Galeriste : 7 mars 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 17-27.747

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CIV. 2

CH.B

COUR DE CASSATION

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Audience publique du 7 mars 2019

Cassation partielle

Mme FLISE, président

Arrêt n° 299 F-D

Pourvoi n° M 17-27.747

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est […] ,

contre l’arrêt rendu le 14 septembre 2017 par la cour d’appel de Paris (pôle 2, chambre 2), dans le litige l’opposant :

1°/ à Mme B… N…, domiciliée […] , prise en qualité d’ayant droit de R… W… I… ,

2°/ à M. F… N…, domicilié […] , […], pris en qualité d’ayant droit de R… W… I… ,

3°/ à la Société protectrice des animaux, dont le siège est […] ,

4°/ à la Fondation assistance aux animaux, dont le siège est […] ,

5°/ à la Ligue française des droits de l’animal, dont le siège est […] , aujourd’hui dénommée la Fondation droit animal, éthiques et sciences,

6°/ à la société A… et Q…, société civile professionnelle, dont le siège est […] , […],

7°/ à M. L… A…, domicilié […] , […],

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 30 janvier 2019, où étaient présents : Mme Flise, président, M. Boiffin, conseiller rapporteur, M. Savatier, conseiller doyen, Mme Rosette, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Boiffin, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SARL Cabinet Briard, avocat de Mme B… N…, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la Société protectrice des animaux, de la Fondation assistance aux animaux et de la Fondation droit animal, éthiques et sciences, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte à la société Axa France IARD du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre M. F… N…, M. A… et la SCP A… et Q… ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que R… W… et G… I…, son époux, sont respectivement décédés […] ; que la première a laissé pour lui succéder son époux et ses deux enfants nés d’une précédente union, Mme et M. B… et F… N…, tandis que le second a institué légataires universels la Société protectrice des animaux, la Fondation assistance aux animaux et la Fondation droit animal, éthiques et sciences, anciennement dénommée Ligue française des droits de l’animal (les associations de protection des animaux) ; que les 13, 14 janvier et 17 février 1993, M. A…, commissaire-priseur, a dressé huit procès-verbaux d’inventaire des tableaux et dessins se trouvant au domicile de G… I… et en d’autres lieux, lesquels ont été transportés et déposés, les 18 et 25 février 1993, dans les locaux de l’étude de ce commissaire-priseur, dans l’attente de l’issue du litige opposant Mme B… N… aux associations de protection des animaux quant au règlement de la succession de G… I… ; qu’en 2007, la SCP A… et Q… (la SCP) a assigné Mme B… N…, à laquelle son frère F… avait cédé ses droits dans la succession de leur mère, et les associations de protection des animaux en paiement de frais de gardiennage ; que Mme B… N… a sollicité le 15 septembre 2009 la désignation d’un expert afin de procéder à l’inventaire et à l’évaluation des biens entreposés dans les locaux de la SCP ; que le 3 décembre 2009, celle-ci, assurée auprès de la société Axa France IARD (l’assureur), a déposé plainte pour le vol de tableaux, le sinistre étant déclaré à l’assureur ; que l’expert judiciaire a constaté la disparition de cent soixante seize tableaux dont douze avaient été remplacés par des reproductions ; que Mme B… N…, qui a assigné en intervention forcée M. A… et l’assureur, ainsi que les associations de protection des animaux ont demandé à titre reconventionnel la condamnation in solidum de ceux-ci et de la SCP à les indemniser de leurs préjudices résultant du vol des tableaux ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que l’assureur fait grief à l’arrêt de le condamner in solidum avec la SCP et M. A… à payer à Mme B… N… la somme de 428 153,33 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2012 et capitalisation des intérêts « dans les conditions de l’article 1154 ancien, devenu 1343-2, du code civil », et à chacune des associations de protection des animaux la somme de 71 358,88 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2012 et capitalisation des intérêts « dans les conditions de l’article 1154 ancien, devenu 1343-2, du code civil », et de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen, qu’en application de l’article 1.3.1 des conditions particulières du contrat d’assurance à effet au 1er avril 2008, il était stipulé que la garantie portait sur l’ensemble des biens dont l’assuré ou les personnes dont il était civilement responsable justifiaient être dépositaire dans le cadre de son activité professionnelle ; que l’assureur faisait valoir qu’il ne devait pas sa garantie faute pour la SCP d’établir, comme elle le devait, avoir reçu en dépôt les cent soixante seize tableaux disparus compte tenu de l’absence de procès verbal de prise en charge, de preuve de dépôt ou de preuve de réception de ceux-ci ou encore de registre tenu à l’étude ; que pour retenir que la SCP établissait la preuve du dépôt et donc que la garantie était due, la cour d’appel a relevé les inventaires des tableaux réalisés les 13 et 14 janvier et 17 février 1993, le changement des serrures de l’appartement de Boulogne, le transport des biens meubles, l’absence d’un lieu de stockage distinct des tableaux, de sorte qu’il résultait « de la chronologie et des pièces du dossier que l’intégralité des peintures et dessins figurant aux inventaires avait été confiée en dépôt à M. A… » ; que cependant, les éléments relevés permettaient seulement d’établir que les tableaux litigieux étaient présents lors des deux inventaires et qu’à la suite de ces deux inventaires des biens meubles avaient été transportés, sans qu’il soit seulement rapporté la preuve de la moindre liste des objets qui avaient été déplacés et réceptionnés à l’étude A… et Q… ; que la cour d’appel, en affirmant que la preuve du dépôt des cent soixante seize tableaux volés avait été rapportée tandis que tel n’était pas le cas, a violé l’article 1.3.1 des conditions particulières du contrat d’assurance à effet au 1er avril 2008, l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 juillet 2016, ensemble l’article 1315 devenu l’article 1353 du code civil ;

