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Même en l’absence d’option par le client, pour le système 3D Secure, la banque a l’obligation d’informer son client, à très brefs délais, de l’existence d’anomalies et de transactions par CB rejetées.
Dans ce dossier, la responsabilité de la Caisse d’épargne a été engagée. Cette dernière avait la possibilité d’informer son client de l’existence des impayés le jour même où ils étaient portés à sa connaissance, et non pas dans les délais excessifs qui ont été les siens.
Les stipulations contractuelles dont s’est prévalue la banque, l’autorisaient à contrepasser des paiements non garantis pendant une durée de 15 mois, mais n’étaient pas de nature à la dispenser de faire preuve de la plus grande célérité pour alerter sa cliente en cas de détection d’anomalies, comme cela a été le cas en l’espèce. La Caisse d’épargne a manqué à son devoir de vigilance envers la société Atout Nord en ne l’avisant qu’avec retard des fraudes dont elle était victime.
A noter que le client donc bénéficié d’une protection par le droit commun alors n’avait pas adhéré au système de paiement à distance sécurisé proposé en option par sa banque. Elle ne pouvait d’ailleurs manifestement pas faire d’autre choix, puisqu’elle ne disposait pas d’un site internet permettant la réalisation d’achats en ligne protégés par la procédure 3D Secure.
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République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 27/01/2022
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N° RG 21/02025 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TRUI
Jugement (N°19/46894) rendu le 09 mars 2021par le tribunal de commerce de Lille Métropole
APPELANTE
SARL Atout Nord prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
Ayant son siège social 102 rue Jean-Baptiste Defernez 62800 Liévin
représentée par Me Marie Hélène Z, avocat au barreau de Douai
assisté de Maître Aurélie Nadiras, avocat au barreau de Paris.
INTIMÉE
Caisse d’Épargne et de Prévoyance Hauts de France, banque coopérative régie par les articles l.512-85 et suivants du code monétaire et financier, société anonyme à directoire et conseil d’orientation et de surveillance, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, venant aux droits et obligations de la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Nord France Europe par voie de fusion/absorption à effet du 1er mai 2017.
Ayant son siège social […]
représentée par Me Eric Delfly, avocat au barreau de Lille substitué à l’audience par Me Martinot, avocat au barreau de Lille
DÉBATS à l’audience publique du 09 novembre 2021 tenue par Agnès Fallenot magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Audrey Cerisier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Z A, président de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Agnès Fallenot, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 27 janvier 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Z A, président et X Y, adjoint administratif faisant fonction de greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 19 octobre 2021
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FAITS ET PROCEDURE :
La société Atout Nord, qui exerce à Liévin, sous l’enseigne Tui, une activité d’agence de voyage et billetterie événementiel, est entrée en relation d’affaires avec la Caisse d’épargne et de prévoyance Nord de France, devenue Caisse d’épargne et de prévoyance Hauts de France (ci-après la Caisse d’épargne).
Par conventions datées du 6 septembre 2013, elle a adhéré au système de paiement par carte bancaire proposé par cet établissement.
Concomitamment, elle a souscrit auprès de la société Natixis Paiements un contrat de location de produits et services monétiques, en l’espèce un terminal de paiement électronique (TPE) de type IP et ses logiciels.
Par convention datée du 19 juin 2015, elle a demandé à disposer du service supplémentaire « PLBS ».
Fin 2018, la société Atout Nord a fait l’objet de fraudes amenant la banque à contrepasser des paiements sur son compte.
Considérant que la Caisse d’épargne avait manqué à ses obligations contractuelles de garantie des opérations, ainsi qu’à ses obligations d’information, de conseil et de vigilance, la société Atout Nord l’a mise en demeure de l’indemniser de son préjudice.
Les parties ne sont pas parvenues à s’entendre.
Par acte d’huissier en date du 3 décembre 2019, la société Atout Nord a attrait la Caisse d’épargne devant le tribunal de commerce de Lille Métropole.
