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14 septembre 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/09471
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 2
ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2023
(n° , 13 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/09471 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGVIR
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 avril 2022 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 21/01004
APPELANT
Monsieur [Z] [U]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représenté par Me Christophe LEGUEVAQUES, avocat au barreau de PARIS, toque: B0494
INTIMÉES
S.A.S. UBER EATS FRANCE
[Adresse 3]
[Localité 4]
Société UBER PORTIER B.V
[Adresse 6]
[Localité 1] – PAYS BAS
Toutes deux représentées par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 84 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Paule ALZEARI, présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Marie-Paule ALZEARI, présidente
Christine LAGARDE, conseillère
Didier MALINOSKY, Magistrat Honoraire
Greffière lors des débats : Mme Alicia CAILLIAU
ARRÊT :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
– signé par Marie-Paule ALZEARI, présidente et par Alicia CAILLIAU, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Les explications fournies et les documents présentés par les parties permettent de tenir pour
constants les faits suivants :
Le groupe Uber a élaboré et proposé une application dédiée à la livraison de nourriture.
A cet effet, les entités du groupe mettent en relation, par le biais d’une plate-forme et de l’application précitée d’une part, des restaurants qui souhaitent faire livrer des plats qu’ils préparent, d’autre part, des consommateurs qui souhaitent se faire livrer des plats à domicile et enfin, des coursiers qui effectuent les prestations de livraison.
Les commandes sont passées au moyen de l’application mobile ou du site intemet Uber Eats auprès des restaurants et sont livrées par les coursiers.
M.[Z] [U] a procédé à son immatriculation au registre du commerce et des sociétés de Lyon, le 24 avril 2018, pour l’activité de coursier à vélo.
Il a exercé une activité professionnelle en relation avec le groupe Uber du 5 juin 2018 jusqu’au 16 novembre 2019.
Le 3 février 2021, M.[U] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris aux fins de voir requalifier son contrat de prestation de services en contrat de travail.
Par jugement du 25 avril 2022, le conseil de prud’hommes de Paris :
– s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris
– a dit qu’à défaut d’appel dans le délai de 15 jours à compter de la date de signature de l’avis de réception de notification, l’affaire sera transmise à la juridiction compétente ci-dessus désignée, conformément à l’article 82 du code de procédure civile ;
– a réservé les dépens.
Selon déclaration du 11 juillet 2022, M.[U] a interjeté appel de ce jugement statuant exclusivement sur la compétence.
Par ordonnance en date du 19 janvier 2023, il a été autorisé à assigner les sociétés Uber Eats France et Uber Portier BV pour l’audience du 25 mai 2023.
L’assignation a été délivrée le 14 mars 2023 et déposée le 20 mars suivant.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 10 novembre 2022, M.[U] demande à la cour de :
« – DECLARER RECEVABLE ET FONDE l’appel interjeté par M.[Z] [U] du jugement du Conseil de prud’hommes du 25 avril 2022 statuant exclusivement sur la compétence ;
– INFIRMER le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris rendu le 25 avril 2022, en ce qu’il s’est déclaré incompétent matériellement pour examiner les demandes de M.[Z] [U] ;
– L’ANNULER au surplus.
Y faisant droit,
– ORDONNER que le statut d’auto-entrepreneur indépendant est inopposable à M.[Z] [U] dans le cadre de son activité avec UBER EATS et UBER Portier B.V. ;
– DECLARER que M.[Z] [U] démontre l’existence d’un lien de subordination juridique permanent dans le cadre de son activité avec UBER EATS et UBER Portier B.V ;
– DIRE ET JUGER que M. [Z] [U] renverse la présomption de l’article L8221-6 du code du travail ;
– DECLARER que le Conseil de prud’hommes de Paris est compétent matériellement et territorialement pour connaître de cette affaire et de l’ensemble des demandes de M.[Z] [U] ;
Par conséquent,
– RENVOYER l’affaire devant le Conseil de prud’hommes de Paris compétent matériellement et territorialement pour connaître de cette affaire et de l’ensemble des demandes de M.[Z] [U] ;
En tout état de cause,
– CONDAMNER la société UBER EATS et la société UBER Portier B.V. à payer à M.[Z] [U] la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile;
– CONDAMNER la société UBER EATS et la société UBER Portier B.V. aux dépens de la 1 ère instance et de la présente instance ».
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 16 juin 2023, les sociétés Uber Eats France et Uber Portier B.V demandent la cour de :
« À titre principal
‘ Confirmer le jugement dont appel aux termes duquel le conseil de prud’hommes de Paris s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris ;
‘ condamner M.[Z] [U] à verser aux sociétés Uber Portier B.V. et Uber Eats France la somme de 1000 euros sur le fondement de l’art 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
À titre subsidiaire
‘ Renvoyer l’affaire devant le conseil de prud’hommes de Paris afin qu’il examine l’affaire au fond. »
Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code procédure civile.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Sur le fondement des articles L.1411-1 et L. 1411-3 du code du travail, M. [U] rappelle que le conseil de prud’hommes est compétent pour tous les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient, et règle les différends et litiges nés entre salariés à l’occasion du travail.
