Formateur occasionnel : 20 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 18/13468

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Formateur occasionnel : 20 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 18/13468
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 13

ARRÊT DU 20 Mai 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 18/13468 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B62UR

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Octobre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 17/02861

APPELANTE

URSSAF ILE DE FRANCE

Division des recours amiables et judiciaires

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par M. [M] en vertu d’un pouvoir général

INTIMEE

SA [4]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Jean-Gilles BARBAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : C0906

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre

Madame Sophie BRINET,Présidente de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

Greffier : Madame Claire BECCAVIN, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par l’URSSAF Île-de-France d’un jugement rendu le 12 octobre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l’opposant à la S.A. [4].

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler qu’à la suit d’un contrôle effectué au sein de la société au cours du premier semestre 2016, portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, l’URSSAF a procédé à plusieurs redressements ; qu’une lettre d’observations datée du 26 mai 2017 a été adressée à la société, suivie d’une mise en demeure du 10 octobre 2016, notifiée le 11 octobre 2016 pour la somme de 56’156 euros de cotisations et celle de 7 985 euros au titre des majorations de retard ; que la société a contesté le fait que des formateurs occasionnels doivent être considérés comme des salariés ; qu’elle a saisi le 21 octobre 2016 la commission de recours amiable qui a rendu le 31 mars 2017 une décision de rejet ; que la société a alors formé un recours le 8 juin 2017 devant le tribunal.

Par jugement en date du 12 octobre 2018, le tribunal a :

mis hors de cause Pôle Emploi ;

annulé le redressement effectué par l’URSSAF Île-de-France portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 en ce qui concerne les cotisations « chômage »et « AGS » ainsi que le versement de transport (chef de redressement numéro 1, 2 ,4 et 6) ;

annulé la décision de la commission de recours amiable 31 mars 2017 ;

condamné l’URSSAF Île-de-France à rembourser à la S.A. [4] les sommes que celle-ci a versées au titre des chefs de redressement numéro 1, 2 ,4 et 6, avec intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2017 ;

débouté l’URSSAF Île-de-France de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 7 848 euros ;

dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et débouté la S.A. [4] de sa demande formulée à ce titre ;

dit n’y avoir lieu à prononcer l’exécution provisoire.

Le tribunal, faisant application des articles L 242-1 du code de la sécurité sociale et L 5422-13 du code du travail a jugé qu’il incombait à l’URSSAF de faire la preuve qu’il existe en réalité entre le formateur occasionnel et le donneur d’ordre un lien de subordination juridique permanente qui doit être caractérisée par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Il a estimé, par les diverses attestations versées aux débats, qu’aucun ordre ni aucune directive n’étaient donnés aux formateurs et qu’aucun contrôle n’était exercé dans l’exécution de leurs prestations. S’agissant du versement transport, dès lors que les formateurs occasionnels ne sont pas considérés comme des salariés, il n’y avait pas lieu de les intégrer dans l’effectif. Faute de démonstration dans le contrôle de l’existence de salariés permanents en nombre supérieur à neuf dans la région des transports Parisiens, l’URSSAF Île-de-France ne pouvait donc demander le paiement du versement transport.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception délivrée le 22 octobre 2018 à l’URSSAF Île-de-France qui en a interjeté appel par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 21 novembre 2018.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience par son représentant, l’URSSAF Île-de-France demande à la cour de :

lui donner acte qu’elle s’en rapporte à justice sur l’assujettissement aux contributions chômage et AGS, au versement transport des rémunérations allouées aux formateurs occasionnels (chefs de redressement n° 1 et 2) ;

infirmer la décision de première instance concernant l’annulation des chefs de redressement n° 4 et 6, le litige devant être limité aux prétentions des parties.

Elle expose que la Cour de cassation a jugé le 9 mai 2019 (pourvoi n° 18-11.158), au titre de la période redressée précédente de 2010 à 2012, qu’aucun lien de subordination n’étant rapporté entre les formateurs occasionnels et la S.A. [4] et qu’elle ne pouvait pas procéder au redressement des contributions à l’assurance chômage, des cotisations AGS et du versement transport ; qu’elle s’en rapporte à justice concernant les chefs de redressement critiqués n°1 et 2 ; que, cependant, concernant les chefs de redressement n° 4 et 6, la position de l’organisme est tout à fait différente, le tribunal ayant méconnu les règles encadrant le déroulement du procès ; qu’à aucun moment, la S.A. [4] n’a été demandé l’annulation de ces chefs de redressement ; que ces deux chefs de redressement n’ont ainsi aucun rapport avec la réintégration dans l’assiette des contributions chômage et des AGS et du versement transport des rémunérations allouées aux formateurs occasionnel ; que dès lors, il est surprenant que le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris ait d’office annulé les chefs de redressement n° 4 et 6, sans du reste apporter aucune motivation en relation avec les points soulevés.

