Formalités légales et AG des Sociétés : Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – Chambre 9, 16 février 2023, 22/04899

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Formalités légales et AG des Sociétés : Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – Chambre 9, 16 février 2023, 22/04899

détenue à 42’% par M. [P] [I], directeur général, et à 58’% par M. [W] [J], président de la société.

Le 4 septembre 2020, le président de la société La Factory a convoqué, par lettre, une assemblée générale extraordinaire par visioconférence pour le 21 septembre 2020, dont l’ordre du jour mentionnait la révocation du directeur général. Cette assemblée ne s’est pas tenue.

Par assignation du 18 février 2021 devant le tribunal de commerce de Paris, M. [I] a sollicité la communication du procès-verbal de cette assemblée et son annulation.

P
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 9

ARRET DU 16 FEVRIER 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/04899 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFNHT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Janvier 2022 – Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2021010666

APPELANT

Monsieur [P] [I]

né le [Date naissance 3] 1985 à [Localité 4] (37)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Nadia LAJILI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0022, substituée par Me Emeline LALLEMENT, avocat postulant et plaidant

INTIMEE

S.A.S. LA FACTORY

N° SIRET : 814 009 817

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me David SULTAN de la SELEURL SULTAN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Benoît LAUZIN, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 11 janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Sophie MOLLAT, Présidente

Madame Isabelle ROHART, Conseillère

Madame Déborah CORICON, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIERE : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

– contradictoire

– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Sophie MOLLAT, Présidente et par Madame FOULON, Greffière .

La société par actions simplifiée La Factory exerce une activité d’exploitation de bars, brasseries et restaurants à [Localité 5]. Elle est détenue à 42’% par M. [P] [I], directeur général, et à 58’% par M. [W] [J], président de la société.

Le 4 septembre 2020, le président de la société La Factory a convoqué, par lettre, une assemblée générale extraordinaire par visioconférence pour le 21 septembre 2020, dont l’ordre du jour mentionnait la révocation du directeur général. Cette assemblée ne s’est pas tenue.

Par assignation du 18 février 2021 devant le tribunal de commerce de Paris, M. [I] a sollicité la communication du procès-verbal de cette assemblée et son annulation.

Par courrier du 4 octobre 2021, M. [W] [J] convoquait M. [I] à une assemblée générale mixte devant se tenir le 14 octobre 2021, dont l’ordre du jour mentionnait la révocation du directeur général. L’assemblée se tenait en présence de M. [I], de son avocat et de l’avocat de M. [J].

M. [I] demandait alors dans le cadre de l’instance en cours l’annulation de l’assemblée générale du 14 octobre 2021.

Par jugement du 28 janvier 2022, le tribunal de commerce de Paris a jugé irrecevables les demandes formulées par M. [I] à l’encontre de M. [J] à titre personnel, a rejeté ses demandes formulées à l’encontre de la société La Factory, a condamné M. [I] au versement de la somme de 1 000 euros pour procédure abusive, et au paiement de la somme de 2 000 euros à la société La Factory au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 4 mars 2022, M. [I] a interjeté appel de cette décision.

*****

Dans ses conclusions signifiées par voie électronique le 3 juin 2022, M. [P] [I] demande à la cour de’:

INFIRMER le jugement rendu le 28 janvier 2022 par le Tribunal de commerce de PARIS.

Et statuant à nouveau :

ANNULER l’assemblée générale en date du 14 octobre 2021

ORDONNER à la société LA FACTORY de communiquer à M. [I] l’intégralité des procès-verbaux et feuille de présence des assemblées générales de LA FACTORY.

CONDAMNER la société LA FACTORY à payer à M. [I] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts.

EN TOUTES HYPOTHESES :

DEBOUTER la SAS LA FACTORY de toutes ses demandes.

CONDAMNER la SAS LA FACTORY aux entiers dépens

CONDAMNER la SAS LA FACTORY à payer à M. [I] la somme de 1 000 euros en réparation des préjudices subis.

CONDAMNER la SAS LA FACTORY à payer à M. [I] la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

*****

Dans ses conclusions signifiées par voie électronique le 28 juin 2022, la société La Factory demande à la cour de’:

Débouter M. [I] de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions’;

Confirmer le jugement du 28 janvier 2022 rendu par le Tribunal de commerce de Paris’;

Condamner M. [I] à lui payer la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile’;

Condamner M. [I] en tous les dépens.

SUR CE,

Sur la communication des procès-verbaux d’assemblée générale

M. [I] fait grief au tribunal de commerce de l’avoir jugé irrecevable dans ses demandes à l’encontre de M. [J] à titre personnel car n’étant pas dans la cause, et d’avoir considéré que ‘ l’assemblée générale du 21 septembre 2020 ne s’est pas tenue, que la matérialité de celle du 14 octobre 2021 n’est pas établie’.

