Formalités légales et AG des Sociétés : Cour d’appel de Montpellier, Chambre commerciale, 31 janvier 2023, 21/00981

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Formalités légales et AG des Sociétés : Cour d’appel de Montpellier, Chambre commerciale, 31 janvier 2023, 21/00981
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[X] : 15 parts sociales,

– [R] [L] : 15 parts sociales,

– [M] [L] épouse [O] : 15 parts sociales,

– [Y] [L] : 15 parts sociales.

Suite à des dissensions familiales, l’assemblée générale, convoquée pour le 23 octobre 2015 aux fins d’approuver les comptes pour l’exercice clos le 31 décembre 2014, s’est tenue en l’absence de [Z] [L], d'[E] [L] et de [H] [L].

Par ordonnance en date du 28 avril 2016, le juge des tutelles du tribunal d’instance de Montpellier a placé sous le régime de la sauvegarde de justice pour la durée de l’instance [V] [L] et désigné
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Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 31 JANVIER 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 21/00981 – N° Portalis DBVK-V-B7F-O35C

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 28 FEVRIER 2017

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 16/07465

APPELANTS :

Monsieur [H] [L] pris en son nom personnel et en sa qualité d’héritier de Monsieur [V] [L] décédé le [Date naissance 10] et de Madame [D] [U] décédée le 3/02/2021

né le [Date naissance 11] 1972 à [Localité 26] (34)

de nationalité Française

[Adresse 19]

[Localité 14]

Représenté par Me Thibault GANDILLON de la SCP LES AVOCATS DU THELEME, avocat au barreau de MONTPELLIER

Monsieur [E] [L] pris en son nom personnel et en sa qualité d’héritier de Monsieur [V] [L] décédé le [Date naissance 10] et de Madame [D] [U] décédée le 3/02/2021

né le [Date naissance 5] 1985 à [Localité 26] (34)

de nationalité Française

[Adresse 20]

[Localité 14]

Représenté par Me Thibault GANDILLON de la SCP LES AVOCATS DU THELEME, avocat au barreau de MONTPELLIER

Madame [Z] [L] épouse [X] pris en son nom personnel et en sa qualité d’héritier de Monsieur [V] [L] décédé le [Date naissance 10] et de Madame [D] [U] décédée le 3/02/2021

née le [Date naissance 4] 1966 à [Localité 22] (34)

de nationalité Française

[Adresse 25]

[Adresse 7]

[Localité 14]

Représentée par Me Thibault GANDILLON de la SCP LES AVOCATS DU THELEME, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Monsieur [R] [L]

né le [Date naissance 8] 1969 à [Localité 22] (34)

de nationalité Française

[Adresse 17]

[Localité 15]

Représenté par Me Jean Marc MAILLOT de la SELARL SELARL MAILLOT AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représenté par Me Raphaëlle CHABAUD, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant

Madame [M] [L] épouse [O]

née le [Date naissance 3] 1963 à [Localité 22] (34)

de nationalité Française

[Adresse 12]

[Localité 16]

Représentée par Me Jean Marc MAILLOT de la SELARL SELARL MAILLOT AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représenté par Me Raphaëlle CHABAUD, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant

Madame [Y] [L]

née le [Date naissance 1] 1962 à RIO SALADO (Algérie)

de nationalité Française

[Adresse 21]

[Localité 13]

Représentée par Me Jean Marc MAILLOT de la SELARL SELARL MAILLOT AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représenté par Me Raphaëlle CHABAUD, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant

S.C.I. BERTRANDY

[Adresse 24]

[Localité 14]

Représentée par Me Jean-Claude ATTALI, avocat au barreau de BEZIERS substituant Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER

PARTIES INTERVENANTES :

Madame [Y] [L] prise en sa qualité d’héritier de Mr [V] [L] décédé le [Date naissance 10] et Mme [D] [U] décédée le 03/02/2021

née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 27] (ALGERIE)

de nationalité Française

[Adresse 21]

[Localité 13]

Représentée par Me Jean Marc MAILLOT de la SELARL SELARL MAILLOT AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représenté par Me Raphaëlle CHABAUD, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant

Madame [M] [L] épouse [O] prise en sa qualité d’héritier de Mr [V] [L] décédé le [Date naissance 10] et Mme [D] [U] décédée le 03/02/2021

née le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 22] (34)

de nationalité Française

[Adresse 12]

[Localité 16]

Représentée par Me Jean marc MAILLOT de la SELARL SELARL MAILLOT AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représenté par Me Raphaëlle CHABAUD, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant

Monsieur [R] [L] prise en sa qualité d’héritier de Mr [V] [L] décédé le [Date naissance 10] et Mme [D] [U] décédée le 03/02/2021

né le [Date naissance 8] 1969 à [Localité 22] (34)

de nationalité Française

[Adresse 18]

[Localité 15]

Représenté par Me Jean marc MAILLOT de la SELARL SELARL MAILLOT AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représenté par Me Raphaëlle CHABAUD, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 02 Novembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 NOVEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller

M. Thibault GRAFFIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Audrey VALERO

ARRET :

– Contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, Greffière.

*

* *

FAITS, PROCEDURE – PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

La société civile immobilière (SCI) Bertrandy a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Montpellier le 7 juillet 1988 ; [V] [L] en est le gérant.

Son patrimoine est composé notamment d’un ensemble immobilier comprenant :

– la maison d’habitation de [V] [L],

– le local d’exploitation du fonds de commerce automobile de la SAS MAD, gérée par [H] [L] et employant, notamment, [Z] [X],

– le fonds de commerce de vente de véhicules, la SARL Mauguio Auto Diffusion, gérée par [H] [L] et [Z] [X],

– un autre ensemble immobilier au sein duquel se trouvent les locaux de la SARL Auto Contrôle melgorien, dont le gérant est [H] [L].

Le capital social de la SCI Bertrandy est réparti entre Monsieur [V] [L] et ses six enfants :

– [V] [L] : 10 parts sooiales,

– [H] [L] : 15 parts sociales,

– [E] [L] : 15 parts sociales,

– [Z] [L] épouse [X] : 15 parts sociales,

– [R] [L] : 15 parts sociales,

– [M] [L] épouse [O] : 15 parts sociales,

– [Y] [L] : 15 parts sociales.

Suite à des dissensions familiales, l’assemblée générale, convoquée pour le 23 octobre 2015 aux fins d’approuver les comptes pour l’exercice clos le 31 décembre 2014, s’est tenue en l’absence de [Z] [L], d'[E] [L] et de [H] [L].

Par ordonnance en date du 28 avril 2016, le juge des tutelles du tribunal d’instance de Montpellier a placé sous le régime de la sauvegarde de justice pour la durée de l’instance [V] [L] et désigné l’Association tutélaire de gestion en qualité de mandataire. Par jugement en date du 29 septembre 2016, une mesure de tutelle a été ouverte à son égard pour une durée de 120 mois, l’Association tutélaire de gestion étant désignée en qualité de tuteur.

Entre-temps, le 11 mars 2016, une consultation écrite était soumise aux associés par [V] [L] aux fins de voir nommer [R] [L] et [Y] [L] cogérants de la société ; un procès-verbal des délibérations en date du 12 avril 2016 a constaté l’adoption de cette résolution.

Par ordonnance en date du 26 juillet 2016, le président du tribunal de grande instance de Montpellier, statuant en référé, a débouté [Z] [X], [H] [L] et [E] [L] de leurs demandes de voir prononcer la nullité de I’assemblée générale de la SCI Bertrandy du 23 octobre 2015, la nullité de la consultation écrite et de la nomination en avril 2016 des cogérants et de la demande visant à voir désigner un administrateur provisoire.

