Your cart is currently empty!
La requalification des contrats à durée déterminée successifs en contrat à durée indéterminée étant sans effet sur les conditions de la collaboration convenue, il n’y a pas lieu de condamner l’employeur à une rémunération supplémentaire pour les jours travaillés.
L’animateur Yves Lecoq a obtenu la requalification de ses CDD d’usage en CDI mais été débouté de sa demande en rappel de salaires pendant les jours travaillés à l’encontre de la société Nulle Part Ailleurs Productions.
La requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail.
L’imitateur Yves Lecoq a été embauché à compter du 4 septembre 1988, dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée successifs, par la société Nulle Part Ailleurs Production pour exercer les fonctions d’imitateur au cours de l’émission dénommée successivement « les arènes de l’info », puis « les guignols de l’info » et enfin « les guignols ».
Un accord d’exclusivité sur les prestations a été signé parallèlement entre la société Nulle Part Ailleurs Production et la société Multicoq, société de production, renouvelé chaque année en des termes proches. La relation de travail était régie par la convention collective nationale des artistes-interprètes engagés pour des émissions de télévision.
Le 18 mai 2017, l’imitateur a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt de demandes en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et en paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail. En l’espèce, les parties ont signé des lettres d’engagement pour des journées de travail définies, avec une rémunération au cachet convenue entre les parties, sur la période litigieuse à compter du 9 septembre 2015.
Ainsi, les journées travaillées ont été rémunérées selon la convention conclue entre les parties à ce titre.
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
19e chambre
Renvoi après cassation
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 JUIN 2023
N° RG 22/00623
N° Portalis DBV3-V-B7G-VA6G
AFFAIRE :
[W] [S]
C/
S.N.C. NULLE PART AILLEURS PRODUCTION
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Novembre 2017 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Section :
N° RG : 17/00588
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
la ASSOCIATION AVOCALYS
la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
DEMANDEUR ayant saisi la cour d’appel de Versailles par déclaration enregistrée au greffe social le 25/02/2022en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation du 17/11/2021 cassant et annulant l’arrêt rendu le 13/05/2020 par la cour d’appel de Versailles
Monsieur [W] [S] (dit [W] [B])
né le 04 Mai 1946 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU, Constitué, ASSOCIATION AVOCALYS – avocat au barreau de VERSAILLES (620)
Représentant : Me Laurence CIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS (E1613) substitué par Me Mandy COUZINIE, avocat au barreau de PARIS
****************
DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI
S.N.C. NULLE PART AILLEURS PRODUCTION
N° SIRET : 402 950 943
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Eric MANCA, Constitué/Plaidant SCP AUGUST & DEBOUZY et associés – avocat au barreau de PARIS (P0438)
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 21 Avril 2023, devant la cour composée de :
Madame Isabelle MONTAGNE, Président,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Madame Laure TOUTENU, Conseiller,
et ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi,
dans l’affaire,
Greffier, lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY
EXPOSE DU LITIGE
M. [W] [S] dit [W] [B] a été embauché à compter du 4 septembre 1988, dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée successifs, par la société Nulle Part Ailleurs Production pour exercer les fonctions d’imitateur au cours de l’émission dénommée successivement « les arènes de l’info », puis « les guignols de l’info » et enfin « les guignols ».
Un accord d’exclusivité sur les prestations d'[W] [B] a été signé parallèlement entre la société Nulle Part Ailleurs Production et la société Multicoq, société de production d'[W] [B], renouvelé chaque année en des termes proches.
La relation de travail était régie par la convention collective nationale des artistes-interprètes engagés pour des émissions de télévision.
Le 18 mai 2017, M. [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt de demandes en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et en paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.
Un terme a été mis à l’émission « les guignols » à l’issue de la saison 2017-2018.
Le salarié s’est vu notifier sa mise à la retraite d’office le 31 mai 2018 à l’âge de 72 ans.
Par un jugement du 21 novembre 2017, le conseil de prud’hommes a débouté M. [B] de l’ensemble de ses demandes, débouté la société Nulle Part Ailleurs Production de sa demande reconventionnelle et condamné M. [B] aux entiers dépens.
