Votre panier est actuellement vide !
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 6
ARRÊT DU 18 Novembre 2015
(n° , pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 14/11812 CB
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Septembre 2014 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CRETEIL RG n° 12/00326
APPELANTE
Madame [L] [D]
[Adresse 1]
[Localité 1]
née le [Date naissance 1] 1969 à VOIRON ISERES (38)
comparante en personne, assistée de Me Michel HENRY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0099
INTIMEE
Association SUP BIOTECH
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Patricia GIRAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : D810
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Septembre 2015, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Catherine BRUNET, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Benoît DE CHARRY, Président
Madame Catherine BRUNET, Conseillère
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère
Greffier : Mme Lynda BENBELKACEM, lors des débats
ARRET :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Monsieur Benoît DE CHARRY, président et par Madame Lynda BENBELKACEM, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Madame [L] [D] a été engagée par l’association SUP’BIOTECH par quatre contrats de travail à durée déterminée, en date des 12 janvier et 10 octobre 2005, 19 septembre 2006, 27 août 2007, en qualité de professeur formateur occasionnel en chimie organique.
Le 28 juillet 2008, les parties ont conclu un contrat de travail à durée indéterminée, madame [D] étant engagée à compter du 28 août en qualité d’enseignant en chimie et en biologie et coordinatrice du laboratoire de travaux pratiques.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des établissements d’enseignement privé hors contrat.
L’association SUP’BIOTECH occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
Madame [D] a été victime d’un accident du travail le 2 décembre 2009 et d’un accident de trajet le 8 mars 2010.
Elle a été placée en arrêts de travail.
Elle a été déclarée par le médecin du travail apte à reprendre son emploi avec réserve le 12 février 2010 dans le cadre de la reprise de son travail après le premier accident puis, le médecin du travail l’a à nouveau déclarée apte à reprendre son emploi avec réserve le 2 avril 2010.
Par courrier en date du 8 juillet 2010, un avertissement a été notifié à Madame [D].
Par lettre en date du 26 août 2010, elle a été convoquée à un entretien préalable fixé au 8 septembre 2010.
Par lettre en date du 23 septembre 2010, Madame [D] a été licenciée pour motif personnel.
Contestant notamment son licenciement, Madame [L] [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Créteil qui, par jugement en date du 25 septembre 2014 auquel la Cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a dit son licenciement fondé sur des causes réelles et sérieuses, a débouté les parties de leurs demandes et l’a condamnée aux entiers dépens.
Madame [L] [D] a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 28 octobre 2014.
Elle soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En conséquence, elle sollicite l’infirmation du jugement entrepris et la condamnation de l’association SUP’BIOTECH à lui payer les sommes de:
– 45 000 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ,
– 5 000 euros en réparation du préjudice moral ,
– 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En réponse, l’association SUP’ BIOTECH fait valoir que le licenciement de madame [D] est fondé sur une cause réelle et sérieuse.
En conséquence, elle sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et la condamnation de madame [L] [D] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre le paiement des entiers dépens.
MOTIFS
Vu le jugement du conseil de prud’hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l’audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.
Sur le licenciement
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée:
‘ (…) Suite à l’entretien préalable qui s’est déroulé le 8 septembre 2010, et en dépit de vos explications, nous sommes au regret de vous informer que nous avons pris la décision de vous licencier pour les motifs suivants :
Le 9 juillet 2010, nous avons déjà été contraints de vous adresser un avertissement. En effet, nous avons déploré que certains suivis de stage intermédiaires qui étaient sous votre responsabilité, n’aient pas été réalisés dans la période demandée, ce qui a suscité des plaintes de la part des étudiants concernés et de leurs tuteurs professionnels. Vous avez également pris l’initiative de déplacer une soutenance de stage, contrairement aux consignes obligatoires que vous aviez reçues et sans consulter votre collègue, Monsieur [V], responsable des stages et des relations avec les entreprises. Cette initiative injustifiée a été très mal perçue par l’étudiant concerné et son maître de stage, ce qui nuit à l’image et au professionnalisme de SUP’Biotech.
En outre, vous avez adopté un ton agressif à l’égard de Monsieur [V] pour tenter de reporter sur certains de vos collègues, ces manquements qui vous sont personnellement imputables.