Saisi par acte d’huissier en date du 2 décembre 2016 délivré par [H] [L], [E] [L] et [Z] [X] aux mêmes fins que l’assignation ayant précédemment saisi le juge des référés, le tribunal de grande instance de Montpellier a, par jugement du 28 février 2017 :

‘- Débouté M. [H] [L], M. [E] [L] et Mme [Z] [L] épouse [X] de l’ensemble de leurs demandes,

– Débouté M. [V] [L] pris en la personne de son tuteur, l’association tutélaire de gestion, de sa demande de désignation d’un administrateur provisoire chargé d’administrer la SCI Bertrandy,

– Dit que chacune des parties gardera à sa charge ses frais non taxables de procédure,

– Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

– Laissé les dépens à la charge de M. [H] [L], M. [E] [L] et Mme [Z] [L] épouse [X].’

Par déclaration reçue le 24 mars 2017, [H] [L], [E] [L] et [Z] [X] ont régulièrement relevé appel de ce jugement.

[V] [L], intimé, est décédé le [Date décès 9] 2018, laissant pour lui succéder son conjoint survivant, [D] [U], séparée de corps et de biens (décédée depuis lors) et ses six enfants.

Par ordonnance du 21 mars 2019, le magistrat chargé de la mise en état a, au vu des articles 381 et 781 du code de procédure civile, ordonné la radiation et le retrait de la procédure, inscrite au répertoire général du rôle de la cour (RG 17/01703), constatant que les appelants n’avaient pas, malgré une injonction en date du 11 février 2019, fait part de leurs initiatives en vue de la reprise de l’instance à l’égard des héritiers de [V] [L].

Par déclaration de saisine déposée le 10 février 2021, [H] [L], [E] [L] et [Z] [X] ont sollicité la réinscription de l’affaire (RG 21/981) à l’appui de l’assignation en intervention forcée délivrée le 9 février 2021 à [Y] [L], [M] [L] et [R] [L] en leurs qualités d’héritiers de [V] [L], les autres héritiers étant déjà en la cause.

Ils demandent à la cour, en l’état de leurs conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 26 octobre 2022, de :

«- Vu l’article 555 du Code de Procédure Civile, accueillir l’assignation en intervention forcée ;

– Juger recevable et bien fondé l’assignation en intervention forcée des intimés en leur qualité d’héritiers de leur époux et père, feu [V] [L], décédé le [Date naissance 10] ;

– Et infirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué et,

– Vu l’article 1844-10 al. 3 du Code Civil, juger la demande de Monsieur [H] [L] et [E] [L] et de Madame [Z] [X] recevable et bien fondée, et en conséquence :

– dire et juger nulle l’assemblée générale du 23 octobre 2015 ;

– dire et juger nulle la consultation écrite du 12 avril 2016 ;

– et vu l’article 40 du décret n°78-704 du 3 juillet 1978, vu l’article 1851 alinéa 2 du code civil et 1852 du même Code,

– Par conséquent, désigner un administrateur provisoire chargé d’administrer la SCI Bertrandy dans les seuls intérêts de cette dernière avec comme mission en urgence et dans le délai d’un maximum à compter de sa désignation, l’élection d’un nouveau gérant et ce en fonction des statuts de la SCI ;

– Ordonner qu’il soit confié dans cette attente, à l’administrateur provisoire, la totalité des pouvoirs de l’assemblée générale et du gérant ;

– Subsidiairement, vu les statuts de la SCI Bertrandy et notamment l’article 13- III, vu les fautes de gestion, vu la mise en péril de la SCI,

– Prononcer la révocation des deux cogérants [R] [L] et [Y] [L] ;

– En conséquence, désigner un administrateur provisoire chargé d’administrer la SCI Bertrandy dans les seuls intérêts de cette dernière avec comme mission en urgence et dans le délai d’un an à compter de sa désignation, l’élection d’un nouveau gérant et ce en fonction des statuts de la SCI ;

– Ordonner qu’il soit confié dans cette attente, à l’administrateur provisoire, la totalité des pouvoirs de l’assemblée générale et du gérant.

– En tout état de cause, vu la mésentente, vu le décès de Monsieur [V] [L] père qui détenait 10 % des parts, vu le blocage de la société,

– Désigner un administrateur provisoire chargé d’administrer la SCI Bertrandy dans les seuls intérêts de cette dernière avec comme mission en urgence et dans le délai d’un à compter de sa désignation, l’élection d’un nouveau gérant et ce en fonction des statuts de la SCI ;

– Ordonner qu’il soit confié dans cette attente, à l’administrateur provisoire, la totalité des pouvoirs de l’assemblée générale et du gérant,

– Et condamner Monsieur [R] [L] et Mesdames [G] et [Y] [L] à la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile et ce au profit de chacun des demandeurs, ainsi qu’aux entiers dépens avec distraction .»