Il sollicite la communication des trois derniers procès verbaux des assemblées générales de la société La Factory au titre de sa qualité d’associé, d’autant plus que ces assemblées générales avaient pour objet de statuer sur sa révocation en qualité de directeur général. Il souligne que l’intimée reconnaît dans ses écritures que l’assemblée générale du 14 octobre 2021 s’est bien tenue.

La société La Factory répond que l’assemblée prévue le 21 septembre 2020 ne s’est finalement pas tenue’; que dès lors, les résolutions prévues à l’ordre du jour n’ont été ni discutées, ni votées, et que par conséquence, aucun procès verbal n’a été établi. Il en résulte que la révocation du directeur général, au 21 septembre 2020, n’a été formalisée ni par la parution d’un avis de modification dans un journal d’annonces légales, ni par la modification au RCS.

Elle ajoute que c’est dans ce contexte que M. [J] a convoqué une assemblée générale mixte pour le 14 octobre 2021, à laquelle M. [I] était présent, ainsi que son avocat et celui de M. [J] ; que le procès-verbal, que M. [I] a refusé de signer, a été établi et transmis à M. [I] ; que M. [J] tirant les conséquences de ce refus n’a pas déposé le procès-verbal auprès du greffe du tribunal de commerce de Paris, entrainant l’absence d’effet des résolutions adoptées lors de cette assemblée générale (et notamment l’absence de dépôt des comptes sociaux 2019).

Il y a lieu de constater que M. [I] sollicite la communication des trois derniers procès-verbaux d’assemblée générale sans préciser leur date. Cette imprécision ne permet pas à la cour de statuer utilement, la seule assemblée générale invoquée dans le litige qui se soit tenue étant celle du 14 octobre 2021, à laquelle M. [I] était présent et assisté d’un conseil et dont il a eu communication du procès-verbal puisqu’il le produit en pièce n° 8. Il n’est donc pas possible de comprendre de quels procès-verbaux il est sollicité la communication. Le jugement sera confirmé.

Sur la tenue de l’assemblée générale du 14 octobre 2021 par visioconférence

M. [I] soutient que l’assemblée générale du 14 octobre 2021 s’est irrégulièrement tenue car si le procès verbal indique que la réunion ‘s’est tenue par visioconférence et non au siège de la société’, aucune indication n’a été donnée pour s’opposer à ce mode de réunion, qu’aucune modalité de connexion n’a été indiquée dans la convocation et enfin qu’aucun site internet n’a été prévu à cet effet, ce qui entre en contradiction avec les statuts de la société, prévoyant que ‘il sera créé un site spécial avec un accès sécurisé dont les conditions d’accès et d’utilisation seront communiquées aux associés‘ lorsqu’une assemblée générale doit se tenir en visioconférence.

La société La Factory ne réplique pas sur ce point.

Il ressort de la convocation à l’assemblée générale du 14 octobre 2021 qu’il a été laissé le choix à M. [I] de venir au cabinet de l’avocat de M. [J] ou d’y assister par visio conférence.

Le procès-verbal de l’assemblée générale mentionne la tenue de l’assemblée par visio conférence, ce qui laisse à penser que M. [I] a opté pour cette modalité, qui n’est pas interdite par les statuts et ne constitue pas une cause de nullité. M. [I] ne produit aucun élément ou document indiquant qu’il se serait opposé à la tenue de l’assemblée par visio conférence et aurait exigé une assemblée avec présence physique, ni aucun document ou message étayant la théorie selon laquelle il n’aurait pas pu se connecter.

Le jugement sera donc confirmé.

Sur le principe du contradictoire

M. [I] soutient que les deux convocations aux assemblées générales des 4 septembre 2020 et 4 octobre 2021 ne mentionnaient pas les motifs de sa révocation de ses fonctions de directeur général, ce qui l’a empêché de préparer sa défense et de répondre aux griefs soulevés ; qu’il n’a été fait état d’aucun quorum. Il demande par conséquence la nullité de l’assemblée générale du 14 octobre 2021.

La société La Factory rappelle les dispositions légales concernant la révocation d’un dirigeant social, que la révocation peut entrainant l’allocation de dommages et intérêts seulement si celle-ci est abusive, que l’abus peut être caractérisé soit par des circonstances vexatoires soit lorsque le dirigeant n’a pu présenter ses observations sur les griefs qui lui sont reprochés avant le vote.

Elle soutient, qu’en l’espèce, les griefs qui étaient opposés à M. [I] avaient été portés à sa connaissance préalablement aux assemblées générales, dans le rapport du président, transmis concomitamment aux convocations aux assemblées générales, en ces termes’: ‘Les associes, MM. [J] et [I] sont en conflit, depuis plusieurs années. La révocation de M. [I] de son poste de Directeur Général permettrait un assainissement de la gestion et une meilleure adaptation de la société aux exigences concurrentielles, économiques, financières et sanitaires’.

