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16 novembre 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/18882
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 2
ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/18882 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGVGT
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Octobre 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Paris – RG n° 21/02943
APPELANT
POLE EMPLOI
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représenté par Me Aurélie COSTA, avocat au barreau de PARIS, toque : C2230
INTIMÉE
Madame [N] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Coralie-Alexandra GOUTAIL, avocat au barreau de PARIS, toque : A0201
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Paule ALZEARI, présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Marie-Paule ALZEARI, présidente
Eric LEGRIS, président
Christine LAGARDE, conseillère
Greffière lors des débats : Mme Alicia CAILLIAU
ARRÊT :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
– signé par Marie-Paule ALZEARI, présidente et par Alicia CAILLIAU, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [N] [Z] est inscrite en qualité de demandeur d’emploi depuis 2001.
Elle a, à ce titre, fait une demande d’allocation d’aide au retour à l’emploi.
Le 8 février 2019, Pôle emploi a demandé à Mme [Z] des pièces complémentaires, dans le cadre d’un contrôle de son dossier effectué par les services du Centre National Cinéma Spectacle d'[Localité 4].
Le 3 mai 2019, Pôle emploi a informé Mme [Z] de son exclusion de droits à ARE à compter du 3 février 2015 au motif que sa qualité de salarié au sein de l’association [6] n’était pas reconnue, en l’absence de lien de subordination.
Le 27 mai 2019, l’institution a notifié à Mme [Z] un trop-perçu d’ARE d’un montant de 53’233,10 euros pour la période de février 2015 à avril 2019, demande réitérée le 28 juin 2019.
Le 13 juillet 2019, Mme [Z] a formé un recours gracieux à l’encontre de la notification de trop-perçu puis, le 1er août 2019, a formulé une demande d’effacement de sa dette, demande refusée par l’institution le 19 août 2019.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 septembre présentée le 12 septembre 2019, Mme [Z] a été mise en demeure de régler la somme litigieuse.
Le pli n’a pas été réclamé.
Par acte d’huissier en date du 2 février 2021, Pôle emploi a fait signifier une contrainte référencée UN562100149 datée du 20 janvier 2021 à Mme [Z], pour lui réclamer le remboursement de la somme totale de 53’237,86 euros correspondant, outre les frais, à l’indu d’un montant de 53’233,10 euros au titre de l’allocation d’aide au retour à l’emploi perçue sur la période du 13 février 2015 au 30 avril 2019.
Mme [Z] a formé opposition à l’exécution de cette contrainte le 17 février 2021 devant le pôle social du tribunal de grande instance de Paris devenu le 1er janvier 2020 tribunal judiciaire de Paris.
Par jugement en date du 11 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :
‘ Rejeté les fins de non-recevoir soulevées par Pôle emploi tirées de la forclusion et du défaut de motivation de l’opposition à contrainte ;
‘ Déclaré en conséquence l’opposition à contrainte recevable ;
‘ Rejeté la demande de nullité de la contrainte du 30 janvier 2021 signifiée le 2 février 2021 ;
‘ Déclaré prescrite l’action remboursement d’allocations de retour à l’emploi pour les sommes réclamées du 13 février 2015 au 11 septembre 2016 ;
‘ Déclaré recevable l’action en recouvrement d’allocations de retour à l’emploi perçues du 12 septembre 2016 au 30 avril 2019 ;
‘ Débouté Pôle emploi de l’intégralité de ses demandes ;
‘ Condamné Pôle Emploi aux entiers dépens de l’instance ;
‘ Condamné Pôle Emploi à verser à Mme [N] [Z] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Selon déclaration du 7 novembre 2022, Pôle emploi a interjeté appel à l’encontre de cette décision.
Par dernières conclusions du 12 juillet 2023, Pôle emploi demande à la cour de :
‘- CONFIRMER le jugement de première instance seulement en ce qu’il a rejeté la demande de nullité de la contrainte du 20 janvier 2021 signifiée le 2 février 2021,
– DEBOUTER Mme. [Z] de son appel incident à ce titre,
– INFIRMER le jugement de première instance pour le surplus sur l’ensemble des autres dispositions en ce qu’il a :
‘ Déclaré prescrite l’action en remboursement d’allocations de retour à l’emploi pour les sommes réclamées du 13 février 2015 au 11 septembre 2016 ;
‘ Condamné POLE EMPLOI à verser à Mme. [Z] 1.500 euros au titre de l’article 700 du cpc,
Et Statuant à nouveau :
‘ JUGER la contrainte du 20 janvier 2021 régulière, valable et bien fondée,
‘ JUGER la créance de POLE EMPLOI non prescrite et bien fondée,
‘ DEBOUTER Mme. [Z] de son opposition à contrainte et de ses demandes afférentes,
‘ DEBOUTER Mme. [Z] de l’ensemble de ses demandes,
‘ CONDAMNER Mme. [Z] à verser à POLE EMPLOI la somme de 53.237,86 euros en remboursement des allocations ARE perçues à tort du 13 février 2015 au 30 avril 2019,
‘ CONDAMNER Mme. [Z] au paiement de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, dont les frais de signification, de mise en demeure et de commissaire de justice passés et à venir.’