Nous vous avons également reproché vos retards répétés le matin et vos rendez-vous chez le kinésithérapeute 2 à 3 fois par semaine pendant les heures de travail sans avoir préalablement prévenu votre hiérarchie, ni obtenu son autorisation.
Nous vous avons demandé de respecter une consigne qui vous avait été donnée depuis le mois de janvier 2010, de sorte que votre planning sur le calendrier Outlook soit en partage avec ceux de vos collègues et de votre hiérarchie. Enfin, nous avons également attiré votre attention sur le fait que vos collègues se sont plaints de votre manque de coopération et de votre refus de leur communiquer des informations importantes leur permettant de vous remplacer efficacement pendant vos périodes d’absence.
Pendant les semaines qui ont suivi l’envoi de cet avertissement, d’autres faits se sont produits et ont été portés à notre connaissance, ce qui nous a conduits à vous convoquer à un entretien préalable.
Le 19 juillet 2010, Madame [E], directrice des Etudes, a informé Madame [W] des nombreuses difficultés qu’elle rencontre avec vous dans l’exercice de vos fonctions.
Vous ne respectez pas les consignes de votre hiérarchie et très souvent vous ne donnez pas suite ou vous répondez avec beaucoup de retard aux demandes qui vous sont faites, notamment par Madame [E].
Vous n’avez pas suivi la procédure contenue dans le livret de consignes pédagogiques distribué aux enseignants lors des réunions de rentrée.
Ainsi, vous n’avez pas remis chaque semaine les fiches de suivi de vos cours comme cela est exigé auprès de chaque professeur. Par conséquent, Madame [E], n’a pas été en mesure de contrôler l’avancement du programme que vous enseignez aux élèves en Chimie organique. De même, vous lui avez transmis avec retard vos supports pédagogiques de cours.
En outre, vous n’avez pas assuré de manière régulière la mise en ligne sur l’Intranet de vos supports de cours, comme le prévoit le livret de consignes pédagogiques. Nous avons constaté que vos mises en ligne en chimie organique se sont faites en pools à intervalles très espacés dans l’année, et non régulièrement chaque semaine, ce qui rend l’étude de votre matière plus compliquée pour les étudiants.
Nos professeurs respectent l’ensemble de ces obligations et vous êtes la seule à ne pas les avoir remplies.
De tels agissements gênent la Direction des Etudes dans l’accomplissement de ses fonctions et détériorent la qualité de l’enseignement, ce qui est préjudiciable aux étudiants.
De même, vous n’avez pas assuré l’évaluation régulière des étudiants dans votre matière, alors que le livret des consignes pédagogiques prévoit que des QCM ou des évaluations écrites ou orales doivent être impérativement faites chaque semaine. Madame [E] n’a donc pas été en mesure de compenser par ces évaluations, les notes catastrophiques attribuées aux étudiants lors des devoirs sur table. Ce manquement a pénalisé les étudiants lors du calcul de leur moyenne en chimie organique.
Le 26 mai 2010, Madame [W] vous a demandé de réaliser avant le 10 juin 2010, en votre qualité de coordinatrice des laboratoires de Travaux Pratiques, une étude comparative de devis pour l’achat de micro pipettes destinées au Laboratoire de biologie. Vous n’avez pas répondu à cette demande dans le délai qui vous était imparti, ni justifié de votre retard sur le rendu de cette étude ; Madame [W] a donc été contrainte de vous relancer le 13 juin 2010.
Le lendemain, vous lui avez finalement envoyé un fichier excel contenant une étude comparative très sommaire comportant plusieurs appels d’offres, émanant de divers fournisseurs. Dans le mail d’accompagnement vous avez écarté deux fournisseurs, [O] et [I], sur la base de critères de qualité que vous avez privilégiés. Madame [W] considérant que votre étude était insuffisante et pas suffisamment argumentée, a demandé à Madame [M] de refaire cette étude comparative, les informations que vous avez transmises ne paraissant pas fiables. A la suite de cela, il est apparu en effet que vous n’avez pas retenu les bons critères, tant en terme de qualité que de prix. [I] est le fournisseur le plus adapté à nos besoins et son offre permet à l’Ecole de réaliser une économie substantielle, nous avons donc, contrairement à vos recommandations, passé commande auprès de lui. Dès lors, il apparaît que vous avez bâclé votre travail et donné une réponse approximative à votre hiérarchie, sans tenir compte des besoins réels des laboratoires dont vous avez la responsabilité et sans rechercher un bon rapport qualité/prix pour l’Ecole. En outre, l’avertissement que vous avez reçu vous demandait de ne plus vous absenter, pour des motifs personnels pendant vos heures de travail, sans avoir reçu l’autorisation de votre hiérarchie. Néanmoins, le 20 juillet 2010, vous n’êtes pas venue travailler, alors que vous n’aviez pas été autorisée à vous absenter et par la suite, vous n’avez donné aucune explication ni justification sur le motif de votre absence.
