Galeriste : 16 novembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/05764

·

·

image_pdfEnregistrer (conclusions, plaidoirie)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRET DU 16 NOVEMBRE 2022

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/05764 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDL5S

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Février 2021 – Tribunal Judiciaire de PARIS RG n° 18/08703

APPELANTES

Madame [I] [K] épouse [P]

née le 02 Février 1968 à [Localité 9]

[Adresse 6]

[Localité 5]

S.A.R.L. GAM

immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 439 913 302, représentée par son gérant, domicilié en cette qualité audit siège,

venant aux droits de la société GAM, précédemment constituée, en vertu d’une transmission Universelle de Patrimoine en date du 21 décembre 2021, dûment publiée

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentées par Me Eric ALLERIT de la SELEURL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241, avocat postulant

Représentées par Me Bertrand RACLET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0055, avocat plaidant

INTIME

Monsieur [S] [Y]

né le 01 Septembre 1942 à [Localité 8]

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représenté par Me Francine HAVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1250, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 27 septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Gilles BALAY, président

Monsieur Douglas BERTHE, conseiller

Madame Marie GIROUSSE, conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIERE : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Gilles BALAY, Président et par Anaïs DECEVAL, Greffier présent lors de la mise à disposition.

******

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 17 avril 2012, M. [S] [Y] a consenti à la société Atelier [I] [K], représentée par sa gérante Mme [I] [K], un bail dérogatoire au statut des baux commerciaux relevant des dispositions de l’article L.145-5 du code de commerce, portant sur des locaux situés [Adresse 3], pour une durée de 23 mois à compter du 1er avril 2012 pour se terminer le 1er mars 2014, pour une activité essentielle de « galerie d’art et de négoce d’objets d’art».

Par assemblée générale extraordinaire du 19 juin 2013, la dénomination sociale de la société ATELIER [I] [K] a été changée pour devenir « GALERIE AGNÈS MONPLAISIR ».

Par acte sous seing privé non daté, M. [S] [Y] a consenti à Mme [I] [K] une convention d’occupation précaire portant sur les locaux précités à compter du 15 mars 2014 moyennant une indemnité mensuelle de 2 000 € charges comprises, pour une durée indéterminée, prenant fin au plus tard dans les 3 mois de la signature d’une promesse synallagmatique ou d’un compromis de vente du bien immobilier, ou par volonté des parties, la destination étant une utilisation des lieux ‘pour y entreposer des oeuvres d’art de faible poids et sans aucune vocation d’habitation (…) ‘ étant ajouté qu”accessoirement l’occupante pourra y exercer exclusivement l’activité occassionnelle annexe de galerie ou de négoce d’objets d’art, à l’exclusion de toute autre activité’.

Le 02 mai 2017, M. [J] [M] a racheté la totalité des 200 000 parts représentant le capital social de la société GALERIE AGNÈS MONPLAISIR. Le 18 mai 2017, il a décidé, en qualité d’associé unique et après avoir pris acte de la démission de Mme [I] [K] de son mandat de gérant, de nommer M. [R] [E] en qualité de gérant, de modifier la dénomination sociale de la société GALERIE AGNES MONPLAISIR en « GAM » et de transférer son siège social au [Adresse 2].

Par acte d’huissier du 22 mai 2018, M. [S] [Y] a fait délivrer à Mme [I] [K] un commandement visant la clause résolutoire d’avoir à payer une somme de 22 250 € au titre des indemnités d’occupation échues entre juin 2017 et avril 2018 et d’avoir à procéder à l’ouverture du local prétendument fermé et vide.

Par acte d’huissier des 18 et 20 juin 2018, la société GAM a protesté contre le commandement délivré de mauvaise foi, selon lui, à une personne non titulaire du bail commercial et mis en demeure le bailleur d’accepter le paiement des loyers causant le commandement.