M.[U] conteste son statut de travailleur indépendant.
En premier lieu, son statut de commerçant, présumé par l’immatriculation au RCS, est en contradiction avec son activité réelle et il faut considérer que le statut d’entrepreneur indépendant lui est inopposable.
Par référence à l’article L. 121-1 du code de commerce, sont commerçants « ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle ». La « qualité de commerçant est exclusive de tout lien de dépendance juridique entre le donneur d’ordre et le prestataire ». En l’espèce, l’inscription au RCS ne fait que répondre à une exigence qu’il a dû remplir dans l’unique but de travailler avec la société Uber Eats, comme en atteste la date de création de son auto-entreprise et la date à laquelle il a commencé à travailler pour la société.
Il estime que c’est pour garantir sa sécurité juridique que la société Uber Eats exige de ses livreurs qu’ils s’immatriculent au RCS, afin qu’ils soient présumés travailleurs indépendants et commerçants.
Ainsi , si le livreur souhaite accéder à l’application distributrice de courses, il doit se soumettre à cette obligation et ne dispose d’aucune alternative. M.[U] « déclare sur l’honneur que la création de (son) entreprise a été effectuée dans l’unique but de prester pour une plate-forme telle qu’UBER EATS » .
M.[U] soutient que, dans le système organisé par le biais de la plate-forme Uber Eats, il ne bénéficiait d’aucun pouvoir de négociation que ce soit avec le consommateur final, le restaurant partenaire ou la société Uber Eats.
Il en va de même pour l’ensemble des livreurs travaillant pour Uber Eats.
Plus précisément, les livreurs ne peuvent pas négocier le prix fixe de la prestation effectuée. La société Uber Eats a la faculté de leur accorder des bonus assimilables à des primes, ce qui démontre qu’il ne s’agit pas d’une relation commerciale.
En outre, M.[U] fait valoir que les livreurs doivent se conformer aux modalités d’exécution imposées par la société Uber Eats et sont soumis à un même contrat d’adhésion. Il présente un schéma, dont il résulte que la « facturation est renversée, ce n’est pas le prestataire qui facture sa prestation, mais le donneur d’ordre (UBER EATS) qui le rétribue et lui facture le service ».
Il ajoute que la société Uber Eats n’hésite pas à user de son pouvoir de direction pour donner à ses travailleurs des directives. D’une part, la Charte de la communauté édictée par la société Uber Eats interdit formellement aux travailleurs qui effectuent les livraisons, de prendre contact ou de démarcher les clients ayant commandé. D’autre part, la société Uber Eats oblige chaque livreur à respecter les indications de livraison, à savoir : ne pas contacter le client, suivre le trajet indiqué et respecter les règles de conformité du sac de livraison et les outils de travail du travailleur.
M.[U] soutient qu’il n’était pas indépendant dans l’exercice de son activité et qu’ il ne disposait pas d’autonomie administrative dans le fonctionnement de son auto-entreprise.
En effet, la société Uber Eats prenait en charge l’émission de factures pour les fournir au travailleur ayant effectué la livraison.
D’autre part, il n’a jamais bénéficié d’une quelconque indépendance à l’occasion de l’exécution de ses prestations. En effet, lorsqu’il se connectait sur la plate-forme Uber Eats, il se trouvait géolocalisé en temps réel, ce qui permettait à la société de transmettre des directives concernant le trajet à suivre. Selon M.[U], cet élément est de nature à démontrer qu’il se trouvait dans une situation de dépendance à l’égard de la société Uber Eats, la géolocalisation s’inscrivant dans un rapport employeur / salarié.
L’argument selon lequel le livreur a la possibilité d’accepter ou de refuser des prestations est inopérant puisqu’un auto-entrepreneur, par définition indépendant, dispose de la capacité de négocier les conditions de sa relation contractuelle. M.[U] fait un parallèle avec le statut d’intérimaire qui donne la possibilité d’accepter ou de refuser des missions d’intérim mais qui, une fois la mission acceptée, se trouve en permanence dans une relation de subordination juridique à l’égard de son employeur.
M.[U] estime se situer « entre deux statuts », celui de l’auto-entrepreneur et celui de salarié. Mais en l’occurrence, le statut de commerçant ou d’entrepreneur indépendant lui est inopposable et le conseil de prud’hommes a commis une erreur d’appréciation en se déclarant incompétent au profit du tribunal de commerce.
En deuxième lieu, la cour devra constater que l’existence d’un lien de subordination juridique permanent est établie.
M.[U] rappelle qu’il n’est pas contesté que, souhaitant travailler comme coursier pour la société Uber Eats, il a procédé, par obligation, à son inscription au RCS en qualité d’auto-entrepreneur. Bien qu’il soit présumé ne pas avoir été salarié de la société en application de l’article L. 8821-6, I, du code du travail, cette présomption simple peut être renversée en apportant la preuve de l’existence d’un lien de subordination juridique avec son donneur d’ordre.
