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Il est de jurisprudence constante que l’action fondée sur la fraude au dépôt d’une marque ne vise pas uniquement la violation de droits spécifiques comme ceux de la propriété intellectuelle (T. G. I. Paris, 18 déc. 2015, no 14/12857 ; C. A. Paris, 23 fév. 2000, no 1999/15394 ; C. A. Rennes, 23 fév. 2021, no 18/2901), autrement dit qu’elle vise notamment une telle violation (C. A. Paris, 2 déc. 2016, no 15/23770).
L’action en contrefaçon dont dispose le cas échéant le tiers victime n’exclut donc pas l’action en revendication ouverte par l’article L. 712-6 en cas de fraude. Il n’apparaît dès lors pas nécessaire d’interroger la Cour de justice de l’Union européenne sur la possibilité de déclarer frauduleux, au sens de l’article 3-2 sous d de la directive no 2008/95 du 22 octobre 2008 recodifiant la directive no 89/104 du Conseil du 21 décembre 1988, le dépôt intervenu à un moment où le signe piraté est en cours de validité et s’il suffit pour cela que le déposant argué de mauvaise foi en connaisse l’existence.
L’enregistrement d’une marque n’est constitutif de droits, spécialement celui d’agir en contrefaçon à l’égard de tiers susceptibles de l’usurper, que dans la mesure où il n’a pas été lui-même réalisé frauduleusement dans l’intention de priver autrui d’un signe nécessaire à son activité.
L’article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle dispose dans sa version antérieure à la loi du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon :
« Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice. « À moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l’action en revendication se prescrit par trois ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement. »
La mauvaise foi du déposant d’une marque au moment de son dépôt est appréciée en considération de l’ensemble des facteurs pertinents au cas d’espèce, et notamment : i) de ce qu’il savait ou devait savoir qu’un tiers utilisait un signe identique ou similaire pour un produit identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé, ii) de l’intention du demandeur d’empêcher ce tiers de continuer à utiliser ce signe, iii) du degré de protection juridique dont jouissent le signe du tiers et le signe dont l’enregistrement est demandé.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU : 07 SEPTEMBRE 2021
(Rédacteur : Vincent BRAUD, conseiller,)
N° RG 18/05322 – N° Portalis DBVJ-V-B7C-KU2O
Y Z DE X
c/
SARL H I J
Société coopérative A
Nature de la décision : AU FOND
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 18 septembre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 1, RG : 13/09133) suivant déclaration d’appel du 02 octobre 2018
APPELANT :
Y Z DE X
né le […] à […]
de nationalité Française
demeurant Château de X – 24100 BERGERAC
représenté par Maître Valérie JANOUEIX de la SCP BATS – LACOSTE – JANOUEIX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assisté de Maître Eric AGOSTINI de la SELARL ERIC AGOSTINI ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX
INTIMÉES :
SARL H I J prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis […]
représentée par Maître F G de la SELARL MAITRE F G, avocat au barreau de BORDEAUX
Société coopérative A prise en la personne de son représentant légal domicilié en
cette qualité au siège sis 20 Route d’Eymet – Lieudit les Seguinots – 24100 SAINT D DES VIGNES
représentée par Maître Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Christine JAIS-MELOT de la SELARL LEXYMORE, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 08 juin 2021 en audience publique, devant la cour composée de :
Roland POTEE, président,
Vincent BRAUD, conseiller,
Bérengère VALLEE, conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Véronique SAIGE
ARRÊT :
— contradictoire
— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSÉ DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Y Z de X exploite une propriété viticole familiale en relation avec le négoce.
Il est propriétaire des marques verbales et semi-figuratives suivantes, reprenant le nom ‘CYRANO’ ou la locution ‘CYRANO DE BERGERAC’ :
— marque verbale française CYRANO DE BERGERAC no 3 437 434 du 26 juin 2006,
— marque française Cuvée CYRANO DE BERGERAC no 3 437 727 du 26 juin 2006,
— marque française Cuvée de CYRANO DE BERGERAC no 3 444 368 du 1er août 2006,
— marque de l’Union européenne CYRANO DE BERGERAC no 7 597 545 du 12 février 2009, indiquée à titre informatif par l’appelant.
Ces marques sont déposées dans différentes classes et notamment dans la classe 33 pour désigner des vins et ont été renouvelées à l’exception, selon Y Z de X, des deux marques françaises Cuvée CYRANO DE BERGERAC no 3 437 727 et Cuvée de CYRANO DE BERGERAC no 3 444 368 venant respectivement à échéance les 25 juin et 31 juillet 2016.
Elles reprennent le nom du héros littéraire d’Edmond Rostand inspiré d’un personnage ayant réellement existé, l’écrivain français Hercule Savinien Cyrano dit Cyrano de Bergerac, né à Paris le […] et mort à Sannois en 1655.