Enfin, depuis le mois de janvier 2010, Madame [W] a demandé à l’ensemble de ses collaborateurs et professeurs permanents de mettre en partage leur calendrier Outlook afin que le planning de chacun soit consultable. Cette demande était destinée à faciliter le travail de l’équipe et l’organisation des réunions internes. Vous êtes la seule à ne pas avoir respecté cette consigne. Malgré l’avertissement du 9 juillet 2010, vous avez persisté à maintenir votre calendrier Outlook en dehors du partage, ce qui empêche vos collègues et votre hiérarchie de connaître votre emploi du temps. Là encore vous faites obstacle au bon déroulement du travail en équipe et vous refusez de respecter les instructions émanant de votre hiérarchie. Votre préavis, d’une durée de trois mois, que nous vous dispensons d’effectuer, commencera à courir à compter de la présentation de cette lettre. (…)’
Madame [D] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse car:
– l’avertissement notifié a épuisé le pouvoir disciplinaire de l’employeur à l’égard des faits antérieurs à celui-ci et le licenciement ne peut pas être fondé sur des faits identiques de sorte que l’employeur ne peut invoquer à l’appui de la rupture du contrat de travail que des faits postérieurs à la sanction disciplinaire,
– en l’espèce, un seul fait est postérieur, une absence le 20 juillet 2010,
– la continuité des faits ne peut pas être invoquée alors qu’elle était en congés du 22 juillet au 31 août 2010,
– les faits reprochés sont prescrits, plus de deux mois s’étant écoulés entre la connaissance de ceux-ci par l’employeur, madame [E] étant sa supérieure hiérarchique, et l’engagement de la procédure de licenciement survenu le 26 août 2010,
– son licenciement a une nature disciplinaire, l’employeur ne précisant pas dans la lettre de licenciement qu’il lui reprochait une insuffisance professionnelle et celui-ci lui ayant notifié un avertissement,
– en tout état de cause, les griefs ne sont pas fondés.
En réponse, l’association fait valoir que le licenciement de madame [D] est bien fondé car :
– postérieurement à l’avertissement, elle a découvert de nouveaux faits démontrant les manquements professionnels et l’insubordination de madame [D], certains d’entre eux étant antérieurs à l’avertissement et d’autres postérieurs,
– si les faits objets de l’avertissement ne peuvent pas fonder le licenciement, les faits antérieurs non connus de l’employeur avant la sanction disciplinaire et les faits postérieurs peuvent être invoqués,
– l’insuffisance professionnelle n’est pas fautive de sorte que le délai de deux mois invoqué par la salarié n’est pas applicable,
– madame [D] a été licenciée essentiellement pour insuffisance professionnelle,
– la poursuite de faits fautifs ou de manquements permet de les sanctionner même s’ils l’ont déjà été,
– les griefs sont fondés.
L’avertissement notifié à madame [D] par lettre en date du 8 juillet 2010 visait les faits suivants:
– mauvaise exécution des tâches demandées lors du suivi des stages,
– manque de rigueur dans l’exercice de ses fonctions ,
– déplacement d’une date de soutenance de stage sans tenir compte des consignes obligatoires et sans consulter le responsable des stages, ceci constituant un manquement à ses obligations contractuelles,
– agressivité vis à vis de ses collègues et de sa hiérarchie,
– dégradation de son comportement et de sa motivation,
– non utilisation du planning de travail partagé Outlook et arrivée fréquente après 9 heures 30,
– manque de coopération et refus de communiquer à ses collègues des informations importantes pour le fonctionnement du service pendant son arrêt de travail,
– absences pour des séances de kinésithérapie pendant le temps de travail.