Par jugement rendu le 9 mars 2021, le tribunal de commerce de Lille Métropole a statué en ces termes :
DEBOUTE la SARL ATOUT NORD de sa demande de condamnation de la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Hauts-de-France à payer la somme de 38.109,89 € euros au titre du préjudice subi
CONDAMNE la SARL ATOUT NORD à payer à la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Hauts-de-France la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du CPC
Dit que la SARL ATOUT NORD supportera les frais et dépens de l’instance, taxés et liquidés à la somme de 73,24€ (en ce qui concerne les frais de Greffe).
Par déclaration du 8 avril 2021, la société Atout Nord a relevé appel de l’ensemble des chefs de cette décision.
PRE’TENTIONS DES PARTIES :
Par conclusions régularisées par le RPVA le 12 mai 2021, la société Atout Nord demande à la cour de :
Vu notamment les articles 1103 et suivants, 1231-2, 1240 du Code civil, 700 du Code de procédure civile
Vu les pièces versées aux débats,
(…)
– condamner la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DES HAUTS DE FRANCE à payer à la société ATOUT NORD la somme de 38.109,89 € euros au titre du préjudice subi résultant directement des manquements à ses obligations contractuelles,
– condamner la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DES HAUTS DE FRANCE à payer à la société ATOUT NORD la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile en appel ;
– condamner la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DES HAUTS DE FRANCE, en tous les dépens de la présente instance.
La société Atout Nord soutient que la banque a violé ses obligations contractuelles. Elle indique que le contrat conclu prévoit expressément que les opérations de paiement sont garanties, sous réserve que les mesures de sécurité détaillées aux conditions générales soient respectées. L’argumentation de la banque, selon laquelle la société Atout Nord n’aurait pas souscrit l’option permettant la garantie des opérations passées sur son compte, est manifestement erronée. En effet, le contrat est particulièrement ambigu. Mais en tout état de cause, quelles que soient les options souscrites, les opérations de paiement sont censées être garanties par la banque. Dès lors, la banque ne pouvait débiter unilatéralement le compte de sa cliente sans justifier que les conditions prévues étaient remplies. Elle n’a notamment à aucun moment indiqué en quoi la société Atout Nord aurait manqué aux obligations de sécurité qui lui auraient été contractuellement imposées.
A titre subsidiaire, s’il était considéré que le contrat souscrit ne comportait aucune garantie sur les paiements, le défaut de conseil de la banque vis à vis de sa cliente, qui réalise une partie substantielle de son chiffre d’affaires par paiement à distance, serait retenu. En effet, les options ne lui ont jamais été clairement exposées. Le contrat Paiement en Location de Biens et Services (PLBS) n’a jamais été activé et a été résilié unilatéralement par la banque en 2017.
Enfin, la société Atout Nord plaide que la Caisse d’épargne a manqué à son obligation de vigilance. Elle argue que le banquier doit détecter, parmi les opérations qu’on lui demande de traiter, celles qui présentent une anomalie et, en présence d’une telle anomalie, de tout mettre en ‘uvre pour éviter le préjudice qui résulterait pour le client ou pour un tiers de la réalisation de cette opération. En l’espèce, en ne prévenant que le 17 décembre 2018 la société Atout Nord de l’existence de paiements qualifiés de suspects, portés au crédit de la société à compter du 10 novembre 2018, la banque a manifestement manqué à ses obligations de vigilance, de diligence et d’information.
Ces manquements sont sans conteste la cause directe et exclusive du préjudice subi par la société
Atout Nord, qui correspond au montant total des opérations débitées unilatéralement par la Caisse d’épargne Hauts de France, soit le montant de 38 109,89 euros, ou subsidiairement de 35 295,20 euros correspondant à son entier préjudice moins le montant du premier paiement rejeté le 14 novembre (soit la somme de 2 814,77euros).