Selon dernières écritures du 17 avril 2023, Mme [N] [Z] demande à la cour de :
‘Vu les dispositions de l’article R5426-20 et suivants du Code du Travail,
Vu les dispositions de l’article L. 5424-21 du Code du travail
Vu les des dispositions de l’article L5422-5 du Code du Travail
Vu les dispositions de l’article R5426-3 du Code du Travail
Vus les dispositions des articles R5426-6 à R5426-10 du Code du Travail
Vu les dispositions de l’article 1343-5 du Code civil,
INFIRMER le jugement rendu le 11 octobre 2022 en ce qu’il a dit :
REJETTE la demande de nullité de la contrainte du 30 janvier 2021 signifiée le 02 février 2021;
DÉCLARE recevable l’action en recouvrement d’allocations de retour à l’emploi perçues du 12 septembre 2016 au 30 avril 2019 ;
CONFIRMER le jugement rendu le 11 octobre 2022 en ce qu’il a dit :
REJETTE les fins de non-recevoir soulevées par POLE EMPLOI tirées de la forclusion et du défaut de motivation de l’opposition à contrainte ;
DÉCLARE en conséquence l’opposition à contrainte recevable ;
DÉCLARE prescrite l’action en remboursement d’allocations de retour à l’emploi pour les sommes réclamées du 13 février 2015 au 11 septembre 2016 ;
DÉBOUTE POLE EMPLOI de l’intégralité de ses demandes ;
CONDAMNE POLE EMPLOI aux entiers dépens de l’instance ;
CONDAMNE POLE EMPLOI à verser à Madame [N] [Z] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant de nouveau,
– Juger que POLE EMPLOI ne justifie pas d’une mise en demeure préalable à la contrainte ;
En conséquence,
– Dire et Juger la contrainte du 20 janvier 2021 nulle et non avenue ;
Subsidiairement
– Dire et juger que les sommes réclamées concernant la période précédant le 2 février 2018 sont atteintes par la prescription ;
En conséquence,
– Ramener les demandes de POLE EMPLOI à de plus justes proportions ;
En tout état de cause
– Constater que POLE EMPLOI ne justifie pas du caractère indu des prestations dont elle réclame le remboursement ;
En conséquence,
– Débouter POLE EMPLOI de ses demandes ;
– Subsidiairement, accorder à Madame [N] [Z] les plus larges délais de règlement,
– Condamner POLE EMPLOI à payer à Madame [N] [Z] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du C.P.C., ainsi qu’aux entiers dépens.’
L’ordonnance de clôture est en date du 22 septembre 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS,
Sur l’appel incident quant à la nullité de la contrainte
Mme [Z] explique que la contrainte mentionne qu’elle a fait l’objet d’une mise en demeure préalable en date du 12 mars 2020 restée sans effet alors qu’elle conteste avoir reçu une quelconque mise en demeure à cette date.
Elle en déduit que la procédure imposée par les dispositions de l’article R. 5426-20 du code du travail n’a pas été respectée.
Sur la régularité de la procédure préalable à la contrainte, Pôle emploi fait valoir que la seule lecture de la mise en demeure du 9 septembre 2019 permet de constater le respect des conditions de motivation dès lors que ce courrier précise la date des versements indus, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées ainsi que le motif de l’indu.
L’institution ajoute que quand bien même la procédure de contrainte serait irrégulière, elle est néanmoins fondée à solliciter la restitution d’un indu dès lors que sa créance est non prescrite et bien fondée.
Aux termes de l’article R. 5426-20 du code du travail, « la contrainte prévue à l’article L. 5426-8-2 est délivrée après que le débiteur a été mis en demeure de rembourser l’allocation, l’aide ou toute autre prestation indue mentionnée à l’article L. 5426-8-1 ou de s’acquitter de la pénalité administrative mentionnée à l’article L. 5426-6.