A cet égard, le lien de subordination juridique « est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ». A la lumière de ces trois critères, la Cour de cassation considère que l’intégration à un service organisé est un indice permettant d’établir l’existence d’un lien de subordination.
En l’espèce, la société Uber Eats exerçait à son encontre un pouvoir de direction, de contrôle et de sanction.
S’agissant du pouvoir de direction, M.[U] fait valoir qu’il recevait des ordres et des directives relatives :
– à l’accès à la plate-forme : obligation de créer une entreprise, exigence d’une photographie de ‘profil’, fourniture d’une pièce d’identité ;
– à l’équipement : exigence d’un sac de livraison conforme et interdiction de livrer avec les véhicules non autorisés ;
– aux conditions générales d’utilisations ;
– aux conditions applicables aux coursiers indépendants : lorsque le livreur refuse un nombre de courses jugé trop élevé par la société, il est déconnecté unilatéralement de la plate-forme, le temps d’attente n’est jamais rémunéré par la société alors que le livreur, incité à rester sur son vélo et en ligne, ne peut vaquer librement à ses occupations personnelles ;
– à la ‘ Charte de la communauté’ : interdiction de contacter les clients une fois la livraison terminée et obligation de vérifier la pièce d’identité, l’âge du client et son potentiel état d’ébriété en cas de livraison de boissons alcoolisées ;
– aux livraisons : trajet obligatoire, temps de trajet impératifs pour le livreur sous peine d’être sanctionné financièrement, liberté horaire relative car le livreur ne peut pas exercer son activité en continu (la quasi-totalité des prestations de M. [U] sont effectuées entre 11h30 et 14h00 et 18h30 et 22h00), liberté de refuser de livrer relative, exigences de livraison, notation des livraisons, prix des courses déterminé unilatéralement par la société et sans possibilité de négociation. L’algorithme élaboré par la Société oblige le livreur à subir « un positionnement directif de » celle-ci.
S’agissant du pouvoir de contrôle et de surveillance, M.[U] soutient que l’« organisation du travail des livreurs permet à UBER EATS de contrôler la bonne exécution des ordres et directives donnés au moyen de divers outils spécifiques ».
Tout d’abord, les livreurs sont surveillés à l’aide du système de géolocalisation mis en place par la société Uber Eats, ce qui permet de suivre en temps réel la position du coursier et de comptabiliser à la fois les distances parcourues et le temps de parcours. Egalement, la société dispose d’un système de notation permettant de contrôler l’exécution de la prestation de travail et la qualité du service.
Enfin, la société Uber Eats contrôle les équipements obligatoires par un système de validation, tant sur le sac de livraison que sur le véhicule. La Société contrôle également administrativement les livreurs « et la conformité des documents obligatoires ».
S’agissant du pouvoir de sanction, M.[U] observe que la société Uber Eats n’hésite pas à sanctionner les livreurs qui ne se conforment pas à ses instructions. A titre d’exemple, lorsque le livreur ne suit pas l’itinéraire imposé, il est sanctionné financièrement par la société. De même, le livreur peut voir son compte déconnecté ou désactivé par la société, ce qui le prive de travail et de rémunération. A titre d’exemple, lorsque le livreur refuse un certain nombre de courses, il est déconnecté de l’application et ne peut plus recevoir de courses.
Enfin, M.[U] explique qu’il était intégré au sein d’un service organisé par la société Uber Eats pour les motifs suivants :
– il ne pouvait pas constituer sa propre clientèle. En effet, le livreur à vélo n’est qu’un simple intermédiaire, et ne dispose pas, contrairement à Uber Eats, de fiches clients avec leurs coordonnées personnelles ;
– les tarifs pour chaque livraison étaient fixés unilatéralement par la société, dont les modalités de décompte étaient inconnues du livreur ;
– la gestion des livreurs se faisait au niveau local, s’agissant notamment de l’information concernant les primes et les conditions à remplir pour en bénéficier ;
– la Société contrôle le véhicule utilisé par les livreurs et se permet de sanctionner ceux qui n’informent pas la plate-forme d’un changement de véhicule.
– enfin, le lien de subordination est encore caractérisé par l’incitation à se connecter à des horaires indiqués, en raison d’une offre de demande que la société prévoit grâce à des offres marketing qu’elle propose elle-même, sans que les livreurs ne puissent négocier une augmentation du prix de leurs courses.
Les sociétés Uber Eats et Uber Portier B.V soutiennent que la présomption de non-salariat prévue à l’article L.8221-6 du code du travail est applicable en l’espèce.
Un contrat de partenariat liant une plate-forme numérique à un professionnel indépendant, portant sur l’utilisation d’une application électronique de mise en relation avec des clients, ne peut pas être qualifié de contrat de travail lorsqu’il n’emporte aucune obligation, pour le professionnel, d’accomplir un travail pour le compte de la plate-forme ou de se tenir à la disposition de cette dernière. Autrement dit, l’absence de toute obligation directe ou indirecte, non seulement d’utiliser les services de la plate-forme, mais encore de répondre aux sollicitations de celle-ci lorsque le coursier s’y connecte, est incompatible avec l’existence d’un contrat de travail.