L’avertissement est une sanction disciplinaire de sorte que l’employeur a considéré que les faits qu’il énonce dans ce courrier constituent des fautes et non pas une insuffisance professionnelle. En outre, cet avertissement se termine par ‘Vous devez considérer la présente comme un avertissement et j’attire votre attention sur le fait que si de tels incidents se renouvelaient, vous vous exposez à ce qu’une sanction plus grave soit prise à votre égard.’
La lettre de licenciement fait explicitement référence à l’avertissement en rappelant les manquements sanctionnés, ne mentionne jamais le terme ‘insuffisance professionnelle’, se termine par la phrase ‘Là encore vous faites obstacle au bon déroulement du travail en équipe et vous refusez de respecter les instructions émanant de votre hiérarchie.’, et utilise le terme d’agissement, de manquement, de refus de respecter les instructions émanant de la hiérarchie. Ce licenciement a donc clairement une nature disciplinaire.
L’association soutient qu’elle n’a pas eu connaissance avant le 19 juillet 2010 des faits qu’elle impute à madame [D] dans la lettre de licenciement.
Lorsqu’un employeur a connaissance de plusieurs faits imputables à un salarié et qu’il choisit de ne sanctionner que certains d’entre eux, il ne peut plus ensuite prononcer une nouvelle sanction pour les autres faits, son pouvoir disciplinaire à leur égard étant épuisé.
Dès lors, l’association ne peut sanctionner les faits distincts de ceux sanctionnés par l’avertissement que si elle n’en avait pas connaissance avant de notifier celui-ci.
En l’espèce, elle verse aux débats un mail en date du 19 juillet 2010 adressé par madame [P] [E], directrice des études, à madame [T] [W], directrice de l’association. Après un premier paragraphe débutant par ‘je viens comme chaque année te faire un petit bilan du corps professoral’ et présentant en quelques lignes un bilan général, madame [E] indique ‘Par contre, j’ai quelques remarques à faire à propos de [L] [D], professeure’ puis sur un peu moins de deux pages, différents faits sont imputés à madame [D].
En premier lieu, la cour relève que madame [E] en sa qualité de directrice des études est la responsable hiérarchique directe de madame [D] et qu’elle représente l’employeur.
En second lieu, il appartient à l’employeur de démontrer que madame [E] en sa qualité de représentant de l’employeur, n’avait pas eu connaissance des faits relatés dans ce mail et sanctionnés par le licenciement avant l’avertissement. L’association aurait pu ainsi démontrer qu’elle n’avait eu connaissance de l’ensemble des faits sanctionnés par le licenciement qu’entre le 8 et le 19 juillet 2010 ce qu’elle ne fait pas. En outre, aucun des faits relaté par madame [E] n’est daté et l’attestation qu’elle a établie (pièce 46) démontre qu’elle a relaté dans ce mail des faits et comportements allégués qu’elle connaissait pour certains depuis plusieurs années, pour d’autres pendant l’année 2009/2010. Il résulte clairement du très faible délai entre la lettre d’avertissement datée du 8 juillet 2010 et la date de rédaction de ce mail, 19 juillet 2010, et de la lecture de ce document que les faits ont été constatés au cours des derniers mois, nécessairement par madame [E] compte tenu du fait qu’elle est directrice des études.
Enfin, la structure même du document et sa conclusion ‘ N’hésite pas à revenir vers moi, si tu as besoin d’informations complémentaires’ démontrent que madame [E] n’a pas révélé des faits jusqu’alors inconnus mais a dressé un récapitulatif de faits constatés antérieurement.
Dès lors, madame [E] représentant l’employeur en sa qualité de directrice des études, la cour considère que l’association avait connaissance des manquements rapportés dans ce mail avant de notifier l’avertissement de sorte qu’elle a épuisé son pouvoir disciplinaire à cet égard.
Il ressort de la comparaison entre la lettre d’avertissement, le mail du 19 juillet 2010 et la lettre de licenciement et des éléments du dossier que seuls trois griefs pouvaient être nouvellement formulés à l’encontre de madame [D]:
– le fait d’avoir ‘bâclé (son) travail’ et d’avoir donné à sa hiérarchie une réponse approximative en ce qui concerne une étude comparative de devis pour l’achat de micropipettes destinées au laboratoire de biologie,
– une absence injustifiée le 20 juillet,
– la non utilisation du planning outlook après l’avertissement.
