats en pièce n° 5.
De même, la pièce n° 20 ne correspond aucunement à une donnée de géolocalisation mais n’est que la copie de sms échangés entre M. [C] et M. Gevaux quant à la transmission des identifiant et mot de passe relatifs à ce logiciel, aussi, ne présente-t-elle aucun caractère illicite.
Il convient donc de rejeter les demandes de M. [C] tendant à voir ces deux pièces écartées.
En ce qui concerne la pièce n° 18, laquelle correspond aux données extraites du logiciel Dynafleet, il en ressort, jour par jour, le kilométrage apparaissant au compteur en fin de journée, le nombre de litres de carburant utilisé, le niveau du carburant, ainsi que l’heure de fin de journée et l’emplacement du véhicule à ce moment-là, ce qui permet de s’assurer que ce logiciel utilisait la géolocalisation.
Selon l’article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
A cet égard, si l’utilisation d’un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, et n’est en tout état de cause pas justifiée pour localiser le conducteur en dehors du temps de travail, en l’espèce, l’ensemble des données recueillies porte sur le temps de travail tel que déclaré par M. [C] et, comme l’indique la société Transports Gevaux, il ne s’agissait pas de contrôler la durée du temps de travail de M. [C], laquelle l’était par le biais des relevés chronotachygraphiques d’ailleurs versés aux débats.
Pour autant, alors qu’il n’est pas contesté que ce logiciel a été mis en place antérieurement à 2018, aucune déclaration à la CNIL, pourtant alors obligatoire, n’a été effectuée, étant au surplus relevé, à supposer que soit prise en compte la date d’embauche de M. [C] en août 2018, qu’il ne peut être considéré que l’échange de sms produit aux débats constitue l’information devant être délivré au salarié, à défaut de pouvoir s’assurer de manière certaine que les données auxquelles M. [C] avait accès lui permettait de savoir qu’il était géolocalisé.
Il convient en conséquence de retenir le caractère illicite des données ainsi recueillies et produites aux débats.
Néanmoins, et alors que la production de ce document, qui n’a permis la géolocalisation de M. [C] que sur des temps déclarés en temps de travail, est le seul moyen pour la société Transports Gevaux de démontrer que les heures supplémentaires n’étaient pas nécessairement dues ou que le non-respect des repos journaliers ou amplitudes horaires n’étaient pas de son fait, ce qu’elle ne peut démontrer par la seule production des relevés chronotachygraphiques qui n’apportent pour seule information que la durée des temps de conduite et de travail sans pouvoir s’assurer qu’ils sont réalisés à la demande de l’employeur, il convient malgré le caractère illicite de la preuve ainsi produite de la déclarer recevable en ce que l’atteinte à la vie personnelle de M. [C] est proportionnée par rapport au droit à la preuve.
Il convient en conséquence de rejeter les demandes de M. [C] tendant à voir écartées des débats les pièces n°18 à 20, ainsi que les conclusions déposées par la société Transports Gevaux en cause d’appel, M. [C] expliquant, sans autres précisions, que sa demande repose sur le même fondement.
2. Sur la demande de rappel d’heures supplémentaires
M. [C] sollicite le paiement d’heures supplémentaires pour les mois de septembre et octobre 2018 ainsi que pour les mois d’avril, juillet et octobre 2019 durant lesquels il a dépassé le forfait de 200 heures contractuellement prévu, demande à laquelle s’oppose la société Gevaux en faisant valoir qu’il n’en a jamais réclamées durant la relation de travail, qu’il ne produit qu’un décompte manuscrit pour les mois de septembre et octobre 2018 et enfin qu’il ne respectait pas ses engagements contractuels dans la mesure où, alors qu’en sa qualité de ‘grand routier’, il avait connaissance des découchers auxquels il serait tenu, il n’a pas hésité à en solliciter en indiquant faussement un lieu de repos hors de son domicile alors qu’en réalité il rentrait chez lui et facturait ainsi à la société, et des découchers, et des heures qu’il n’aurait pas dû réaliser.
Aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte des articles L. 3171-2 à L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
A l’appui de sa demande, M. [C] réclame 16,9 heures supplémentaires pour le mois de septembre 2018, 18 heures pour le mois d’octobre 2018, 9,95 heures pour le mois d’avril 2019, 14,23 heures pour le mois de juillet 2019 et enfin 11,23 heures pour les mois d’octobre 2019 et produit pour étayer sa demande les relevés chronotachygraphiques correspondant, y compris pour l’année 2018, ce qui constitue des éléments particulièrement précis pour permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures, d’y répondre utilement.
Pour ce faire, la société Transports Gevaux produit pour les mois d’avril, juillet et octobre 2019 les relevés ressortant du logiciel Dynafleet, lesquels permettent de constater une incohérence entre la ville d’arrivée mentionnée sur les demandes de découchers et la ville dans laquelle M. [C] a effectivement déposé son camion le temps du repos, à savoir son domicile ou celui de sa compagne.
Aussi, et alors que pour de nombreuses journées, l’heure de fin est la même, à une minute près, sur le relevé chronotachygraphique et sur le relevé du logiciel Dynafleet, il s’ensuit que M. [C] a accompli des heures supplémentaires correspondant en réalité aux heures de trajet effectuées entre le lieu où il était censé dormir et son domicile, ce qui ne saurait être considéré comme une heure de travail accomplie à la demande de l’employeur.
Il s’ensuit qu’il ne peut être retenu aucune heure supplémentaire pour les mois d’avril, juillet et octobre 2019.
Au contraire, la société Transports Gevaux ne produit aucun élément tendant à remettre en cause les heures de travail réalisées durant les mois de septembre et octobre 2018 et il convient en conséquence d’accorder à M. [C] la somme de 551,92 euros, outre les congés payés afférents pour 55,19 euros, ses calculs n’étant pas en soi remis en cause.
3. Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé
Aux termes de l’article L. 8221-5 du Code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur : 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ; 2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli (…).
Selon l’article L. 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
En l’espèce, au regard du faible nombre d’heures supplémentaires impayées et alors qu’avait été instauré un système de forfait mensuel à 200 heures qui n’était pas atteint de manière systématique, et ce, sur de nombreux mois, compensant ainsi les heures supplémentaires réalisées certains mois au-delà de 200 heures, il n’est pas suffisamment établi la volonté de dissimuler le nombre d’heures effectivement accomplies et il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [C] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé.
4. Sur la demande de remboursement de la somme de 4 618,10 euros présentée par la société Transports Gevaux
Si la société Transports Gevaux explique que M. [C] a perçu des salaires plus importants que les heures de travail réalisées et sollicite à ce titre la somme de 4 618,10 euros bruts à titre de rappel de salaire, il résulte de l’analyse du tableau produit à l’appui de cette demande en pièce 15, couplée aux bulletins de salaire, qu’il est en réalité réclamé un remboursement partiel des sommes versées au titre des indemnités de repas et déplacements nationaux, ce qui fait double emploi avec la demande de remboursement de la somme de 11 507,82 euros.
Bien plus, la somme ainsi calculée ne correspond pas à une demande de rappel de salaire, aussi, convient-il de débouter la société Transports Gevaux de cette demande, étant précisé qu’il n’est par ailleurs pas produit le moindre décompte des sommes éventuellement indûment perçues au titre des heures effectuées entre le dernier lieu de livraison et le domicile.
5. Sur la demande de remboursement de la somme de 11 507,82 euros présentée par la société Transports Gevaux
La société Transports Gevaux indique que M. [C] a perçu indûment entre janvier 2019 et mars 2020 inclus la somme de 11 507,82 euros nets au titre des indemnités de découchers alors qu’en réalité il rentrait à son domicile avec le camion de la société.
Alors que cette somme correspond à la totalité des indemnités de repas et de découchers perçues par M. [C] durant cette période, il ressort des données issues du logiciel Dynafleet que certaines d’entre elles étaient justifiées, tout particulièrement pour les mois de février et mars 2020 lors desquels aucune indemnité indue n’apparaît.
