Galeriste : 26 septembre 2018 Cour de cassation Pourvoi n° 16-23.823

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COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 septembre 2018

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 687 F-D

Pourvoi n° A 16-23.823

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ M. E… A… , domicilié […] ,

2°/ la société E… A… Inc , société de droit panaméen, dont le siège est […]

[…]

,[…],

3°/ la société Chamtora, société anonyme, dont le siège est […] ,

contre l’arrêt rendu le 12 mai 2016 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige les opposant :

1°/ à M. Enrico Y…, domicilié […] ,

2°/ à l’Entreprise individuelle Enrico Y… Gallery, dont le siège est […] ,

3°/ à la Galerie Enrico Y…, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,

4°/ à la société Art Investment Group, dont le siège est […] ,

5°/ à M. Roberto I… Z…, domicilié […] ,

défendeurs à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 12 juin 2018, où étaient présentes : Mme Mouillard, président, Mme H… , conseiller référendaire rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mme Labat, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme H… , conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. A… et des sociétés E… A… Inc et Chamtora, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte à M. E… A… , à la société E… A… Inc et à la société Chamtora du désistement de leur pourvoi en ce qu’il est dirigé contre M. Roberto I… Z… ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 12 mai 2016), que M. A…, marchand d’art et collectionneur spécialiste de l’art contemporain, qui exerce son activité au sein des sociétés E… A… , holding de droit panaméen, et Chamtora, société de droit suisse, et M. Y…, galeriste et marchand d’art qui exerce son activité par l’intermédiaire de la galerie Enrico Y… et de la société Art Investment Group, sont convenus d’une association commerciale aux fins d’acquérir à compte commun des oeuvres d’art en vue de leur revente ultérieure ; que les rapports entre les parties se sont détériorés ; qu’invoquant une campagne publique de dénigrement de la part de M. Y… à l’encontre de M. A… ayant entraîné l’exclusion de celui-ci des foires de Shanghaï et de Bâle, M. A…, la société E… A… et la société Chamtora ont assigné M. Y…, la galerie Enrico Y… et la société Art Investment Group en réparation de leurs préjudices ;

Sur les deuxième et troisième moyens, réunis :

Attendu que M. A… et les sociétés E… A… et Chamtora font grief à l’arrêt de rejeter la demande de M. A… en paiement de dommages-intérêts pour dénigrement alors, selon le moyen :

1°/ que la cour d’appel a observé que M. Y… était activement intervenu auprès des organisateurs des manifestations professionnelles pour s’opposer à la participation de M. A… et réclamer son éviction ; qu’en retenant, pour écarter la responsabilité de M. Y…, que l’éviction de M. A… n’était pas de son fait, mais de celui des organisateurs, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable à l’espèce, devenu l’article 1240 du code civil ;

2°/ que M. A… rappelait que M. Y… avait exercé une forte pression sur les organisateurs de la foire de Shanghaï, auxquels il avait adressé une vingtaine de courriers portant des accusations très graves, lui reprochant d’avoir détourné la moitié du chiffre d’affaires de l’édition 2007 de la foire et d’avoir profité de son statut de directeur artistique pour faire prévaloir ses propres intérêts au détriment de ceux de l’ensemble des exposants ; qu’en retenant que la décision d’éviction avait été prise par les organisateurs de la foire, sans s’intéresser au contenu de ces courriers et sans rechercher si M. Y… n’avait pas ce faisant dénigré M. A…, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

3°/ qu’ayant constaté que M. A… avait produit des bilans et appréciations d’expert comptables justifiant de l’existence de perte, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en retenant, pour rejeter ses demandes, que M. A… ne se fondait pas sur des éléments comptables précis ; qu’elle a violé l’article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable à l’espèce, devenu l’article 1240 du code civil ;

4°/ qu’ayant constaté l’existence de pertes concomitantes aux agissements de M. Y…, la cour d’appel n’en a pas tiré les conséquences en retenant qu’il n’était pas démontré que les pertes étaient dues aux agissements de M. Y… ; qu’elle a ce faisant violé l’article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable à l’espèce, devenu l’article 1240 du code civil ;

5°/ que le dénigrement cause à celui qui en est victime un préjudice moral d’atteinte à l’image et à la réputation, indépendamment des pertes comptables qu’il peut également engendrer sur le plan commercial ; que la cour d’appel a constaté que M. Y… s’était répandu en propos peu amènes, qui avaient « nécessairement nui à la réputation » de M. A… et que les « protestations de ce dernier n’avaient apparemment pas convaincu la totalité du milieu auquel il appartient » ; qu’en énonçant, pour débouter M. A… de sa demande en dommages-intérêts en réparation de son préjudice d’image et de réputation, indemnisé par le jugement entrepris à hauteur de 750 000 euros, qu’il n’était pas établi que les pertes invoquées soient liées au conflit avec M. Y…, sans rechercher si le dénigrement qu’elle avait constaté n’avait pas causé à M. A… un préjudice moral devant être réparé en tant que tel, indépendamment même de ses conséquences économiques, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable à l’espèce, devenu l’article 1240 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que sous le couvert d’un grief infondé de violation de la loi, la troisième branche du moyen ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine, par la cour d’appel, de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits aux débats ;

Attendu, en second lieu, qu’après avoir relevé qu’il était certes indéniable que les protagonistes de cette affaire s’étaient mutuellement accusés de pratiques et de procédés déloyaux et répandus en propos peu amènes au sein de leur milieu commun, et que M. Y… avait pris une part active à ce genre d’opérations en visant son adversaire à l’occasion de la foire de Shanghaï et dans le cadre d’autres manifestations, l’arrêt constate que M. A… ne démontre pas qu’il ait fait l’objet d’un phénomène d’exclusion généralisé sur les grandes places de l’art, les pièces produites de part et d’autre et les écritures de M. A… n’attestant que de la suspension de ce dernier de la foire de Shanghaï ; qu’il retient qu’en tout état de cause, le préjudice qu’en aurait subi M. A…, directement ou via la société Chamtora, n’est pas démontré, car les attestations de M. Roger B… et de Mme K… C… restent très limitées dans leur subjectivité et trop imprécises pour prétendre justifier d’un préjudice qui aurait dû logiquement se fonder sur des éléments comptables précis et des témoignages de clients attestant de la perte commerciale alléguée ; qu’il relève en outre que, si M. A… a complété les deux témoignages cités par des chiffres résultant de bilans et d’appréciations d’experts comptables, il n’en demeure pas moins qu’il n’est en rien avéré que les pertes invoquées soient liées au conflit avec M. Y… que, en tout état de cause, M. A… a lui-même amplement alimenté ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui n’a pas constaté l’existence de pertes, et qui n’était pas tenue de procéder à la recherche invoquée à la cinquième branche, ni de répondre aux conclusions reprises à la deuxième branche, que ses constatations et appréciations rendaient inopérantes a, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première branche, légalement justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa quatrième branche, n’est pas fondé pour le surplus ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. A… et les sociétés E… A… Inc et Chamtora aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille dix-huit.