Le directeur général de Pôle emploi lui adresse, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, une mise en demeure qui comporte le motif, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement ou la date de la pénalité administrative ainsi que, le cas échéant, le motif ayant conduit à rejeter totalement ou partiellement le recours formé par le débiteur.
Si la mise en demeure reste sans effet au terme du délai d’un mois à compter de sa notification, le directeur général de Pôle emploi peut décerner la contrainte prévue à l’article L. 5426-8-2. »
S’il n’est pas justifié que Mme [Z] a effectivement reçu une mise en demeure en date du 12 mars 2020, Pôle emploi établit en revanche l’envoi d’une mise en demeure avant poursuites en date du 9 septembre 2019 avec la mention du dépôt à La Poste sur lequel il est inscrit que le courrier a été présenté le 12 septembre 2019 et que le pli n’a pas été réclamé.
Il en résulte donc que la procédure prévue à l’article R. 5426-20 a été respectée alors que la date de mise en demeure précisée sur la contrainte est indifférent au regard de la nullité de celle-ci.
Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a rejeté le moyen tiré de la nullité de la contrainte.
Sur la prescription de la créance de Pôle emploi
Pôle Emploi soutient que Mme [Z] a effectué de fausses déclarations.
L’institution prétend que cette dernière déclarait une activité d’intermittente du spectacle entre les mois de février à juin de 2015 à 2018 alors même qu’elle disposait, en réalité, d’un emploi pérenne sur l’ensemble de l’année en qualité de professeur de danse et qu’elle ne peut être à ce titre, considérée comme artiste du spectacle et intermittente alors qu’elle gérait sa propre association.
Elle expose que Mme [Z] n’a pas déclaré l’ensemble des activités bénévoles ou rémunérées qu’elle exerçait au sein de cette association la moitié de l’année de septembre à décembre.
Elle ajoute qu’elle n’a pas plus déclaré ses changements de résidence ni ses vacances en violation de ses obligations déclaratives relevant des articles R. 5411-8 et R. 5411-10 du code du travail.
Mme [Z] estime qu’il appartient à Pôle emploi, pour bénéficier d’un délai de prescription allongée à 10 ans, de démontrer l’existence d’une fraude ou d’une fausse déclaration.
Elle allègue de l’effectivité de son activité salariée ainsi que de sa résidence sur le territoire français.
Aux termes de l’article L. 5422-5 du code du travail, « l’action en remboursement de l’allocation d’assurance indûment versée se prescrit par trois ans. En cas de fraude ou de fausse déclaration, elle se prescrit par dix ans.
Ces délais courent à compter du jour de versement de ces sommes. »
En application de la disposition précitée, alors que la bonne foi est présumée, il appartient à Pôle emploi de rapporter la preuve que l’allocataire a commis une fausse déclaration ou une fraude.
Sur l’effectivité de l’activité salariée, Pôle emploi soutient que Mme [Z] n’est pas en mesure de justifier de la réalité de son emploi salarié intermittent auprès de l’association sur la totalité de la période déclarée et ayant donné lieu à l’ouverture de ses droits aux allocations.
Elle fait valoir que Mme [Z] est fondatrice de l’association créée alors qu’elle était professeure de danse et conseillère ANPE.
Elle ajoute que Mme [Z] a été embauchée entre 2015 et 2019 en qualité d’artiste chorégraphique intermittente intervenant pour créer et transmettre des chorégraphies au cours d’ateliers pour la préparation de spectacles et ce, de février à juin, chaque année, toutes les semaines alors qu’aucun contrat salarié n’existe pour les périodes de juillet à janvier inclus.
Elle estime que les contrats d’engagement ne relèvent pas de l’intermittence puisque les cours sont effectuées chaque semaine à la même heure alors que la succession des contrats constitue en réalité , dans les faits , un CDI à temps partiel.
Elle prétend que Mme [Z] occupait en fait un emploi permanent en qualité de professeur de Danse qui relève du régime général de Pôle emploi et non du statut particulier d’intermittent du spectacle.
Parce qu’elle n’exerçait pas une activité d’artiste du spectacle mais bien une activité de professeur de danse dans le cadre d’une activité pérenne et d’intermittente, Mme [Z] ne pouvait remplir les conditions pour obtenir les allocations ARE.
Elle ajoute que les emplois en qualité de professeur de danse de septembre à décembre n’ont jamais été déclarés par Mme [Z] contrairement à ses obligations en qualité de demandeur d’emploi alors qu’ils ne sauraient être cumulés avec son statut de demandeur d’emploi et les allocations ARE.