Au soutien de leur appel, ils font essentiellement valoir que :

– l’âge avancé de [V] [L] et son état de santé, altérant sa lucidité, qui a donné lieu à l’ouverture d’une mesure de protection, ont permis à [R] [L] de gérer de fait la SCI à son profit et/ou celui des sociétés qu’il dirigeait (courriers établis ‘pour le compte’ du père, expert-comptable congédié, procuration bancaire d'[E] retirée, remboursement de compte courant d’associé à certains associés‘),

– [R] [L] a fait usage d’agressivité à l’égard de ses frères,

– les associés n’ont pas accès à l’ensemble des pièces comptables, les comptes annuels ne sont plus approuvés depuis 3 ans et aucune décision ne peut être prise du fait de l’égalité entre les deux groupes,

– les cogérants ont exercé leur droit de retrait, laissant en déshérence la SCI,

l’assemblée générale du 23 octobre est nulle ; elle n’a pas été régulièrement convoquée, les associés n’ont pas eu accès aux documents, l’assemblée ne s’est pas tenue,

– la consultation écrite du 12 avril 2016 est nulle pour violation de l’article 19 III des statuts et pour non-respect du délai de convocation,

– le vote de leur père n’était pas éclairé eu égard aux constatations médicales du 7 mars 2016 et est nul, rendant la consultation nulle,

– un administrateur permettra la convocation d’une assemblée générale avec désignation d’un nouveau gérant et le rachat des parts sociales proposé,

– les mêmes motifs (utilisation de la SCI à des fins personnelles, violences, refus d’information, de convocation des assemblées…, de remboursement du compte courant d’un associé (Mme [X]), profusion de procédures judiciaires) justifient la révocation des cogérants.

La SCI Bertrandy sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 24 février 2021 :

‘- confirmer purement et simplement le jugement (…),

– dire et juger que :

– la nullité d’une assemblée générale pour défaut des règles de forme et notamment de convocations ou de mentions, ne peut intervenir, conformément à la jurisprudence constante, qu’à condition de démontrer un grief,

– les associés demandeurs n’invoquent et ne rapportent la preuve d’aucun grief que leur aurait causé le défaut de respect éventuel des règles de forme précitées,

– n’y avoir lieu à prononcer l’annulation de l’assemblée générale du 23 avril 2015 et de la consultation écrite du 12 avril 2016,

– par ailleurs que l’annulation de la consultation du 12 avril 2016 ne saurait être prononcée en raison d’un quelconque état d’insanité mentale du père, [V] [L], d’une part, en ce que l’ordonnance de sauvegarde de justice avec désignation d’un mandataire spécial du 28 avril 2016 ne remet pas en cause ses pouvoirs et, d’autre part, que la mesure de tutelle n’a pris effet que le 29 septembre 2016 et sans qu’il ne soit justifié de ce que le vote du père soit susceptible de lui avoir causé un grief,

– par ailleurs que l’annulation hypothétique des assemblées précitées ne suffit pas à justifier la désignation d’un administrateur provisoire de la SCI Bertrandy,

– la mésentente actuelle entre associés n’est pas à l’origine d’une paralysie de la société et ne permet de relever un dysfonctionnement de la société,

– la paralysie dans le fonctionnement de la société ne peut résulter d’une situation actuelle et non point d’une éventualité future de sorte que l’existence de deux blocs égalitaires, sans tenir compte des parts du père, ne permet en rien à supposer, dans le futur, un fonctionnement normal de la société,

– par ailleurs qu’en application de l’article 1846 du code civil et l’article 13 des statuts de la SCI, le gérant actuel, dûment représenté, est en mesure de poursuivre la gestion de la SCI dont l’objet se résume à la perception de loyers et paiement de diverses charges foncières et qu’à défaut de volonté ou de capacité de poursuivre ladite mission, le gérant représenté par l’association tutélaire est seul à même, à l’exclusion de toute intervention d’une juridiction civile, de convoquer une assemblée générale en vue de la désignation éventuelle d’un nouveau gérant,

– Débouter par voie de conséquence, les demandeurs de l’ensemble de leurs demandes,

– Condamner les demandeurs succombants à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.’