Elles prétendent à l’absence de pouvoir de direction à défaut, pour elles, d’avoir donné des ordres et des directives à l’appelant.
Elles estiment qu’il n’est pas envisageable de considérer comme un salarié lié par un lien de subordination, un travailleur qui est libre de travailler ou non pour son employeur présumé en alternant, à sa guise, des périodes d’activité et d’inactivité sans aucune concertation avec l’employeur.
À cet égard, elles font valoir que l’appelant avait la liberté :
‘ de se connecter ou non à l’application Uber Eats,
‘ une fois connecté, d’y travailler le temps qu’il souhaitait et dans le secteur de son choix,
‘ d’alterner, sans aucun échange avec Uber Portier B.V. à ce sujet, des périodes d’activité et d’inactivité.
Elles indiquent également que l’appelant n’était lié par aucune obligation d’exclusivité ou de non concurrence et qu’il était ainsi libre de développer sa clientèle personnelle.
Elles allèguent également de l’absence de pouvoir de contrôle estimant que le coursier est indépendant dans la réalisation de sa prestation.
Elles indiquent que l’itinéraire recommandé n’est pas obligatoire alors que la géolocalisation des livreurs n’est pas un moyen de contrôle de leur activité mais simplement un moyen technique essentiel au fonctionnement de l’application.
S’agissant du prix minimum garanti, elles estiment que la fixation du prix ne saurait être analysée comme un indice de subordination dès lors que cette pratique est expressément prévue par l’article L. 7342-1 du code du travail.
Enfin, elles invoquent l’absence de pouvoir de sanction.
Sur l’existence d’un lien de subordination juridique permanent
M.[U] rappelle qu’il n’est pas contesté que, souhaitant travailler comme coursier pour la société Uber Eats, il a procédé, par obligation, à son inscription au RCS en qualité d’auto-entrepreneur. Bien qu’il soit présumé ne pas avoir été salarié de la société en application de l’article L.8821-6, I, du code du travail, l’appelant soutient qu’il s’agit d’une présomption simple, qui peut être renversée en apportant la preuve de l’existence d’un lien de subordination juridique avec son donneur d’ordre.
A cet égard, le lien de subordination juridique ‘est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des
directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné’. A ces trois critères, la Cour de cassation considère que l’intégration à un service organisé est un indice permettant d’établir l’existence d’un lien de subordination.
En l’espèce, M.[U] soutient que la société Uber Eats exerçait à son encontre un pouvoir de direction, de contrôle et de sanction.
S’agissant du pouvoir de direction, il fait valoir qu’il recevait des ordres et des directives relatives :
à l’accès à la plate-forme : obligation de créer une entreprise, exigence d’une photo de profil, remise de documents obligatoires ;
à l’équipement : exigence d’un sac de livraison conforme et interdiction de livrer avec les véhicules non autorisés ;
aux conditions générales d’utilisations ;
aux conditions applicables aux coursiers indépendants : lorsque le livreur refuse un nombre de courses jugé trop élevé par la société, il est déconnecté unilatéralement de la plate-forme, le temps d’attente n’est jamais rémunéré par la société alors que le livreur, incité à rester sur son vélo et en ligne, ne peut vaquer librement à ses occupations personnelles ;
à la ‘Charte de la communauté’ : interdiction de contacter les clients une fois la livraison terminée et obligation de vérifier la pièce d’identité, l’âge du client et son potentiel état d’ébriété en cas de livraison de boissons alcoolisées ;
aux livraisons : trajet obligatoire, temps de trajet impératifs pour le livreur sous peine d’être sanctionné financièrement, liberté horaire relative car le livreur ne peut pas exercer son activité en continu (la quasi-totalité des prestations de M.[Z] [U] sont effectuées entre 11h30 et 14h00 et 18h30 et 22h00), liberté de refuser de livrer relative, exigences de livraison, notation des livraisons, prix des courses déterminé unilatéralement par la société et sans possibilité de négociation.
S’agissant du pouvoir de contrôle et de surveillance, M.[U] soutient que la société contrôle l’exécution des prestations. Tout d’abord, les livreurs sont surveillés à l’aide du système de géolocalisation mis en place par la société Uber Eats, ce qui permet de suivre en temps réel la position du coursier et de comptabiliser à la fois les distances parcourues et le temps de parcours. Egalement, la société dispose d’un système de notation permettant de contrôler l’exécution de la prestation de travail et la qualité du service. Enfin, la société Uber Eats contrôle les équipements obligatoires par un système de validation, tant sur le sac de livraison que sur le véhicule.
S’agissant du pouvoir de sanction, M.[U] soutient que la société Uber Eats n’hésite pas à sanctionner les livreurs qui ne se conforment pas à ses instructions. A titre d’exemple, lorsque le livreur ne suit pas l’itinéraire imposé, il est sanctionné financièrement par la société. De même, le livreur peut voir son compte déconnecté ou désactivé par la société, ce qui le prive de travail et de rémunération. A titre d’exemple, lorsque le livreur refuse un certain nombre de courses, il est déconnecté de l’application et ne peut plus recevoir de courses.