Par conclusions régularisées par le RPVA le 11 août 2021, la Caisse d’épargne et de prévoyance Hauts de France demande à la cour de :
Vu les pièces versées au débat,
Vu les articles 1103 et suivants du Code civil,
CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de LILLE METROPOLE le 09 mars 2021 sous le RG n°2019046894,
DEBOUTER ATOUT NORD de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
CONDAMNER la SARL ATOUT NORD à payer à la CAISSE D’EPARGNE HAUTS DE FRANCE la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 CPC
LA CONDAMNER aux dépens de première instance et d’appel
La Caisse d’épargne plaide que les contrats signés par les parties contiennent des options, décrites au sein de l’article 2 des conditions particulières intitulé « Commissions et dates de valeur ». Or la société Atout Nord a fait le choix de ne pas sécuriser les opérations bancaires. Dès lors, les dispositions qu’elle cite ne trouvent pas à s’appliquer.
En outre, si le 19 juin 2015, la société Atout Nord a souscrit une convention PLBS, elle n’a pas donné suite à ce contrat qui a de ce fait été annulé. Elle est restée maître du choix de ses types d’encaissement, en fonction des pratiques commerciales qu’elle a choisies de pratiquer, refusant à nouveau une solution sécurisée, malgré les conseils de la banque au jour de la souscription du contrat.
La banque ajoute qu’elle ne s’est pas arrogée le droit de débiter le compte de la société Atout Nord, mais a simplement fait application du contrat. Elle a respecté les délais pour régulariser les opérations bancaires.
Aucune anomalie apparente ne ressort des transactions de sorte qu’invoquer le devoir de vigilance n’apparaît pas opportun.
Manifestement, la société Atout Nord se sait victime d’une fraude et cherche par tous moyens à obtenir compensation.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 19 octobre 2021.
Par message adressé aux conseils des parties par le RPVA le 7 décembre 2021, la cour les a invités à présenter leurs observations, par une unique note en délibéré chacun, sur la qualification possible de la demande d’indemnisation présentée par la société Atout Nord en demande de dommages et intérêts au titre d’une perte de chance, ainsi que sur les modalités propres d’indemnisation de ce préjudice, et ce avant le 14 décembre 2021 à 14h00.
Par note en délibéré en date du 13 décembre 2021, à laquelle était jointe une annexe constituée de plusieurs nouvelles pièces, la société Atout Nord a maintenu son argumentation initiale, faisant valoir que si la banque l’avait informée de façon diligente, elle aurait refusé toute opération suspecte par la suite, et qu’il était donc certain que si la banque avait bien informé sa cliente, le seul préjudice subi aurait alors été du montant du premier paiement rejeté le 14 novembre (soit la somme de 2.814,77€).
Par note en délibéré en date du 14 décembre 2021, la Caisse d’épargne a fait valoir que la perte de chance trouvait son origine dans le refus de sécurisation des opérations par la société Atout Nord et non d’un manquement de sa part. Si néanmoins, par extraordinaire la cour estimait qu’il y avait lieu à indemnisation, celle-ci ne pourrait excéder 10% des sommes détournées, soit 3 800 euros.
SUR CE
A titre liminaire, la cour indique que les pièces signifiées par la société Atout Nord à l’occasion de sa note en délibéré du 13 décembre 2021, postérieurement à la clôture, sont rejetées.
I – Sur la demande indemnitaire de la société Atout Nord
Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public.
Aux termes de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
En application des articles 6 et 9 du Code de procédure civile, à l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.
L’article L 110 -3 du Code de commerce précise qu’à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi.
A ‘ Sur les fautes reprochées à la banque
1) Sur le manquement de la banque à son obligation de garantie des paiements
Il ressort des pièces du dossier que la société Atout Nord a adhéré, le 6 septembre 2013, au système de paiement par carte bancaire proposé par la Caisse d’épargne.