La société coopérative A (ci-après la société A) est un centre d’embouteillage, de stockage et de commercialisation de vins regroupant différentes caves coopératives de Dordogne.
Elle a déposé le 4 octobre 2000 la marque verbale ‘Prestige de Cyrano’ sous le no 3 055 704 dans la classe 33, qui désigne notamment des vins d’appellation d’origine, vins de pays ou vins de qualité produits dans une région déterminée.
Cette marque n’a pas été renouvelée en octobre 2010, la société A ayant déposé une nouvelle marque semi-figurative ‘Prestige de Cyrano’ le 29 février 2012.
Y Z de X a formé une opposition le 11 mai 2012 à l’enregistrement de cette marque au motif qu’elle imite sa marque antérieure enregistrée en 2006.
Le 11 novembre 2012, le directeur de l’Institut national de la propriété industrielle a fait droit à l’opposition sur le motif de l’imitation de la marque antérieure ‘Cyrano de Bergerac’ appartenant à Y Z de X, retenant qu’il y a une identité des produits en présence et qu’il existe globalement un risque de confusion sur l’origine de ces marques pour le consommateur concerné. La société A n’a pas formé de recours contre cette décision.
La société à responsabilité limitée H I J (ci-après la société AAA), dont le siège social est à Boulazac, est spécialisée dans l’achat et la revente de vins régionaux pour les vins de Bergerac.
Y Z de X fait partie des fournisseurs de la société H I J, qui commercialise les bouteilles du vin de sa propriété, en les habillant par des étiquettes en étain dont l’illustration varie en fonction de la commercialisation. Les bouteilles vendues à Bergerac sont ainsi revêtues d’une étiquette à l’effigie de Cyrano de Bergerac.
Par un jugement du tribunal de grande instance de Bergerac du 5 septembre 2008, confirmé par arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 1er février 2010, la marque no 3 437 434 déposée par Y Z de X a été transférée à la société H I J pour fraude aux droits de celle-ci. À la suite de cette décision, la société H I J a cédé à Y Z de X la marque ‘Cyrano de Bergerac’, le contrat de cession ayant été rédigé le 2 août 2010 et publié au bulletin de la propriété industrielle le 5 août 2010.
Après avoir fait constater par huissier de justice le 22 juillet 2013 que la société A continuait d’utiliser la marque ‘Prestige de Cyrano de Bergerac’, Y Z de X l’a assignée le 24 septembre 2013 devant le tribunal de grande instance de Bordeaux sur le fondement des articles L.711-4 et L.713-3 du code de la propriété intellectuelle ainsi que sur le fondement de l’article 1382 du code civil.
Par acte du 2 mai 2016, Y Z de X a assigné la société H I J sur le fondement de la garantie du vendeur en cas d’éviction caractérisée de la part d’un tiers.
Les deux instances ont été jointes.
Par jugement du 18 septembre 2018, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :
— débouté M. Y Z de X de l’ensemble de ses demandes,
— dit que le dépôt des marques :
* marque verbale française CYRANO DE BERGERAC n° 3 437 434 du 26 juin 2006;
* marque française Cuvée CYRANO DE BERGERAC n° 3 437 727 du 26 juin 2006;
* marque française Cuvée de CYRANO DE BERGERAC n° 3 444 368 du 1er août 2006,
est frauduleux,
— fait droit à la demande en revendication de ces marques par la société coopérative à capital variable A,
— ordonné le transfert à la société coopérative à capital variable A de la propriété des marques,
— fait interdiction à M. Y Z de X de faire usage du signe CYRANO DE BERGERAC, sous quelque forme que ce soit, pour identifier des produits ou des services identiques ou similaires à ceux visés par les marques transférées, sous astreinte de 500 ‘ par infraction constatée et ce, à compter d’un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,
— s’est déclaré incompétent pour statuer sur la demande d’annulation de la marque de l’Union européenne CYRANO DE BERGERAC n° 7 597 545 déposée le 12 février 2009,
— condamné M. Y Z de X à payer à la société coopérative à capital variable A une somme de 5000 ‘ à titre de dommages intérêts,
— rejeté la demande au titre de la contrefaçon formée par M. Y Z de X,
— rejeté les autres demandes de la Société Coopérative à capital variable A,
— dit que la présente décision sera transmise à l’initiative de la partie la plus diligente à M. le Directeur de l’INPI, aux fins d’inscription du transfert au Registre National des Marques, des marques CYRANO DE BERGERAC n° 3 437 434, Cuvée CYRANO DE BERGERAC n°3 437 727 et Cuvée de CYRANO DE BERGERAC n° 3 444 368, dans un délai de un mois à compter de la signification de la décision,
— ordonné la publication dans le quotidien Sud-Ouest de l’extrait du jugement suivant :
‘ par jugement en date du 18 septembre 2018, la première chambre civile du tribunal de grande instance de Bordeaux a jugé que le dépôt des marques :
* marque verbale française CYRANO DE BERGERAC n° 3 437 434 du 26 Juin 2006,
* marque française Cuvée CYRANO DE BERGERAC n° 3 437 727 du 26 juin 2006,
* marque française Cuvée de CYRANO DE BERGERAC n° 3 444 368 du 1er août 2006 est frauduleux,
Il a été fait droit à la demande en revendication de ces marques par la société coopérative à capital variable A.