Enfin, l’appelant explique qu’il était intégré au sein d’un service organisé par la société Uber Eats pour les motifs suivants :
il ne pouvait pas constituer sa propre clientèle. En effet, le livreur à vélo n’est qu’un simple intermédiaire, et ne dispose pas, contrairement à Uber Eats, de fiches clients avec leurs coordonnées personnelles ;
les tarifs pour chaque livraison étaient fixés unilatéralement par la société, dont les modalités de décompte étaient inconnues du livreur ;
la gestion des livreurs se faisait au niveau local, s’agissant notamment de l’information concernant les primes et les conditions à remplir pour en bénéficier ;
la société Uber Eats contrôle le véhicule utilisé par les livreurs et se permet de sanctionner ceux qui n’informent pas la plate-forme d’un changement de véhicule ;
enfin, le lien de subordination est encore caractérisé par l’incitation à se connecter à des horaires indiqués, en raison d’une offre de demande que la société prévoit grâce à des offres marketing qu’elle propose elle-même, sans que les livreurs ne puissent négocier une augmentation du prix de leurs courses.
Il n’est pas contesté que, souhaitant travailler comme coursier pour Uber Eats, M. [U] a procédé à son inscription au registre du commerce et des sociétés en qualité d’auto entrepreneur quelques semaines avant le début de son activité.
Il est donc constant qu’il est soumis aux dispositions de l’article L. 8221-6 qui dispose ainsi :
« I.-Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :
1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales ;
(‘)
II.-L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci. »
La présomption de non salariat édictée par la disposition précitée étant une présomption simple, il incombe à M.[U] de la renverser en démontrant que les conditions dans lesquelles il exerce son activité professionnelle sont susceptibles de justifier une relation de travail.
L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Sur la caractérisation du lien de subordination, en premier lieu, M.[U] justifie de son immatriculation principale au registre du commerce et des sociétés à compter du 24 avril 2018 pour une activité qui a débuté le 5 juin 2018.
Cette exigence de la création d’une entreprise résulte de l’extrait de la page Web « livraison avec Uber Eats » qui impose, notamment, au titre des documents requis pour l’inscription la preuve de l’existence de l’entreprise ou l’avis de situation au répertoire Sirène.
Il se déduit de cet élément que l’inscription au registre du commerce et des sociétés est une condition requise par la plate-forme sans pour autant que cela établisse l’absence de volonté de l’appelant de créer sa propre entreprise.
Il est également révélateur de la volonté de la société Uber de ne pas contracter dans le cadre d’un contrat de travail et ne peut donc être, assimilé, à ce stade, à l’exercice d’un pouvoir de direction par cette dernière.
En effet, dans sa démarche d’adhérer à la plate-forme Uber, M.[U] n’a pas été sollicité mais s’est simplement conformé aux prérequis afin de formaliser sa demande d’inscription.
Ainsi, le grief de contrat d’adhésion voire d’abus de position dominante est insusceptible de caractériser l’existence d’un contrat de travail s’agissant d’une notion de droit économique qui a vocation à s’appliquer dans le cadre de relations commerciales, économiques ou d’affaires.
Il peut y être ajouté, qu’en l’absence d’une quelconque procédure de sélection ou de recrutement initiée par les sociétés intimées, le critère d’intuitu personae, qui est de l’essence d’un contrat de travail, fait nécessairement défaut.
À l’opposé, un prérequis à l’inscription de la plate-forme ne peut signifier une volonté des sociétés Uber d’imposer une immatriculation au registre du commerce et des sociétés.
Sur les directives relatives à l’équipement et l’exigence d’un sac de livraison conforme, il doit être considéré que cette obligation résulte à l’évidence du respect des règles légales et des exigences imposées par l’activité même du transport de plats préparés.
À cet égard, il est à noter que les coursiers ne sont nullement tenus d’utiliser un sac aux couleurs de la société.
Au demeurant, l’obligation d’utiliser un sac isotherme à des dimensions minimales s’impose d’évidence pour la livraison de repas préparés sans qu’il faille y reconnaître un pouvoir de direction ou de contrôle et société.
Sur l’interdiction de livrer avec des véhicules non autorisés, en l’espèce la nécessité d’utiliser des vélos et vélos à assistance thermique, il doit être rappelé qu’en application de l’article R. 3211-1 du code des transports, un véhicule motorisé, en ce compris un scooter, doit respecter un certain nombre d’obligations.
Dans cette mesure, à la différence des coursiers à vélo, le coursier qui souhaite livrer des repas à scooter doit nécessairement satisfaire aux exigences édictées par le code des transports.
Au demeurant, M.[U] ne démontre ni même allègue avoir été entravé par l’interdiction de procéder à des livraisons par des moyens autres qu’un vélo ou un vélo à assistance thermique.
Il doit être rappelé que l’inscription K-bis mentionne l’activité de ‘coursier à vélo’.
En application de la disposition précitée, il est légitime que la société Uber puisse vérifier que les coursiers utilisant un véhicule motorisé disposent effectivement des autorisations nécessaires pour utiliser ce mode de déplacement.