Ainsi, il résulte de l’analyse croisée des demandes d’indemnités présentées par M. [C], des bulletins de salaire et des données issues du logiciel Dynafleet que M. [C] a déclaré 43 découchers injustifiés de janvier à avril 2019 inclus, lesquels étaient indemnisés à hauteur de 55,92 euros et 111 de mai 2019 à janvier 2020 inclus, lesquels étaient indemnisés à hauteur de 56,94 euros, soit une somme perçue indûment par M. [C] de 8 724,90 euros qu’il doit être condamné à rembourser à la société Transports Gevaux, étant précisé qu’à défaut de toute autre indication plus étayée par la société Transports Gevaux, aucune indemnité de repas ne peut être considérée comme indûment perçue par M. [C].
6. Sur le non-respect des amplitudes horaires, temps de pause et repos journaliers
Rappelant que l’amplitude journalière maximale est de 13 heures, que le temps de repos journalier est de 11 heures et que les temps de pause varient de 30 à 45 minutes en fonction du temps de travail, M. [C] constate qu’il résulte des relevés chronotachygraphiques que ces temps n’étaient pas respectés, ce qui l’a épuisé physiquement et mentalement, sans que la société Transports Gevaux puisse sérieusement invoquer le fait qu’il travaillait pour la société XPO dès lors qu’elle était son employeur et qu’en soutenant qu’il était mis à disposition de cette société alors qu’elle ne justifie d’aucune des conditions légales le permettant, elle admet avoir eu recours à du prêt de main-d’oeuvre illicite, ce qui lui cause un préjudice complémentaire.
En réponse, la société Transports Gevaux rappelle que M. [C] a comptabilisé des heures qui n’auraient pas dû l’être et ce, en trompant son employeur, aussi, conclut-elle au débouté de l’ensemble des demandes de M. [C] au titre des dépassements d’amplitude horaire, du non-respect des temps de pause et temps de repos, et ce, d’autant qu’elle a toujours exigé qu’il respecte ces temps, de même qu’elle l’a exigé de la société XPO qui était en charge du pouvoir de direction et de contrôle de M. [C] qui était placé chez elle.
Si en vertu de l’article L. 8242-2 du code du travail, les opérations de prêt de main-d’oeuvre à but non lucratif sont autorisées, une telle opération requiert l’accord du salarié concerné, une convention de mise à disposition entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice qui en définit la durée et mentionne l’identité et la qualification du salarié concerné, ainsi que le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l’entreprise utilisatrice par l’entreprise prêteuse et enfin, un avenant au contrat de travail, signé par le salarié, précisant le travail confié dans l’entreprise utilisatrice, les horaires et le lieu d’exécution du travail, ainsi que les caractéristiques particulières du poste de travail.
Alors qu’en l’espèce, il n’est justifié ni d’une convention liant la société XPO et la société Transports Gevaux, ni d’un avenant au contrat de travail de M. [C], la société Transports Gevaux ne peut invoquer un quelconque transfert de son pouvoir de direction et de sanction à la société XPO, étant précisé qu’elle se contente de viser des échanges de mails, de sms ou de courriers tendant à clarifier les responsabilités de chacun sans expliciter dans quel cadre juridique un tel transfert de son pouvoir de direction aurait pu intervenir.
Aussi, c’est à juste titre que M. [C] a engagé son action en manquements relatifs aux temps de travail à l’égard de la société Transports Gevaux, seule responsable de leur respect.
Or, il ressort des relevés chronotachygraphiques qu’il était chaque mois commis des infractions au temps de travail, soit par une amplitude horaire dépassée, soit par des temps de repos journalier ou temps de pause insuffisants.
S’il est exact qu’un certain nombre d’infractions sont en lien avec l’initiative prise par M. [C] de rentrer à son domicile à l’insu de son employeur alors qu’il aurait dû cesser sa journée de travail sur son dernier lieu de livraison, il n’en est cependant pas apporté la preuve pour l’année 2018 et les mois de février et mars 2020 ne sont pas concernés par cette fraude.