Sur appel du salarié, par arrêt du 13 mai 2020, la quinzième chambre de la cour d’appel de Versailles a :
– infirmé le jugement entrepris, et statuant à nouveau, a :
– requalifié le contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée, à effet au 4 septembre 1988,
– condamné la société Nulle Part Ailleurs Production à payer à M. [B] :
* 20 137,21 euros au titre de l’indemnité de requalification avec intérêt au taux légal à compter du présent arrêt,
* 78 875 euros à titre de rappel de salaire brut, sous réserve des cotisations sociales outre les congés payés incidents de 7 887,50 euros, sous même réserve,
* 146 408,12 euros brut au titre du rappel de salaire d’avril 2017 à mai 2018 inclus sous réserve de la déduction des cotisations sociales outre les congés y afférents de 14 640,81 euros brut sous même réserve,
– dit que les sommes allouées au titre de rappel de salaires porteront intérêt au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les échéances alors échues, puis pour celles postérieures à compter de leurs échéances respectives,
– constaté la rupture du contrat de travail par la notification qui en a été faite à M. [S] par la société Nulle Part Ailleurs Production le 31 mai 2018 au visa de l’article L. 1237-5 du code du travail, qui a constitué la cause de la rupture,
– débouté en conséquence M. [B] de ses demandes d’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et défaut de respect de la procédure de licenciement, ainsi que d’indemnités de rupture,
– condamné la société Nulle Part Ailleurs Production à payer à M. [B] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Nulle Part Ailleurs Production aux dépens de première instance et d’appel, qui pourront être recouvrés directement.
Sur pourvoi principal de la société Nulle Part Ailleurs Production, la Cour de cassation a, par un arrêt du 17 novembre 2021, cassé et annulé l’arrêt, mais seulement en ce qu’il condamne la société Nulle Part Ailleurs Production à payer à M. [B] les sommes de 78 875 euros, à titre de rappel de salaire brut, sous réserve de cotisations sociales outre les congés payés incidents de 7 887,50 euros, sous même réserve, de 146 408,12 euros brut au titre du rappel de salaire d’avril 2017 à mai 2018 inclus, sous réserve de la déduction des cotisations sociales outre les congés payés afférents de 14 640,81 euros brut sous même réserve, de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens, et a remis, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée.
En février 2022, M. [B] a saisi la cour d’appel de Versailles en renvoi après cassation.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 10 avril 2023, M. [B] demande à la cour d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes qui l’a débouté de ses demandes de rappel de salaires, et statuant de nouveau de:
– condamner la société Nulle Part Ailleurs Production à lui payer les sommes suivantes :
*141 510 euros brut à titre de rappel de salaire outre les congés payés afférents à hauteur de 14 151 euros, pour l’année 2015,
* 99 680 euros brut à titre de rappel de salaire outre les congés payés afférents à hauteur de 9 968 euros, pour l’année 2016,
* 193 923,74 euros bruts outre les congés payés afférents pour 19 392,37 euros, pour l’année 2017 et ce jusqu’au 31 mai 2018 date de fin de contrat,
* 29 500 euros bruts à titre de rappel de congés payés pour 2012,
* 27 250 euros bruts à titre de rappel de congés payés pour 2013,
* 29 625 euros bruts à titre de rappel de congés payés pour 2014,
– dire que les sommes allouées au titre de rappel de salaires porteront intérêt au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les échéances alors échues, puis pour celles postérieures à compter de leurs échéances respectives,
– ordonner la capitalisation des intérêts par application de l’article 1343-2 du code civil,
– confirmer le jugement entrepris en ce que la société Nulle Part Ailleurs Production a été déboutée de ses demandes reconventionnelles,
– condamner la société Nulle Part Ailleurs Production au paiement de la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, y compris de première instance et d’appel, incluant les frais d’exécution forcée et pouvant être recouvrés directement.
Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 7 avril 2023, la société Nulle Part Ailleurs Production demande à la cour de confirmer le jugement, en conséquence, de débouter M. [B] de ses demandes en rappel de salaire et de le condamner à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure est intervenue le 11 avril 2023.
SUR CE :
La cour constate que l’arrêt de la cour de cassation n’a pas remis en cause la nature du contrat de travail, les contrats à durée déterminée successifs étant requalifiés en contrat à durée indéterminée à effet au 4 septembre 1988 jusqu’au 31 mai 2018, date de la mise à la retraite de M. [B].
Sur les demandes de rappel de salaire
Le salarié sollicite les sommes de 141 510 euros au titre de la période entre le 1er juillet 2015 et le 11 décembre 2015, 99 680 euros au titre de l’année 2016, 193 923,74 euros au titre de l’année 2017, outre les congés payés afférents. Il indique que l’employeur était tenu de lui verser son salaire habituel et de lui fournir du travail sur les périodes pendant lesquelles il est resté à disposition de son employeur, selon une rémunération de 1 250 euros par journée. Il précise qu’il justifie des conditions de maintien à disposition de son employeur en raison de la fréquence des contrats de travail à durée déterminée, de l’absence de délai de prévenance, et de la convention d’exclusivité le liant à l’employeur. Il conclut qu’il s’est tenu à disposition de son employeur pendant les périodes dites intermédiaires.