En effet, pour le premier grief, si la demande d’étude comparative a été effectuée auprès de madame [D] avant l’avertissement, de nouveaux développements sont survenus après. Pour le second et le troisième, les faits reprochés sont postérieurs à l’avertissement et donc connus de l’employeur postérieurement.
Contrairement à ce que soutient la salariée, ces faits ne sont pas prescrits puisqu’ils sont postérieurs au 8 juillet 2010 et que la procédure de licenciement a été engagée le 26 août 2010, soit moins de deux mois après.
Les autres griefs seront écartés.
Sur l’étude comparative des devis pour l’achat de micro pipettes
Madame [W] a demandé à madame [D] par mail en date du 26 mai 2010 de faire une étude comparative de devis de plusieurs sociétés dont la société [O] et la société [I].
Par mail en date du 13 juin 2010, la directrice a demandé à la salariée de répondre à sa demande ce que cette dernière a fait le 14 juin. Madame [W] a transmis sa réponse à madame [M], une autre enseignante, qui par mail en date du 5 juillet 2010 a indiqué qu’à son avis le choix de pipettes proposé par madame [D] n’était pas judicieux. Madame [D] a adressé un devis de la société SOPHIC à madame [W] par mail en date du 8 juillet en appelant son attention sur leur prix selon elle intéressant. Par mail en date du 21 juillet 2010, madame [M] a établi une comparaison entre les propositions et en a déduit qu’il vallait mieux acheter des micropipettes [I]. Par message du même jour, madame [W] a reproché à madame [D] ses conclusions en terme de budget et de durée de vie et lui a fait grief de ne pas avoir tenu compte d’une offre de réduction de la société [I].
La lettre de licenciement reprend ce grief.
Madame [D] soutient qu’elle a effectué correctement son travail en fonction des éléments qui lui ont été communiqués et verse aux débats un tableau d’analyse.
L’association fait valoir que madame [D] n’a pas tenu compte dans son étude du prix des pipettes [I] inférieur notablement au prix des pipettes SOPHIC ( 99 euros HT au lieu de 167 euros HT) et qu’elle n’a pas effectué une étude qualitative pertinente.
Les parties versent aux débats un tableau excell qui était joint au mail de madame [D] du 14 juin 2010 ce qui démontre qu’elle a effectué la comparaison sollicitée. Si dans son mail en date du 21 juillet 2010, madame [W] reproche à la salariée de ne pas avoir pris en compte une réduction de 50% offerte par la société [I] alors que ‘[Z]’ l’en avait informée et si madame [M] prend effectivement en compte cette réduction (pièce 28 de la société), aucun élément ne permet de retenir que madame [D] en a été informée avant de procéder à son étude. Dès lors, il ne peut pas lui être reprochée de ne pas en avoir tenu compte. Les critères qualitatifs mis en avant par l’employeur pour comparer les pipettes ne sont pas corroborés par des éléments de nature à démontrer que la proposition de madame [D] était erronée.
Dès lors, ce grief sera écarté.
Sur l’absence le 20 juillet 2010
Madame [D] soutient qu’elle a transmis à son employeur un certificat médical attestant de ce qu’elle ne pouvait pas se rendre sur son lieu de travail.
L’association fait valoir que madame [D] n’a pas prévenu de son absence dans les 24 heures et n’a pas adressé un certificat médical dans les 48 heures comme l’impose l’article 5-2 de la convention collective.
Madame [D] verse aux débats un certificat médical en date du 20 juillet 2010 indiquant que ce jour-là son état de santé nécessitait une consultation médicale, son absence de son lieu de travail étant justifiée.
Cependant, elle ne justifie pas en avoir prévenu son employeur ni lui avoir adressé un justificatif d’absence.
Ce grief est établi.
Sur l’absence d’utilisation du calendrier partagé OUTLOOK
Il est reproché à madame [D] de ne pas avoir utilisé ce calendrier depuis le 9 juillet 2010 ce malgré l’avertissement et les demandes précédentes formulées.