Par ailleurs, et s’il est exact qu’un certain nombre d’heures indues ont ainsi été calculées comme du temps de conduite par M. [C], la comparaison des disques chronotachygraphiques et des heures d’arrivée au lieu de repos telles que ressortant du logiciel Dynafleet démontre que M. [C] ne s’est pas systématiquement placé en temps de conduite à l’occasion de ses retours à domicile, ce qui permet de retenir des manquements avérés de la part de la société Transports Gevaux en lien avec la charge de travail de M. [C], comme en témoignent les sms produits aux débats.
Aussi, au vu de ces éléments, tout en tenant compte des retours de M. [C] à son domicile à l’insu de son employeur, lesquels ont concouru à la fatigue et au risque d’accident qu’il invoque, il convient, alors que M. [C] justifie d’un certificat médical d’arrêt de travail pour dépression du 24 avril 2020 et du risque réel lié à la fatigue, de lui allouer les sommes de 1 000 euros pour le non-respect des temps de pause, 1 000 euros pour le dépassement de l’amplitude horaire et 1 000 euros pour le non-respect du repos journalier, la cour infirmant ainsi le jugement entrepris sur les montants accordés.
7. Sur la demande au titre du non-respect de la compensation obligatoire en repos trimestrielle
Selon l’article D. 3312-45 du code des transports, la durée de travail, dénommée temps de service, correspondant à la durée légale du travail ou réputée équivalente à celle-ci en application de l’article L. 3121-13 du code du travail, est fixée à quarante-trois heures par semaine, soit cinq cent cinquante-neuf heures par trimestre dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l’article D. 3312-41, pour les personnels roulants “grands routiers” ou “longue distance”.
Par ailleurs, selon l’article R. 3312-48, les heures supplémentaires ouvrent droit à une compensation obligatoire en repos trimestrielle dont la durée est égale à :
1° Une journée à partir de la quarante-et-unième heure et jusqu’à la soixante-dix- neuvième heure supplémentaire par trimestre ;
2° Une journée et demie à partir de la quatre-vingtième heure et jusqu’à la cent-huitième heure supplémentaire par trimestre ;
3° Deux journées et demie au-delà de la cent-huitième heure supplémentaire par trimestre.
Cette compensation obligatoire en repos doit être prise dans un délai maximum de trois mois suivant l’ouverture du droit. Une convention ou un accord collectif étendu ou un accord d’entreprise ou d’établissement peut fixer un délai supérieur, dans la limite de six mois.
Alors que M. [C] sollicite une journée de contrepartie obligatoire en repos pour avoir effectué 634,61 heures au troisième trimestre 2019, soit 76 heures au-delà des 558 heures trimestrielles, compte tenu des heures prises en compte pour revenir à son domicile à l’insu de son employeur, il n’a en réalité pas effectué plus de 40 heures supplémentaires sur le dernier semestre 2019 et il convient de le débouter de cette demande, infirmant sur ce point le jugement.
8. Sur la demande de dommages et intérêts pour absence de communication des plannings à l’avance
M. [C] indique qu’il était à disposition permanente de son employeur, qu’il n’avait jamais communication des plannings à l’avance et devait être prêt à partir à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit comme en témoignent les mails qu’il produit, citant un exemple en décembre 2018.
En réponse, la société Transports Gevaux fait valoir que la demande, outre qu’elle ne comporte aucun fondement juridique, est particulièrement imprécise.
Alors que M. [C] n’invoque aucun fondement juridique à sa demande et qu’il résulte des relevés chronotachygraphiques qu’il bénéficiait de l’ensemble de ses week-ends, travaillant du lundi au vendredi, la seule carence établie de la part de la société Transports Gevaux consiste en une modification d’une semaine de congés posée fin décembre 2018-début janvier 2019, laquelle a effectivement été remise en cause après avoir été accordée même si des arrangements ont été trouvés.
Il convient en conséquence d’allouer à M. [C] la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts.