Par conclusions écrites visées, développées et complétées oralement à l’audience par son avocat, la S.A. [4] demande à la cour de :

confirmer le jugement du 12 octobre 2018 sur les chefs de redressement n° 1 et 2 ;

y ajoutant,

condamner l’URSSAF Île-de-France à lui rembourser la somme de 47 589 euros avec intérêts au taux légale à compter du 24 octobre 2016 ;

débouter l’URSSAF Île-de-France de toutes ses demandes, fins et conclusions, notamment sa demande de condamnation au titre des pénalités et majoration de retard à hauteur de 7 985 euros ;

condamner l’URSSAF Île-de-France au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

la condamner aux dépens.

Elle expose être un organisme de formation professionnelle qui dispense des actions de formation. ; qu’elle fait appel à des formateurs extérieurs à la société, reconnus dans leur spécialité, leur expertise et leur savoir faire ; qu’avec eux, elle a toujours considéré que cette relation était par nature libérale et n’avait rien à voir avec une relation de travail encadrée par un employeur ; qu’un arrêté du 28 décembre 1987 a prévu que ces formateurs occasionnels, qui sont totalement indépendants dans la conception et la réalisation de leurs prestations, seraient assimilés à des assujettis au régime général de la sécurité sociale pour permettre un prélèvement de cotisations sociales sur une base forfaitaire et éviter à ces professionnels l’affiliation à un régime de protection sociale des indépendants, particulièrement lourd à mettre en ‘uvre compte tenu du caractère très épisodique de leurs interventions ; qu’elle a donc toujours procédé au paiement de ces cotisations sur cette base forfaitaire et n’a jamais rencontré de difficultés administratives avec ces intervenants ; qu’antérieurement, elle a déjà fait l’objet d’un redressement URSSAF pour les années 2010, 2011 et 2012 d’un montant en principal de 337 914 euros outre 44 541 euros au titre des majorations notifié le 3 octobre 2013 ; que sur contestation de sa part, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris a fait droit à ses réclamations dans un jugement du 12 février 2016 et a annulé les redressements concernés ainsi que la contrainte ; que la Cour d’Appel de Paris a confirmé le jugement par arrêt du 16 novembre 2017 ; qu’enfin, la Cour de cassation, dans un arrêt publié au Bulletin civil a confirmé l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris le 9 mai 2019 (Cass. 2ème civ. 09 mai 2019, N°18-11.158, n°616).

Elle ajoute en l’espèce que la relation de travail entre elle et le formateur occasionnel ne répond à aucun des critères habituellement retenus pour qualifier un contrat de contrat de travail ; qu’aucun ordre ni aucune directive ne leur sont donnés ; qu’aucun contrôle n’est exercé dans l’exécution de leurs prestations ; qu’elle n’a aucun pouvoir de sanction à leur égard ; que les formateurs occasionnels et elle partagent un risque financier dans l’hypothèse d’une annulation de la formation initialement prévue ; que l’URSSAF non seulement n’a porté aucune critique sur l’analyse de cette relation de travail entre le formateur occasionnel et elle, qu’elle a largement développé dans son recours amiable mais le contrôleur, sur les lieux pendant plusieurs semaines, n’a même pas cherché à savoir par lui-même comment se réalisait cette collaboration pour tenter de lui donner une qualification juridique ; que le rattachement des formateurs occasionnels au régime général de la sécurité sociale résulte d’une décision réglementaire du Code de la sécurité sociale (décret du 27 décembre 1987) totalement détachable de la relation de travail elle-même qui avait pour objet d’apporter une solution pratique à la couverture sociale de ces formateurs et leur éviter, pour quelques jours de formation dispensées dans l’année, une procédure lourde d’immatriculation au régime des travailleurs indépendants ; qu’elle s’acquitte donc depuis cette époque des seules cotisations du régime général (maladie, maternité, vieillesse ‘) sur la base d’une assiette réduite calculée sur la base d’un forfait-jour révisé chaque année sans que ce dispositif permette d’assimiler ces formateurs à des salariés au sens du droit du travail comme l’a pourtant fait le vérificateur dans un raccourci sans aucun support juridique ; que cet assujettissement spécifique des formateurs occasionnels de nature réglementaire a volontairement laissé de côté les cotisations propres au contrat de travail comme la cotisation chômage et la contribution AGS ou encore le versement de transport puisque les formateurs occasionnels visés par l’arrêté du 27 décembre 1987 sont considérés comme des assimilés à des assujettis au régime général comme le sont d’ailleurs ceux qui relèvent d’une des nombreuses activités visées sous l’article L 311-3 du Code de la Sécurité sociale ; que le fait que les formateurs occasionnels soient assimilés à des assujettis au régime générale n’a aucune incidence sur la qualification juridique des relations nouées avec elle ; que les formateurs occasionnels non salariés ne relèvent donc pas de la convention UNEDIC.

La S.A. [4] rappelle en dernier lieu que Pole Emploi n’a jamais réclamé le paiement des cotisations chômage et AGS avant le transfert de compétence aux URSSAF du recouvrement du 1er janvier 2011.