Par acte d’huissier du 26 juin 2018, M. [S] [Y] a fait citer Mme [I] [K] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris aux fins essentielles de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire, ordonner son expulsion et de la voir condamner au paiement de sa dette locative. La société GAM est intervenue volontairement à l’instance. Par ordonnance du 03 septembre 2018, le juge des référés a déclaré la société GAM irrecevable en son intervention volontaire, constaté la nullité du commandement délivré le 22 mai 2018, déclaré celui-ci sans effet et débouté M. [S] [Y] de l’ensemble de ses demandes.

Entretemps, par acte d’huissier du 17 juillet 2018, la société GAM et Mme [I] [K] ont fait citer M. [S] [Y] devant le tribunal de grande instance de Paris en revendication d’un bail commercial.

Par ordonnance du 19 avril 2019, le juge de la mise en état a constaté le désistement de M. [S] [Y] de sa demande de provision et rejeté ses demandes visant à ordonner l’arrêt des travaux engagés par Mme [I] [K] et la société GAM.

Par jugement du 11 février 2021, le tribunal judiciaire de Paris a débouté M. [S] [Y] de la fin de non recevoir tirée du défaut d’intérêt légitime à agir de la société GAM et de Mme [I] [K] ; débouté ces dernières de leurs demandes visant à voir constater la maintien en possession des locaux de la société ATELIER [I] [K] devenue GAM au-delà du 1er mars 2014, à voir juger en application de l’article L.145-5 du code de commerce, que la société ATELIER [I] [K] devenue GAM est titulaire d’un bail commercial d’une durée de neuf ans depuis le 2 mars 2014, aux clauses et conditions du bail expiré, et à voir juger en conséquence la conséquence d’occupation précaire consentie à Mme [I] [K] sans aucune incidence sur les droits locatifs de la société GAM ; débouté cette dernière et Mme [I] [K] de leurs demandes tendant à voir constater le caractère frauduleux de l’acte du 15 mars 2014, comme établi aux fins d’éluder le droit au statut des baux commerciaux dont est titulaire la société ATELIER [I] [K] devenue GAM ; déclaré prescrite l’action de la société GAM et de Mme [I] [K] en requalification de la convention d’occupation précaire du 15 mars 2014 en bail commercial et déclaré la société GAM et Mme [I] [K] irrecevables en leurs demandes tendant à voir juger que l’acte du 15 mars 2014 doit recevoir la qualification de bail commercial ; déclaré sans objet les demandes de la société GAM et Mme [I] [K] tendant à voir juger non écrites l’ensemble des stipulations de l’acte du 15 mars 2014 destinées à faire échec au droit au renouvellement du preneur et à son fonds de commerce, en application des articles L.145-15 et L.145-16 du code de commerce, notamment la destination contractuelle, à voir juger nulles les stipulations de la clause résolutoire dudit acte et à voir juger que le titulaire du bail ainsi requalifié et expurgé des clauses nulles ou réputées non écrites est la société GAM ; débouté M. [S] [Y] de sa demande tendant à voir déclarer la convention d’occupation précaire du 15 mars 2014 conforme aux dispositions de l’aticle L.145-5-1 du code de commerce ; prononcé, à compter du présent jugement, la résiliation de la convention d’occupation précaire du 15 mars 2014 consentie par M. [S] [Y] à Mme [I] [K] sur les locaux litigieux ; condamné in solidum la société GAM et Mme [I] [K] à payer à M. [S] [Y] la somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts ainsi qu’aux dépens; les a condamnés in solidum à payer à M. [S] [Y] la somme de 5 000 € en application de l’article 700 du même code ; ordonné l’exécution provisoire de la présente décision ; débouté les parties du surplus de leurs demandes.

****

Par déclaration du 25 mars 2021, la société GAM et Mme [I] [K] ont interjeté appel partiel du jugement. Par conclusions déposées le 24 septembre 2021, M. [S] [Y] a interjeté appel incident partiel du jugement.

Le 21 décembre 2021, la société GAM a fait l’objet d’une transmission universelle de son patrimoine au profit de la société VICTOIRE, l’acte prévoyant que la procédure pendante devant la cour d’appel de Paris serait reprise par la société VICTOIRE, laquelle est intervenue à la présente instance.