9. Sur la demande de paiement de primes
M. [C] explique qu’il était prévu qu’il perçoive deux primes, à savoir une prime de non accrochage d’un montant mensuel de 120 euros et une prime de conduite économique de 30 à 100 euros, lesquelles lui ont été versées les premiers mois puis ont cessé de l’être à compter de février 2019.
En réponse, la société Transports Gevaux fait valoir que ces primes n’ont jamais été contractualisées, pas plus qu’elles ne constituaient un usage, étant au surplus relevé que M. [C] ne démontre ni l’absence d’accrochage, ni le respect d’une conduite économique.
En l’espèce, si aucune disposition du contrat de travail de M. [C] ne fait mention de ces deux primes et que les conditions d’un usage ne sont pas réunies à défaut de tout élément quant à la généralité de ce versement, il ressort néanmoins des bulletins de salaire de M. [C] qu’il les a effectivement perçues régulièrement à compter de son embauche et jusqu’en janvier 2019 inclus, et ce pour un montant mensuel de 120 euros pour la prime de non accrochage et de 30 à 100 euros mensuels pour la prime de conduite économique.
Aussi, et alors que ce versement durant cinq mois s’apparente à un engagement unilatéral de l’employeur de les accorder, il convient d’infirmer le jugement et de condamner la société Transports Gevaux à payer ces primes, sauf à cette dernière à justifier d’accrochages ou de conduite non économique, ce qu’elle ne fait que pour juillet 2019 durant lequel il est justifié d’une crevaison permettant d’exclure la prime de non accrochage.
Ainsi, il convient d’accorder à M. [C] la somme de 1 560 euros au titre de la prime de non accrochage pour la période de février 2019 à mars 2020 inclus, seul le mois de juillet n’étant pas concerné par le versement de la prime, et la somme de 1 400 euros au titre de la prime de conduite économique, soit un total de 2 960 euros, outre 296 euros au titre des congés payés afférents.
10. Sur le non-respect de la législation relative aux congés payés
M. [C] indique que, si à la lecture de ses bulletins de salaire, il apparaît qu’il a bénéficié de congés en janvier, novembre et décembre 2019, en réalité le nombre de jours mentionnés est erroné, de même que la base de calcul qui ne comprend ni les heures supplémentaires, ni les indemnités, étant au surplus noté que l’employeur a remis les compteurs à zéro en juin 2019.
En réponse, la société Transports Gevaux considère qu’au regard des fausses déclarations de M. [C] quant aux découchers, la fraude corrompant tout, il doit être débouté de cette demande, étant en tout état de cause relevé que les périodes d’arrêt-maladie ne doivent pas être prises en compte pour le calcul de congés payés dus, pas plus que la base de calcul ne doit tenir compte des indemnités de déplacement dès lors qu’elles ne sont pas la contrepartie du travail.
Il résulte de la lecture des bulletins de salaire que, contrairement à ce que soutient M. [C], l’ensemble des congés payés acquis et non pris au titre de l’année 2018-2019 ont été reportés sur l’année suivante, la carence du bulletin du mois de juin ayant été réparée sur le bulletin de salaire de juillet qui mentionne tant les congés acquis sur l’année N-1 que les congés en cours d’acquisition.
Par ailleurs, le nombre de jours de congés pris a été justement calculé dès lors qu’il sont décomptés en jours ouvrés et non en jours ouvrables, tout comme les congés payés acquis et que sur la semaine du 4 au 11 novembre, M. [C] a bien bénéficié d’une semaine complète de congés dès lors que le 11 novembre était le lundi suivant cette semaine et que les 50 minutes travaillées le 7 novembre ont été pris en compte puisqu’il n’a été décompté que 5,5 jours ouvrés.
En outre, la base de calcul du salaire de référence servant au paiement des congés payés est correcte dès lors qu’il a été pris en compte l’ensemble des salaires, y compris heures supplémentaires, versés à M. [C], sans que les indemnités qui ont vocation à rembourser les frais engagés n’aient à y être intégrées.
