Formalités légales et AG des Sociétés : Cour de cassation, Chambre commerciale, 12 octobre 2022, 21-15407

·

·

Formalités légales et AG des Sociétés : Cour de cassation, Chambre commerciale, 12 octobre 2022, 21-15407
Ce point juridique est utile ?

t foncier agricole de la Ferme de Champlevé (le GFA) est propriétaire d’un domaine agricole, donné à bail rural à l’un de ses neuf associés, M. [K] [Z].

2. Le 20 février 2015, une assemblée générale extraordinaire s’est tenue, au cours de laquelle six délibérations ont été adoptées.

3. Soutenant que ces résolutions, auxquelles il s’opposait, n’avaient pas été adoptées à la majorité des associés représentant les trois-quarts du capital social, requise, selon lui, par l’article 21 des statuts du GFA, M. [K] [Z] qui, lors de l’assemblée, représent
* * *
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 octobre 2022

Rejet

M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 591 F-D

Pourvoi n° F 21-15.407

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 OCTOBRE 2022

M. [K] [Z], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 21-15.407 contre l’arrêt rendu le 4 février 2021 par la cour d’appel de Dijon (2e chambre civile), dans le litige l’opposant au groupement foncier agricole (GFA) de la Ferme de Champlevé, dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [Z], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat du groupement foncier agricole de la Ferme de Champlevé, après débats en l’audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Dijon, 4 février 2021), le groupement foncier agricole de la Ferme de Champlevé (le GFA) est propriétaire d’un domaine agricole, donné à bail rural à l’un de ses neuf associés, M. [K] [Z].

2. Le 20 février 2015, une assemblée générale extraordinaire s’est tenue, au cours de laquelle six délibérations ont été adoptées.

3. Soutenant que ces résolutions, auxquelles il s’opposait, n’avaient pas été adoptées à la majorité des associés représentant les trois-quarts du capital social, requise, selon lui, par l’article 21 des statuts du GFA, M. [K] [Z] qui, lors de l’assemblée, représentait deux autres associés et détenait un total de 6 303 parts sur 17 334, a assigné le GFA devant un tribunal de grande instance en annulation desdites résolutions.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. [K] [Z] fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande de voir prononcer la nullité des résolutions 1 à 6 adoptées le 20 février 2015 par l’assemblée générale extraordinaire des associés du GFA, alors :

« 1°/ que le juge à l’obligation de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ; que les statuts du GFA contiennent un titre IV consacré aux décisions collectives, l’article 20 traitant des décisions ordinaires et l’article 21 des décisions extraordinaires ; que ce dernier texte définissant les décisions extraordinaires stipule que “De convention expresse, les associés peuvent, par un vote réunissant les conditions de majorité fixées plus loin (?)”, et précise que “les décisions extraordinaires, pour être valables, doivent être adoptées par la majorité en nombre des associés présents ou représentés, représentant au moins les trois quarts du capital social” ; que l’article 21 pose ainsi de façon claire, précise et expresse les “conditions de majorité” requises pour l’adoption des décisions extraordinaires requérant, cumulativement, un vote de la majorité en nombre des associés présents ou représentés et que cette majorité en nombre rassemble des associés détenant au mois les trois quarts du capital social ; qu’en jugeant que cette stipulation devait être interprétée et que, par comparaison avec les règles posées à l’article 20 pour les décisions ordinaires, l’article 21 devait être lu comme ayant posé, d’une part, une règle de quorum, soit la représentation d’au moins les trois quarts du capital social et, d’autre part, une règle d’adoption des résolutions par la majorité en nombre des associés présents ou représentés, la cour d’appel, qui en a déduit que les résolutions 1, 3, 4 et 6, adoptées à 5 voix contre 4, mais qui n’avaient pas été votées par des associés représentant les trois quarts du capital social puisque M. [K] [Z] – détenant plus du quart des parts sociales de cette assemblée – avait voté “contre”, étaient valables, a dénaturé l’article 21 des statuts du GFA, en violation de l’obligation faite au juge de na pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ;