Par ordonnance du 07 septembre 2022, l’instruction a été déclarée close.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Vu les conclusions déposées le 1er septembre 2022, par lesquelles la société VICTOIRE, venant aux droits de la Sté GAM à la suite d’une transmission universelle de patrimoine, et Mme [I] [K], appelantes à titre principal et intimées à titre incident, demandent à la Cour d’infirmer le jugement sauf en ce qu’il a débouté M. [S] [Y] de sa fin de non-recevoir et de sa demande visant à voir déclarer la convention d’occupation précaire conforme aux dispositions de l’article L145-5-1 du code de commerce, et statuant à nouveau, à titre principal, de juger que la société ATELIER [K] devenue VICTOIRE est titulaire d’un bail commercial d’une durée de neuf ans depuis le 02 mars 2014, aux clauses et conditions du bail expiré; de juger la convention d’occupation précaire consentie à Mme [I] [K] postérieurement à la naissance du droit locatif statutaire sans aucune incidence sur les droits locatifs de la société VICTOIRE ; subsidiairement et pour le cas où la Cour jugerait que la société ATELIER [I] [K] devenue VICTOIRE n’est pas devenue titulaire d’un bail commercial à l’expiration du bail dérogatoire, de juger que l’acte du 15 mars 2014 doit recevoir la qualification de bail commercial ; de juger non écrites l’ensemble des stipulations de cet acte destinées à faire échec au droit au renouvellement du preneur et à son fonds de commerce, notamment la destination contractuelle; de juger nulles les stipulations de la clause résolutoire; juger que le titulaire du bail ainsi requalifié et expurgé des clauses nulles ou réputées non écrites est la société VICTOIRE ; en toute hypothèse, juger M. [Y] irrecevable à formuler pour la première fois devant la Cour une demande de remise en état des locaux, sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile ; le condamner à leur payer la somme de 15 000 € chacun par application de l’article 700 du même code ; le condamner aux entiers dépens de la procédure de première instance et d’appel, comprenant la protestation à commandement et l’incident devant le juge de la mise en l’état, avec bénéfice des dispositions de l’article 699 du même code.

La société VICTOIRE et Mme [I] [K] font valoir le maintien en possession des locaux de la société ATELIER [I] [K] au-delà du 28 février 2014, date d’expiration du bail dérogatoire, les loyers étant payés de façon identique par cette société, sans que le bailleur ne manifeste son opposition à un tel maintien avant l’expiration du bail dérogatoire, de sorte qu’en application de l’article L.145-5 du code de commerce, la société ATELIER [I] [K] est titulaire d’un bail commercial d’une durée de neuf ans depuis le 02 mars 2014, aux clauses et conditions du bail expiré; que la preuve du maintien en possession résulte de la persistance de la relation locative et du paiement des loyers y compris pour la période du 1er au 14 mars 2014; que la convention d’occupation précaire ne peut suppléer l’absence de manifestation de volonté de mettre fin au bail dérogatoire par M. [Y]; que ce dernier ne justifie pas d’un motif de précarité. Elles font observer que la convention d’occupation précaire ne peut constituer une renonciation à ses droits par la société GAM qui n’est pas partie à cette convention et ne peut leur être opposée dès lors qu’elle n’a été signée ni par la société locataire, ni même par sa gérante. Elles font grief au Tribunal d’avoir renversé la charge de la preuve en évoquant l’application de l’ancien article 1315 du code civil.

Subsidiairement, elles soutiennent que l’acte du 15 mars 2014 doit recevoir la qualification de bail commercial et soulèvent le caractère frauduleux de cet acte, comme établi aux fins d’éluder le droit au bénéfice du statut des baux commerciaux dont est titulaire la société ATELIER [I] [K] devenue VICTOIRE, en ce que le motif de précarité demeure inexistant; que la fraude paralyse tout effet prescriptif à l’égard de l’action en requalification. Elles affirment que l’ensemble des stipulations dudit acte destinées à faire échec au droit au renouvellement du preneur et à son fonds de commerce doivent être jugées non écrites, en application des articles L.145-15 et L.145-16 du code de commerce, notamment la destination contractuelle, ajoutant que les stipulations de la clause résolutoire dudit acte doivent être nulles.

En réponse aux prétentions adverses, elles font valoir que leurs demandes ne sont pas irrecevables dès lors que la fraude écarte l’effet de la prescription; qu’en tout état de cause que la société locataire était immatriculée pour les locaux loués, à titre d’établissement secondaire au 30 janvier 2018, soit antérieurement à l’assignation du 17 juillet 2018 et que l’absence de siège social dans les lieux loués n’est pas une condition d’irrecevabilité; que la résiliation judiciaire n’a lieu d’être datée que du jugement qui la prononce en raison de la nature du contrat à exécution successive. Elles ajoutent que la demande relative à la remise en état des locaux est une demande nouvelle irrecevable en ce qu’elle ne se déduit pas de la survenance ou de la révélation d’aucun fait antérieur et n’est rattachable à aucune demande du bailleur; que M. [Y] n’établit aucun préjudice notamment moral de sorte que sa demande de dommages et intérêts doit être rejetée.

Vu les conclusions déposées le 24 juin 2022, par lesquelles M. [S] [Y], intimé à titre principal et appelant à titre incident, demande à la Cour

– Sur la demande principale de la société VICTOIRE et Mme [K]: d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de la fin de non recevoir tirée du défaut d’intérêt légitime à agir; statuant à nouveau, de juger Mme [I] [K] et la société VICTOIRE irrecevables pour défaut d’intérêt légitime en leur demande en revendication d’un bail commercial au profit de la société GAM; à titre subsidiaire sur cette demande, de confirmer le jugement entrepris de ce chef et débouter la société VICTOIRE et Mme [K] aux fins de voir juger que la société VICTOIRE est titulaire d’un bail commercial d’une durée de neuf ans depuis le 2 mars 2014;

– Sur la demande subsidiaire de la société VICTOIRE et Mme [K] en requalification de la convention d’occupation précaire en bail commercial: de juger la société VICTOIRE et Mme [I] [K] irrecevables en leur demande; confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré prescrite cette action et les a déclarées irrecevables; y ajoutant en tant que de besoin, de juger la société VICTOIRE et Mme [K] irrecevables pour défaut de siège social au [Adresse 3] de cette société à la date de signature de la convention d’occupation précaire et pour défaut d’intérêt légitime; à titre subsidiaire, de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté les appelantes de leurs demandes relatives au caractère frauduleux de l’acte du 15 mars 2014, en ce qu’il a déclaré prescrite leur action en requalification et déclaré sans objet leurs demandes tendant à voir juger non écrites ou nulles les stipulations litigieuses de l’acte du 15 mars 2014 ;

-en tout état de cause: de confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire de la convention d’occupation précaire ; de recevoir M. [Y] en son appel incident, d’infirmer le jugement en ce qu’il a fixé la date de résiliation à la date du jugement ; statuant à nouveau, de prononcer la résiliation de la convention d’occupation précaire du 15 mars 2014 à la date du 18 avril 2018 ; de condamner la société VICTOIRE à la remise en état de la façade des locaux, comportant le démontage de l’enseigne GAM qu’elle y a apposée et l’effacement de toute trace s’y rapportant ; de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné solidairement la société GAM et Mme [K] à lui payer la somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts ainsi que celle de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; de les condamner solidairement en cause d’appel à lui payer la somme de 10 000 € en application du même article;de les condamner solidairement aux entiers dépens de première instance et d’appel avec bénéfice de l’article 699 du même code.

M. [S] [Y] soutient que les appelantes sont irrecevables en leur demande, d’une part, pour défaut d’intérêt légitime en ce que Mme [K] a déclaré elle-même que les locaux n’étaient plus occupés au 1er mars 2014, celle-ci ne pouvant alors se prévaloir de sa propre turpitude et en ce que la société GAM n’a pas agi contre cette dernière malgré sa décision portant atteinte à ses intérêts; d’autre part, en application de la prescription biennale résultant de l’article L145-60 du code de commerce, la convention d’occupation précaire dont la requalification est sollicitée étant du 15 mars 2014, date qui, en tout état de cause aurait été le point de départ de la prescription s’il y avait eu fraude puisque c’est celle de la connaissance de l’acte litigieux; de troisième part, pour défaut d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés pour l’établissement situé [Adresse 3] à la date de la signature de la convention d’occupation précaire.