Il a été fait interdiction à M. Y Z de X d’user du signe CYRANO DE BERGERAC sous quelque forme que ce soit et une somme de 5000 ‘ a été allouée à la société A à titre de dommages intérêts’,
aux frais de M. Y Z de X, dans la limite de 3000 ‘ HT,
— débouté M. Y Z de X de son appel en garantie à l’encontre de la SARL H I J,
— rejeté la demande de dommages intérêts pour procédure abusive,
— rejeté la demande sur le fondement l’article 32-1 du code de procédure civile,
— dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire,
— condamné M. Y Z de X à payer à la société coopérative à capital variable A et à la SARL H I J une somme de 3000 ‘ chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
— rejeté toute autre demande comme non fondée,
— condamné M. Y Z de X aux dépens avec autorisation donnée à Me F G, avocat, de recouvrer directement ceux-ci conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Y Z de X a relevé appel de ce jugement par déclaration du 2 octobre 2018.
Par conclusions déposées le 26 avril 2021, Y Z de X demande à la cour de :
SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE
— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il s’est déclaré incompétent pour ‘prononcer la nullité’ de la marque communautaire Cyrano de Bergerac n° 7 597 545 du 12 février 2009 du fait que les dispositions d’ordre public de l’art. 96 RMUE donnent ici une compétence exclusive à un Tribunal des marques de l’UE ou à l’EUIPO,
L’INFIRMER POUR LE SURPLUS ET STATUANT À NOUVEAU
— déclarer irrecevable toute prétention aux fruits dégagés par la marque ‘Cyrano de Bergerac’ no 3 437 434 faute d’en avoir préalablement payé le prix de rachat à M. Y de X,
— déclarer irrecevable comme prescrite la demande reconventionnelle en revendication de marque fondée sur l’art. L. 712-6 CPI,
— débouter en tout cas A de toutes prétentions relatives au dépôt frauduleux du fait que l’art. L. 712-6 CPI suppose impérativement que la prétendue victime de la fraude ait été dépourvue de droits exclusifs sur le signe querellé au moment du dépôt critiqué,
— tirer toutes conséquences de droit de ce que la Cave coopérative A a laissé périmer sa marque Prestige de Cyrano n° 3 055 704 en ne la renouvelant pas en temps utile,
— débouter en conséquence la Cave coopérative A de sa demande reconventionnelle
et, en toute hypothèse, mettre les conséquences pécuniaires d’une éventuelle condamnation à charge d’H d’I J appelée en garantie dans les termes de l’art. 1626 et suiv. C. civ.,
— rejeter toute demande contraire de la Cave coopérative A et de la SARL H I J,
À DÉFAUT D’AVOIR ADMIS CE QUI PRÉCÈDE
— demander à la CJUE sur la base de l’art. 267 TFUE si un dépôt peut être qualifié de frauduleux au sens de l’art. 3-2 sous d) de la directive (CE) n° 2008/95 du 22 octobre 2008 recodifiant la directive (CEE) n° 89/104 du Conseil du 21 décembre 2008 s’il intervient à un moment où le signe imité est en cours de validité et s’il suffit pour cela que le déposant argué de mauvaise foi en connaisse l’existence.
SUR LA DEMANDE PRINCIPALE
— confirmer dans la ligne de la décision de M. le Directeur de l’INPI que la dénomination « Prestige de Cyrano » utilisée par la Cave A constitue la contrefaçon par imitation des marques Cuvée de CYRANO DE BERGERAC n° 3 444 368, Cuvée CYRANO DE BERGERAC n° 3 437 727 et CYRANO DE BERGERAC n° 3 437 434 qui sont la propriété exclusive de M. Y de X.
— juger aussi que cette dénomination est utilisée au mépris des droits antérieurs de M. Y Z de X et en violation des dispositions de l’art. L. 713-1 CPI.
— faire défense à la Cave coopérative A d’utiliser la dénomination CYRANO sous quelque forme que ce soit pour les produits de la classe 33.