Elle expose en substance que :

– en dépit d’un conflit familial, aucune paralysie du fonctionnement de la société n’est rapportée,

– leur père est représenté par son tuteur, à même a minima de convoquer une assemblée générale,

– la violation des règles de convocation à une assemblée générale est sanctionnée par la nullité sous réserve de l’existence d’un grief, non rapporté,

– les procédures engagées sont parfaitement fondées, elles visent les créances de la SCI à l’encontre de la société Mauguio Auto diffusion et de la société Auto contrôle melgorien,

l’assemblée générale critiquée s’est tenue, les appelants reconnaissant s’être vus demander de signer des procès-verbaux prérédigés et ayant refusé de participer au vote,

– aucun grief susceptible de justifier la demande de nullité, concernant la consultation écrite, n’est établi,

– le motif tiré de l’insanité d’esprit est sans objet, la consultation ayant eu lieu le 11 mars 2016, seule une mesure de sauvegarde de justice ayant été ouverte au mois d’avril suivant, puis une mesure de tutelle au mois de septembre,

– les comptes de la SCI sont régulièrement tenus et suivis par un expert-comptable, le remboursement partiel du compte courant de Madame [X] est justifié, elle ne l’a jamais contesté.

[R] [L], [M] [O] et [Y] [L] sollicitent de voir, aux termes de leurs conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 25 mars 2021 :

«- Vu l’article 435 du code civil, vu l’article 414-1 du code civil, vu l’article 40 du décret du 3 juillet 1978, vu l’article 1844-10 alinéa 3 du code civil,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement (…),

– constater l’absence de faute et surtout l’absence de cause légitime contraire à l’intérêt de la société, de nature à entraîner la révocation des gérants de la SCI,

– En conséquence :

– Constater l’absence de grief des demandeurs à l’appui de leur demande de nullité,

– Constater l’absence de preuve quant à l’altération des facultés mentales de Monsieur [V] [L] au 13 mars 2016, date de la convocation à la consultation écrite,

– Rejeter la demande de nullité de l’assemblée du 23 avril 2015 et de la consultation écrite du 12 avril 2016,

– Constater l’absence de faute des co-gérants et surtout l’absence de cause légitime contraire à l’intérêt de la société,

– Rejeter la demande de nomination d’un administrateur provisoire de la société,

– Débouter, en conséquence, les demandeurs de l’ensemble de leurs demandes,

– Condamner les demandeurs à verser à chacun des défendeurs, la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens.’

Ils exposent en substance que :

– la nullité d’une assemblée générale pour convocation irrégulière ne peut être prononcée qu’en cas de grief, non établi,

– il est courant que les assemblées soient signées successivement par les associées sans tenue formelle,

– concernant la consultation écrite, le non-respect de l’article 19-II ne constitue pas la violation d’une disposition impérative légitimant la nullité,

– aucun grief n’est rattaché au délai de convocation,

– l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte, soit le 13 mars 2016 n’est pas rapporté,

– seule une mesure de sauvegarde de justice a été ouverte au mois d’avril, la tutelle n’étant ouverte qu’en septembre 2016,

– le certificat médical du 7 mars 2016 est contredit par d’autres pièces médicales et les dires mêmes de deux des appelants,

– la SCI n’est pas entravée dans son fonctionnement et n’est pas menacée d’un péril imminent,

– la révocation ne peut être fondée que sur une cause légitime et, non, comme en l’espèce, sur des fautes intentionnelles, incompatibles avec l’exercice normal des fonctions sociales ; au demeurant, les appelants ont reçu les pièces comptables, la gérance a répondu à leurs demandes d’information, et ils ont été convoqués pour approbation des comptes en 2017, 2018 et 2019 ; la SCI est bien gérée au vu de ses éléments comptables (2021),

– la demande de retrait (elle n’a pu avoir lieu eu égard aux statuts), l’évaluation des parts sociales et l’altercation et les conséquences pénales en ayant découlé pour [R] [L] ne concernent pas la présente procédure,

– les dissensions sont apparues en 2014 lorsque les appelants sont entrés au capital de la SCI et qu'[E] [L] a quitté l’entreprise pour créer son propre garage automobile à 500 mètres de celui de son père (septembre 2015).