Il expose qu’il avait un motif de précarité, son restaurant situé dans le Var devant être fermé sur décision de la préfecture du Var en ordonnant la démolition; qu’il n’y a pas d’obligation légal à préciser dans la convention le motif de précarité; que la convention remplit les conditions de validité d’une convention d’occupation précaire.

Il fait valoir que la société Galerie Agnès Monplaisir n’avait aucune raison de prolonger le bail dérogatoire en 2014 pour le transformer en bail commercial ; que la gérante, Mme [K], n’a pas entendu que la société se maintienne dans les lieux, étant observé que les locaux étaient à l’abandon jusqu’en 2018 ; qu’aucune manifestation du bailleur n’est nécessaire en cas de départ des lieux du preneur ; que l’argument selon lequel le paiement des loyers se faisait depuis le compte bancaire intitulé ATELIER AGNES MONPLAISIRest inopérant pour démontrer le maintien dans les lieux de la société GALERIE AGNES MONPLAISIR; qu’il a refusé les chèques adressés par la société GAM.

Il sollicite la confirmation de la résiliation en ce que les appelantes ont violé les articles 14 et 18 de la convention d’occupation précaire mais fait grief au Tribunal d’avoir retenu une date erronée en ce que la société GAM occupait les lieux depuis le 18 avril 2018, date devant être retenue pour la résiliation.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

MOTIFS DE LA DECISON

Sur la fin de non recevoir tirée du défaut d’intérêt légitime à agir:

Selon l’article 31 du CPC, « L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. »

Selon l’article 122 du CPC, « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.»

L’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l’action.

En l’espèce, la société VICTOIRE, venue aux droits de la société GAM, et Mme [I] [K], autrefois gérante et associée de cette société, ont un intérêt légitime à agir aux fins de voir reconnaître que cette société serait bénéficiaire d’un bail commercial, et ce, nonobstant le fait que Mme [I] [K] soit signataire de la convention d’occupation précaire dont elle dénonce le caractère frauduleux à l’égard des appelantes.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de Mme [I] [K] et de la société GAM devenue société VICTOIRE.

Sur la demande en reconnaissance d’un bail commercial à l’issue du bail dérogatoire du 17 avril 2012

Selon l’article L 145-5 du code de commerce dans sa version applicable au bail dérogatoire conclu le 17 avril 2012, les parties peuvent, lors de l’entrée dans les lieux, déroger au dispositions relatives au statut des baux commerciaux ‘à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas spérieure à deux ans’ étant précisé que ‘si, à l’expirationde cette durée, le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par les dispositions du présent chapitre’ , c’est à dire celles relatives au statut des baux commerciaux

Il en résulte que si le preneur ne reste pas en possession des lieux au terme contractuel du bail dérogatoire, celui-ci a pris fin et le statut des baux commerciaux n’a pas lieu de s’appliquer mais qu’en revanche si le preneur est resté dans les lieux, pour échapper à l’application du statut des baux commerciaux, le bailleur a la charge de prouver qu’avant la date contractuelle d’expiration du bail dérogatoire, il a manifesté sa volonté de ne pas poursuivre sa relation contractuelle avec son locataire.

En l’espèce, dans la convention d’occupation précaire portant sur les locaux en cause, à effet au 15 mars 2014 conclue entre M. [Y] et Mme [I] [K], il est rappelé à titre préalable, au premier paragraphe de l’acte: ‘ce local est libre de tous occupants depuis le 1er mars 2014″; au cinquième paragraphe: ‘Mme [I] [K] connaît bien la boutique pour l’avoir visitée, et avoir dirigé une personne morale, RCS 531 919 215, qui a loué la boutique suivant un bail dérogatoire pendant une durée de 23 mois, période de location qui s’est achevée le vendredi 28 février 2014″; au sixième paragraphe:’connaissant les projets de cession de M. [Y], Mme [K] lui a proposé de l’occuper à titre personnel et à titre précaire, en se réservant la possibilité de se porter acquéreur si les conditions notamment de prix lui convenait’. Il est ensuite notamment précisé à l’article 2 de la convention:’l’occupante déclare en (les locaux) avoir une parfaite connaissance pour les avoir visités et pour avoir dirigé une personne morale qui les a occupés suivant un bail dérogatoire ayant expiré.’ Enfin, la destination des locaux n’est pas la même que celle prévue au bail dérogatoire puisqu’il s’agit essentiellement d”un local d’entrepôt d’oeuvres d’art’ dans la convention d’occupation précaire.