En l’espèce, les échanges produits permettent simplement de constater, qu’une fois la vérification des documents faite , M.[U] a pu effectuer des livraisons avec son nouveau véhicule, en l’occurrence un scooter.
Sur les conditions applicables aux coursiers indépendants, M.[U] se réfère à l’article 3.F de ces conditions ainsi libellé:
« Si vous n’êtes pas disponible pour fournir des Services de Livraison, vous acceptez de fermer votre session de l’application coursier jusqu’à ce que vous soyez disponible : en effet, si vous êtes connecté à l’application coursier mais que vous n’êtes pas réellement disponible pour fournir des Services de Livraison, l’application coursier n’en aura pas connaissance et vous continuerez à recevoir des demandes de Services de Livraison (‘). S’il apparaît que vous n’êtes pas disponible pour réaliser des Services de Livraison, il se peut que vous soyez automatiquement invité à vous reconnecter si vous voulez fournir à nouveau des Services de Livraison, ce que vous pourrez faire immédiatement. »
Il en résulte que les coursiers utilisant l’application Uber Eats n’ont aucune obligation de se connecter si ce n’est pour signaler leurs disponibilités.
Ils ont donc le choix de se connecter ou non à l’application et n’ont aucune obligation de prévenir la plate-forme ou de retenir à l’avance des créneaux en substance donc, de se tenir à la disposition de celle-ci.
Leur seule contrainte est de se connecter à l’application afin de recevoir des offres de livraison.
Ainsi le contrat de partenariat avec les coursiers dispose qu’ils conservent exclusivement le droit de déterminer quand, où et pendant combien de temps utiliser l’application Prestataire ou les Services Uber.
Il est non contesté que, contrairement à d’autres applications concurrentes, les coursiers Uber n’ont pas à s’enregistrer au préalable sur des créneaux horaires pendant lesquelles ils s’engagent à rester disponibles.
Il se déduit donc de cette constatation une liberté totale dans l’organisation du travail dont disposent les coursiers utilisant cette application, nécessairement exclusive d’un lien de subordination.
À cet égard, il est non pertinemment contredit que l’appelant était libre de travailler ou non par l’intermédiaire de la plate-forme Uber Eats et pouvait alterner, à sa convenance, des périodes de travail et des périodes d’inactivité.
À l’opposé, il n’est nullement démontré ni d’ailleurs invoqué la réalité d’une obligation d’exercer un volume minimum d’activité.
Sur la Charte de la communauté, la lecture de ce document ne permet nullement de le comparer au règlement intérieur d’une entreprise alors qu’il n’y est précisé aucune sanction.
Au demeurant, l’interdiction de contact après la course pouvant être considéré comme une forme de harcèlement ainsi que la vérification de certaines pièces d’identité en cas de livraison de boissons alcoolisées relèvent d’une charte de bonne conduite et ne peut, à ce titre, caractériser un pouvoir de direction.
Sur les directives relatives aux livraisons et en premier lieu, sur le choix de l’itinéraire, c’est à juste titre que le conseil de prud’hommes a retenu que le calcul du prix de la course à partir du trajet conseillé par l’application relève d’une mesure d’ordre financier, au demeurant prévue dans les conditions générales d’utilisation, qui ne constitue ni un contrôle hiérarchique sur les modalités d’exécution de la prestation, ni une sanction alors surtout qu’il est établi que l’itinéraire conseillé s’affiche en cas d’utilisation de l’application GPS et que le livreur peut librement choisir d’utiliser ou de ne pas utiliser ,ce qui induit que les itinéraires ne sont pas imposés.
Sur la liberté horaire, M.[U] ne conteste nullement que la plate-forme permet de se connecter à tout moment.
S’agissant de la livraison à domicile de repas préparés, il est d’évidence que la quasi-totalité des prestations se réalise entre 11h30 ‘ 14 heures et 18h30 ‘ 22 heures, plages horaires durant lesquelles les restaurants sont ouverts et les clients souhaitent commander.
Sur la notation, il est effectif que l’article 3.J des conditions applicables aux coursiers indépendants prévoit une note moyenne minimale qui, si elle n’est pas atteinte, permet à la Société de se réserver le droit de désactiver l’accès à l’application.
Cet article, relatif aux conditions d’utilisation de l’application coursier, ne relève pas d’un pouvoir de sanction de l’employeur alors que les évaluations émanent des clients.
Au demeurant, il peut être constaté que la pratique de l’évaluation des prestations commerciales devient très répandue de telle sorte que le professionnel le mieux noté est le plus fréquemment choisi.
En l’espèce, il est au demeurant non allégué que la Société ait mis un terme à la relation en raison d’une insuffisance au regard de la notation.
Sur la fixation du prix et l’instauration de bonus incitatifs, il n’est effectivement aucunement démontré que des messages incitatifs à travailler sur certaines périodes impliquent nécessairement une obligation de travailler pour l’intéressé, étant relevé qu’à l’opposé, aucune sanction ne s’attache à la non-participation à certains événements.