2°/ que le juge à l’obligation de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ; que l’article 21 des statuts du GFA consacré aux décisions extraordinaires stipule que “De convention expresse, les associés peuvent, par un vote réunissant les conditions de majorité fixées plus loin (?)”, et précise que “les décisions extraordinaires, pour être valables, doivent être adoptées par la majorité en nombre des associés présents ou représentés, représentant au moins les trois quarts du capital social” ; que l’article 21 pose ainsi de façon claire, précise et expresse les “conditions de majorité” requises pour l’adoption des décisions extraordinaires requérant, cumulativement, un vote de la majorité en nombre des associés présents ou représentés et que cette majorité en nombre rassemble des associés détenant au mois les trois quarts du capital social ; qu’il en résulte, ainsi que le faisait valoir M. [K] [Z] qu’en l’absence de mention dans le procès-verbal d’assemblée extraordinaire du 20 février 2015 de l’identité des votants des résolutions 2 et 5 et des parts qu’ils représentaient, il n’était pas possible de savoir si ces résolutions avaient été adoptées par des associés représentant les trois quarts du capital social et qu’elles devaient par conséquent être annulées en raison de cette irrégularité ; qu’en jugeant que l’article 21 ne subordonnait l’adoption des décisions extraordinaires qu’à la condition d’un vote par la majorité des associés présents ou représentés, la représentation d’au moins les trois quarts du capital social n’étant qu’une règle de quorum, pour en déduire que les deux résolutions litigieuses avaient été valablement adoptées dès lors que le procès-verbal d’assemblée comportait le nombre de votes exprimés pour ou contre, la cour d’appel a derechef dénaturé les termes clairs et précis de l’article 21 des statuts du GFA, en violation de l’obligation faite au juge de na pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ;

3°/ qu’il résulte de l’article 1844-10, alinéa 3, du code civil que les résolutions adoptées sans respecter les dispositions impératives du titre IX de livre III du code civil ou adoptées sans respecter les règles qui ont été prévues conventionnellement par les statuts de la société conformément à de telles dispositions impératives, doivent être sanctionnées par la nullité ; qu’en l’espèce, et ainsi que le faisait valoir M. [K] [Z], les dispositions de l’article 21 des statuts du GFA ont été adoptées conformément à l’article 1852 du code civil, disposition impérative du titre IX du livre III du code civil, et que par conséquent les résolutions n° 1 à 6, irrégulières comme ayant été votées en violation des dispositions elles-mêmes impératives de l’article 21 des statuts du GFA, devaient être annulées ; qu’en jugeant cependant que même si les règles de vote n’avaient pas été respectées, il ne pourrait en être prononcé la nullité pour la raison que ces règles n’avaient pas été prévues par une disposition impérative du titre IX du livre III du code civil, et que la possibilité d’aménager conventionnellement les modalités de prise de décision excédant les pouvoirs reconnus au gérant, telle que prévue à l’article 1852 n’est pas une disposition impérative, la cour d’appel a violé les articles 1844-10 et 1852 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir constaté que les parties faisaient de l’article 21 des statuts du GFA une lecture différente, l’arrêt énonce que la construction grammaticale de la phrase tend à confirmer la lecture qu’en fait le GFA, à savoir que le vote se fait uniquement à la majorité en nombre des associés présents ou représentés, mais qu’il faut préalablement que soit réuni le quorum, lequel est atteint quand sont présents ou représentés des associés détenant au moins les trois quarts du capital social. Il ajoute que la comparaison avec le libellé adopté par l’article 20 des statuts, prévoyant les règles de vote relatives aux décisions ordinaires, corrobore la pertinence de cette interprétation.

6. En cet état, c’est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, de la commune intention des parties, que l’ambiguïté de l’article 21 des statuts du GFA rendait nécessaire, que la cour d’appel a retenu que les décisions de l’assemblée générale extraordinaire devaient être adoptées à la majorité en nombre des associés présents ou représentés, à condition que les participants au vote représentent au moins les trois quarts du capital social du groupement, ce dont elle a pu déduire que les résolutions litigieuses, adoptées à la majorité par les neuf associés présents ou représentés, étaient régulières, sans qu’il soit utile de déterminer la part de capital social représentée par les votants.

7. Le moyen, inopérant en sa troisième branche, qui critique un motif erroné mais surabondant, n’est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [Z] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [Z] et le condamne à payer au groupement foncier agricole de la Ferme de Champlevé la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour M. [Z].