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 2 novembre 2022.

MOTIFS de la DECISION :

1- Sur la nullité de l’assemblée générale du 23 octobre 2015 et de la consultation écrite du 11 mars 2016 :

L’article 1844 du code civil prévoit que chaque associé a le droit de participer aux décisions collectives.

L’article 40 du décret n°78-704 du 3 juillet 1978, relatif à l’application de la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978 modifiant le titre IX (de la société) du livre III du code civil, prévoit que les associés d’une société civile sont convoqués quinze jours au moins avant la réunion de l’assemblée, par lettre recommandée. Celle-ci indique l’ordre du jour de telle sorte que le contenu et la portée des questions qui y sont inscrites apparaissent clairement sans qu’il y ait lieu de se reporter à d’autres documents.

Dès la convocation, le texte des résolutions proposées et tout document nécessaire à l’information des associés sont tenus à leur disposition au siège social, où ils peuvent en prendre connaissance ou copie.

Les associés peuvent demander que ces documents leur soient adressés soit par lettre simple, soit à leurs frais par lettre recommandée.

L’article 42 de ce décret précise qu’en cas de consultation écrite, le texte des résolutions proposées ainsi que les documents nécessaires à l’information des associés sont adressés à chacun de ceux-ci par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Chaque associé dispose d’un délai d’au moins quinze jours à compter de la date de réception de ces documents pour émettre son vote par écrit. Les statuts fixent le délai au-delà duquel les votes ne seront plus reçus.

L’article 19-II des statuts de la SCI Bertrandy reprend, notamment, ces mêmes délais ainsi que l’indication de l’ordre du jour et du texte du projet de résolution et précise dans le III, qu’en cas de consultation écrite, la gérance notifie, en double exemplaire, à chaque associé, par lettre recommandée avec une demande d’avis de réception, le texte du projet de chaque résolution en le priant d’en retourner un exemplaire, daté et signé, avec indication au pied de chaque résolution, des mots écrits de la main de l’associé ‘adoptée’ ou ‘rejetée’, étant entendu qu’à défaut de telles mentions, l’associé est réputé s’être abstenu sur la décision à prendre au sujet de la résolution concernée.

Selon l’article 1844-10 dernier alinéa du code civil, la nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative prévue par les articles 1832 et suivants ou de l’une des causes de nullité du contrat.

Il est constant que les associés sont convoqués, à peine de nullité en cas de grief, quinze jours au moins avant la réunion de l’assemblée, par lettre recommandée.

En l’espèce, le délai de quinze jours n’a pas été respecté pour l’assemblée générale du 23 octobre 2015 (convocations expédiées le 9 octobre et le jour d’envoi ne comptant pas) tandis que pour la consultation écrite en date du 11 mars 2016, le procès-verbal des délibérations a été dressé le 12 avril 2016 sans tenir compte du vote émis par [E] [L], qui, après avoir réceptionné le courrier le 22 mars, avait renvoyé son bulletin de vote le 4 avril 2016 (départ le 5 avril), soit dans le délai de quinze jours, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, qui lui a été retournée avec la mention ‘non réclamé’.

Eu égard aux dissensions existantes entre les associés dans la gestion de la société, le non-respect du délai de convocation de l’assemblée générale du 23 octobre 2015, conforté par l’absence de toute réunion physique des associés le jourdit, seuls la feuille de présence et le procès-verbal de l’assemblée générale, préalablement signés par les intimés, ayant été soumis aux appelants, et l’absence de prise en compte de la réponse de l’un des associés à la consultation écrite du 11 mars 2016, tendant à la désignation de cogérants, se sont inscrits dans une volonté manifeste, pour la gérance, à cette période, de se dispenser de tout échange et discussion, privant ces derniers de toute participation, pour les actes concernés, à la vie de la société.