Il est stipulé au contrat que :
– la garantie des paiements par la banque est soumise au respect des mesures de sécurité préalables définies aux conditions générales et particulières du contrat (article 5 des conditions générales) ;
– le commerçant autorise expressément la banque à débiter d’office son compte du montant de toute opération de paiement non garantie n’ayant pu être imputée au compte sur lequel la carte fonctionne (article 1.5 des conditions particulières) ;
– la procédure de sécurisation de paiement à distance consiste en l’authentification 3D Secure du titulaire de la carte CB (article 1.6 des conditions particulières).
Or la société Atout Nord n’a pas adhéré au système de paiement à distance sécurisé, ainsi qu’il résulte des options choisies, dont les intitulés sont clairs. Elle ne pouvait d’ailleurs manifestement pas faire d’autre choix, puisqu’elle ne conteste pas ne pas disposer d’un site internet permettant la réalisation d’achats en ligne protégés par la procédure 3D Secure.
Elle admet par ailleurs que le logiciel « PLBS », qu’elle a demandé postérieurement mais qu’elle n’a pas activé, n’aurait pas pu avoir pour effet de garantir le paiement des contrats de ventes à distance, puisqu’il permet uniquement de prendre une caution ou de vérifier que le compte du client est bien approvisionné.
Il n’est donc pas démontré de manquement de la Caisse d’épargne à son obligation de garantie des paiements.
Ce moyen est inopérant.
2) Sur le manquement de la banque à son devoir d’information et de conseil
Si la société Atout Nord se prévaut d’un manquement de la Caisse d’épargne à son devoir d’information et de conseil à son égard, il sera observé :
– qu’elle n’est pas un consommateur mais une professionnelle qui reconnaît exercer son activité depuis l’année 2009 ;
– qu’elle a pu prendre connaissance, par la simple lecture du contrat qui lui était proposé, de l’absence de garantie donnée par la banque en l’absence de procédure de sécurisation des paiements à distance par le système 3D Secure, le contrat étant sans ambiguïté sur ce point contrairement à ce qu’elle allègue ;
– qu’une banque a un devoir de non-immixtion dans les affaires de ses clients.
En conséquence, la société Atout Nord ne saurait se plaindre d’un défaut d’information ni revendiquer un quelconque devoir de conseil de la Caisse d’épargne à son égard.
Ce moyen est inopérant.
3) Sur le manquement de la banque à son devoir de vigilance
La société Atout Nord reproche à la Caisse d’épargne de ne pas l’avoir informée dans un délai raisonnable des anomalies de paiement constatées et d’avoir contrepassé tardivement les opérations frauduleuses, ne lui permettant pas de refuser d’autres prestations à risque.
Les éléments versés à la procédure mettent en évidence qu’à la suite d’une première contrepassation du 14 décembre 2018, la société Atout Nord a sollicité des explications de la Caisse d’épargne, laquelle lui a adressé, par mail du 17 décembre 2018, un relevé de transactions suspectes dans le cadre de ventes à distance réalisées entre le 10 novembre et le 10 décembre 2018, en lui indiquant : « Pour faire suite à notre discussion, vous trouverez en PJ le relevé relatif à l’impayé suite à la fraude constatée ce jour. Un courrier est en cours d’acheminement afin de justifier cet impayé. De plus vous trouverez ci-dessous des transactions réalisées par Vente à Distance qui me paraissent suspectes si on se réfère au pays d’origine. Actuellement et à notre niveau, il n’est pas possible de vous dire si les transactions seront rejetées ou si ses dernières sont conformes. »
Les courriers d’information adressés par la banque à sa cliente mettent en évidence que :