Il apparaît donc que dans cette convention, Mme [K], qui avait parallèlement la qualité de gérante de la société GALERIE AGNÈS MONPLAISIR, a clairement affirmé que les locaux ont été libérés par cette société le 28 février 2014 et mis à sa disposition personnelle libres de tous occupants le 15 mars 2014.

La circonstance que le paiement mensuel de l’indemnité d’occupation de 2.000 € soit effectués après mars 2014, par des virements au profit de M. [Y], comme auparavant tirés sur un compte intitulé ‘ATELIER AGNES [K]’, sans précision de la forme juridique correspondant à cet intitulé, pouvant aussi bien correspondre à l’enseigne de Mme [K] que celle de la société dénommée depuis juin 2013 ‘GALERIE AGNES MONPLAISIR’, ne permet pas d’affirmer que le bailleur a sciemment reçu des paiements de cette société sachant qu’elle se serait maintenue dans les lieux en dépit des termes de la convention d’occupation précaire signée à titre personnel par sa gérante.

Il ressort, au contraire, des pièces produites que lorsque M. [Y] a été informé par courriel du 13 juin 2017 que la Sté GAM disant avoir racheté ‘la société de Mme [K]’ déclarait disposer des clefs des locaux, il a refusé d’encaisser les chèques de la société GAM adressés en juillet 2017, écrivant à Mme [K] le 8 août 2017 qu’il n’avait pas mis ces chèques à l’encaissement puisque seule cette dernière était signataire de la convention d’occupation précaire et lui a demandé de ‘rétablir la situation’; qu’il a délivré un commandement visant la clause résolutoire de la convention à Mme [K],le 22 mai 2018, notamment pour obtenir le paiement de loyers impayés, étant annexés à cet acte les avis d’échéances de juin 2017 à avril 2018 établis au nom de la GALERIE AGNES MONPLAISIR; que par une lettre recommandée avec accusé de réception du 9 août 2018, M. [Y] écrit à la société GAM pour lui restituer son virement de 2.000 €, rappelant que Mme [K] est la locataire et dénonçant un ‘passage en force’ pour obtenir un titre locatif; qu’ à la suite de l’ordonnance de référé du 3 septembre 2018 ayant déclaré de mauvaise foi M.[Y] pour avoir refusé d’encaisser les chèques qui lui étaient adressés, tout en indiquant que l’occupation des lieux par la société GAM n’est pas démontrée, que M. [Y] a finalement accepté les règlements de la société GAM en écrivant le1er octobre 2018 à cette dernière qu’il acceptait ses règlements puisque le tribunal a considéré que Mme [K] pouvait régler ses loyers ‘éventuellement par des paiements provenant de votre société ‘tout en précisant ‘que ces encaissements sont autorisés par le tribunal et ne vous confèrent aucune qualité. Vous restez étranger à la relation contractuelle qui me lit à Madame [K] seule’; que par lettre du 9 janvier 2019, la société GAM écrivait à M. [Y] que puisqu’il acceptait désormais les règlements elle lui virait sur son compte bancaire’le solde des loyers antérieurs que nous n’avions pas pu vous régler par suite de votre opposition, soit la somme de 30.000 euros, correspondant à la période du 1er juillet 2017 au 30 septembre 2018″; que l’avis d’échéance de 2.000 € pour le mois de juillet 2017 non signé mentionnant la société GAM en qualité de destinataire est donc sans valeur probante pour établir le véritable bénéficiaire de la convention d’occupation précaire .

La circonstance que le mois de mars 2014 ait été intégralement payé malgré une prise de possession fixée au 15 mars 2014 dans la convention d’occupation précaire, n’est pas de nature à démontrer qu’en dépit des termes clairs et dénués d’ambiguité de sa gérante dans la convention d’occupation précaire, la société GALERIE AGNES MONPLAISIR se serait maintenue dans les lieux après le 1er mars 2014 .

La preuve de la libération des locaux par la société GALERIE AGNES MONPLAISIR avant le 1er mars 2014 étant rapportée par les énonciations de la convention d’occupation précaire signée par Mme [K], il est inopérant de sa part de faire valoir qu’avant cette date, M. [Y] n’a pas manifesté sa volonté de voir sa locataire quitter les lieux au terme prévu dans le bail dérogatoire. Le bail dérogatoire ayant pris fin à la date convenue par le départ de la locataire, il ne s’est pas opéré de nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme [I] [K] et la société ATELIER AGNES [K], devenue société GAM puis société VICTOIRE, de leurs demandes tendant à voir juger qu’en application de l’article 145-5 du code de commerce cette société est titulaire d’un bail commercial d’une durée de neuf ans depuis le 2 mars 2014.

Sur la demande de requalification de la convention d’occupation précaire en bail commercial

Dès lors que le bail dérogatoire a pris fin le 28 février 2014 et qu’il ne lui a pas succédé de bail commercial, il n’y a eu aucune fraude visant à faire échec à l’application du statut des baux commerciaux, susceptible de suspendre la prescription biennale prévue par l’article L145-60 du code de commerce applicable à la demande de requalification de la convention d’occupation précaire à effet au 15 mars 2014.

Cette demande de requalification de la convention d’occupation précaire en bail commercial ayant été initiée par assignation du 17 juillet 2018, soit plus de quatre ans après la conclusion de la convention litigieuse, la demande est irrecevable comme prescrite.

La société VICTOIRE ne disposant pas d’un bail commercial relevant du statut des baux commerciaux, les demandes en supression de clause non écrite ou en annulation de clauses sont sans objet.

Il convient donc de confirmer le jugement du 11 février 2021 en ce qu’il a déclaré irrecevable comme prescrite la demande de la société GAM et de Mme [I] [K] en requalification de la convention d’occupation précaire du 15 mars 2014 en bail commercial, et de déclarer sans objet leurs demandes tendant à voir juger non écrites les stipulations de cet acte destinées à faire échec au droit au renouvellement et à son fonds de commerce, à voir déclarer nulle la clause résolutoire et à voir dire que le titulaire du bail requalifié et expurgé des clauses nulles et réputées non écrites est la société GAM, aux droits de laquelle se trouve la société VICTOIRE,

Sur les demandes de M. [Y]

Contrairement à ce que soutient M. [Y], il ne se déduit pas de la prescription de la demande de requalification de la convention d’occupation précaire à effet du 15 mars 2014 que cette convention relèverait des dispositions de l’article L145-5-1 résultant de la loi du 18 juin 2014 entrées en vigueur après la conclusion de cette convention. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

En application des articles 1134 et 1184 du code civil dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, les termes de cette convention d’occupation précaire s’imposent à M. [Y] et Mme [K], sa résiliation judiciaire pouvant être prononcée en cas de défaut d’exécution du bail suffisamment grave pour compromettre la poursuite des relations contractuelles.

L’article 14 de cette convention stipule que ‘la transmissiondes droits d’occupation consentis à titre précaire est interdite’ et qu”ainsi, il est expressément et irrévocablement interdit à l’Occupante de céder son droit d’occupation précaire, de consentir une sous-location, une location-gérance, de prêter les lieux loués, même temporairement, en totalité ou en partie sous quelque forme que ce soit, gratuitement ou contre rémunération’.

Le jugement déféré relève à juste titre que selon les éléments du dossier, pour le moins depuis le 18 avril 2018, date du premier constat établi par Maître [W] huissier de justice, à la demande de la société GAM, les locaux, objets de la convention d’occupation précaire du 15 mars 2014 consentie à Mme [K], sont occupés du chef de celle-ci, par un tiers, la société GAM, sans que l’autorisation de M. [Y]ait été sollicitée, ni a fortiori obtenue, et que cette violation par Mme [K] de l’interdiction édictée par l’article 14 de la convention présente, en raison même de la précarité du droit d’occupation dont elle est titulaire, une gravité suffisante pour justifier la résiliation de ladite convention.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a prononcé la résiliation de la convention d’occupation précaire.

Cependant, dès lors qu’il est établi par le constat d’huissier que la société GAM occupait les lieux à tout le moins depuis le 18 avril 2018, il convient de faire droit à la demande de M. [Y] et d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a prononcé la résiliation de la convention d’occupation précaire à la date de son prononcé et de dire que la résiliation sera prononcée à la date du 18 avril 2018 .

Il convient, en conséquence, de prononcer la résiliation à la date du 18 avril 2018 de la convention d’occupation précaire du 15 mars 2014.

Sur la demande de remise en état de la façade des locaux

M. [Y] sollicite la résiliation de la convention d’occupation précaire sans demander l’expulsion de l’occupante.

Il demande dans ses écritures d’appel la condamnation de la société VICTOIRE à remettre en état la façade des locaux, comprenant le démontage de l’enseigne GAM qu’elle y a apposé ainsi que l’effacement de toute trace s’y rapportant. Cependant, cette demande n’a pas été formée en première instance et ne vise pas à faire écarter les prétentions adverses. La circonstance que l’acte de signification en date du 11 février 2021, du jugement entrepris, mentionne la présence d’une enseigne de la société GAM, ne permet pas de démontrer que l’installation de cette enseigne se serait révélée après la procédure de première instance. La demande de condamnation à remettre en état la façade constitue donc une demande nouvelle en appel qui sera déclarée irrecevable en application de l’article 564 du code de procédure civile.

Sur les dommages et intérêts

Au regard des circonstances de l’espèce et de l’allégation réitérée d’une intention frauduleuse de la part de M. [Y] constitue une faute préjudiciable à son égard. Au regard des circonstances de l’espèce, la somme de 1.500 € apparaît être une juste réparation du préjudice moral qu’il a subi. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.Il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir ‘constater’ ou ‘dire’ lorsqu’elles ne constituent pas des prétentions visant à confèrer un droit à la partie qui les requiert et ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné in solidum la société GAM, aux droits de laquelle se trouve la société VICTOIRE, et Mme [K] à payer à M. [Y] la somme de 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elles seront condamnées in solidum à lui payer une somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles de la procédure d’appel, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elles seront déboutées de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles.

En application des articles 696 et 699 du code de procédure civile, Mme [I] [K] et la société VICTOIRE seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d’appel, avec distraction au profit de Maître F. HAVET.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du 11 février 2021 en toutes ces dispositions sauf en ce qu’il a prononcé la résiliation de la convention d’occupation précaire du 15 mars 2014 à compter à la date du jugement,

RÉFORME le jugement du 11 février 2021 en ce qu’il a prononcé la résiliation de la convention d’occupation précaire du 15 mars 2014 à compter à la date du jugement,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

PRONONCE la résiliation de la convention d’occupation précaire du 15 mars 2014, consentie par M. [S] [Y] à Mme [I] [K] sur les locaux sis [Adresse 3] , et dit que cette résiliation prend effet à la date du 18 avril 2018,

DÉCLARE irrecevable comme nouvelle, la demande de M. [S] [Y] aux fins de voir condamner la société VICTOIRE et Mme [K] à la remise en état de la façade des locaux en cause, comportant le démontage de l’enseigne GAM et l’effacement de toute trace s’y rapportant,

CONDAMNE in solidum la société VICTOIRE et Mme [K] à payer à M. [Y] une somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles de la procédure d’appel, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

DÉBOUTE la société VICTOIRE et Mme [K] de leur demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [I] [K] et la société VICTOIRE in solidum aux dépens de première instance et d’appel, avec distraction au profit de Maître F. HAVET pour ceux dont elle aura fait l’avance sans recevoir provision.

LE GREFFIER LE PRESIDENT