Forclusion de l’action en garantie décennale : reconnaissance de responsabilité insuffisante

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Forclusion de l’action en garantie décennale : reconnaissance de responsabilité insuffisante

Résumé de l’affaire

La Communauté de communes [Localité 9] a acheté un bâtiment dans lequel des infiltrations ont été constatées, suite à des travaux de toiture réalisés par la société Belliard. Après une expertise judiciaire, le tribunal de grande instance d’Argentan a condamné la société Belliard à verser des sommes à la Communauté de communes [Localité 9] pour les réparations de la toiture, le préjudice de jouissance et les frais de procédure. La société Belliard a fait appel de ce jugement, demandant notamment la forclusion de l’action et le rejet des demandes de la Communauté de communes [Localité 9]. La Communauté de communes [Localité 9] demande quant à elle la confirmation du jugement et la condamnation de la société Belliard et de la société SLEMJ & Associés au paiement de frais de procédure.

L’essentiel

Forclusion de l’action en garantie décennale

La Selarl SLEMJ & Associés et la Smabtp soulèvent la forclusion de l’action de la communauté de communes en cause au motif que la réception de l’ouvrage litigieux a eu lieu le 5 octobre 2005, alors que la première assignation en référé date du 10 août 2017. Le délai en question étant de forclusion, aucune reconnaissance de responsabilité ne peut l’interrompre. De plus, la cause des fuites dénoncées n’a pas été déterminée, et aucune recherche n’a été effectuée à ce sujet.

Interruption de la forclusion par une reconnaissance de responsabilité

La Communauté de communes en cause soutient que le délai de forclusion peut être interrompu par une reconnaissance de responsabilité, qui a eu lieu en l’espèce par des interventions en 2012, 2013 et 2014. Cependant, la cour constate que seule la demande en justice peut interrompre la forclusion, excluant ainsi la reconnaissance de responsabilité prévue à l’article 2240 du code civil. Par conséquent, la forclusion de l’action engagée par la Communauté de communes est constatée au 5 octobre 2015.

Déboutement de la Communauté de communes et répartition des dépens

En infirmant le jugement en toutes ses dispositions, la cour déboutera la Communauté de communes de toutes ses demandes, y compris celle formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La demande de la société Belliard au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera également rejetée. En conséquence, la Communauté de communes, en tant que partie perdante, supportera les dépens de la procédure.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

30 juillet 2024
Cour d’appel de Caen
RG
20/02991
AFFAIRE : N° RG 20/02991 – N° Portalis DBVC-V-B7E-GVAD

ARRÊT N°

ORIGINE : Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’Argentan du 26 Novembre 2020

RG n° 20/00075

COUR D’APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 30 JUILLET 2024

APPELANTE :

La S.A.S.U. BELLIARD

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 11]

[Localité 4]

représentée par Me Jean TESNIERE, avocat au barreau de CAEN, assistée de Me Hubert GUYOMARD, avocat au barreau d’ALENCON

INTIMÉE :

La COMMUNAUTE DE COMMUNES [Localité 9]

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée et assistée de Me David LEGRAIN, avocat au barreau de CAEN

INTERVENANTES :

La S.E.L.A.R.L. SLEMJ & ASSOCIES représenté par Me [Z] ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS BELLIARD maintenue dans ses fonctions par jugement du tribunal de commerce de LAVAL du 12 mai 2023

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentée par Me Jean TESNIERE, avocat au barreau de CAEN, assistée de Me Hubert GUYOMARD, avocat au barreau d’ALENCON

Société SMABTP

[Adresse 8]

[Localité 7]

représentée par Me Jean TESNIERE, avocat au barreau de CAEN, assistée de Me Hubert GUYOMARD, avocat au barreau d’ALENCON

DÉBATS : A l’audience publique du 14 mars 2024, sans opposition du ou des avocats, M. GUIGUESSON, Président de chambre, a entendu seul les observations des parties sans opposition de la part des avocats et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme LEBOULANGER

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

Mme DELAUBIER, Conseillère,

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile le 30 Juillet 2024, par prorogation du délibéré initialement fixé au 4 juin 2024 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte du 17 juin 2010, la Communauté de communes [Localité 9] a acheté auprès de la société d’Andaine-Châtelais un bâtiment de 1 110 m2 dans la [Adresse 12] à [Localité 10] (61).

La toiture a été réalisée par la société Belliard.

Ayant constaté des infiltrations, la Communauté de communes [Localité 9] a saisi son assureur protection juridique qui a fait diligenter une expertise amiable. L’expert a rendu son rapport le 25 mars 2016.

La Communauté de communes [Localité 9] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance d’Argentan qui par ordonnance du 21 septembre 2017 a ordonné une expertise judiciaire et a désigné Mme [H] en qualité d’expert.

Par ordonnance du 21 juin 2018, les missions de l’expert ont été étendues. L’expert a rendu son rapport le 1er avril 2019.

Sur la base de ce rapport, par acte du 1er octobre 2019, la Communauté de communes [Localité 9] a fait assigner la société Belliard devant le tribunal de grande instance d’Argentan aux fins d’être indemnisée du préjudice subi.

Par jugement du 26 novembre 2020 auquel il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le tribunal judiciaire d’Argentan a :

– condamné la société Belliard à verser à la communauté de communes [Localité 9] la somme de 77 400 euros au titre du coût des réparations de remise en état de la toiture du bâtiment sis [Adresse 12] sur la commune de [Localité 10], cadastré ZL [Cadastre 1];

– condamné la société Belliard à verser à la communauté de communes [Localité 9] la somme de 500 euros au titre du préjudice de jouissance ;

– condamné la société Belliard à verser à la communauté de communes [Localité 9] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société Belliard aux entiers dépens comprenant notamment les frais de référé et d’expertise;

– dit que la SCP Desdoits Marchand bénéficiera d’un droit au recouvrement direct en vertu de l’article 699 du code de procédure civile ;

– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration du 31 décembre 2020, la société Belliard a formé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 7 février 2024, la SMABTP et la société SLEMJ & Associés en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Belliard demandent à la cour de :

– recevant la SMABTP en son intervention volontaire ès-qualités d’assureur de responsabilité civile et décennale, contrat CAP 2000 n° 469552Z-1240 /000;

– recevant la société SLEMJ & ASSOCIES représentée par Me [Z] en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Belliard, maintenue dans ses fonctions par jugement du tribunal de commerce de Laval du 12 mai 2023 arrêtant le plan de cession des actifs de la société Belliard en toutes ses demandes fins et conclusions, l’en déclarer bien fondée ;

à titre principal,

– infirmer le jugement rendu le 26 novembre 2020 par le tribunal judiciaire d’Argentan en ce qu’il a condamné la Sasu Belliard à payer à la communauté de communes [Localité 9] les sommes de:

* 77 400 euros au titre du coût des réparations de la remise en état la toiture du bâtiment,

* 500 euros au titre l’indemnisation de son préjudice de jouissance,

* 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

* les entiers dépens notamment les frais d’expertise ;

Statuant à nouveau :

– prononcer la forclusion de l’action engagée par la communauté de communes [Localité 9] à son encontre et donc la débouter de toutes ses prétentions ;

– déclarer irrecevable toute demande de condamnation au paiement à l’encontre de la société Belliard et de la société SLEMJ & Associés représentée par Me [Z] en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Belliard en ce qu’elle porte sur une créance antérieure à la procédure collective ;

– en conséquence, rejeter lesdites demandes ;

– rejeter purement et simplement toute demande de la communauté de communes [Localité 9] en principal et accessoires, aucune créance ne pouvant être admise au passif de la procédure ;

– à titre subsidiaire,

– débouter la communauté de communes [Localité 9] de ses demandes, fins, moyens et conclusions à l’encontre de la société Belliard et de la société SLEMJ & Associés représentée par Me [Z] en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Belliard ;

– limiter la condamnation de la société Belliard à payer à la communauté de communes [Localité 9] à la somme de 41 918,10 euros soit la moitié du montant des travaux de reprise, les infiltrations étant imputables au Bureau d’Etudes Goronnais à hauteur de 10% et à la communauté de communes [Localité 9] à hauteur de 40 % ;

en toute hypothèse,

– condamner la communauté de communes [Localité 9] à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Tesnière, avocat aux offres de droit, qui pourra les recouvrer

conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 7 novembre 2023, la Communauté de communes [Localité 9] demande à la cour de :

– donner acte à la société SLEMJ & Associés, représentée par Me [Z], de son intervention du fait de la liquidation judiciaire de la société Belliard ;

– constater que la société Belliard a réglé sa créance en principal auprès d’elle avant l’ouverture des jugements collectifs ;