En outre, il est soutenu que Mme [Z] assure de manière permanente la gestion de l’association alors que cette activité, déclarée ou non, bénévole ou non, ne peut être cumulée avec l’allocation ARE.
Mme [Z] explique que le fait d’avoir fondé l’association ne lui interdit nullement d’en être occasionnellement la salariée en apportant son aide à une association dont elle n’est plus ni la présidente ni membre du bureau.
Elle conteste avoir cumulé une activité de professeur de danse à titre indépendant de septembre à décembre et une activité de chorégraphe en qualité d’intermittente entre février et juin chaque année.
En application de l’article L. 7121-2 3° du code du travail, est considéré comme artiste du spectacle l’artiste chorégraphique.
Il doit être précisé que la liste d’artistes du spectacle telle que fixée par l’article L. 7121-2 n’est pas limitative.
En l’espèce, il n’est pas contesté que Mme [Z] exerce de manière habituelle et depuis plusieurs années la profession de danseuse et chorégraphe.
Dans cette mesure, il doit être admis qu’elle doit être considérée comme un artiste de spectacle au sens de la disposition précitée.
Aux termes de l’article L. 7121-3 du code du travail, « tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumée être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce. »
Selon l’article L. 7121-4 du code du travail, « la présomption de l’existence d’un contrat de travail subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération, ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties.
Cette présomption subsiste même s’il est prouvé que l’artiste conserve la liberté d’expression de son art, qu’il est propriétaire de tout ou partie du matériel utilisé ou qu’il emploie lui-même une ou plusieurs personnes pour le seconder, dès lors qu’il participe personnellement au spectacle. »
La disposition légale de salariat telle qu’édictée par les dispositions précitées implique qu’il appartient à Pôle emploi de la renverser en apportant la preuve que Mme [Z] a exercé son activité dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce.
Il est versé aux débats une trentaine de contrats d’engagement d’artiste intermittent à durée déterminée qui ont été conclus entre l’association [6] et Mme [Z] entre février 2016 et juin 2018.
Ces contrats sont de nature à démontrer que Mme [Z] a exercé la fonction d’artiste chorégraphe et de professeur de danse sous le statut d’intermittente.
À cet égard, l’intimée fait pertinemment valoir que le fait d’avoir fondé l’association ne lui interdit nullement d’en être occasionnellement la salariée alors qu’elle n’en est plus ni la présidente, ni membre du bureau.
Mme [Z] verse aux débats les attestations de l’actuelle présidente et de la trésorière qui pour la première, atteste en ces termes :
« je certifie sur l’honneur être la Présidente de l’association [6] depuis 1999. Entre 2015 et 2018, Mme [N] [Z] était engagée comme danseuse chorégraphe pour le spectacle que nous organisions chaque année.
Le conseil d’administration et moi-même organisions les événements, choisissions les dates, les thèmes, les théâtres loués pour l’occasion et nous avions fait appel à Mme [Z] pour gérer la création des spectacles, les chorégraphies, les ateliers chorégraphiques, les participants, l’organisation selon nos directives. Comme c’est un professionnel dans le domaine de la création chorégraphique nous lui avons laissé une certaine marge de man’uvre.
Même si elle a été un des membres fondateurs de l’association en 1994, elle est sortie du bureau en 1999 et n’avait plus de rôle administratif, si ce n’est une aide qu’elle nous a apporté sur son temps libre. En effet, en tant que bénévole, elle a continué à nous aider dans différents domaines et à être active dans l’association.
De manière ponctuelle, je lui ai demandé une aide supplémentaire et lui ai fait une délégation de pouvoir ainsi qu’une autorisation provisoire de signature pour les chèques et certains documents administratifs.
Depuis septembre 2018 notre association fait appel à une association comptable qui gère l’administratif. »
La seconde certifie sur l’honneur être la trésorière de l’association [6]. Elle témoigne en ces termes :
« Je faisais partie du conseil d’administration et m’occupait également de la trésorerie pour les spectacles.
Malgré cette qualité, il m’a été difficile d’exercer de façon constante un véritable suivi administratif de l’association pour raisons de santé, notamment à partir de 2015.
L’association a donc fait appel à ses bénévoles pour parfois pallier ponctuellement certains manquements et éviter que l’association ait des ennuis faute de paiement des cotisations ou autres.