SUR CE :

– sur les chefs de redressement n°1 et 2

Il résulte des articles L. 3253-6 et L. 5422-13 du code du travail ainsi que de l’article L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, relatifs respectivement à l’obligation d’affiliation à l’assurance de garantie des salaires, au régime d’assurance chômage et à l’assujettissement à la taxe de versement de transport, qu’une personne physique ou morale ne saurait être tenue au paiement des contributions, cotisations et impositions qu’ils prévoient que pour celles des personnes qu’elle emploie dans des conditions caractérisant, au sens de chacun de ces textes, l’existence d’un lien de subordination juridique dans la relation de travail.

Le versement des cotisations de sécurité sociale n’implique pas, par lui-même, l’existence d’un lien de subordination pour l’application des règles d’assujettissement à des régimes distincts ou au paiement d’une taxe locale.

En l’espèce, la lettre d’observations du 26 mai 2016 a considéré que les formateurs occasionnels étaient considérés comme des salariés en raison de leur assujettissement à des cotisations de sécurité sociale, sans apporter d’autres éléments de preuve.

La preuve n’étant pas rapportée de l’existence d’un lien de subordination entre la S.A. [4] et chacun des formateurs occasionnels qu’elle employait, l’URSSAF Île-de-France ne peut pas procéder à l’encontre de celle-ci au redressement des contributions à l’assurance chômage, des cotisations AGS et du versement de transport.

Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

– sur les chefs de redressement n° 4 et 6

Il résulte des dispositions des articles R. 142-1, R. 142-6 et R. 142-18 dont la teneur a été reprise aux articles R. 142-1-A, R. 142-1, et R. 142-10-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction alors applicable, que préalablement à la saisine de la juridiction du contentieux générale, les réclamations contre les décisions prises par un organisme de sécurité sociale relevant du champ d’application du contentieux général de la sécurité sociale doivent être portées devant la commission de recours amiable de l’organisme concerné et ce à peine d’irrecevabilité des prétentions formées devant la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale. Cette fin de non-recevoir, d’ordre public, peut être relevée d’office en tout état de cause, par le juge.

Il s’ensuit que par application de ces mêmes textes, l’étendue du litige se trouve déterminée par l’étendue de la saisine de la commission de recours amiable d’un organisme de sécurité sociale se détermine au regard du contenu de la lettre de réclamation et non de celui de la décision ultérieure de cette commission (en ce sens 2ème Civ., 12 mars 2020, pourvoi n°19-13.422 ).

En la présente espèce, la commission de recours amiable a été saisie le 1 octobre 2016 de la contestation des chefs de redressement n° 1 et 2 exclusivement, la société contestation l’assujettissement à la cotisation d’assurances chômage et les cotisations relatives au versement transport.

Les conclusions de la S.A. [4] devant le tribunal des affaires de sécurité sociale ne portaient que sur ces points. Le tribunal a donc statué au-delà de sa saisine, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile.

Il sera donc infirmé sur ce point.

– sur la créance de restitution de la S.A. [4]

L’arrêt confirmatif portant annulation des chefs de redressement emporte obligation de restitution par l’URSSAF Île-de-France des sommes perçues à ce titre. Les intérêts sur celles-ci doivent courir à compter de la notification du jugement confirmé qui a fait naître la créance de restitution de la société.

L’URSSAF Île-de-France sera donc condamnée à rembourser à la S.A. [4] les sommes payées au titre des chefs de redressement n°1 et 2, uniquement.

Les intérêts sur cette somme courront à compter de la notification du jugement qui a fait naître la créance de restitution de la société, soit le 22 octobre 2018. Le jugement déféré sera donc infirmé sur ces points.

– sur les autres demandes

L’appel interjeté par l’URSSAF Île-de-France portait sur la réformation de l’entier jugement et n’a pas été limité aux points de redressement que le tribunal a annulé sans être saisi. Dès lors, l’URSSAF Île-de-France doit être considéré comme ayant succombé en ses prétentions et sera condamnée aux dépens d’appel et au paiement au profit de la S.A. [4] de la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour :

Déclare recevable l’appel de l’URSSAF Île-de-France ;

Confirme le jugement rendu le 12 octobre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris en ce qu’il a annulé les chefs de redressement n° 1 et 2 de la lettre d’observations du 26 mai 2016 portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 et sur les cotisations « chômage » et « AGS » ainsi que le versement de transport ;

L’infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau :

Dit que le tribunal n’était pas saisi des chefs de redressement n° 4 et 6 de la lettre d’observations du 26 mai 2016 ;

Dit n’y avoir lieu à statuer sur les chefs de redressement n° 4 et 6 de la lettre d’observations du 26 mai 2016 ;

Condamne l’URSSAF Île-de-France à rembourser à la S.A. [4] les sommes payées au titre des chefs de redressement n°1 et 2 ;

Dit que les intérêts sur cette somme courront à compter du 22 octobre 2018 ;

Condamne l’URSSAF Île-de-France à payer à la S.A. [4] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l’URSSAF Île-de-France aux dépens d’appel.

La greffière,Le président,

 


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