— assortir ladite interdiction d’une astreinte définitive de 500 ‘ par infraction constatée.
— s’en réserver la liquidation.
— condamner la Cave coopérative A à une indemnité de 1 ‘ par bouteille vendue sous la marque Prestige de Cyrano et commettre tel Expert qu’il plaira aux fins d’établir le nombre de bouteilles vendues sous cette marque depuis le 24 septembre 2010.
— allouer à M. Y de X des dommages et intérêts provisionnels à hauteur de 500.000 ‘,
— ordonner la publication d’extraits du jugement à intervenir, aux frais de la Cave coopérative A succombant, dans le journal Sud-Ouest, toutes éditions confondues, ainsi que dans la Revue du Vin de France, sans que le coût de chaque insertion puisse dépasser 3.000 ‘,
— condamner ladite Défenderesse à verser 30.000 ‘ à M. de X au titre de l’art. 700 CPC,
— condamner aussi la SARL H I J légitimement appelée en garantie à verser 10.000 ‘ à M. Z de X du fait de sa résistance abusive par application de l’art. 1240 C. civ.
— condamner ladite SARL H I J à 10.000 ‘ au titre de l’art. 700 CPC,
— condamner A et H I J en tous dépens.
Par conclusions déposées le 11 mai 2021, la société coopérative à capital variable A demande à la cour de :
CONFIRMER LE JUGEMENT EN CE QU’IL A :
— débouté M. Y Z de X de l’ensemble de ses demandes,
— dit que le dépôt des marques :
* marque verbale française CYRANO DE BERGERAC n° 3 437 434 du 26 juin 2006;
* marque française Cuvée CYRANO DE BERGERAC n° 3 437 727 du 26 juin 2006;
* marque française Cuvée de CYRANO DE BERGERAC n° 3 444 368 du 1er août 2006,
est frauduleux,
— fait droit à la demande en revendication de ces marques par la société coopérative à capital variable A,
— ordonné le transfert à la société coopérative à capital variable A de la propriété des marques,
— fait interdiction à M. Y Z de X de faire usage du signe CYRANO DE BERGERAC, sous quelque forme que ce soit, pour identifier des produits ou des services identiques ou similaires à ceux visés par les marques transférées, sous astreinte de 500 ‘ par infraction constatée et ce, à compter d’un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,
— rejeté la demande au titre de la contrefaçon formée par M. Y Z de X,
— dit que la présente décision sera transmise à l’initiative de la partie la plus diligente à M. le Directeur de l’INPI, aux fins d’inscription du transfert au Registre National des Marques, des marques CYRANO DE BERGERAC n° 3 437 434, Cuvée CYRANO DE BERGERAC n°3 437 727 et Cuvée de CYRANO DE BERGERAC n° 3 444 368, dans un délai de un mois à compter de la signification de la décision,
— ordonné la publication dans le quotidien Sud-Ouest de l’extrait du jugement suivant :
‘ par jugement en date du 18 septembre 2018, la première chambre civile du tribunal de grande instance de Bordeaux a jugé que le dépôt des marques :
* marque verbale française CYRANO DE BERGERAC n° 3 437 434 du 26 Juin 2006,
* marque française Cuvée CYRANO DE BERGERAC n° 3 437 727 du 26 juin 2006,
* marque française Cuvée de CYRANO DE BERGERAC n° 3 444 368 du 1er août 2006 est frauduleux,
Il a été fait droit à la demande en revendication de ces marques par la société coopérative à capital variable A.