L’employeur conclut au débouté de la demande. Il fait valoir que le salarié a travaillé selon une succession d’engagements à durée déterminée d’usage, autonomes les uns des autres, dont la requalification est sans effet sur les conditions de la collaboration convenues à chaque engagement. Il rappelle que la requalification ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les autres stipulations contractuelles. Il précise que la conclusion de contrats à durée déterminée successifs à des conditions de rémunération et de temps de travail différentes ne constitue pas une modification du contrat de travail, qu’il n’y a pas lieu de faire droit à une demande en maintien du niveau salarial. Il souligne que concernant les périodes interstitielles, le salarié participait à un autre programme audiovisuel auprès d’une autre chaîne et ne se tenait pas à disposition de l’employeur. Il rappelle que l’exclusivité a déjà fait l’objet d’une indemnisation sur la période considérée.
Sur la période du 12 au 31 août 2015
Aux termes de l’article 624 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce. Ainsi, devant la cour d’appel de renvoi, l’affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l’exclusion des chefs non atteints par la cassation comme prévu par l’article 638 du code de procédure civile.
Il ressort de l’arrêt de la cour de cassation du 17 novembre 2021 que les chefs de l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 13 mai 2020 déboutant M. [B] de sa demande en rappel de salaire sur la période du 12 au 31 août 2015 subsistent. Il sera donc seulement statué sur les dispositions de l’arrêt qui ont été cassées et annulées.
Sur les jours travaillés
La requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail.
En l’espèce, les parties ont signé des lettres d’engagement pour des journées de travail définies, avec une rémunération au cachet convenue entre les parties, sur la période litigieuse à compter du 9 septembre 2015.
Ainsi, les journées travaillées ont été rémunérées selon la convention conclue entre les parties à ce titre.
La requalification des contrats à durée déterminée successifs en contrat à durée indéterminée étant sans effet sur les conditions de la collaboration convenue, il n’y a pas lieu de condamner l’employeur à une rémunération supplémentaire pour les jours travaillés. M. [B] sera donc débouté de sa demande en rappel de salaire pendant les jours travaillés.
Sur les périodes interstitielles
En cas de requalification de plusieurs contrats de travail à durée déterminée, ou de plusieurs contrats de mission, en un contrat de travail à durée indéterminée, le salarié ne peut prétendre à un rappel de salaire pour les périodes séparant deux contrats à durée de travail déterminée requalifiés qu’à la condition de démontrer qu’il est resté à la disposition de l’employeur.
En l’espèce, M. [B] avait dans le cadre des contrats d’exclusivité, l’interdiction de conclure avec un autre organisme de télévision, une collaboration semblable à celle poursuivie avec Canal+. Il s’en déduit qu’il avait la possibilité d’exercer d’autres activités.
Ainsi, M. [B] a collaboré, notamment pendant la période litigieuse de juillet 2015 à mai 2018, à un autre programme audiovisuel, ‘les Grands du Rire’ sur une autre chaîne, France Télévisions (France 3), et ne s’est donc pas tenu à la disposition de son employeur.
M. [B] sera, par conséquent, débouté de l’ensemble de ses demandes en rappel de salaires. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur la demande d’indemnité de congés payés
M. [B] sollicite un rappel de congés payés pour les années 2012, 2013, 2014 calculé sur la base de 10 % de la rémunération versée, demande qu’il n’avait pas formée devant le conseil de prud’hommes.
L’employeur ne conclut pas sur ce point.
Au vu du solde de tout compte versé aux débats, M. [B] a reçu une indemnité compensatrice au titre de congés payés acquis.
Il en résulte que le salarié a été rempli de ses droits à congés payés.
M. [B] sera, par conséquent, débouté de sa demande en rappel de congés payés.
Sur les autres demandes
Le jugement attaqué sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.
M. [B] succombant à la présente instance, sera condamné aux dépens d’appel. Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement,
Et y ajoutant :
Déboute M. [W] [S] dit [W] [B] de sa demande au titre d’indemnité de congés payés,
Condamne M. [W] [S] dit [W] [B] aux dépens d’appel,
Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,