– débouter la société SLEMJ & Associés de son moyen d’irrecevabilité ;

subsidiairement,

– surseoir à statuer jusqu’à ce que le relevé de forclusion ait donné lieu à une décision

définitive ;

pour le surplus,

– débouter la société Belliard et la société SLEMJ & Associés, représentée par Me [Z], de leurs demandes, fins et conclusions ;

– confirmer le jugement ;

– condamner la société Belliard et la société SLEMJ & Associés, représentée par Me [Z], au paiement de la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile;

– condamner la société Belliard et la société SLEMJ & Associés, représentée par Me [Z], aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture de l’instruction a été prononcée le 14 février 2024.

Pour l’exposé complet des prétentions et de l’argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Il sera donné acte à la Selarl SLEMJ & Associés représentée par maître [Z] de son intervention volontaire ainsi qu’à la Smabtp en sa qualité d’assureur responsabilité civile et décennale de la société Belliard;

– Sur la forclusion :

Maître [Z] es-qualités avec la Smabtp soulèvent la forclusion de l’action de la communauté de communes en cause au motif que la réception de l’ouvrage litigieux a eu lieu le 5 octobre 2005, quand la 1ère assignation en référé est en date du 10 août 2017;

Que le délai qui est en cause est de forclusion et qu’il s’en suit qu’une reconnaissance de responsabilité prévue à l’article 2240 du code civil ne vient pas l’interrompre;

Que de plus la cause des fuites dont il est fait état, n’est pas connue, qu’il n’est pas possible de déterminer s’il s’agit d’une malfaçon, d’un défaut d’entretien ou d’une cause extérieure, qu’il n’y a pas eu de recherches sur les fuites dénoncées;

Sur ce, concernant le problème de la forclusion et de l’application de l’article 1792-4-1 du code civil, la Communauté de communes en cause répond que si le délai applicable est effectivement de forclusion, celui-ci peut être interrompu par une reconnaissance de responsabilité qui est survenue en l’espèce par des interventions en date des 2012, 2013 et 2014, et que dans ces conditions le moyen soulevé de la forclusion sera écarté;

Sur ce, il est constant que les parties et particulièrement la Communauté de communes en cause font reposer l’action dont la cour est saisie sur les seules dispositions des articles 1792 et suivants du code civil et notamment de l’article 1792-4-1 du code civil;

L’action repose ainsi sur la garantie décennale et il est constant qu’en l’espèce la réception de l’ouvrage a eu lieu le 5 octobre 2005, quand le 1er exploit à prendre en considération est celui de l’assignation en référé du 10 août 2017 avec une ordonnance du 21 septembre 2017;

Or aucun interruptif de forclusion n’est intervenu avant le 5 octobre 2015 et il est constant que seule la demande en justice interrompt la forclusion selon l’article 2241 du code civil;

Ce qui exclut la reconnaissance de responsabilité aménagée à l’article 2240 du code civil, ce qui exclut également l’analyse des inverventions de la société Belliard sur la toiture en cause en 2012, 2013 et 2014 réalisées à titre commercial sans facturation;

Il s’en suit que la cour constatera la forclusion de l’action engagée par la Communauté de communes [Localité 9] à l’encontre de la société Belliard, au 5 octobre 2015, et en infirmant le jugement entrepris en toutes ses dispositions, déboutera la Communauté dont s’agit de toutes ses demandes en ce compris de celle formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

Au regard des circonstances de l’espèce et de l’équité la demande présentée pour la société Belliard en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile sera écartée, et la Communauté de communes en litige partie perdante supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe.

– Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions;

– Donne acte à la Smabtp en sa qualité d’assureur de responsabilité civile et décennale CAP 2000 N° 469552Z-1240/000 de son intervention volontaire;

– Donne acte à la Selarl SLEMJ & Associés représentée par maître [Z] de son intervention volontaire;

– Constate la forclusion de l’action intentée par la Communauté de communes [Localité 9] à l’encontre de la société Belliard;

– Déboute la Communauté de communes [Localité 9] de toutes ses demandes en ce compris de celle formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

– Rejette toutes autres demandes en ce compris celle présentée du chef des frais irrépétibles;

– Condamne la Communauté de communes [Localité 9] en tous les dépens avec application de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la partie en ayant fait la demande.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET G. GUIGUESSON


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