Enfin, comme justement relevé par la société Transports Gevaux, les arrêts maladie non professionnelle n’ouvrent pas droit à congés payés.
Au vu de ces éléments, et après rectification d’une erreur apparaissant sur le bulletin de salaire de janvier 2020 qui mentionne 10,5 jours de congés payés restant dus pour l’année N-1 alors qu’il n’en restait que 8 comme cela résulte du bulletin de salaire de décembre 2019, il restait dû à M. [C] 33 jours de congés payés lors de la rupture de son contrat de travail, soit sur la base d’une journée de 7,38 heures au taux de 11,1886, il lui était dû 2 726,35 euros.
Aussi, la société Transports Gevaux ne lui ayant versé lors du solde de tout compte que la somme de 2 461,52 euros, il convient de lui allouer à ce titre 264,83 euros.
11. Sur le manquement à l’obligation de sécurité
M. [C] soutient que la société Transports Gevaux a manqué à son obligation de sécurité tant au regard des dépassements réguliers des durées maximales de travail, et ce, en l’exposant à un danger immédiat compte tenu du risque d’accident grave résultant de sa fatigue, qu’au regard de l’absence de prise en considération des mesures sanitaires nécessaires liées à la pandémie de Covid 19.
A cet égard, il relève qu’il a dû poursuivre son activité sans masque, ni gel hydro-alcoolique et ce, sans que l’employeur puisse sérieusement se dédouaner de ces manquements en expliquant qu’il lui appartenait d’acheter ces protections grâce à la carte bleue mise à sa disposition, pas plus que l’inspection du travail n’a validé les mesures de protection mises en place puisqu’au contraire, il est même reconnu par la société Transports Gevaux qu’il a au moins durant quatre jours était exposé au risque sanitaire, étant encore noté que durant cette période, il n’a eu accès ni aux sanitaires, ni aux restaurants.
En réponse, rappelant l’effort national auquel ont participé les sociétés de transport durant la pandémie de covid 19, la société Transports Gevaux note que M. [C] se contente d’invoquer des manquements sans même être en capacité de les nommer, les invoquant en termes génériques, sachant qu’il n’a subi aucun préjudice, son arrêt de travail du 27 mars ayant été délivré pour maux de dos.
Selon l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d’information et de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
Si M. [C] invoque des manquements de la société Transports Gevaux dans la mise en oeuvre de mesures de protection à l’occasion de la pandémie de Covid 19, il n’évoque cependant aucun fait précis l’ayant conduit à se trouver directement confronté à une situation risquée, étant noté que dès le 23 avril 2020, la société Transports Gevaux transmettait à l’inspectrice du travail la liste des mesures prises, à savoir équipement des chauffeurs en gants et lotion hydroalcoolique, expliquant à cet égard qu’il lui en restait encore 6 litres en stock et qu’il en attendait 24 litres, de même qu’il avait encore 25 boîtes de gants en stock et attendait 2 800 masques, ce qui permet de s’assurer, à défaut de tout procès-verbal de difficulté, que la société Transports Gevaux a dès le début de la pandémie fait le nécessaire pour offrir la meilleure protection possible à ses chauffeurs.
Par ailleurs, la société Transports Gevaux ne peut être tenue pour responsable de la fermeture des restaurants et sanitaires, laquelle s’imposait à elle comme au reste de la population, sachant que son gérant a interpellé dès le début du confinement une députée afin qu’elle se fasse le porte-parole des chauffeurs routiers confrontés aux fermetures de sanitaires, peu important qu’il l’ait fait en tant qu’élu, d’autant qu’il y mentionnait également sa qualité de gérant de la société.
Aussi, outre que M. [C], arrêté pour dépression à compter du 24 avril 2020 et ce, jusqu’à la prise d’acte de la rupture, ne justifie d’aucun préjudice en lien avec une carence liée à la gestion de la pandémie de Covid 19, il apparaît que la société Transports Gevaux a mis en oeuvre les mesures qui s’imposaient à elle et sur lesquelles elle pouvait agir, aussi, ne peut-il être retenu aucun manquement à cet égard.