Les articles 414-1 et 414-2 du code civil prévoient que pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit et c’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte, les héritiers pouvant attaquer les actes faits par l’intéressé après son décès notamment si une action a été introduite avant ledit décès aux fins d’ouverture d’une curatelle, d’une tutelle ou d’une habilitation familiale (…).

Si l’état d’insanité d’esprit existe dans la période pendant laquelle l’acte est passé, il appartient à celui que le conteste d’établir un intervalle lucide au moment de l’acte.

Il est établi que les appelants avaient saisi le juge des tutelles de Montpellier aux fins d’ouverture d’une mesure de protection au profit de [V] [L] avant son décès, survenu le [Date décès 9] 2018, peu important que cette saisine ait donné lieu, au préalable, à l’ouverture d’une mesure de sauvegarde de justice le 28 avril 2016.

Le certificat médical du docteur [J], en date du 7 mars 2016, médecin agréé inscrit sur la liste prévue par l’article 1243 du code de procédure civile, indique que [V] [L], âgé de 80 ans, qui croit encore travailler, présente une altération de ses capacités psychiques en raison d’une maladie d’Alzheimer et d’un affaiblissement dû à l’âge, avec des troubles cognitifs et de mémoire, une difficulté à trouver ses mots, une inaptitude au calcul et une difficulté à l’écriture ; il préconise l’ouverture d’une mesure de tutelle, c’est-à-dire de représentation.

Les certicats médicaux en date des 18 décembre 2015 (neurologue) et 6 mai 2016 (médecin traitant), produits par les intimés, ne remettent pas en cause ce diagnostic alors que le premier confirme l’existence de troubles cognitifs (sans troubles du comportement), qui sont stabilisés, sans nouveau test le jour de l’examen médical, un nouvel examen devant avoir lieu dans trois mois et le second indiquant, seulement, la possibilité d’une audition judiciaire.

Ainsi, lors de la consultation écrite le 11 mars 2016, [V] [L] n’était plus en possession de ses capacités psychiques et facultés intellectuelles, l’ouverture de la mesure de tutelle, fondée sur ce certificat médical du 7 mars 2016, par un jugement postérieur, soit le 29 septembre 2016, étant sans incidence, tandis que les intimés ne rapportent pas la preuve d’une période de lucidité à cette date.

En conséquence, au vu de l’ensemble de ces éléments, l’assemblée générale du 23 octobre 2015 et la consultation écrite du 11 mars 2016 sont nulles et partant, la désignation des cogérants dans le procès-verbal du 12 avril 2016 est également nulle, sans qu’il y ait lieu, de ce fait, de statuer sur la demande de révocation de ceux-ci.

2 – Sur la désignation d’un administrateur provisoire :

La nomination d’un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle destinée à remédier à une situation de crise aigüe rendant impossible le fonctionnement normal d’une société et la menaçant d’un péril imminent. Une telle désignation, qui est dérogation aux règles de gestion normale d’une société, n’est justifiée que si l’intérêt social même est mis en cause.

En l’espèce, la mésentente entre les associés est réelle et grave sans que les difficultés de fonctionnement induites par celle-ci soient de nature à constituer un péril imminent justifiant la désignation d’un administrateur provisoire. Les assemblées générales des exercices 2017, 2018, 2019 et 2020 ont fait l’objet de consultations écrites, y compris concernant la demande de retrait de [M] [O], [Y] [L] et [R] [L] le 16 novembre 2018 (qui a été adoptée). La SCI Bertrandy était bénéficiaire jusqu’à la clôture de l’exercice 2019, l’expert-comptable de celle-ci attestant, le 5 mars 2021, qu’à la fin du mois de décembre 2020, la trésorerie de la société a augmenté de 60 468 euros par rapport à l’exercice 2016, l’endettement restant stable (28 000 euros) et que trois nouveaux baux ont été signés, générant des revenus locatifs supplémentaires.

