Formalisme des contrats de crédit à la consommation

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Formalisme des contrats de crédit à la consommation

Mme [N] [Y] a ouvert un compte courant à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 9] le 15 mars 2022, qui est rapidement devenu débiteur. Le 20 décembre 2022, la banque a mis en demeure Mme [N] de régulariser son solde débiteur avant le 4 janvier 2023, sous peine de déchéance du terme. Le 21 novembre 2023, la banque a notifié la déchéance du terme et a exigé le remboursement d’un montant de 1211,70 euros.

En parallèle, Mme [N] a contracté un crédit de 6000 euros le 28 avril 2022, avec des mensualités qui sont restées impayées. La banque a également mis en demeure Mme [N] le 20 décembre 2022 de régler les mensualités échues, et a notifié la déchéance du terme le 21 novembre 2023, demandant le remboursement intégral du crédit.

Le 31 mai 2024, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL a assigné Mme [N] devant le juge des contentieux de la protection pour obtenir le paiement de 6329,07 euros pour le crédit, 1161,70 euros pour le solde débiteur du compte courant, ainsi que 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’audience a eu lieu le 20 juin 2024, mais Mme [N] ne s’est pas présentée. L’affaire a été mise en délibéré et le jugement a été rendu ultérieurement.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

20 juin 2024
Tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer
RG
24/00848
Tribunal de Proximité
[Adresse 2]
[Localité 9]
Tel : [XXXXXXXX01]

N° RG 24/00848 – N° Portalis DBZ3-W-B7I-753FU

N° de Minute :

JUGEMENT

DU : 18 Juillet 2024

Caisse de CREDIT MUTUEL de [Localité 9] inscrite au registre du commerce et des sociétés de BOULOGNE SUR MER sous le n° D 320 328 909

C/

[N] [D] [L] [Y]

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
du 18 Juillet 2024

DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)

La Caisse de CREDIT MUTUEL de [Localité 9] inscrite au registre du commerce et des sociétés de BOULOGNE SUR MER sous le n° D 320 328 909, dont le siège social est sis [Adresse 6]

représentée par Me Alex DEWATTINE, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

ET :

DÉFENDEUR(S)

Mme [N] [D] [L] [Y]
née le [Date naissance 4] 2001 à [Localité 7], demeurant [Adresse 5]
non comparante

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L’AUDIENCE PUBLIQUE DU 20 JUIN 2024

Charles DRAPEAU, Juge des contentieux de la protection, assisté de Christine SCHRICKE, faisant fonction de Greffier

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ
Par mise à disposition au Greffe le 18 JUILLET 2024, date indiquée à l’issue des débats par Charles DRAPEAU, Juge des contentieux de la protection, assisté de Christine SCHRICKE, faisant fonction de Greffier

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Suivant convention de compte courant n°[XXXXXXXXXX03] conclue le 15 mars 2022, Mme [N] [Y] a ouvert un compte dans les livres de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 9].

Ce compte étant demeuré débiteur, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 9] a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 décembre 2022, mis en demeure Mme [N] [Y] de régulariser le solde débiteur avant le 4 janvier 2023, sous peine de déchéance du terme. Puis, par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 novembre 2023, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 8] lui a finalement notifié la déchéance du terme, et l’a mise en demeure de rembourser l’intégralité du découvert, à hauteur de 1211,70 euros.

Par ailleurs, suivant offre de contrat acceptée le 28 avril 2022, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 9] a consenti à Mme [N] [Y] un crédit d’un montant de 6000 euros, moyennant un taux d’intérêt annuel nominal de 3,40 % et un taux annuel effectif global de 4,81 %.

Des mensualités étant restées impayées à leur échéance, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 9] a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 décembre 2022, mis en demeure Mme [N] [Y] de s’acquitter des mensualités échues impayées, dans un délai de 15 jours, sous peine de déchéance du terme. Puis, par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 novembre 2023, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 9] lui a finalement notifié la déchéance du terme, et l’a mise en demeure de rembourser l’intégralité du crédit.

Par acte de commissaire de justice du 31 mai 2024, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 9] a ensuite fait assigner Mme [N] [Y] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de [Localité 9], afin d’obtenir sa condamnation à lui payer les sommes suivantes :
6329,07 euros au titre de l’intégralité des sommes restant dues en exécution du contrat du 28 avril 2022, outre intérêts au taux contractuel de 3,40 % à compter de la mise en demeure,1161,70 euros au titre du solde débiteur du compte courant à la date du 21 novembre 2023 outre les intérêts au taux contractuel à compter du 15 novembre 2023,700 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens.
L’affaire a été appelée à l’audience du 20 juin 2024.

À l’audience, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 9], représentée par son conseil, réitère les termes de son acte introductif d’instance. Elle s’en rapporte à justice quant aux moyens tirés du code de la consommation soulevés d’office.