Ainsi, la mise en place de bonus et de primes ne peut être considérée comme un indice de subordination, les offres ainsi faites permettant de fidéliser les livreurs utilisant l’application et constituant nécessairement et seulement une incitation.
À cet égard, les sociétés intimées font pertinemment valoir que le fait de faire bénéficier les livreurs d’une tarification avantageuse lorsqu’ils privilégient leur application permet seulement et effectivement à la société Uber Portier B.V. de se démarquer face aux plates-formes concurrentes.
Surtout, la fixation d’un tarif maximum est insusceptible, à lui seul, d’apporter la démonstration d’un lien de subordination alors que ce fait traduit simplement la volonté de la Société, en tant qu’intermédiaire, d’assurer l’harmonisation du prix des prestations fournies dans le cadre de l’application.
Cette volonté d’harmonisation est évidemment conforme à l’intérêt du consommateur.
La possibilité de fixation unilatérale du prix par un cocontractant est insusceptible de caractériser l’existence d’un lien de subordination.
En outre, la fixation du prix plate-forme est légalement prévue en application des articles L. 7341-1 et suivants du code du travail s’agissant des dispositions applicables aux travailleurs indépendants recourant pour l’exercice de leur activité professionnelle à une ou plusieurs plates-formes de mise en relation par voie électronique.
Ainsi, la fixation des tarifs par la plate-forme ne révèle pas, en soi, l’existence d’un lien de subordination, puisque le prestataire peut accepter ou refuser de contracter après information de la rétribution proposée par la plate-forme.
Enfin, s’agissant de la facturation établie par la société Uber, au nom et pour le compte des livreurs par le biais de l’application , n’est pas plus un indice de nature à caractériser l’existence d’un lien de subordination.
En effet, ce service fait partie intégrante des services d’intermédiation rendus par la société Uber alors que ce mode de facturation offert aux travailleurs indépendants est parfaitement licite et s’inscrit dans le cadre des dispositions de l’article 289-I-2 du code général des impôts concernant le mandat de facturation.
Sur le pouvoir de contrôle et de surveillance et plus spécifiquement le système de géolocalisation, l’article 2. 7 du contrat de partenariat mentionne explicitement que ce système n’est utilisé que pour garantir la sécurité des utilisateurs, pour des motifs techniques, marketing ou commerciaux, notamment pour fournir et améliorer les produits et services.
Il est d’évidence qu’au regard des services proposés, la géolocalisation des utilisateurs de l’application est nécessaire au bon fonctionnement de l’application puisqu’elle permet, notamment, de proposer la livraison au coursier le plus proche du restaurant avec le suivi de l’avancée de la livraison par le client.
Ce système est inhérent au fonctionnement de l’application.
Dans cette mesure, la seule mise en place de ce système est insuffisante pour caractériser un lien de subordination alors qu’il n’est nullement établi que la plate-forme s’en serve afin de contrôler les ordres ou directives allégués.
Sur le pouvoir de sanction, c’est à juste titre que le conseil de prud’hommes a considéré que M.[U] ne produisait aucun élément de nature à étayer cette allégation.
En effet, les messages produits et les explications qu’ils contiennent ne permettent pas de se convaincre de l’effectivité de la sanction.
En revanche, il en résulte que les explications demandées sont relatives à une course qui n’a pas été livrée.
À l’opposé, il n’est pas établi qu’une sanction ait été décidée si ce n’est que la plate-forme aurait détecté d’éventuelles activités contraires aux engagements du livreur, en l’espèce, créations de plusieurs comptes doublons, acceptation de courses sans intention de les effectuer.
Enfin, la production d’une message relatif à une suspension temporaire ne permet nullement d’identifier ni l’expéditeur, ni le destinataire.
Sur la déconnexion/désactivation, l’article 4.c des conditions applicables aux Coursiers indépendants stipule ainsi :
« vous reconnaissez et acceptez que Uber Eats se réserve le droit, à tout moment et à sa seule discrétion, de désactiver ou de vous empêcher d’accéder ou d’utiliser l’application coursier si vous ne respectez pas les exigences des présentes conditions applicables aux coursiers indépendants la Charte de la communauté. »
M.[U] justifie d’un extrait de la page Web de la charte de la communauté Uber duquel il résulte qu’un certain nombre d’actions peuvent entraîner la perte de l’accès au compte Uber et notamment à titre d’exemples :
‘ frapper, blesser ou avoir l’intention de blesser quelqu’un,
‘ comportement menaçant et impoli,
‘ violation des lois,
‘ discrimination,
‘ fraude,
‘ partage de compte,
‘ fourniture d’informations inexactes sur le véhicule,
‘ sexe (interdiction de pratiques sexuelles à l’occasion de l’utilisation de l’application),
‘ agression sexuelle et harcèlement.
En premier lieu, il convient d’observer que le pouvoir de sanction invoqué n’est pas lié à l’existence d’ordres et de directives fournis par la Société.
Il doit être rappelé que l’existence d’un lien de subordination se caractérise par le pouvoir de contrôle et son corollaire, le pouvoir de sanction.