Toutefois, ces mêmes difficultés, le décès de [V] [L], qui a entraîné une situation de blocage eu égard à la répartition égalitaire des voix entre les associés, qui s’opposent dans un climat délétère et l’annulation, ci-dessus prononcée, de la désignation des cogérants entraînant la vacance de la gérance ne permettent plus un fonctionnement normal de celle-ci, de sorte que dans l’attente de la désignation par les associés d’un nouveau gérant, il convient de procéder à la nomination, pour une durée de six mois, d’un mandataire ad hoc, avec mission de réunir et de présider une assemblée générale ordinaire ou extraordinaire ayant, notamment, pour ordre du jour la désignation d’un nouveau gérant ainsi que de représenter lors de cette assemblée les 10 % de parts sociales indivises, figurant à l’actif de la succession de [V] [L], et de voter en leur nom dans le sens des décisions conformes à l’intérêt social.

Par ces motifs

, le jugement entrepris sera infirmé, sauf en ce qu’il a rejeté la demande de désignation d’un administrateur provisoire chargé d’administrer la SCI Bertrandy.

3- Succombant, [R] [L], [Y] [L] et [M] [O] seront condamnés aux dépens de première instance et d’appel et au vu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 3 000 euros, leur demande ainsi que celle formée par la SCI Bertrandy, sur ce fondement, étant rejetées.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Réforme le jugement du tribunal de grande instance de Montpellier en date du 28 février 2017, sauf en ce qu’il a débouté [V] [L], pris en la personne de son tuteur, l’Association tutélaire de gestion, de sa demande de désignation d’un administrateur provisoire, chargé d’administrer la SCI Bertrandy,

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité de l’assemblée générale de la SCI Bertrandy en date du 23 octobre 2015,

Prononce la nullité de la consultation écrite du 11 mars 2016 et, par voie de conséquence, du procès-verbal des délibérations du 12 avril 2016 ayant adopté la désignation de [R] [L] et de [Y] [L] en qualité de cogérants,

Désigne Mme [T] [A], demeurant [Adresse 23]. [Adresse 6] en qualité de mandataire ad hoc de la SCI Bertrandy avec mission de :

– convoquer et présider une assemblée générale ordinaire ou extraordinaire ayant pour objet, notamment, la désignation d’un nouveau gérant,

– représenter lors de cette assemblée générale et exercer les droits de votes attachés aux parts sociales indivises (10 %) dans le capital social de la SCI Bertrandy, figurant à l’actif de la succession de [V] [L],

Dit que les frais, débours et honoraires du mandataire ad hoc seront à charge de la SCI Bertrandy,

Fixe à la somme de 1 500 euros la provision qui devra être versée directement au mandataire ad hoc dans un délai de quinze jours à compter de l’envoi par ce dernier à la SCI Bertrandy de sa demande de fonds, laquelle devra accompagner l’information d’acceptation de sa mission,

Dit que le versement de la provision du mandataire ad hoc dans le délai imparti se fera à peine de caducité de sa désignation,

Dit que le mandataire ad hoc informera le greffe de la cour de l’acceptation de sa mission et de la réception ou non de l’intégralité de la provision ordonnée dans les temps impartis,

Fixe la durée de la mission à six mois,

Dit que la mission du mandataire ad hoc prendra fin de plein droit à son terme fixé par la présente décision ou toute décision de prorogation ultérieure ou par décision de justice y mettant fin expressément avant terme,

Dit que la rémunération du mandataire ad hoc se fera sur présentation de sa facture détaillée qui pourra le cas échéant, être contestée selon les modalités de l’article 719 du code de procédure civile,

Dit qu’en cas d’empêchement, refus ou négligence du mandataire ad hoc désigné, celui-ci sera remplacé par ordonnance sur requête de la partie la plus diligente,

Condamne [R] [L], [Y] [L] et [M] [O] à payer à [H] [L], [E] [L] et [Z] [X] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes de la SCI Bertrandy et de [R] [L], [Y] [L] et [M] [O] fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne [R] [L], [Y] [L] et [M] [O] aux dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du même code.

le greffier, le président,


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