Il a été fait interdiction à M. Y Z de X d’user du signe CYRANO DE BERGERAC sous quelque forme que ce soit et une somme de 5000 ‘ a été allouée à la société
A à titre de dommages intérêts’,
aux frais de M. Y Z de X, dans la limite de 3000 ‘ HT,
— condamné M. Y Z de X à payer à la société coopérative à capital variable A et à la SARL H I J une somme de 3000 ‘ chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
REFORMER LE JUGEMENT DÉFÉRÉ EN CE QU’IL A :
— limité à 5.000 ‘ la somme allouée à titre de dommages et intérêts à la société A,
— rejeté les autres demandes de la société A,
— rejeté la demande de dommages intérêts pour procédure abusive,
— rejeté la demande sur le fondement l’article 32-1 du code de procédure civile,
— rejeté toute autre demande comme non fondée,
EN CONSÉQUENCE, STATUANT A NOUVEAU :
— débouter M. Y Z de X de toutes ses demandes,
— juger la société A recevable et bien-fondée en son appel incident et ses demandes reconventionnelles,
— condamner M. Y Z de X sous astreinte de 150 euros par jour de retard à transférer à la société A les marques françaises :
* « Cuvée de Cyrano de Bergerac » n° 3 444 368 du 1er août 2006 ;
* « Cuvée Cyrano de Bergerac » n° 3 437 727 du 26 juin 2006 ;
* « Cyrano de Bergerac » n° 3 437 434 du 26 juin 2006 ;
— ordonner la publication de la décision à intervenir au Bulletin officiel de la propriété industrielle et la communication de cette même décision, sous quinzaine à compter de sa signification, au Directeur de l’INPI aux fins de transfert des marques n° 3 444 368, n° 3 437 727 et n° 3 437 434,
— ordonner la destruction des stocks restants de bouteilles, fillettes, magnums, coffrets et cubis marqués CYRANO DE BERGERAC et […],
— ordonner à M. Y Z de X de cesser tout usage du signe CYRANO DE BERGERAC, sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit, pour identifier des produits ou des services identiques ou similaires à ceux visés par les marques transférées, sous astreinte de 150 euros par jour à compter de la notification du jugement à intervenir,
— condamner M. Y Z de X à verser à la société A la somme de 120.000 ‘ en réparation du préjudice causé en raison des dépôts frauduleux,
— condamner M. Y Z de X à restituer à la société A les fruits
indument perçus de l’exploitation des marques déposées en fraude des droits de la société A, à hauteur de 25.000 ‘,
Subsidiairement :
— prononcer la nullité des marques françaises pour dépôts frauduleux :
* « Cuvée de Cyrano de Bergerac » n° 3 444 368 ;
* « Cuvée Cyrano de Bergerac » n° 3 437 727 ;
* « Cyrano de Bergerac » n° 3 437 434 ;
En conséquence,
— ordonner la publication de la décision à intervenir au Bulletin officiel de la propriété industrielle et la communication de cette même décision, sous quinzaine à compter de sa signification, au Directeur de l’INPI aux fins de transfert des marques n° 3 444 368, n° 3 437 727 et n° 3 437 434 ;
Infiniment subsidiairement,
— juger que la société A est en droit d’opposer aux demandes formées à son encontre par M. Z de X l’exception de nullité tirée du caractère frauduleux du dépôt et de l’atteinte aux articles L 711-4 et L 714-3 du Code de la Propriété Intellectuelle.
En tout état de cause,
— débouter M. Y Z de X de toutes se demandes,
— condamner M. Y Z de X à verser la somme de 25.000 ‘ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive à la société A,
— ordonner la publication aux frais exclusivement avancés par M. Y Z de X, dans le Journal Sud-Ouest, toutes éditions confondues, ainsi que dans la Revue du Vin de France, sans que le coût de chaque insertion puisse dépasser 3.000 ‘, de l’extrait suivant :
‘par jugement en date du 18 septembre 2018, confirmé partiellement par la Cour d’appel de Bordeaux en date du [‘], la première chambre civile du tribunal de grande instance de Bordeaux a jugé que le dépôt des marques :
– marque verbale française CYRANO DE BERGERAC n° 3 437 434 du 26 Juin 2006
– marque française Cuvée CYRANO DE BERGERAC n° 3 437 727 du 26 juin 2006
– marque française Cuvée de CYRANO DE BERGERAC n° 3 444 368 du 1er août 2006
est frauduleux,
Il a été fait droit à la demande en revendication de ces marques par la société coopérative à capital variable A.
M. Y Z de X a été condamné à restituer à la société A les fruits indûment perçus de l’exploitation des marques déposées en fraude des droits de la société A, à hauteur de 25.000 ‘.
Il a été fait interdiction à M. Y Z de X d’user du signe CYRANO DE BERGERAC sous quelque forme que ce soit et fait injonction à ce dernier de procéder à la destruction des stocks de bouteilles, fillettes, magnums, coffrets et cubis marqués CYRANO DE BERGERAC et […].
La Cour d’appel a condamné M. Y Z de X pour procédure abusive.
Une somme de 100.000 ‘ a été allouée à la société A à titre de dommages intérêts.’
— condamner M. Y Z de X à verser la somme de 15.000 ‘ par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile à la société A au titre des frais d’appel outre la somme déjà allouée en première instance par le Tribunal,
— condamner M. Y Z de X aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Par conclusions déposées le 21 février 2019, la société à responsabilité limitée H I J demande à la cour de :
— confirmer le jugement querellé en ses dispositions,
— débouter ainsi M. Y Z de X de toutes demandes, fins et prétentions,
Y RAJOUTER
— le condamner au paiement d’une somme de 3.000 ‘ sur le fondement de l’article 32-1 du Code de Procédure Civile,
— le condamner au paiement d’une somme de 5.000 ‘ sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
— le condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître F G, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile, y compris les frais d’huissiers en cas d’exécution forcée et notamment les frais prévus par l’article 10 du décret du 12.12.1996 portant fixation du tarif des Huissiers de Justice.