Au cas d’espèce, la déconnexion ou désactivation est corrélée au respect ou non par l’utilisateur des règles régissant la plate-forme.
Ainsi, s’agissant du non-respect des règles édictées par la charte de la communauté Uber, respect auquel s’est engagé le cocontractant, la déconnexion/désactivation constitue, non pas le pouvoir de sanction dévolu à l’employeur mais, la faculté donnée à l’une des parties de mettre un terme à la relation dans les termes qui ont été fixés lors de la conclusion du contrat.
En l’occurrence, il n’est pas contesté que la déconnexion d’un compte coursier peut se produire dans des cas limités et correspondant à des situations dans lesquelles le coursier a manqué à l’une des obligations auxquelles il avait souscrit lors de son inscription.
En l’espèce, il résulte seulement des quelques SMS versés aux débats par l’appelant, et dont il ne peut être vérifié s’ils sont exhaustifs, que ce dernier a vu son compte suspendu provisoirement conformément à la charte de la communauté Uber Eats par mesure de précaution dans l’attente d’explications au regard du signalement d’un ou plusieurs utilisateurs selon lequel M.[U] ‘n’aurait pas respecté le principe de la charte EATS n°6′.
Force est de constater que ces quelques éléments parcellaires, uniques sur l’ensemble de la période de la relation ayant lié les parties, permettent uniquement de constater la réalité d’une suspension provisoire au motif d’un non-respect par l’un des cocontractants des conditions particulières d’application de l’utilisation de la plate-forme et non d’un pouvoir de sanction lié à un contrôle par l’employeur de l’exécution de la prestation de travail.
Sur l’intégration au sein d’un service organisé et la dépendance économique, il doit être considéré qu’il n’existe aucune exclusivité factuelle et/ ou contractuelle entre Uber et les coursiers partenaires.
En effet, les coursiers utilisant l’application Uber Eats n’ont pas de clause d’exclusivité et ont la possibilité de diversifier leur clientèle en utilisant d’autres applications concurrentes voire même en démarchant des clients par leurs propres moyens.
D’autre part, le fait d’effectuer son travail au sein d’un service organisé ne constitue pas en soi un indice de l’existence d’un lien de subordination si le travailleur à la liberté d’organiser son activité, n’est astreint à aucune contrainte horaire ni à aucune directive autre qu’organisationnelle au regard de l’utilisation de la plate-forme.
Or, il vient d’être considéré que M.[U] n’avait aucune obligation de travailler et déterminait seul sa durée de travail et ses horaires au regard de la possibilité de se déconnecter.
De même, et pour les mêmes motifs, il pouvait fixer à sa convenance ses périodes de repos et de congés et choisir son secteur d’activité.
Les sociétés intimées justifient d’un graphique illustrant la situation particulière de l’appelant au regard de son activité quant au nombre de courses effectuées par mois.
Il en résulte un temps d’activité très variable, sans aucune concertation avec la société Uber Courtier B.V..
Ainsi, à titre d’exemple, il en résulte que M.[U] a effectué 97 livraisons en juin 2018 contre 467 livraisons en novembre 2018,20 livraisons en septembre 2019 contre 170 livraisons en janvier 2019, 373 livraisons en septembre 2018 contre 58 livraisons en juillet 2019.
À l’opposé, aucune livraison n’a été effectuée en février, octobre et décembre 2019.
Ce document révèle également la liberté totale d’un coursier au regard de la possibilité de travailler ou non sans qu’il soit objectivé un contrôle de la société Uber à cet égard.
Il doit y être ajouté qu’au-delà de la liberté ou non de se connecter à l’application, une fois connecté, le coursier est totalement libre de déterminer le temps pendant lequel il souhaite utiliser l’application et ce, conformément aux dispositions de l’article L. 1326-4 du code des transports aux termes duquel : « les travailleurs choisissent leurs plages horaires d’activité et leurs périodes d’inactivité et peuvent se déconnecter durant leurs plages horaires d’activité. Les plates-formes ne peuvent mettre fin au contrat lorsqu’un travailleur exerce ce droit. »
Il se déduit de l’ensemble de ces éléments que M.[U] échoue à renverser la présomption de non salariat édictée par l’article L. 8221-6 du code du travail et donc à établir l’existence d’un contrat de travail qui le lierait aux sociétés intimées.
Le jugement est donc confirmé sans qu’il y ait lieu d’examiner, à ce stade, l’inopposabilité du statut d’entrepreneur indépendant allégué par l’appelant au seul motif d’un lien de subordination juridique permanent dont il vient d’être admis qu’il n’est pas établi.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
M.[U] , qui succombe, doit être condamné aux dépens et débouté en sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
À l’opposé, il sera fait application de cet article au profit des sociétés intimées.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, publiquement et en dernier ressort
Confirme le jugement déféré,
Y ajoutant,
Condamne M.[Z] [U] aux dépens d’appel et le déboute en sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M.[Z] [U] à payer à aux sociétés Uber Portier BV et Uber Eats France la somme de 1000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La Greffière, La Présidente,