Elle avance que les relations conflictuelles dans l’actionnariat font obstacle à toute prise de décision, dont la présente instance est la parfaite illustration, et qui a pour effet le non-dépôt des comptes 2018 et 2019 au greffe du tribunal de commerce à ce jour.

Elle rappelle que la Cour de cassation a déjà jugé que ‘la révocation pour juste motif d’un gérant d’une SARL ne se résume pas exclusivement à une faute de gestion, mais peut résulter d’une mésentente entre associés compromettant l’intérêt social’ ; qu’en l’espèce la mésentente entre M. [J] et M. [I] compromet l’intérêt social de la société.

Elle en conclut dès lors que la révocation de M. [I] de son poste de directeur général est conforme au principe du contradictoire.

Il ressort des pièces produites, et notamment du rapport de gestion joint à la convocation pour l’assemblée générale du 14 octobre 2021 qu’il y est explicité les motifs de la révocation du mandat de directeur général de M. [I], résolution qui sera mise au vote. Le rapport fait en effet état d’un conflit qui dure depuis des années, de la nécessité d’assainir la gestion et d’adapter la société aux exigences concurrentielles économiques, financières et sanitaires. Par suite, M. [I] était parfaitement informé des motifs qui allaient être invoqués au soutien de sa révocation et pouvait utilement préparer une réponse.

Il n’y a donc pas lieu de faire droit à sa demande de nullité, étant par ailleurs souligné que ce procès-verbal n’ayant jamais été déposé au greffe, sa révocation n’a finalement pas été mise en oeuvre.

Le jugement sera confirmé.

Sur la nullité de l’assemblée générale du 14 octobre 2021

M. [I] soutient que l’assemblée générale du 14 octobre 2021 s’est irrégulièrement tenue car le président, M. [J] n’était ni présent, ni valablement représenté, et qu’aucun président ni secrétaire de séance n’a été désigné.

Il avance, qu’en l’espèce, M. [J] n’était pas présent lors de cette assemblée générale mais qu’il s’est fait représenter par son avocat en contradiction avec les articles 17 et 18 des statuts de la société.

De plus, il soulève que, lors de cette assemblée, il a été procédé à l’approbation simultanée des exercices sociaux de 2019 et 2020, ce qu’il considère impossible et considère que cette simultanéité entrave le droit d’informations de l’associé.

Enfin, il fait valoir qu’il a appris, lors de cette assemblée, la mise en location-gérance du fonds de commerce alors qu’un tel engagement requiert l’unanimité des votes des associés, ce qui n’a pas été le cas.

La société La Factory répond qu’aucune location gérance n’a été autorisée préalablement aux assemblées générales, qu’elles avaient justement pour objectif d’autoriser M. [J] à trouver un locataire-gérant, avec l’approbation de M. [I].

Aucune disposition n’interdisant au président de donner mandat pour être représenté lors de la tenue d’une assemblée générale, il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande de nullité. De même, l’absence de désignation d’un secrétaire de séance ou l’approbation simultanée de deux exercices sociaux n’emporte pas plus la nullité d’une assemblée générale. Enfin, il n’est pas établi que le fonds de commerce ait été mis en location-gérance sans l’accord de l’ensemble des associés.

Le jugement sera confirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts

M. [I] demande des dommages et intérêts en raison de la gestion occulte de la société et de l’absence d’approbation des comptes.

La société La Factory réplique qu’il n’est démontré aucune faute, aucune lien de causalité ni aucun préjudice.

Aucune faute n’ayant été démontré par M. [I], il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande. Le jugement sera confirmé.

Sur l’abus de procédure et les dommages et intérêts

M. [I] conteste l’amende civile prononcée à son encontre par le tribunal de commerce de Paris et estime qu’il ne fait qu’exercer les droits qu’il possède au titre de sa qualité d’associé de la société La Factory.

C’est à juste titre que le te tribunal a relevé que M. [I] avait présenté des allégations sans fondement, et que les pièces produites n’avaient aucun caractère probant au regard des demandes formées. Il y a donc lieu de confirmer le jugement qui a mis à sa charge une amende civile de 1 000 euros.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

M. [I] reproche aux premiers juges de l’avoir condamné à verser à ce titre la somme de 2 000 euros à la société La Factory. Il demande la condamnation de la société La Factory à lui payer la somme de 4 000 euros.

La société La Factory demande la condamnation de M. [I] à lui verser la somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de s’acquitter des entiers dépens.

Il y a lieu de confirmer le jugement qui a condamné M. [I] sur ce fondement, puisqu’il n’a pas été fait droit à ses demandes. De même, M. [I] succombant en appel, il convient de le condamner à payer la somme de 4 500 euros à la société La Factory.

PAR CES MOTIFS

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Confirme le jugement attaqué,

Y ajoutant,

Condamne M. [P] [I] à payer la somme de 4 500 euros à la société La Factory sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [P] [I] aux entiers dépens de l’instance.

La greffière La présidente


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