concernant la transaction 882116214870 : la vente est du 16/11/2018, l’impayé du 21/11/2018 et l’information donnée à la société Atout Nord du 14/12/2018 ;
concernant la transaction 882105721690 : la vente est du 24/11/2018, l’impayé du 28/11/2018 et l’information donnée à la société Atout Nord du 26/12/2018 ;
concernant la transaction 882146466200 : la vente est du 07/12/2018, l’impayé du 12/12/2018 et l’information donnée à la société Atout Nord du 27/12/2018 ;
concernant la transaction 882146517080 : la vente est du 07/12/2018, l’impayé du 12/12/2018 et l’information donnée à la société Atout Nord du 27/12/2018 ;
concernant la transaction 882186283870 : la vente est du 20/11/2018, l’impayé du 23/11/2018 et l’information donnée à la société Atout Nord du 04/01/2019 ;
concernant la transaction 882111963830 : la vente est du 12/11/2018, l’impayé du 16/11/2018 et l’information donnée à la société Atout Nord du 04/01/2019 ;
concernant la transaction 882116343390 : la vente est du 16/11/2018, l’impayé du 21/11/2018 et l’information donnée à la société Atout Nord du 09/01/2019 ;
concernant la transaction 882180970720 : la vente est du 10/12/2018, l’impayé du 13/12/2018 et l’information donnée à la société Atout Nord du 10/01/2019 ;
concernant la transaction 821398090005 : la vente est du 15/12/2018, l’impayé du 28/01/2019 et l’information donnée à la société Atout Nord du 28/01/2019 ;
concernant la transaction 882146312290 : la vente est du 07/12/2018, l’impayé du 12/12/2018 et l’information donnée à la société Atout Nord du 31/01/2019 ;
concernant la transaction 882116443390 : la vente est du 16/11/2018, l’impayé du 21/11/2018 et l’information donnée à la société Atout Nord du 28/01/2019 ;
concernant la transaction 882114135740 : la vente est du 05/12/2018, l’impayé du 10/12/2018 et l’information donnée à la société Atout Nord du 01/03/2019 ;
concernant la transaction 882133271090 : la vente est du 06/12/2018, l’impayé du 11/12/2018 et l’information donnée à la société Atout Nord du 01/02/2019 ;
concernant la transaction 882190220650 : la vente est du 10/11/2018, l’impayé du 14/11/2018 et l’information donnée à la société Atout Nord du 15/02/2019 ;
concernant la transaction 882190360900 : la vente est du 10/11/2018, l’impayé du 17/01/2019 et l’information donnée à la société Atout Nord du 21/01/2019 ;
concernant la transaction 882100323650 : la vente est du 30/11/2018, l’impayé du 05/12/2018 et l’information donnée à la société Atout Nord du 20/02/2019.
Il en ressort donc que le premier impayé date du 14 novembre 2018, et qu’il a été suivi d’impayés des 16, 21, 23 et 28 novembre 2018, puis 5, 10, 11, 12, 13 décembre 2018, avant que la banque ne débite pour la première fois le compte de sa cliente le 14 décembre 2018, amenant cette dernière à l’interroger sur les raisons de ce prélèvement.
Il s’impose de constater que contrairement à ce qu’elle prétend dans son mail du 17 décembre 2018, la Caisse d’épargne était parfaitement en mesure, dès cette date, d’indiquer à sa cliente l’existence de quatorze transactions rejetées, et non d’une seule.
Il est également établi qu’elle avait la possibilité de l’informer de l’existence des impayés le jour même où ils étaient portés à sa connaissance, pour l’avoir fait le 28 janvier 2019, ou à tout le moins en quelques jours, pour l’avoir fait à plusieurs reprises, et non pas dans les délais excessifs qui ont été les siens durant tous les mois de novembre et décembre 2018.
Les stipulations contractuelles dont elle se prévaut, qui l’autorisent à contrepasser des paiements non garantis pendant une durée de 15 mois, ne sont pas de nature à la dispenser de faire preuve de la plus grande célérité pour alerter sa cliente en cas de détection d’anomalies, comme cela a été le cas en l’espèce.
Il doit donc être retenu que la Caisse d’épargne a manqué à son devoir de vigilance envers la société Atout Nord en ne l’avisant qu’avec retard des fraudes dont elle était victime.
B ‘ Sur le lien de causalité et le préjudice de la société Atout Nord
Il est incontestable que si la Caisse d’épargne l’avait immédiatement avisée des impayés constatés sur son compte, la société Atout Nord aurait été beaucoup plus vigilante lors de la conclusion des ventes à distance avec les pays à risque.
Le préjudice subi du fait du comportement négligent de la banque doit donc s’analyser en une perte de chance d’éviter certaines des fraudes dont elle a été la victime.
L’élément de préjudice constitué par la perte de chance peut présenter en lui-même un caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition, par l’effet de la faute, de la probabilité d’un événement favorable, encore que par définition, la réalisation d’une chance ne soit jamais certaine.
En cas de perte de chance, la réparation du dommage ne peut être que partielle. Elle est mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.
La réparation du dommage résultant de la perte de chance ne présente pas un caractère forfaitaire mais correspond à une fraction des différents préjudices subis.
Les pièces versées aux débats établissent que les impayés ont débuté le 14 novembre 2018 pour se suivre ensuite à un rythme rapide, avec les pays suivants uniquement : Singapour, Monaco et Taïwan.
Bien que parcellaires, elles permettent de reconstituer l’enchaînement suivant :
– concernant Singapour, le 1er impayé date du 14 novembre 2018, et les impayés suivants des 21 novembre 2018 (3 impayés), 5 décembre 2018 (1 impayé), 10 décembre 2018 (1 impayé), 12 décembre 2018 (2 impayés) et 14 décembre 2018 (1 impayé) ;
– concernant Monaco, le 1er impayé date du 23 novembre 2018 (1 impayé) et les impayés suivants des 28 novembre 2018 (1 impayé), 11 décembre 2018 (1 impayé) et 13 décembre 2018 (1 impayé) ;
– concernant Taïwan, le 1er impayé date du 12 décembre 2018 (1 impayé) et le seul impayé suivant justifié du 17 janvier 2019 (1 impayé).
Au final, la société Atout Nord indique sans être contredite avoir subi un préjudice total de 38 109,89 euros, en prenant en considération la variation des taux de change.
Compte tenu du temps nécessaire pour identifier les pays suspects et décider des mesures adéquates à prendre, et au regard des dates de transactions frauduleuses, cette perte de chance sera estimée à 50% de son préjudice, ce qui représente 19 054,76 euros.
La Caisse d’épargne sera condamnée à lui verser cette somme à titre de dommages et intérêts.
La décision entreprise sera réformée en ce sens.
II ‘ Sur les demandes accessoires
1) Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
L’issue du litige justifie de condamner la Caisse d’épargne aux dépens d’appel et de première instance. La décision entreprise sera réformée de ce chef.
2) Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 du Code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
La décision entreprise sera infirmée en ce qu’elle a condamné la société Atout Nord à payer à la Caisse d’épargne la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
La Caisse d’épargne, tenue aux dépens d’appel, sera condamnée à verser à la société Atout Nord la somme de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles, et déboutée de sa propre demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
Écarte des débats les pièces signifiées par la société Atout Nord le 13 décembre 2021 ;
Infirme le jugement rendu le 9 mars 2021 par le tribunal de commerce de Lille Métropole en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la Caisse d’épargne et de prévoyance Hauts de France à payer à la société Atout Nord la somme de 19 054,76 euros à titre de dommages et intérêts ;
Condamne la Caisse d’épargne et de prévoyance Hauts de France à payer à la société Atout Nord la somme de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles ;
Déboute la Caisse d’épargne et de prévoyance Hauts de France de sa propre demande au titre de ses frais irrépétibles ;
Condamne la Caisse d’épargne et de prévoyance Hauts de France aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier Le président