Pour le surplus, les manquements relatifs au non-respect des temps réglementaires de repos sont, certes, constitutifs d’un manquement à l’obligation de sécurité mais ont déjà été indemnisés, et aucun préjudice distinct n’est justifié, celui résultant du risque lié à la fatigue et aux accidents en découlant ayant déjà été pris en compte, aussi, il convient de débouter M. [C] de cette demande.
12. Sur la prise d’acte de la rupture
La prise d’acte est un mode de rupture du contrat de travail par lequel le salarié met un terme à son contrat en se fondant sur des manquements qu’il impute à l’employeur et il appartient au salarié qui a pris acte de la rupture de justifier de manquements graves de l’employeur rendant impossible la poursuite du contrat de travail afin que cette prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à défaut la prise d’acte s’analyse en une démission.
Au regard des développements précédents qui démontrent le non-paiement de primes mais aussi l’existence d’infractions régulières à la législation sur le temps de travail, lesquelles ont perduré en février et mars 2020 alors même qu’il n’est pas justifié de fausses déclarations sur cette période, et ce, alors que la société Transports Gevaux avait connaissance d’une charge de travail excessive, il convient de retenir qu’il s’agissait de manquements empêchant la poursuite du contrat de travail, d’autant que M. [C] a été placé en arrêt-maladie pour dépression, et en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Néanmoins, s’agissant des sommes réclamées à ce titre, alors que M. [C] a pris pour base de calcul la moyenne de ses salaires auxquels il a ajouté les indemnités de repas et de découchers alors qu’ils ont pour objet le remboursement de frais, il convient de retenir la moyenne des salaires des douze derniers mois telle que proposée par la société Transports Gevaux, plus favorable que celle des trois derniers mois, sauf à ajouter les primes précédemment accordées, soit 2 507,46 euros.
Dès lors, et alors que M. [C] avait une ancienneté de moins de deux ans au moment de la notification de la prise d’acte de la rupture et sollicite en conséquence une indemnité de préavis à hauteur d’un mois, il convient de lui allouer la somme de 2 507,46 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 250,75 euros au titre des congés payés afférents.
Par ailleurs, il convient de lui allouer la somme de 1 203,58 euros à titre d’indemnité de licenciement en reprenant son calcul, non critiqué sauf à modifier le salaire moyen retenu.
Enfin, conformément à l’article L. 1235-3 du code du travail qui prévoit une indemnisation comprise entre un et deux mois pour une ancienneté inférieure à deux années complètes,à défaut de toute pièce sur sa situation professionnelle postérieurement au licenciement, il y a lieu de lui allouer la somme de 3 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
13. Sur le remboursement des indemnités chômage
Conformément à l’article L 1235-5 du code du travail, il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a ordonné à la société Transports Gevaux de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à M. [C] du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de six mois dès lors que ce dernier ne comptait pas deux ans d’ancienneté au moment de la notification de la prise d’acte de sa rupture.
14. Sur la demande de remboursement des sommes prélevées sur le solde de tout compte
M. [C] conteste qu’il lui ait été retiré sur son reçu de solde de tout compte les sommes de 1 000 euros au titre d’un trop-perçu sur frais et de 601,87 euros au titre des cotisations.
A défaut pour la société Transports Gevaux d’apporter la moindre explication quant aux sommes ainsi soustraites sur les sommes dues à M. [C] lors de la rupture du contrat de travail, il convient d’allouer ces sommes à M. [C].
15. Sur les intérêts
Les sommes allouées en première instance et en appel à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du jugement de première instance pour les dispositions confirmées et du présent arrêt pour les dispositions prononcées.
Les intérêts échus des sommes dues à M. [C] produiront intérêts, dés lors qu’ils seront dus au moins pour une année entière à compter de l’arrêt, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.
La cour rappelle néanmoins que le jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que tous intérêts de retard et majorations.