Bien que régulièrement assignée par acte de commissaire de justice délivré à étude, Mme [N] [Y] n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter.

L’affaire a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où le présent jugement a été rendu par mise à disposition au greffe.

MOTIVATION

Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait alors droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Selon l’article R.632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions de ce code.

Il convient donc, en l’espèce, d’appliquer d’office aux contrats litigieux les dispositions du code de la consommation, dans leur numérotation et rédaction en vigueur au 15 mars 2022 et 28 avril 2022, sur lesquelles les parties ont été en mesure de présenter leurs observations, conformément aux dispositions de l’article 16 du code de procédure civile.

Sur le compte courant n°[XXXXXXXXXX03]

Sur la recevabilité de l’action en paiement
L’article R.312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement engagées à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans un délai de deux ans à compter de l’expiration du troisième mois en débit non régularisé à peine de forclusion.

Il résulte de l’historique fourni par l’organisme bancaire que le premier dépassement non régularisé est intervenu le 29 juin 2022, de sorte que l’expiration du troisième mois en débit non régularisé est intervenue le 29 septembre 2022.

La demanderesse avait donc jusqu’au 29 septembre 2024 pour formuler judiciairement sa demande en paiement.

L’assignation est intervenue le 31 mai 2024, de sorte que l’action en paiement est recevable.

Sur la déchéance du droit aux intérêts et de tous frais
Il résulte des articles L341-9 et L312-92 du code de la consommation que le prêteur confronté à un dépassement significatif prolongé au-delà d’un mois qui s’abstient de fournir sans délai à l’emprunteur les informations relatives au montant du dépassement, au taux débiteur et à tous frais ou intérêts applicables, ne peut réclamer à l’emprunteur les sommes correspondant aux intérêts et frais de toute nature applicables au titre du dépassement.

En l’espèce, l’organisme bancaire ne produit aucun justificatif permettant de s’assurer qu’il a effectivement procédé à la communication sans délai de ces informations.

L’organisme bancaire ne peut donc réclamer paiement que du solde débiteur du compte courant expurgé de tous frais et intérêts.

Sur le montant de la dette
L’article L312-39 du code de la consommation dispose qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur a droit au :

paiement du capital restant dû à la date de la déchéance du terme,paiement des intérêts échus mais non payés, paiement d’une indemnité égale à 8% du capital restant dû.
En revanche, lorsqu’il est constaté que le prêteur a manqué aux obligations édictées par les articles L312-92 et L312-93 du code de la consommation, le prêteur n’a droit, conformément aux dispositions de l’article L341-9 du même code qu’au seul remboursement du capital à l’exclusion de tous intérêts et de tous frais.

En l’espèce il résulte de l’historique produit que le compte courant présentait le 23 octobre 2023 un solde débiteur de 1161,70 euros.

Au regard de la pièce n°3 versée par la demanderesse, les intérêts et frais de toute nature applicables au titre du dépassement pour la période courant du 29 juin 2022 (date du premier dépassement non régularisé) au 23 octobre 2023 représentent la somme de 532,40 euros (déduction faite des rétrocessions effectuées par la banque).

Il y a donc lieu de condamner Mme [N] [Y] à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 9] la somme de 629,30 euros (1161,70 – 532,40).

En l’absence d’éléments sur le taux contractuel allégué par la demanderesse, la somme sera assortie des intérêts au taux légal non majoré à compter de la date de l’assignation, en application de l’article 1231-6 du code civil.

Sur le contrat dit « PASSEPORT CREDIT »

Sur la recevabilité de l’action en paiement
En application des dispositions de l’article R.312-35 du code de la consommation modifié, les actions engagées au titre d’un crédit à la consommation doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est notamment caractérisé par le premier incident de paiement non régularisé.

En l’espèce, au vu de l’historique du compte et des relevés de compte bancaire, le premier incident de paiement non régularisé est intervenu le 6 juillet 2022.

La demanderesse avait donc jusqu’au 6 juillet 2024 pour formuler judiciairement sa demande en paiement.

L’assignation est intervenue le 31 mai 2024, de sorte que l’action en paiement est recevable.

Sur la déchéance du droit aux intérêts et le montant de la dette
Au regard de l’avis de la cour de cassation du 6 avril 2018, n°18-70.001, ne peut recevoir la qualification de crédit renouvelable un contrat, tel que le PASSEPORT CREDIT, qui permet de souscrire plusieurs emprunts distincts, combinant la faculté de reconstitution du crédit permanent avec les modalités de remboursement par échéances prédéterminées suivant un tableau d’amortissement établi lors de chaque emprunt d’une fraction de capital disponible, comportant un taux fixe spécifique selon l’affectation des fonds prêtés, et ne prévoyant qu’une acceptation unique donnée par l’emprunteur lors de sa conclusion. Dans ces conditions, chacun des emprunts doit s’analyser en un prêt personnel ou affecté.