L’affaire a été fixée à l’audience collégiale du 8 juin 2021.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 25 mai 2021.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L’enregistrement d’une marque n’est constitutif de droits, spécialement celui d’agir en contrefaçon à l’égard de tiers susceptibles de l’usurper, que dans la mesure où il n’a pas été lui-même réalisé frauduleusement dans l’intention de priver autrui d’un signe nécessaire à son activité.
Sur le dépôt frauduleux :
L’article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle dispose dans sa version antérieure à la loi du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon :
« Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice.
« À moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l’action en revendication se prescrit par trois ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement. »
La mauvaise foi du déposant d’une marque au moment de son dépôt est appréciée en considération de l’ensemble des facteurs pertinents au cas d’espèce, et notamment :
‘ de ce qu’il savait ou devait savoir qu’un tiers utilisait un signe identique ou similaire pour un produit identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé,
‘ de l’intention du demandeur d’empêcher ce tiers de continuer à utiliser ce signe,
‘ du degré de protection juridique dont jouissent le signe du tiers et le signe dont l’enregistrement est demandé.
En l’espèce :
a) La société A était titulaire d’une marque antérieure au jour du dépôt des demandes d’enregistrement d’Y Z de X.
La société étant ainsi titulaire d’un droit antérieur sur le signe Prestige de Cyrano, lui est ouverte l’action prévue par le texte précité. En effet, l’article L. 712-6 n’excepte pas le droit de marque des droits sur la marque qu’il protège de la fraude.
L’appelant n’apparaît pas fondé à soutenir à cet égard que la volonté de priver la victime de la possibilité d’utiliser le signe piraté, qui caractérise le dépôt frauduleux, implique que ce signe ne soit pas protégé comme marque. Il est en effet de jurisprudence constante que l’action fondée sur la fraude ne vise pas uniquement la violation de droits spécifiques comme ceux de la propriété intellectuelle (T. G. I. Paris, 18 déc. 2015, no 14/12857 ; C. A. Paris, 23 fév. 2000, no 1999/15394 ; C. A. Rennes, 23 fév. 2021, no 18/2901), autrement dit qu’elle vise notamment une telle violation (C. A. Paris, 2 déc. 2016, no 15/23770).
L’action en contrefaçon dont dispose le cas échéant le tiers victime n’exclut donc pas l’action en revendication ouverte par l’article L. 712-6 en cas de fraude. Il n’apparaît dès lors pas nécessaire, pour juger la présente affaire, d’interroger la Cour de justice de l’Union européenne sur la possibilité de déclarer frauduleux, au sens de l’article 3-2 sous d de la directive no 2008/95 du 22 octobre 2008 recodifiant la directive no 89/104 du Conseil du 21 décembre 1988, le dépôt intervenu à un moment où le signe piraté est en cours de validité et s’il suffit pour cela que le déposant argué de mauvaise foi en connaisse l’existence.
b) Le tribunal a pu, au regard des faits suivants, présumer qu’Y Z de X n’était pas sans connaître l’usage de la marque Prestige de Cyrano par la société A :
‘ les parties exercent leur activité dans le même domaine ;
‘ elle sont établies en Dordogne, à proximité l’une de l’autre ;
‘ la société A utilise sa marque depuis 2000 ;
‘ de 2000 à 2006, elle a commercialisé 565 694 bouteilles sous la dénomination Prestige de Cyrano.
L’appelant infère néanmoins des relations ayant existé à partir du mois de mai 2008 entre sa société de négoce Cyrano de Bergerac et l’entrepositaire Les Grands Chais de Saint-D qu’Y Z de X ignorait l’existence de la marque de la coopérative A. En effet, le gérant des Grands Chais de Saint-D étant également adhérent et directeur de la coopérative, Y Z de X se serait gardé de lui révéler l’existence des trois marques françaises contrefaisantes.
Il se voit opposer à raison par l’intimée que son comportement antérieur dément cet argument. Il ressort en effet de l’instance ayant opposé Y Z de X à la société H I J que l’appelant avait déposé les marques litigieuses en fraude des droits de ladite société, avec laquelle il était pourtant en relation d’affaires.
c) Y Z de X reconnaît qu’au moment de ses dépôts de marque, il commettait une contrefaçon de la marque Prestige de Cyrano. Aussi bien, le risque de confusion est constant en l’espèce.
d) L’intention du déposant au moment du dépôt des demandes d’enregistrement est un élément subjectif qui doit être déterminé par référence à l’ensemble des facteurs pertinents du cas d’espèce, lesquels peuvent être postérieurs au dépôt.
Au terme d’un examen précis des faits de l’espèce, les premiers juges ont caractérisé l’intention d’Y Z de X d’empêcher la société A, comme d’autres tiers, de continuer à utiliser pour leur activité tout signe se référant à Cyrano de Bergerac, puisque :
‘ Y Z de X déclare avoir procédé à ses dépôts sans demander aucune recherche d’antériorité alors qu’il savait que le vocable Cyrano de Bergerac était déjà utilisé ;
‘ il a formé opposition le 11 mai 2012 au dépôt de la marque semi-figurative Prestige de Cyrano par la société A ;
‘ il l’a ensuite assignée en justice le 24 septembre 2013 sur le fondement des articles L. 711-4 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;
‘ il avait auparavant fait sommation le 30 août 2007 à la société H I J et à l’exploitation agricole à responsabilité limitée La Foncalpre de mettre fin à la contrefaçon résultant de la commercialisation de bouteilles portant le nom de Cyrano de Bergerac, avant d’assigner la première en contrefaçon le 9 octobre 2007 ;
‘ après avoir été débouté par jugement du 5 septembre 2008, lequel ordonnait le transfert de sa marque à la société H I J, il a déposé la marque communautaire Cyrano de Bergerac le 12 février 2009.
Y Z de X prétend avoir, par l’enregistrement des signes litigieux, poursuivi un objectif légitime du fait de ses liens familiaux avec Cyrano de Bergerac et Edmond Rostand. Son action n’est toutefois pas fondée sur ce droit de la personnalité, qu’il n’invoque que pour justifier son appropriation du terme Cyrano de Bergerac. Cela étant, il ne s’agissait pour Y Z de X que de tirer profit d’une lointaine parenté pour attirer une clientèle. Cet objectif commercial, pour légitime qu’il soit, ne permet pas d’écarter la mauvaise foi du déposant au regard des faits de l’espèce.
La mauvaise foi d’Y Z de X étant retenue, l’action en revendication de la société A ne se prescrit pas et doit être déclarée recevable et bien fondée. Le jugement entrepris mérite donc confirmation en ce qu’il ordonne le transfert des trois marques en cause, et en ce qu’il déboute Y Z de X de son action en contrefaçon.
Aux termes de l’article 1382 ancien, devenu 1240, du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
La société A sollicite l’allocation d’une somme de 120 000 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral et commercial.
Le dépôt frauduleux des marques Cyrano de Bergerac a permis à Y Z de X de former avec succès opposition au nouveau dépôt de la société A, la privant de l’exploitation paisible et ancienne du signe Prestige de Cyrano. Le préjudice moral de l’intimée est avéré.
Le même dépôt frauduleux a dissuadé la société A de continuer à vendre des vins marqués Prestige de Cyrano. Elle sollicite en conséquence la réparation d’un préjudice matériel calculé à partir de la marge moyenne annuelle réalisée sur la commercialisation des vins ainsi marqués. Elle n’a toutefois pas été empêchée de vendre des vins autrement marqués. Aussi son préjudice matériel éventuel ne peut-il être apprécié au vu de sa seule pièce no 9.
Les éléments du dossier justifient ainsi l’octroi d’une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice subi par l’intimée .
La société A sollicite la restitution des fruits issus de l’exploitation des marques déposées en fraude de ses droits, pour la période comprise entre le dépôt de celles-ci et la demande de restitution des fruits.
L’article 549 du code civil dispose :
« Le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de bonne foi. Dans le cas contraire, il est tenu de restituer les produits avec la chose au propriétaire qui la revendique ; si lesdits produits ne se retrouvent pas en nature, leur valeur est estimée à la date du remboursement. »
Y Z de X conteste la recevabilité de cette demande faute de remboursement préalable du prix de cession de la marque Cyrano de Bergerac no 3 347 434, en application de l’article 548 du même code aux termes duquel les fruits produits par la chose n’appartiennent au propriétaire qu’à la charge de rembourser les frais des labours, travaux et semences faits par des tiers et dont la valeur est estimée à la date du remboursement.
Le propriétaire d’une chose étant en règle générale aux termes des articles 547 et 548 du code civil, propriétaire par voie d’accession, des fruits naturels et civils, à charge de rembourser les frais des labours, travaux et semences faits par des tiers, l’article 549 édicte une exception à cette règle en disposant que le simple possesseur fait les fruits siens, dans le cas où il possède de bonne foi. Il s’ensuit que lorsque le possesseur est de mauvaise foi, le propriétaire ne peut exiger la restitution des fruits qu’à la charge de rembourser les frais faits par ce tiers pour parvenir à leur perception.
En ce cas, l’obligation de rembourser lesdits frais et l’obligation de restituer les fruits sont corrélatives, sans pour autant que l’exécution de la première soit une condition de recevabilité de l’action en répétition des fruits.