Mais attendu que, sous couvert d’un grief non fondé de violation des articles 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 et 1315, devenu 1353, du même code, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l’appréciation des éléments de preuve par la cour d’appel qui, à leur examen, a souverainement estimé qu’il était établi que l’intégralité des peintures et dessins inventoriés les 13, 14 janvier et 17 février 1993 avait été confiée en février 1993 à M. A… en dépôt, au sens de l’article 1.3.1, alinéas 1 et 2, des conditions particulières du contrat d’assurance ;

D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais, sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour dire que l’assureur doit sa garantie à la SCP et le condamner in solidum avec celle-ci et M. A… à payer certaines sommes à Mme B… N… et aux associations de protection des animaux, l’arrêt, après avoir énoncé qu’aux termes de l’article 1.3.1 alinéas 1 et 2, des conditions particulières du contrat d’assurance souscrit par la SCP à effet du 1er avril 2008, la garantie vol porte sur l’ensemble des biens dont l’assuré ou les personnes dont il est civilement responsable justifieront être dépositaires dans le cadre de leur activité professionnelle, et relevé que l’intégralité des peintures et dessins inventoriés les 13, 14 janvier et 17 février 1993 avait été confiée en dépôt à M. A…, retient que les vols sont établis par la plainte déposée par M. A… le 3 décembre 2009, dont il résulte que les quatre toiles ayant le plus de valeur, accrochées dans une pièce fermée à clé, ont été remplacées dans leur cadre par des copies et qu’il manque dans la cave des tableaux dont le détail figure dans le rapport d’expertise judiciaire ;

Qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l’assureur qui faisait valoir que, pour que les conditions de la garantie soient réunies, il incombait à la SCP de démontrer que les cent soixante seize tableaux dont la disparition était invoquée, étaient toujours entreposés dans ses locaux au 1er avril 2008, date de la prise d’effet du contrat d’assurance, et que la SCP ne rapportait pas cette preuve, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne in solidum la SCP A… et Q…, M. A… et la société Axa France IARD à payer à Mme B… N… la somme de 428 153,33 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2012 et capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 ancien, devenu 1343-2, du code civil, et à chacune des Société protectrice des animaux, Fondation assistance aux animaux et Ligue française des droits de l’animal, la somme de 71 358,88 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2012 et capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 ancien, devenu 1343-2, du code civil, outre, pour chacune d’elles, la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel, et rejette les demandes de la société Axa France IARD, l’arrêt rendu le 14 septembre 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne Mme B… N…, la Société protectrice des animaux, la Fondation assistance aux animaux et la Fondation droit animal, éthiques et sciences aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette leurs demandes ; condamne Mme B… N… à payer à la société Axa France IARD la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille dix-neuf.