16. Sur la garantie de l’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 5]
Compte tenu de la nature des sommes allouées, l’AGS CGEA doit sa garantie dans les termes des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, à défaut de fonds disponibles.
17. Sur la demande de modification et de remise des bulletins de salaire et documents de fin de contrat
Alors que M. [C] a été embauché sous la qualification ouvrier groupe 7 coefficient 150M, il est noté groupe 6 sur ses bulletins de salaire, ce qui justifie qu’il lui soit remis une attestation précisant cette classification groupe 7 pour l’ensemble de la relation contractuelle, de même qu’il doit lui être remis un bulletin de salaire récapitulatif et des documents de fin de contrat conformes aux condamnations prononcées par la présente décision, et ce, sous astreinte de 15 euros par jour de retard un mois après la signification de la décision, et ce, dans la limite de six mois, la cour se réservant le pouvoir de liquider l’astreinte.
18. Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la société Transports Gevaux aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros sur ce même fondement, laquelle somme comprend tant les frais engagés en première instance qu’en appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe réputé contradictoire,
Dit n’y avoir lieu à écarter les pièces n° 18 à 20 versées aux débats par la SAS Transports Gevaux, ni les conclusions déposées par elle ;
Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf sur les dépens, en ce qu’il a requalifié la prise d’acte de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, débouté M. [C] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé, débouté la SAS Transports Gevaux de sa demande de remboursement d’une somme de 4 618,10 euros et lui a ordonné de remettre à M. [C] une attestation précisant sa classification professionnelle, à savoir, groupe 7 ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Fixe au passif du redressement judiciaire de la SAS Transports Gevaux la créance de M. [E] [C] aux sommes suivantes :
rappel d’heures supplémentaires : 551,92 euros
congés payés afférents : 55,19 euros
rappel de primes : 2 960,00 euros
congés payés afférents : 296,00 euros
somme indûment prélevée sur le solde de
tout compte : 1 601,87 euros
dommages et intérêts pour non-respect de
l’amplitude horaire : 1 000,00 euros
dommages et intérêts pour non-respect des
temps de pause : 1 000,00 euros
dommages et intérêts pour non-respect des
repos journaliers : 1 000,00 euros
dommages et intérêts pour non-transmission
des plannings à l’avance : 300,00 euros
indemnité de congés payés : 264,83 euros bruts
indemnité de préavis : 2 507,46 euros
congés payés afférents : 250,75 euros
indemnité de licenciement : 1 203,58 euros
dommages et intérêts pour licenciement sans
cause réelle et sérieuse : 3 500,00 euros
Déboute M. [E] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la compensation obligatoire en repos et pour manquement à l’obligation de sécurité ;
Dit n’y avoir lieu au remboursement à Pôle emploi des indemnités chômage versées à M. [E] [C] ;
Dit que les sommes allouées en première instance et en appel à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du jugement de première instance pour les dispositions confirmées et du présent arrêt pour les dispositions prononcées ;
Dit que les intérêts échus des sommes dues à M. [E] [C] produiront intérêts, dés lors qu’ils seront dus au moins pour une année entière à compter de l’arrêt ;
Rappelle néanmoins que le jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que tous intérêts de retard et majorations ;
Déclare l’UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 5] tenue à garantie pour ces sommes dans les termes des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, en l’absence de fonds disponibles ;
Condamne M. [E] [C] à rembourser à la SAS Transports Gevaux la somme de 8 724,90 euros à titre d’indemnités de découchers indues ;
Ordonne à M. [U] et à la SELARL AJ [O] & associés de remettre à M. [E] [C] un bulletin de salaire récapitulatif et des documents de fin de contrat conformes aux condamnations prononcées par la présente décision ;
Dit que les documents devront être remis sous astreinte de 15 euros par jour de retard un mois après la signification de la décision, et ce, dans la limite de six mois ;
Dit que la cour se réserve le droit de liquider l’astreinte ;
Condamne la SAS Transports Gevaux aux entiers dépens ;
Condamne la SAS Transports Gevaux à payer à M. [E] [C] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la SAS Transports Gevaux de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente