Galeriste : 10 avril 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 17-19.844

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COMM.

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 avril 2019

Rejet

Mme RIFFAULT-SILK, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 312 F-D

Pourvoi n° W 17-19.844

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ Mme D… V…, épouse N…,

2°/ M. B… N…,

domiciliés […] ,

contre l’arrêt rendu le 21 mars 2017 par la cour d’appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige les opposant au responsable du pôle de recouvrement spécialisé DNVSF Paris, venant aux droits du responsable du pôle de recouvrement spécialisé de Paris Sud-Ouest, agissant sous l’autorité du directeur régional des finances publiques d’Ile-de-France et du département de Paris et du directeur général des finances publiques, domicilié […] ,

défendeur à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 19 février 2019, où étaient présents : Mme RIFFAULT-SILK, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Cayrol, conseiller rapporteur, Mme Orsini, conseiller, M. Graveline, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Cayrol, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. et Mme N…, de la SCP Foussard et Froger, avocat du responsable du pôle de recouvrement spécialisé DNVSF Paris, agissant sous l’autorité du directeur régional des finances publiques d’Ile-de-France et du département de Paris et du directeur général des finances publiques, l’avis de Mme Pénichon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Dijon, 21 mars 2017), que le 1er juin 1990, M. N…, Mme V…, épouse N… et M. M… ont constitué une société de droit suisse dénommée Dik’Art (la société), dont l’objet était la promotion et le commerce d’oeuvres d’art et notamment, en vertu d’une convention d’engagement du 1er janvier 1993, la vente des oeuvres de Mme V… ; que cette société ayant son siège à […] et dont M. I… était le gérant a fait l’objet d’une liquidation amiable clôturée le 21 juin 2010 ; qu’à la suite d’une vérification de sa comptabilité, l’administration fiscale lui a adressé le 13 décembre 2011 une proposition de rectification ; qu’en l’absence de contestation, un avis de mise en recouvrement a été notifié le 15 février 2013 à son représentant légal ; que n’ayant pu recouvrer les impositions en résultant et estimant que M. et Mme N… étaient les dirigeants de fait de la société, le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de Paris Sud-Ouest les a assignés, par actes du 29 septembre 2014, sur le fondement de l’article L. 267 du livre des procédures fiscales, afin qu’ils soient déclarés solidairement responsables, avec la société, du paiement des impositions et pénalités dues par cette dernière ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. et Mme N… font grief à l’arrêt de déclarer la procédure régulière et de les dire solidairement responsables avec la société des impositions dues par cette dernière alors, selon le moyen :

1°/ qu’ils faisaient valoir que l’administration fiscale avait une parfaite connaissance de la situation pour avoir vérifié deux fois Mme N… sur la période 1991/1993 et la seconde sur la période 2005/2006 et avait validé ses relations avec la société, la seconde fois le service ayant seulement constaté que Mme N… aurait omis de refacturer la société conformément au contrat la liant à cette société, sans retenir l’existence d’un établissement stable en France ; qu’en ne se prononçant pas sur ce moyen la cour d’appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

2°/ qu’ils faisaient valoir que l’administration fiscale avait parfaite connaissance de la situation pour avoir vérifié deux fois la situation de Mme N… sur la période 1991/1993 et la seconde en 2008 sur la période 2005/2006 et avait validé ses relations avec la société Dik’Art, la seconde fois le service ayant seulement constaté qu’elle aurait omis de refacturer la société conformément au contrat la liant à cette société, qu’en mai 2009 une perquisition fondée sur l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales a été diligentée, que ce n’est que deux ans et demi plus tard que l’administration a engagé une procédure de vérification à l’encontre de la société Dik’Art, la proposition de rectification étant datée du 15 décembre 2011, qu’il faudra attendre février 2013 pour que l’action en recouvrement soit diligentée et encore un an et demi pour qu’une action soit diligentée à l’encontre de M. et Mme N… ; qu’ayant relevé qu’en mai 2009, l’administration fiscale a diligenté une procédure de perquisitions après laquelle a été adressé à la société Dik’art un avis du 3 novembre 2010 pour une vérification de comptabilité qui s’est déroulée du 3 décembre 2010 au 1er décembre 2011, que la société susnommée a été destinataire d’une proposition de rectification le 13 décembre 2011, qu’un avis de mise en recouvrement a été émis le 26 février 2013, suivi d’une mise en demeure le 28 du même mois, qu’ensuite d’autorisations respectivement délivrées par le directeur régional des finances publiques de Paris et le président du tribunal les 5 puis 16 septembre 2014, M. N… et Mme V… ont été assignés le 29 septembre 2014 sur le fondement de l’article L. 267 du livre des procédures fiscales puis retenu que le rappel ci-avant détaillé de ces contrôles et poursuites ne révèle aucune anormalité, eu égard notamment aux délais nécessaires pour l’exploitation de six perquisitions, une vérification de la comptabilité qui a amené l’administration à relever des anomalies, l’obligation d’engager un recouvrement et une action judiciaire en l’absence de paiement, que contrairement à ce qui est soutenu par M. N… et Mme V…, l’administration fiscale a appliqué les mesures utiles au recouvrement, soit les avis et mise en demeure délivrés pendant le mois de février 2013, la cour d’appel qui n’a pas caractérisé par de tels motifs que l’administration a exercé l’action en solidarité dans un délai satisfaisant a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 267 du livre des procédures fiscales ;

3°/ qu’ils faisaient valoir que l’administration fiscale avait une parfaite connaissance de la situation pour avoir vérifié deux fois la situation de Mme N… sur la période 1991/1993 et la seconde en 2008 sur la période 2005/2006 et avait validé ses relations avec la société Dik’Art, la seconde fois le service ayant seulement constaté qu’elle aurait omis de refacturer la société conformément au contrat la liant à cette société, qu’en mai 2009 une perquisition fondée sur l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales a été diligentée en 2009, que ce n’est que deux ans et demi plus tard que l’administration a engagé une procédure de vérification à l’encontre de la société Dik’Art, la proposition de rectification étant datée du 15 décembre 2011, qu’il faudra attendre février 2013 pour que l’action en recouvrement soit diligentée et encore un an et demi pour qu’une action soit diligentée à l’encontre de M. et Mme N… ; qu’ayant relevé qu’en mai 2009, l’administration fiscale a diligenté une procédure de perquisitions après laquelle a été adressé à la société Dik’art un avis du 3 novembre 2010 pour une vérification de comptabilité qui s’est déroulée du 3 décembre 2010 au 1er décembre 2011 ; que la société susnommée a été destinataire d’une proposition de rectification le 13 décembre 2011 ; qu’un avis de mise en recouvrement a été émis le 26 février 2013, suivi d’une mise en demeure le 28 du même mois, qu’ensuite d’autorisations respectivement délivrées par le directeur régional des finances publiques de Paris et le président du tribunal les 5 puis 16 septembre 2014, M. N… et Mme V… ont été assignés le 29 septembre 2014 sur le fondement de l’article L. 267 du livre des procédures fiscales puis retenu que le rappel ci-avant détaillé de ces contrôles et poursuites ne révèle aucune anormalité, eu égard notamment aux délais nécessaires pour l’exploitation de six perquisitions, une vérification de la comptabilité qui a amené l’administration à relever des anomalies, l’obligation d’engager un recouvrement et une action judiciaire en l’absence de paiement, que contrairement à ce qui est soutenu par M. N… et Mme V…, l’administration fiscale a appliqué les mesures utiles au recouvrement, soit les avis et mise en demeure délivrés pendant le mois de février 2013, la cour d’appel qui n’a pas recherché comme elle y était invitée si l’administration fiscale n’était pas à même d’agir après les vérifications et contrôles opérés en 1994 et en 2008, et partant si l’administration a exercé l’action en solidarité dans un délai satisfaisant a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 267 du livre des procédures fiscales ;

4°/ qu’ils faisaient valoir que l’administration fiscale avait une parfaite connaissance de la situation pour avoir vérifié deux fois la situation de Mme N… sur la période 1991/1993 et la seconde en 2008 sur la période 2005/2006 et avait validé ses relations avec la société Dik’Art, la seconde fois le service ayant seulement constaté qu’elle aurait omis de refacturer la société conformément au contrat la liant à cette société, qu’en mai 2009 une perquisition fondée sur l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales a été diligentée en 2009, que ce n’est que deux ans et demi plus tard que l’administration a engagé une procédure de vérification à l’encontre de la société Dik’Art, la proposition de rectification étant datée du 15 décembre 2011, qu’il faudra attendre février 2013 pour que l’action en recouvrement soit diligentée et encore un an et demi pour qu’une action soit diligentée à l’encontre de M. et Mme N… ; qu’ayant relevé qu’en mai 2009, l’administration fiscale a diligenté une procédure de perquisitions après laquelle a été adressé à la société Dik’art un avis du 3 novembre 2010 pour une vérification de comptabilité qui s’est déroulée du 3 décembre 2010 au 1er décembre 2011, que la société a été destinataire d’une proposition de rectification le 13 décembre 2011, qu’un avis de mise en recouvrement a été émis le 26 février 2013, suivi d’une mise en demeure le 28 du même mois, qu’ensuite d’autorisations respectivement délivrées par le directeur régional des finances publiques de Paris et le président du tribunal les 5 puis 16 septembre 2014, M. N… et Mme V… ont été assignés le 29 septembre 2014 sur le fondement de l’article L. 267 du livre des procédures fiscales puis retenu que le rappel ci-avant détaillé de ces contrôles et poursuites ne révèle aucune anormalité, eu égard notamment aux délais nécessaires pour l’exploitation de six perquisitions, une vérification de la comptabilité qui a amené l’administration à relever des anomalies, l’obligation d’engager un recouvrement et une action judiciaire en l’absence de paiement, que contrairement à ce qui est soutenu par M. N… et Mme V…, l’administration fiscale a appliqué les mesures utiles au recouvrement, soit les avis et mise en demeure délivrés pendant le mois de février 2013, la cour d’appel qui ne précise pas concrètement ce qui a justifié un si long délai pour agir mais se contente de généralités a violé l’article L. 267 du livre des procédures fiscales ;

5°/ qu’ils faisaient valoir l’absence de mesures de recouvrement à l’encontre de la société débitrice en temps utile dès lors que l’avis de vérification a été adressé à la société en novembre 2010, soit un an et demi après les perquisitions, que la vérification de comptabilité achevée en décembre 2011 ne révélait aucune difficulté particulières, l’avis de mise en recouvrement ayant été émis en février 2013 soit quinze mois plus tard sans qu’il soit justifié de tels délais ; qu’ayant relevé qu’en mai 2009, l’administration fiscale a diligenté une procédure de perquisitions après laquelle a été adressé à la société Dik’art un avis du 3 novembre 2010 pour une vérification de comptabilité qui s’est déroulée du 3 décembre 2010 au 1er décembre 2011, que la société susnommée a été destinataire d’une proposition de rectification le 13 décembre 2011, qu’un avis de mise en recouvrement a été émis le 26 février 2013, suivi d’une mise en demeure le 28 du même mois, qu’ensuite d’autorisations respectivement délivrées par le directeur régional des finances publiques de Paris et le président du tribunal les 5 puis 16 septembre 2014, M. N… et Mme V… ont été assignés le 29 septembre 2014 sur le fondement de l’article L. 267 du livre des procédures fiscales puis retenu que le rappel ci-avant détaillé de ces contrôles et poursuites ne révèle aucune anormalité, eu égard notamment aux délais nécessaires pour l’exploitation de six perquisitions, une vérification de la comptabilité qui a amené l’administration à relever des anomalies, l’obligation d’engager un recouvrement et une action judiciaire en l’absence de paiement, que contrairement à ce qui est soutenu par M. N… et Mme V…, l’administration fiscale a appliqué les mesures utiles au recouvrement, soit les avis et mise en demeure délivrés pendant le mois de février 2013, la cour d’appel n’a pas caractérisé que les mesures de recouvrement ont été diligentées dans un délai satisfaisant à l’encontre de la société débitrice et elle a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 267 du livre des procédures fiscales ;

6°/ qu’ils faisaient valoir qu’il n’était nul besoin d’une entraide internationale dès lors que le dirigeant social avait son domicile en France, ce dont l’administration fiscale avait parfaite connaissance pour avoir perquisitionné son domicile et sa résidence à […] et à […] ; qu’en ne se prononçant pas sur ce moyen la cour d’appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu’ayant retenu, par motifs adoptés, que les vérifications antérieures de la comptabilité de Mme V… étaient sans emport, la cour d’appel a répondu aux conclusions dont elle était saisie ;

Et attendu, en second lieu, qu’après avoir énoncé, par motifs propres et adoptés, que l’action en responsabilité solidaire doit être engagée dans un délai satisfaisant, l’arrêt constate que l’administration fiscale a procédé, du 3 novembre 2010 au 1er décembre 2011, à la reconstitution de la comptabilité de la société, puis, à son issue, notifié à cette dernière le 13 décembre 2011 une proposition de rectification ; qu’il constate encore que le 26 février 2013, l’administration fiscale a émis à son encontre un avis de mise en recouvrement suivi le 28 février 2013 d’une mise en demeure ; qu’il relève, ensuite, que l’action en responsabilité solidaire a été engagée par actes du 29 septembre 2014 ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de répondre au moyen inopérant tenant à l’inutilité du recours à l’entraide internationale dès lors que la régularité des notifications faites au siège de la société à […] n’était pas contestée, a légalement justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que M. et Mme N… font le même grief à l’arrêt alors, selon le moyen :

1°/ qu’ils faisaient valoir que selon l’article L. 267 du livre des procédures fiscales le lien entre l’inobservation des obligations fiscales de la société débitrice et l’impossibilité du recouvrement doit être exclusif ; qu’en l’espèce ce lien n’a pas été caractérisé, la société ayant son dirigeant de droit domicilié en France et l’administration ayant connaissance des liens entre M. et Mme N… et la société débitrice pour avoir vérifié et contrôlé cette société à deux reprises en 1994 et en 2008 ; qu’en affirmant que dirigeants de fait d’une société dont le défaut de déclaration des résultats durant plusieurs années a rendu impossible un important recouvrement fiscal alors qu’elle est en liquidation, M. N… et Mme V… sont responsables de cette inobservation grave et répétée d’obligations fiscales qui a conduit à l’impossibilité de recouvrer, sans rechercher comme elle y était invitée si le dirigeant de droit, domicilié en France, et connu de l’administration n’avait pas eu un rôle causal, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 267 du livre des procédures fiscales ;

2°/ que contestant la qualification de dirigeant de fait, ils faisaient valoir que M. N… était salarié de la société débitrice et que Mme V… exerçait son activité en France, que dans ces conditions les cartes de visites mentionnant la société et M. N… étaient régulières, que de même les oeuvres étant produites en France, le transfert des toiles s’effectuait à partir du domicile de Mme N…, que les décomptes de frais et de chèques qui ont été retrouvés chez eux sont cohérents dès lors que Mme N… devait obtenir le remboursement intégral des frais exposés pour sa production artistique ; qu’en retenant que le tribunal a exactement relevé des contrats, courriers, factures, mail, carte bancaire, démontrant le pouvoir de M. N… et Mme V… d’obliger des tiers envers la société Dik’art, comme leurs prérogatives sur les comptes bancaires de cette dernière tandis que le gérant de droit demandait des instructions à ce sujet, sans constater que ces éléments ne pouvaient être le fait d’un salarié et de Mme N… conformément à son contrat la liant à la société débitrice, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 267 du livre des procédures fiscales ;