En l’espèce, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 9] SUR se prévaut d’un contrat de type PASSEPORT CREDIT pour solliciter le paiement de sommes dues au titre de l’utilisation n°10278 02661 000207521 02.

Il apparaît que le fonctionnement du « PASSEPORT CREDIT » correspond au type de contrat ayant fait l’objet de l’avis précité de la cour de cassation. Dès lors, il convient de requalifier cette utilisation en prêt personnel, en lieu et place d’un crédit renouvelable.

Conformément à l’article L312-28 du code de la consommation, le contrat de crédit est établi sur support papier ou sur un autre support durable. Il constitue un document distinct de tout support ou document publicitaire, ainsi que de la fiche mentionnée à l’article L. 312-12. Un encadré, inséré au début du contrat, informe l’emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit.

En application de l’article L341-4 du code de la consommation, le prêteur qui n’a pas respecté les dispositions de l’article L312-28 du code de la consommation est déchue de son droit aux intérêts contractuels.

Au regard de ce qui a été précédemment jugé, l’utilisation effectuée au titre du PASSEPORT CREDIT doit être considérée comme une offre de prêt personnel ou affecté.

Or, s’agissant de l’utilisation litigieuse, le prêteur ne verse qu’une fiche présentant sommairement les caractéristiques de l’utilisation, fiche qui ne peut en aucun cas être considérée comme répondant aux exigences de l’article L312-28 du code de la consommation, notamment en l’absence de montant quant à la mensualité de remboursement.

Par conséquent, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 9] sera déchue de son droit aux intérêts contractuels à compter du 6 mai 2022 pour l’utilisation « PASSEPORT CREDIT » n°10278 02661 000207521 02 à hauteur de 6000 euros.

Conformément à l’article L 341-8 du code de la consommation, en cas de déchéance du droit aux intérêts, le débiteur n’est tenu qu’au remboursement du seul capital. Cette déchéance s’étend donc aux intérêts et à tous leurs accessoires.

Par ailleurs, ces dispositions doivent être interprétées conformément à la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs, dont les dispositions nationales ne sont que la transposition, et qui prévoit en son article 23 que les sanctions définies par les États membres en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à la présente directive doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.

Au regard de cette dernière exigence, la déchéance du droit aux intérêts prononcée à l’encontre du prêteur doit donc également comprendre les intérêts au taux légal.

Il convient, en conséquence, d’écarter toute application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et L 313-3 du code monétaire et financier et de dire que les sommes dues au prêteur ne produiront aucun intérêt, même au taux légal.

Les sommes dues se limiteront par conséquent à la somme de 4267,23 euros, correspondant à la différence entre le montant effectivement débloqué au profit de Mme [N] [Y] (6000 euros) et celui, justifié et non contesté, des règlements effectués par cette dernière (1732,77 euros).

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

En application de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [N] [Y], qui succombe à l’instance, sera condamnée aux dépens.

En revanche, l’équité et la situation économique respective des parties commandent d’écarter toute condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, selon l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. Selon l’article 514-1 du même code, le juge peut néanmoins écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.

En l’espèce, compte tenu du montant et de l’ancienneté de la dette, il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

DECLARE recevable la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 9] en ses demandes en paiement,

PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts et aux frais de toutes nature de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 9] concernant la convention de compte bancaire n°[XXXXXXXXXX03] ;

CONDAMNE Mme [N] [Y] à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 9] la somme de 629,30 euros (six cent vingt-neuf euros et trente centimes), au titre du découvert du compte courant n°[XXXXXXXXXX03], assortie des intérêts au taux légal non majoré à compter du 31 mai 2024, date de l’assignation,

PRONONCE la déchéance totale du droit aux intérêts de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 9] au titre du crédit « PASSEPORT CREDIT » souscrit le 28 avril 2022 par Mme [N] [Y],

CONDAMNE Mme [N] [Y] à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 9] la somme de 4267,23 euros (quatre mille deux cent soixante-sept euros et vingt-trois centimes), à titre de restitution des sommes versées en application du contrat précité,

ÉCARTE l’application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et L.313-3 du code monétaire et financier,

DIT en conséquence que cette somme ne produira pas d’intérêt, même au taux légal,

DIT n’y avoir lieu d’octroyer des délais de paiement à Mme [N] [Y], sans préjudice des délais qui pourraient lui être accordés dans le cadre d’une procédure de surendettement,

DÉBOUTE la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 9] du surplus de ses demandes,

DIT n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision,

DIT n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [N] [Y] aux dépens.

Ainsi signé par le juge et la greffière susnommés et mis à disposition des parties le 18 juillet 2024.

La Greffière Le Juge


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