À ce jour, l’association fait appel à un organisme pour le suivi administratif »
Il en résulte que l’existence d’un lien de subordination n’est pas démontrée par Pôle emploi lorsqu’il est allégué que Mme [Z] était en réalité gérante de fait de l’association au regard de la signature de chèques de paiement de cotisations sociales.
Par ailleurs, l’existence d’une délégation ponctuelle de signature, ainsi que cela est confirmé par les attestant, peut effectivement être qualifié de participation ponctuelle et bénévole à la gestion de l’association et n’est donc pas de nature à renverser la présomption de salariat.
Au surplus, il doit être rappelé les dispositions de l’article L. 7121-4 aux termes duquel la présomption de salariat subsiste même s’il est prouvé que l’artiste conserve la liberté d’expression de son art et qu’il est propriétaire de tout ou partie du matériel utilisé.
S’agissant de la rémunération, les bulletins de salaires versés aux débats ainsi que les déclarations d’imposition font apparaître une différence d’un montant tout à fait minime selon le premier juge qui a exactement estimé que cet écart était insuffisant pour exclure la présomption de salariat.
À ce stade, il doit être rappelé la disposition précitée qui indique que la présomption de l’existence d’un contrat de travail subsiste quel que soit le montant de la rémunération.
S’agissant de l’activité bénévole, celle-ci est confirmée par les attestations versées aux débats.
Il n’est effectivement nullement démontré que celle-ci ait donnée lieu à une rémunération de la part de l’association.
Surtout, en application de l’article L. 5425-8 du code du travail, tout demandeur d’emploi peut exercer une activité bénévole.
D’autre part, il n’est pas plus démontré que cette activité ait été effective en dehors des périodes d’emploi à titre intermittent ni qu’elle se soit substituée à un emploi salarié.
Ainsi, la décision doit être confirmée en ce qu’elle a déduit de l’ensemble de ces éléments que l’institution ne rapportait pas la preuve de ce que Mme [Z] exerçait son activité au sein de l’association [6] dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce ou en dehors de tout lien de subordination, de sorte qu’il n’était pas démontré l’existence d’une fraude ou d’une fausse déclaration, la cour n’étant pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de répondre à des conclusions que les constatations précédentes rendent inopérantes.
Sur l’effectivité de la résidence sur le territoire français, les captures d’écran du compte Facebook de Mme [Z] produites sont insuffisantes à établir que celle-ci s’absentait régulièrement de son domicile en France pour des durées supérieures à 15 jours pour des vacances ou des manifestations.
En effet, ces photos ne sont pas nécessairement probantes car ayant pu être publiées à une date différente de leur capture.
Il en résulte donc que, de ce fait, la réalité de fausse déclaration n’est pas démontrée de sorte que le délai décennal n’a pas vocation à s’appliquer.
Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a considéré qu’au regard d’une mise en demeure du 9 septembre 2019 notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 septembre 2019 interrompant le délai de prescription, l’indu de cotisations réclamé pour la période du 13 février 2015 au 11 septembre 2016 était atteint par la prescription en application de l’article L. 5422-5 du code du travail.
Sur l’indu d’ARE du 12 septembre 2016 au 30 avril 2019
En application des dispositions de l’article 1302-1 du Code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû, doit le restituer à celui de qui il l’a indûment perçu.
Il incombe au demandeur en restitution des sommes qu’il prétend avoir indûment payées de prouver le caractère indu du paiement.
En l’état des motifs précédents ayant retenu la réalité d’une relation de travail, il doit être considéré que Pôle emploi ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l’indu invoqué sur la période considérée.
Sur l’absence de résidence effective sur le territoire français, outre les captures d’écran du compte Facebook qui ne sont pas probantes, l’intimée verse aux débats une copie de son passeport qui permet de constater la réalité de voyages d’agrément effectués sur la période mais, d’une durée inférieure à 15 jours au moment des congés d’été.
Là encore, Pôle emploi ne démontre nullement la réalité de l’indu réclamé sur ces périodes d’absence.
Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a débouté Pôle emploi de ses demandes de condamnation au remboursement des allocations perçues du 12 septembre 2016 au 30 avril 2019.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Pôle emploi, qui succombe sur le mérite de son appel, doit être condamné aux dépens et débouté en sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Aucune raison d’équité ne commande application de cet article au profit de la partie intimée qui succombe sur son appel incident.
PAR CES MOTIFS
Contradictoire, dernier ressort, publiquement
Confirme le jugement déféré,
Y ajoutant,
Condamne Pôle emploi aux dépens,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
La Greffière, La Présidente,