Madame [D] fait valoir que la demande d’utiliser ce logiciel a été effectuée pendant son arrêt de travail par madame [W] sans qu’une obligation soit formalisée, que cette obligation ne figure pas dans les consignes pédagogiques et que la lettre d’avertissement ne lui en fait pas la demande expresse. Elle ajoute qu’un autre professeur, monsieur [H], n’utilisait pas ce calendrier sans qu’il lui en soit fait grief, que son emploi du temps était fixé par l’employeur et que des problèmes informatiques entraînaient régulièrement la perte des données informatiques.
Il résulte du mail en date du 12 janvier 2010 que madame [W] a clairement demandé aux enseignants de renseigner leur calendrier outlook. Contrairement à ce que soutient madame [D], il n’était pas demandé aux enseignants de reporter simplement les cours mais aussi leurs rendez-vous à l’extérieur et leurs participations à des réunions ou salons. Elle en a eu connaissance à sa reprise après son arrêt de travail.
Par l’avertissement en date du 8 juillet 2010, l’association a sanctionné le fait qu’elle ne l’utilise pas même s’il ne lui en a pas été fait formellement injonction.
L’invocation de difficultés informatiques est inopérante dès lors que madame [D] ne soutient pas avoir enregistré des données dans ce calendrier qui auraient disparu.
Dès lors, la cour retient que madame [D] aurait dû saisir son emploi du temps dans ce calendrier partagé en réponse aux demandes de son employeur.
Il résulte de cette analyse que les griefs d’une absence le 20 juillet 2010 et d’une absence d’utilisation du calendrier Outlook sont réels.
Cependant, d’une part, si madame [D] n’a pas adressé à l’association le justificatif d’absence, celui-ci existe et il est démontré qu’elle ne pouvait pas se rendre à son travail le 20 juillet 2010.
D’autre part, l’avertissement est daté du 8 juillet 2010 et il n’est pas contesté par l’employeur que madame [D] est partie en congés du 22 juillet au 31 août 2010 de sorte qu’elle a disposé d’un très bref délai avant la convocation à entretien préalable pour mettre à jour le calendrier Outlook, cette mise à jour n’étant pas en outre urgente pendant la période de congés.
La cour retient que si ces griefs sont réels, ils ne constituent pas une cause sérieuse de licenciement.
Dès lors, le licenciement de madame [D] sera déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La décision des premiers juges sera infirmée.
Aux termes de l’article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et qu’il n’y a pas réintégration du salarié dans l’entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l’employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Madame [D] fait valoir qu’elle a été au chômage pendant deux ans. Elle produit des relevés de prestations POLE EMPLOI pour le mois de janvier 2013 et un justificatif de perception de prestations pour l’année 2011.
Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Madame [D], 2588,68 euros, de son âge, 41 ans, de son ancienneté, 5 ans, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l’article L1235-3 du code du travail, une somme de 20 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les dommages et intérêts pour préjudice distinct
Madame [D] ne justifie pas suffisamment de l’existence d’un préjudice moral distinct de celui déjà pris en compte dans la fixation de son indemnisation au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Elle sera déboutée de sa demande.
Il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges à ce titre.
Sur le remboursement des prestations chômage à POLE EMPLOI
L’article L 1235-4 du code du travail prévoit que « dans les cas prévus aux articles 1235-3 et L 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de 6 mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. » Le texte précise que « ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées. »
Sur la base de ces dispositions, et compte tenu du licenciement sans cause réelle et sérieuse de Madame [D], il y a lieu d’ordonner à l’association SUP’BIOTECH de rembourser à POLE EMPLOI les indemnités de chômage versées à la salariée du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite d’un mois d’indemnités.
Sur les frais irrépétibles
Partie succombante, l’association SUP’BIOTECH sera condamnée à payer à Madame [D] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur les dépens
Partie succombante, l’association SUP’BIOTECH sera condamnée au paiement des dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté Madame [L] [D] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés:
Dit le licenciement de madame [L] [D] dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne l’association SUP’BIOTECH à verser à madame [L] [D] la somme de :
– 20 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Ajoutant,
Ordonne à l’association SUP’BIOTECH de rembourser à POLE EMPLOI les indemnités de chômage versées à Madame [L] [D] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite d’un mois d’indemnités,
Condamne l’association SUP’BIOTECH à payer à Madame [L] [D] la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
Condamne l’association SUP’BIOTECH au paiement des dépens.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT