Dans les prochains mois, les GAFAM » (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) pourraient être soumises à de nouvelles régulations, notamment sur le terrain du droit de la concurrence.
Sommaire
Rapport sur les GAFAM
Le rapport d’information Faure-Muntian / Fasquelle a fixé les pistes de réforme des « GAFAM » (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft). La question de la régulation des plateformes structurantes sera amenée à prendre une place centrale dans le débat public. C’est particulièrement le cas au niveau européen, dans le cadre des discussions autour du futur « Digital Services Act ».
Inadaptation du droit de la concurrence
D’après l’Autorité de la concurrence, « la part de marché, outil traditionnel de mesure de pouvoir de marché, n’est plus nécessairement adaptée aux plateformes numériques ». Ce constat incite à donner à ce critère une place moins centrale qu’aujourd’hui dans les standards d’analyse et à en faire évoluer les contours. Face aux insuffisances du droit de la concurrence, le droit de la régulation apparaît comme une solution particulièrement adaptée au monde des plateformes.
Le Rapport propose notamment d’accorder une place moins prioritaire à la notion de marché pertinent pour les analyses impliquant des plateformes numériques structurantes. Si aucun pays n’a pour l’heure mis en place une telle régulation, l’Allemagne a récemment formulé des propositions législatives en ce sens. A ainsi été présenté un projet de loi qui prévoit, en plus d’une réforme du droit de la concurrence, d’imposer certaines obligations aux opérateurs de plateformes « d’importance primordiale ». Cette notion tient compte de leur position dominante sur un ou plusieurs marchés, de leurs capacités financières et de leurs accès à d’autres ressources, de leur intégration verticale et de leurs activités sur des marchés liés, de leur accès à des données pertinentes pour la concurrence, de l’importance de leur activité pour l’accès de tiers aux marchés et leur influence sur l’activité commerciale des tiers. Les plateformes répondant à ces critères se verraient interdire plusieurs pratiques telles que la restriction de la portabilité des données ou la discrimination des services concurrents du fait de leur position prépondérante sur un marché « amont ». De nombreux pays réfléchissent, selon des modalités variées, à la mise en place de cadres de régulation ex ante. C’est notamment le cas des Pays-Bas ([96]), de l’Italie, et de la Pologne. L’Italie et la Pologne ont notamment rédigé, aux côtés de l’Allemagne et la France, une lettre ouverte destinée à la vice-présidente Margrethe Vestager invitant la Commission européenne à mettre en place un cadre de régulation spécifique destiné à encadrer le pouvoir de certains acteurs systémiques du numérique.
Au niveau européen, bien que le rapport « Crémer » ne plaide pas en ce sens, la Commission européenne envisage dans le cadre du Digital Services Act de prévoir des nouvelles règles de responsabilité pour les plateformes numériques.
Réforme de la notion d’abus de position dominante
En complément des différents outils pro-concurrentiels qui peuvent être développés dans le cadre du droit de la régulation, une évolution de la notion d’abus de position dominante de façon spécifique pour les plateformes numériques structurantes pourrait être envisagée. Le Rapport préconise également la mise en place d’un mécanisme de notification obligatoire de l’ensemble des acquisitions envisagées par les plateformes.
La grille d’analyse concurrentielle devrait aussi faire une place plus grande à l’inscription des plateformes structurantes dans des écosystèmes vastes, impliquant la présence d’une plateforme sur plusieurs marchés. Dans le cadre du contrôle des concentrations, l’Autorité de la concurrence estime ainsi que le risque pour la concurrence doit prendre en compte le renforcement de la dominance de l’écosystème de l’acquéreur. Dans la même logique, le rapport « Crémer » propose que la grille d’analyse du contrôle des concentrations de la Commission puisse s’adapter dans le cas où une plateforme bénéficie d’effets de réseau.
À l’échelle nationale tout comme à l’échelle européenne, des outils doivent être mis en place afin de mieux mesurer ces effets, que l’on se place dans le cadre du contrôle des concentrations ou dans le cadre de l’abus de position dominante. Dans cet objectif, des tests de captivité des usagers pourraient être développés, via notamment une estimation des coûts de migration (perte de données, perte de contact, fluidité des usages).
Les spécificités de l’économie numérique et de l’action des plateformes structurantes devraient conduire les autorités à systématiser l’analyse des effets non tarifaires propres au numérique. En particulier, les éléments relatifs à la protection des données personnelles et la préservation du pluralisme des opinions, doivent être intégrés pour mesurer la baisse ou la montée en qualité d’un produit.
Améliorer les outils procéduraux
Le Rapport invite à développer les mesures conservatoires pour éviter des dommages irrémédiables. Un usage plus important des mesures conservatoires à l’échelle européenne permettrait d’agir de façon plus rapide et efficace pour limiter l’impact des comportements anticoncurrentiels. Les mesures conservatoires permettent à l’Autorité d’agir en urgence, avant de se prononcer sur le fond d’un dossier, en cas d’atteinte grave et immédiate aux intérêts d’un secteur économique ou d’une entreprise. L’objectif est d’éviter qu’une pratique susceptible d’être anticoncurrentielle nuise gravement et de façon irrémédiable à la concurrence ou à l’entreprise qui en est victime.
La création d’une autorité pilote
En toute cohérence, l’élaboration d’un droit de la régulation asymétrique appliqué aux plateformes structurantes devrait aussi être associée à la création d’un organe spécialisé chargé d’appliquer ces règles nouvelles. Les secteurs économiques qui font l’objet d’une régulation propre au vu des risques spécifiques qu’ils présentent pour un marché particulier, sont régulés par une autorité administrative indépendante spécialisée, qu’il s’agisse par exemple de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) pour le marché de l’énergie, de l’ARCEP pour le secteur des télécommunications, ou encore de l’Autorité de régulation des transports (ART).