En tout état de cause, si la société A justifie que les bouteilles de vin marquées Cyrano de Bergerac sont vendues en ligne entre 6 euros et 10,80 euros la pièce, la cour ne dispose d’aucun élément sur le nombre de bouteilles vendues, ni sur la marge réalisée, et ne peut donc évaluer les fruits perçus par Y Z de X au détriment de la société A. Le jugement querellé sera confirmé en ce qu’il rejette ce chef de demande.
Outre la publication judiciaire ordonnée dans le quotidien Sud-Ouest, l’intimée demande que la décision paraisse dans la revue professionnelle Revue du vin de France, afin que les professionnels du secteur, et notamment les membres de la coopérative A, sachent non seulement qu’Y Z de X n’a aucun droit sur ces marques mais également que la société A a été rétablie dans ses droits par le transfert des marques. Cette information est toutefois suffisamment assurée par la mesure ordonnée en première instance, qui sera confirmée.
La société A demande la destruction des stocks de bouteilles et autres contenants sous les marques Cyrano de Bergerac et Cuvée Cyrano de Bergerac. La preuve de la commercialisation de bouteilles de vins marquées Cyrano de Bergerac que prétend rapporter l’intimée consiste dans une capture d’écran du 15 mai 2017, antérieure à la décision du tribunal. Demeurent pertinents les motifs par lesquels les premiers juges n’ont pas fait droit à la demande.
Le jugement mérite pareillement confirmation en ce qu’il rejette la demande de la société A pour procédure abusive. L’appelant souligne ici à raison qu’il a attaqué l’intimée en contrefaçon de marques au dépôt desquelles la société A ne s’était pas opposée alors qu’elle pouvait le faire.
Sur la garantie de la société H I J :
Aux termes de l’article 1626 du code civil, quoique lors de la vente il n’ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l’acquéreur de l’éviction qu’il souffre dans la totalité ou partie de l’objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente.
Y Z de X demande à être garanti par la société H I J, de laquelle il a acquis la marque Cyrano de Bergerac no 3 437 434, de l’éviction qu’il souffre de la société A.
La société H I J oppose à cette action en garantie la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée par l’arrêt de cette cour prononcé le 1er février 2010.
L’article 1355 du code civil dispose : « L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. »
Dans la précédente instance opposant Y Z de X à la société H I J, le demandeur agissait en contrefaçon. La chose demandée n’était donc pas la même que la garantie sollicitée dans le cas présent, de sorte que l’autorité de la chose jugée ne fait pas obstacle à la demande formée par l’appelant en qualité de cessionnaire de la
marque.
La garantie d’éviction est due par tout cédant d’un droit de propriété, corporel ou incorporel (Civ. 1re, 13 mars 2008, nos 06-20.152, 06-20.443).
Cependant, le vendeur ne doit pas garantie à l’acquéreur qui aurait pu éviter l’éviction ou si celle-ci est imputable à sa faute (Civ. 1re, 21 mars 2000, no 98-10.828 ; 15 oct. 1996, no 94-18.499 ; 7 nov. 2006, no 04-13.454).
En l’espèce, la personne qui a acquis une marque qu’elle avait à l’origine déposée en fraude des droits d’un tiers ne peut obtenir la garantie de celui dont elle est l’ayant cause, comme l’a exactement jugé le tribunal.
La résistance de la société H I J à l’action intentée contre elle n’est donc pas abusive, de sorte que la demande de dommages et intérêts d’Y Z de X ne peut être que rejetée.
Le jugement attaqué sera également confirmé en ce qu’il estime n’y avoir pas lieu au prononcé d’une amende civile sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. L’appelant en supportera donc la charge.
Aux termes de l’article L. 111-8, alinéa premier, du code des procédures civiles d’exécution, à l’exception des droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, les frais de l’exécution forcée sont à la charge du débiteur. L’article R. 444-55, alinéa premier, du code de commerce dispose en conséquence que les émoluments des prestations mentionnées aux numéros 128 et 129 du tableau 3-1 annexé à l’article R. 444-3, à la charge respectivement du débiteur et du créancier, sont cumulables. La cour ne peut déroger à ces dispositions.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, Y Z de X sera condamné à payer la somme de 5 000 euros à la société A et celle de 4 000 euros à la société H I J.
LA COUR, PAR CES MOTIFS,
Infirme partiellement le jugement en ce qu’il condamne Y Z de X à payer à la société coopérative à capital variable A une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à question préjudicielle ;
Condamne Y Z de X à payer à la société A une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Confirme toutes les autres dispositions non contraires ;
Condamne Y Z de X à payer à la société A la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Y Z de X à payer à la société H I J la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Y Z de X aux entiers dépens, dont distraction au profit de maître F G, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,