M. [K] [Z] reproche à l’arrêt attaqué de l’avoir débouté de sa demande de voir prononcer la nullité des résolutions 1 à 6 adoptées le 20 février 2015 par l’assemblée générale extraordinaire des associés du GFA de la ferme de Champlevé,

1° ALORS QUE le juge à l’obligation de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ; que les statuts du GFA de la ferme de Champlevé contiennent un titre IV consacré aux décisions collectives, l’article 20 traitant des décisions ordinaires et l’article 21 des décisions extraordinaires ; que ce dernier texte définissant les décisions extraordinaires stipule que « De convention expresse, les associés peuvent, par un vote réunissant les conditions de majorité fixées plus loin (?) », et précise que « les décisions extraordinaires, pour être valables, doivent être adoptées par la majorité en nombre des associés présents ou représentés, représentant au moins les trois quarts du capital social. » ; que l’article 21 pose ainsi de façon claire, précise et expresse les « conditions de majorité » requises pour l’adoption des décisions extraordinaires requérant, cumulativement, un vote de la majorité en nombre des associés présents ou représentés et que cette majorité en nombre rassemble des associés détenant au mois les trois quarts du capital social ; qu’en jugeant que cette stipulation devait être interprétée et que, par comparaison avec les règles posées à l’article 20 pour les décisions ordinaires, l’article 21 devait être lu comme ayant posé, d’une part, une règle de quorum, soit la représentation d’au moins les trois quarts du capital social et, d’autre part, une règle d’adoption des résolutions par la majorité en nombre des associés présents ou représentés, la cour d’appel, qui en a déduit que les résolutions 1, 3, 4 et 6, adoptées à 5 voix contre 4, mais qui n’avaient pas été votées par des associés représentant les trois quarts du capital social puisque M. [K] [Z] – détenant plus du quart des parts sociales de cette assemblée – avait voté « contre », étaient valables, a dénaturé l’article 21 des statuts du GFA de la ferme de Champlevé, en violation de l’obligation faite au juge de na pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ;

2° ALORS QUE le juge à l’obligation de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ; que l’article 21 des statuts du GFA de la ferme de Champlevé consacré aux décisions extraordinaires stipule que « De convention expresse, les associés peuvent, par un vote réunissant les conditions de majorité fixées plus loin (?) », et précise que « les décisions extraordinaires, pour être valables, doivent être adoptées par la majorité en nombre des associés présents ou représentés, représentant au moins les trois quarts du capital social. » ; que l’article 21 pose ainsi de façon claire, précise et expresse les « conditions de majorité » requises pour l’adoption des décisions extraordinaires requérant, cumulativement, un vote de la majorité en nombre des associés présents ou représentés et que cette majorité en nombre rassemble des associés détenant au mois les trois quarts du capital social ; qu’il en résulte, ainsi que le faisait valoir l’exposant (ses écritures, pp. 12) qu’en l’absence de mention dans le procès-verbal d’assemblée extraordinaire du 20 février 2015 de l’identité des votants des résolutions 2 et 5 et des parts qu’ils représentaient, il n’était pas possible de savoir si ces résolutions avaient été adoptées par des associés représentant les trois quarts du capital social et qu’elles devaient par conséquent être annulées en raison de cette irrégularité ; qu’en jugeant que l’article 21 ne subordonnait l’adoption des décisions extraordinaires qu’à la condition d’un vote par la majorité des associés présents ou représentés, la représentation d’au moins les trois quarts du capital social n’étant qu’une règle de quorum, pour en déduire que les deux résolutions litigieuses avaient été valablement adoptées dès lors que le procès-verbal d’assemblée comportait le nombre de votes exprimés pour ou contre, la cour d’appel a derechef dénaturé les termes clairs et précis de l’article 21 des statuts du GFA de la ferme de Champlevé, en violation de l’obligation faite au juge de na pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ;

3° ALORS QU’il résulte de l’article 1844-10, alinéa 3, du code civil que les résolutions adoptées sans respecter les dispositions impératives du titre IX de livre III du code civil ou adoptées sans respecter les règles qui ont été prévues conventionnellement par les statuts de la société conformément à de telles dispositions impératives, doivent être sanctionnées par la nullité ; qu’en l’espèce, et ainsi que le faisait valoir M. [K] [Z] (ses écritures, pp. 10 et s), les dispositions de l’article 21 des statuts du GFA de la ferme de Champlevé ont été adoptées conformément à l’article 1852 du code civil, disposition impérative du titre IX du livre III du code civil, et que par conséquent les résolutions n° 1 à 6, irrégulières comme ayant été votées en violation des dispositions elles-mêmes impératives de l’article 21 des statuts du GFA de la ferme de Champlevé, devaient être annulées ; qu’en jugeant cependant que même si les règles de vote n’avaient pas été respectées, il ne pourrait en être prononcé la nullité pour la raison que ces règles n’avaient pas été prévues par une disposition impérative du titre IX du livre III du code civil, et que la possibilité d’aménager conventionnellement les modalités de prise de décision excédant les pouvoirs reconnus au gérant, telle que prévue à l’article 1852 n’est pas une disposition impérative, la cour d’appel a violé les articles 1844-10 et 1852 du code civil.


Chat Icon