Fonds de commerce : cautionnement par le locataire et remise en état d’un local commercial

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Fonds de commerce : cautionnement par le locataire et remise en état d’un local commercial

Contexte de l’affaire

La SARL Poissonnerie du Brethon et M. [P] [S] ont interjeté appel d’un jugement les condamnant à verser une somme à la SAS Imeco, tout en étant déboutés de leur demande de dommages et intérêts. La SAS Imeco a également formé un appel incident pour contester certaines parties du jugement initial.

Sur le cautionnement

M. [S] conteste avoir signé en qualité de caution dans un acte notarié, mais la cour considère que sa signature approuve l’engagement de caution. Ainsi, la demande de la SAS Imeco à son encontre est recevable et fondée.

Sur la demande d’indemnisation du bailleur

Le bail commercial stipule une destination exclusive des locaux à une activité de poissonnerie. La SAS Imeco ne peut demander une indemnisation pour des travaux de remise en état liés à sa propre demande de dépose d’équipements. Le preneur est toutefois condamné à payer les réparations locatives nécessaires.

Sur les autres demandes

Les demandes de dommages et intérêts pour résistance abusive sont rejetées. Les dépens d’appel sont supportés par la SARL Poissonnerie du Brethon et M. [S], mais l’article 700 du code de procédure civile ne s’applique pas pour la procédure d’appel.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 25 Janvier 2023

N° RG 21/01109 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FTFF

VTD

Arrêt rendu le vingt cinq Janvier deux mille vingt trois

Sur APPEL d’une décision rendue le 12 avril 2021 par le Tribunal judiciaire de CUSSET (RG n° 19/00250)

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Monsieur Christophe VIVET, Président de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

M. [P] [S]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentant : Me Catherine RAYNAUD, avocat au barreau de [Localité 8]

La société POISSONNERIE DU BRETHON

SARL immatriculée au RCS de Clermont-Ferrand sous le n° 503 746 224 00016

[Adresse 9]

[Localité 1]

Représentant : Me Catherine RAYNAUD, avocat au barreau de [Localité 8]

APPELANTS

ET :

La société IMECO

SAS immatriculée au RCS de Cusset sous le n° 348 773 425 00015

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentants : Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de [Localité 8] (postulant) et la SAS HDV AVOCATS, avocat au barreau de [Localité 8] (plaidant)

INTIMÉE

DEBATS : A l’audience publique du 23 Novembre 2022 Madame THEUIL-DIF a fait le rapport oral de l’affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 785 du CPC. La Cour a mis l’affaire en délibéré au 25 Janvier 2023.

ARRET :

Prononcé publiquement le 25 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte notarié du 21 juillet 2008, la société Imeco a donné à bail commercial à la société CMR Marée, des locaux sis [Adresse 5] et [Adresse 3].

Par acte notarié du 18 mai 2009, une cession de fonds de commerce est intervenue entre la société CMR Marée et la SARL Poissonnerie du Brethon.

Le 17 mars 2017, la SARL Poissonnerie du Brethon a informé la société Imeco qu’elle n’entendait pas renouveler le bail. Par courrier du 22 mars 2017, la société Imeco a pris acte de la volonté de la preneuse et constaté que le bail prendrait fin au 1er avril 2018.

Un état des lieux a été réalisé le 4 avril 2018 faisant apparaître des désordres.

Par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) du 18 mai 2018, la société Imeco a adressé à la SARL Poissonnerie du Brethon un décompte du solde de fin de bail faisant apparaître une somme due de 49 163,32 euros correspondant principalement à des travaux de remise en état.

Par LRAR du 1er juin 2018, la SARL Poissonnerie du Brethon a contesté ce décompte.

Par acte d’huissier du 19 juillet 2018, la SAS Imeco a fait assigner la SARL Poissonnerie du Brethon en qualité de preneur et M. [P] [S] en qualité de caution, devant le président du tribunal de grande instance de Cusset statuant en référé, aux fins de voir ordonner une expertise.

Par ordonnance du 19 septembre 2018, il a été fait droit à la demande.

L’expert judiciaire, M. [T], a déposé son rapport le 13 décembre 2018.

Puis, par acte d’huissier du 21 février 2019, la SAS Imeco a fait assigner la SARL Poissonnerie du Brethon et M. [P] [S] devant le tribunal de grande instance de Cusset, aux fins d’obtenir la condamnation solidaire des défendeurs à lui payer les sommes de :

49 613,32 euros avec intérêts de droit à compter du 30 mai 2018 ;

2 000 euros pour résistance abusive ;

4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 12 avril 2021, le tribunal judiciaire de Cusset a :

– constaté la recevabilité des demandes formées à l’encontre de M. [P] [S] ;

– constaté la recevabilité des demandes formées par la SAS Imeco à l’encontre de M. [P] [S] et de la SARL Poissonnerie du Brethon ;

– condamné solidairement M. [P] [S] et la SARL Poissonnerie du Brethon à verser à la SAS Imeco la somme de 10 400 euros HT avec intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2018 ;

– débouté M. [S] et la SARL Poissonnerie du Brethon de leur demande de condamnation de la SAS Imeco à leur verser la somme de 5 000 euros chacun à titre de dommages et intérêts ;

– condamné solidairement M. [P] [S] et la SARL Poissonnerie du Brethon à verser à la SAS Imeco la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté M. [P] [S] et la SARL Poissonnerie du Brethon de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté la SAS Imeco de sa demande de condamnation de M. [P] [S] et de la SARL Poissonnerie du Brethon à verser la somme de 2 500 euros au titre de la résistance abusive ;

– condamné solidairement M. [P] [S] et la SARL Poissonnerie du Brethon aux dépens y inclus l’acte de Me [L] en date du 20 juin 2018 ;

– débouté M. [P] [S] et la SARL Poissonnerie du Brethon de leur demande au titre des dépens ;

– ordonné l’exécution provisoire du jugement.

La SARL Poissonnerie du Brethon et M. [P] [S] ont interjeté appel du jugement le 18 mai 2021 en ce qu’il :

– a constaté la recevabilité des demandes formées à l’encontre de M. [P] [S] en qualité de caution ;

– a constaté la recevabilité des demandes formées par la SAS Imeco à leur encontre ;

– les a condamnés solidairement à verser à la SAS Imeco la somme de 10 400 euros HT avec intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2018 ;

– les a déboutés de leur demande de condamnation de la SAS Imeco à leur verser la somme de 5 000 euros chacun à titre de dommages et intérêts ;

– les a condamnés solidairement à verser à la SAS Imeco la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens y inclus l’acte de Me Liteaudon du 20 juin 2018 ;

– a ordonné l’exécution provisoire du jugement ;

– les a déboutés de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par conclusions déposées et notifiées le 6 octobre 2022, les appelants demandent à la cour, au visa de l’article 1731 du code civil, de :

– déclarer leur appel recevable et bien fondé ;

– en conséquence, infirmer partiellement le jugement ;

– déclarer les demandes formées à l’encontre de M. [S] en qualité de caution irrecevables, la qualité de caution n’étant pas démontrée ;

– condamner la SAS Imeco à payer à M. [S] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et les sommes de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et de 2 000 euros en sus en cause d’appel ;

– débouter la SAS Imeco de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions dont appel à leur encontre ;

– condamner la SAS Imeco à leur payer une somme de 5 000 euros chacun à titre de dommages et intérêts, outre 3 000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 au titre des frais irrépétibles de première instance et 2 000 euros chacun sur le même fondement devant la cour ;

– condamner la SAS Imeco aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise, de référé et de constat de Me [L].

A titre liminaire, ils font valoir que la demande d’infirmation partielle du jugement concerne notamment leur condamnation à payer à la SAS Imeco la somme de 10 400 euros avec intérêts, mais également ceux qui en dépendent dans les conclusions d’appelant aux termes de l’article 562 du code de procédure civile.

Ils relèvent ensuite que dans l’acte de cession du fonds de commerce, aucune mention manuscrite d’engagement de caution personnelle et solidaire n’a été rédigée par M. [S] qui n’est pas non plus signataire de l’acte en qualité de caution, mais uniquement en qualité de cessionnaire représentant la SARL Poissonnerie du Brethon. Aussi, ils demandent d’infirmer le jugement et de déclarer la procédure engagée à l’encontre de M. [S] personnellement tant irrecevable que mal fondée.

Subsidiairement, ils font valoir que le bail commercial n’est pas tout commerce, mais à usage exclusif d’une activité de traiteur-poissonnerie-coquillages. Aussi, s’appuyant sur les conclusions de l’expert judiciaire, ils concluent à l’absence de responsabilité du preneur : ils font valoir qu’il ne leur appartient pas de financer des travaux pour transformer le local afin que le bailleur puisse le vendre pour une activité différente de celle pour laquelle la SARL Poissonnerie du Brethon le louait.

Ils ajoutent qu’ils établissent que les locaux n’étaient pas en bon état au moment de leur prise de possession des lieux.

De surcroît, ils estiment rapporter la preuve que la dépose que le gérant, M. [S], a faite, l’a été à la demande de la SAS Imeco.

Enfin, ils remettent en cause le chiffrage de l’expert sur un certain nombre de travaux.

Par conclusions déposées et notifiées le 4 novembre 2021, la SAS Imeco demande à la cour, au visa de l’article 1103 du code civil, de :

– infirmer le jugement en ce qu’il :

> a limité la condamnation solidaire de M. [S] et de la SARL Poissonnerie du Brethon à la somme de 10 400 euros HT avec intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2018, au titre des travaux de remise en état ;

> l’a déboutée de sa demande de condamnation solidaire de M. [S] et de la SARL Poissonnerie du Brethon à lui payer la somme de 49 613,32 euros, avec intérêts de droit à compter du 30 mai 2018, date de la mise en demeure, au titre des travaux de remise en état ;

> l’a déboutée de sa demande de condamnation solidaire de M. [S] et de la SARL Poissonnerie du Brethon à lui payer la somme de 2 500 euros chacun au titre de la résistance abusive ;

– confirmer le jugement pour le surplus ;

– condamner en conséquence solidairement M. [S] et la SARL Poissonnerie du Brethon à lui payer la somme de 49 613,32 euros, avec intérêts de droit à compter du 30 mai 2018, date de la mise en demeure, au titre des travaux de remise en état ;

– condamner solidairement M. [S] et la SARL Poissonnerie du Brethon à lui payer la somme de 2 500 euros pour résistance abusive ;

– débouter M. [S] et la SARL Poissonnerie du Brethon de l’intégralité de leurs demandes ;

– condamner solidairement M. [S] et la SARL Poissonnerie du Brethon à lui payer la somme complémentaire de 5 000 euros en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’ aux dépens en ceux compris l’acte de Me [L] du 20 juin 2018 et les frais d’expertise.

Elle constate que l’appel a été limité aux trois points suivants :

‘- déclare les demandes formées à l’encontre de M. [S] en qualité de caution irrecevable, la qualité de caution de M. [S] n’étant pas démontrée ;

– condamne la SAS Imeco à payer à M. [S] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et les sommes de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de 2 000 euros en sus en cause d’appel ;

– en tout état de cause et à titre subsidiaire à l’égard de M. [S] en qualité de caution.’

Elle soutient verser aux débats l’acte notarié de cession de fonds de commerce mentionnant que M. [S] a comparu en personne et qu’il a paraphé toutes les pages de l’acte, notamment la page 12 à laquelle figure la clause relative au cautionnement : elle considère que la double qualité de son intervention ne suffit pas à imposer la nécessité d’une double signature comme condition de validité de l’acte. Elle ajoute que lorsque l’acte de cautionnement est reçu par un notaire, il est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi.

Elle précise que la SCI Imeco a effectué un changement de forme juridique le 9 avril 2013 par acte authentique déposé le 20 avril 2013 : la SAS Imeco et la SCI Imeco sont la même entité.

S’agissant de la destination du bail, elle fait valoir qu’elle a simplement consenti au preneur l’autorisation d’exercer dans ce local une activité de poissonnerie, mais qu’elle n’a à aucun moment procédé à la location d’une poissonnerie. Par ailleurs, elle conteste avoir demandé à la SARL Poissonnerie du Brethon de remettre les locaux comme la société CMR Marée les avait pris en début de bail : aucune preuve de cette demande n’a été fournie. Elle estime de son côté, rapporter la preuve par la production de devis que les travaux de remise en état sont justifiés a minima à hauteur de 44 244,05 euros.

Enfin, elle considère que le bénéfice de discussion est une exception de procédure qui aurait dû être soulevée in limine litis, elle est donc irrecevable.

Il sera renvoyé pour l’exposé complet des demandes et moyens des parties à leurs dernières conclusions.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 novembre 2022.

MOTIFS

A titre liminaire, il sera constaté que la SARL Poissonnerie du Brethon et M. [P] [S] ont interjeté appel du jugement en ce qu’il :

– a constaté la recevabilité des demandes formées à l’encontre de M. [S] en qualité de caution ;

– a constaté la recevabilité des demandes formées par la SAS Imeco à leur encontre ;

– les a condamnés solidairement à verser à la SAS Imeco la somme de 10 400 euros HT avec intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2018 ;

– les a déboutés de leur demande de condamnation de la SAS Imeco à leur verser la somme de 5 000 euros chacun à titre de dommages et intérêts ;

– les a condamné solidairement à verser à la SAS Imeco la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens y inclus l’acte de Me Liteaudon du 20 juin 2018 ;

– a ordonné l’exécution provisoire du jugement ;

– les a déboutés de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Au surplus, la SAS Imeco forme appel incident, et demande de son côté d’infirmer le jugement en ce qu’il :

– a limité la condamnation solidaire de M. [S] et de la SARL Poissonnerie du Brethon à la somme de 10 400 euros HT avec intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2018, au titre des travaux de remise en état ;

– l’a déboutée de sa demande de condamnation solidaire de M. [S] et de la SARL Poissonnerie du Brethon à lui payer la somme de 49 613,32 euros, avec intérêts de droit à compter du 30 mai 2018, date de la mise en demeure, au titre des travaux de remise en état ;

– l’a déboutée de sa demande de condamnation solidaire de M. [S] et de la SARL Poissonnerie du Brethon à lui payer la somme de 2 500 euros chacun au titre de la résistance abusive.

Dans ces circonstances, la SAS Imeco ne peut sérieusement soutenir que la SARL Poissonnerie du Brethon ne forme aucune demande d’infirmation à son égard et que M. [S] ne demande pas l’infirmation du jugement en ce qu’il a :

– condamné solidairement M. [S] et la SARL Poissonnerie du Brethon à lui verser la somme de 10 400 euros HT avec intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2018 ;

– condamné solidairement M. [S] et la SARL Poissonnerie du Brethon à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

Il sera de surcroît constaté qu’aucune irrecevabilité de l’appel ou des demandes n’a été expressément soulevée dans le dispositif des conclusions de la SAS Imeco, la cour ne devant statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif conformément à l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile.

– Sur le cautionnement

M. [S] soutient qu’il est vrai, comme l’a retenu le tribunal, que l’acte notarié exempte le cessionnaire qui se porte caution, de la rédaction des mentions manuscrites, mais qu’en revanche, le premier juge ne pouvait pas considérer que le fait pour le cessionnaire de signer en cette qualité entraînait ipso facto son engagement de caution ; qu’une qualité de caution ne se présume pas même en matière commerciale.

Il conteste ainsi avoir signé l’acte notarié, à titre personnel en qualité de caution, mais a abandonné devant la cour le moyen tiré de l’absence de la mention manuscrite exigée à titre de validité pour un cautionnement s’agissant d’un acte notarié.

L’article 1317-1 du code civil, dans sa version en vigueur à la date de l’acte litigieux, énonce que l’acte reçu en la forme authentique par un notaire, est sauf disposition dérogeant expressément au présent article, dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi.

Il résulte de ces dispositions que l’intervention d’une personne à un acte notarié en une double qualité, précisée à l’acte, de représentante de la société débitrice d’une part, et de caution d’autre part, ne suffit pas à imposer la nécessité d’une double signature pour la validité de l’acte (Cass. Com. 8 octobre 2003, n°01611-597 P).

En l’espèce, l’acte notarié de cession de fonds de commerce établi par Me [J], notaire à [Localité 8] en date du 18 mai 2009, désigne :

– en page 1, le cédant : la SARL CMR Marée représentée par M. [H] [A] ;

– en pages 1 et 2, le cessionnaire : la SARL Poissonnerie du Brethon représentée par M. [P] [S] ;

– en pages 11 et 12, le bailleur des locaux où est exploité le fonds de commerce, la SCI Imeco représentée par M. [N] [B], qui est intervenu à l’acte ;

– en page 12, la caution, M. [P] [S] intervenant à titre personnel à l’acte.

La page 12 de l’acte notarié contient les mentions suivantes :

‘La SCI Imeco […] déclare : […] désengager définitivement la société Marée Investissements de son engagement de cautionnement résultant d’un bail sus relaté en contrepartie de la caution personnelle et solidaire de M. [P] [S] ci-après consenti.’

‘Aux présentes, est intervenu M. [P] [S], intervenant à titre personnel lequel a déclaré se porter caution personnelle et solidaire de la société Poissonnerie du Brethon, preneur et cessionnaire aux présentes, envers le bailleur SCI Imeco, ayant cause ou ayants droits.

Pour le paiement des loyers et des charges qui incomberont à la société Poissonnerie du Brethon et à la garantie de la bonne exécution des charges et conditions du bail sus relatées.

Il reconnaît avoir été informé des conséquences pécuniaires et financières de cet engagement par le notaire associé soussigné et reconnaît que celui-ci a rempli son devoir de conseil. […].’

Toutes les pages de l’acte ont été paraphées, notamment par M. [S]. Toutefois, s’agissant de sa signature figurant en fin d’acte, elle a été apposée en face de la mention ‘cessionnaire’, aucune case n’ayant été prévue au titre de la ‘caution’.

M. [S] observe que l’acte de bail commercial notarié du 21 juillet 2008 signé entre la SCI Imeco et la SARL CMR Marée, prévoyait expressément en fin d’acte une case ‘caution solidaire’ qui a été signée par M. [A], ce dernier ayant en outre signé dans la case ‘preneur’ en qualité de gérant de la SARL CMR Marée.

La signature, dans sa forme écrite traditionnelle, doit être manuscrite et non raturée. Peu importe son contenu(nom, prénom), sa calligraphie ou sa place, dès lors qu’elle émane de la partie elle-même et traduit son intention d’approuver le texte signé : c’est pourquoi elle est sans valeur si elle émane d’un analphabète ou d’un non francophone mais n’a pas à être fournie deux fois par celui qui intervient à l’acte à un double titre.

M. [S], ayant comparu en personne le jour de la signature de l’acte notarié, ayant paraphé toutes les pages de l’acte (notamment la page 12 à laquelle figure la clause relative au cautionnement), et ayant fait figurer sa signature en fin d’acte, a approuvé le texte signé.

Il s’agissait d’apprécier la validité du cautionnement et non une fin de non-recevoir tirée de l’absence de qualité. La demande de la SAS Imeco formée à l’encontre de M. [S] en qualité de caution est recevable et en outre bien fondée. Il convient néanmoins de déterminer le quantum de la condamnation. Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu’il a déclaré recevables les demandes de la SAS Imeco à l’encontre de M. [S], mais par motifs substitués.

– Sur la demande d’indemnisation du bailleur

sur la destination du bail

Il résulte du bail commercial que la société Imeco a donné à bail des ‘locaux et droits immobiliers dépendant d’un ensemble immobilier en copropriété dénommé ‘Le liberté’, situé à [Localité 1], [Adresse 5] et [Adresse 3] à l’angle de ces deux voies’ composé ‘au rez-de-chaussée : un magasin de 95 m² environ avec la suite une réserve et dépendances de 100 m² environ, accès sur l’arrière commun à la copropriété’ et ‘au sous-sol : une cave’.

L’acte stipule expressément dans un paragraphe intitulé ‘destination des lieux loués’ que les locaux devront être consacrés par le preneur à l’exploitation de son activité traiteur-poissonnerie-coquillages à l’exclusion de toute autre, même temporairement.

Le tribunal a ainsi, à juste titre, considéré que la société Imeco n’avait pas simplement consenti l’autorisation d’exercer dans son local une activité de poissonnerie, mais avait consenti un bail commercial à destination exclusive de poissonnerie. Le contrat définit en effet de manière précise l’usage que le preneur peut faire de l’immeuble.

sur les frais de remise en état

Le bail commercial litigieux a été signé le 21 juillet 2008.

Les dispositions des articles L.145-40-2 et L.145-35 du code de commerce issus de la loi Pinel n°2014-626 du 18 juin 2014, ne permettant plus d’imputer au locataire les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l’articles 606 du code civil, les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué, ne lui sont pas applicables, car elles concernent les baux conclus ou renouvelés postérieurement à l’entrée en vigueur de cette loi.

L’obligation d’entretien pesant sur le bailleur trouve son fondement dans les articles :

1719 2° du code civil qui dispose que le bailleur est obligé par la nature du contrat et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ;

1720 alinéa 2 du code civil qui prescrit au bailleur de faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que locatives.

Néanmoins, l’étendue de cette obligation d’entretien relève de la libre volonté des parties, les règles des articles 1719 et 1720 n’étant pas d’ordre public et pouvant être écartées par le contrat. Les clauses dérogatoires, dans la mesure où elles conduisent à augmenter les obligations corrélatives du locataire, doivent toutefois être interprétées de façon restrictive.

Les stipulations du bail sont notamment les suivantes :

‘Il [le preneur] assumera la charge de toutes autres réparations grosses ou menues, affectant les locaux loués, même celles nécessitées par la vétusté, par les vices cachés ou par cas fortuit ou de force majeure, à la seule exclusion des travaux prévus à l’article 606 du code civil qui restent seuls à la charge du bailleur. […]

Il supportera toutes réparations qu’elles qu’en soient la nature et l’importance affectant les locaux loués ou l’immeuble, qui deviendraient nécessaires par suite, soit de défaut d’exécution des réparations lui incombant, soit de dégradations résultant de son fait ou de son personnel ou clientèle.

Il les rendra à sa sortie, en bon état de réparations locatives et autres, sous peine d’avoir à acquitter le montant des réparations lui incombant, qu’il aurait dû effectuer en fin de bail. ‘

‘Le preneur devra rendre les lieux loués en bon état de réparations ou, à défaut, régler au bailleur le coût des travaux nécessaires pour leur remise en état.’

Il sera au préalable énoncé qu’en l’absence d’état des lieux d’entrée, les locaux seront réputés avoir été pris en bon état de réparations locatives, aucune des attestations versées par M. [S] et la SARL Poissonnerie du Brethon ne permettant de connaître l’état des locaux au jour de la prise de possession des lieux.

Or, il résulte de l’état des lieux de sortie, du constat d’huissier de Me [L] et de l’expertise judiciaire que les locaux sont en mauvais état et ne peuvent être exploités sans un réaménagement complet. Selon l’expert judiciaire, certains des désordres vus sur les façades et fermetures extérieures sont liés à un mauvais entretien, mais les désordres intérieurs sont liés essentiellement à la dépose des équipements et aménagements par le preneur.

Suite à la délivrance de son congé par la SARL Poissonnerie du Brethon, la SAS Imeco lui a fait savoir par courrier du 22 mars 2017 que le bail serait résilié à compter du 1er avril 2018 et de bien vouloir ‘prendre vos dispositions lorsque vous libérerez les lieux, afin de remplir les obligations vous incombant, et en particulier en ayant effectué les réparations locatives à votre charge, résilié l’ensemble des abonnements que vous avez personnellement souscrits’.

Le gérant de la SARL Poissonnerie du Brethon soutient que M. [B] président de la SAS Imeco, lui a demandé en fin de bail, de remettre les locaux comme en 1996 Mme [O] les avait pris en début de bail. Aussi, il explique avoir déposé avant l’état des lieux de sortie, une grande partie des aménagements effectués à l’exception des carrelages, des vitrines en façade, les décorations du plafond et les vitrines extérieures.

Lors de la réunion d’expertise, M. [S] a exposé ces éléments devant l’expert. Ce dernier mentionne en page 4 de son rapport que M. [B] est resté flou sur cette question mais n’a pas démenti. En page 12, il écrit que M. [B] a confirmé avoir demandé la dépose du carrelage et des formes de pente, le rebouchage des siphons, le démontage des lambris et de la chambre froide, seuls éléments non déposés par M. [S]. En page 16, il indique que M. [B] a mentionné qu’il avait demandé la dépose des lambris et de la cloison de la chambre froide.

Ces éléments sont ainsi suffisants pour établir que M. [B] a demandé à M. [S] de déposer les aménagements et équipements liés à l’exploitation de la poissonnerie. Ainsi, la dépose résulte de la seule initiative du gérant de la SAS Imeco dans la perspective de vendre les locaux ou de les remettre en location. Or, les éléments déposés correspondaient à la destination exclusive telle que fixée par le bail.

Aussi, le tribunal a, à juste titre énoncé, que la SAS Imeco ne pouvait solliciter la mise à la charge du preneur de la remise en état des locaux dont la modification n’était que la conséquence de sa volonté, et a rejeté la demande d’indemnisation à hauteur de 49 613,32 euros.

Néanmoins, il y a lieu de mettre à la charge du preneur les réparations locatives sans lien avec la dépose de ces équipements, et ainsi de retenir les éléments suivants, tel que cela résulte du rapport d’expertise :

– l’habillage du caisson d’enroulement en tôle galvanisée : 300 euros HT ;

– la dépose des posters décoratifs collés à l’extérieur : 300 euros HT ;

– la mise en place d’une porte à deux vantaux derrière les rideaux métalliques : 3 200 euros HT;

– le châssis et les vitrages au dessus de la porte du garage : 600 euros HT ;

– le remplacement du canon de la serrure de la porte de garage et sa révision : 600 euros HT;

– la reprise des façades : 4 000 euros HT ;

– dans la partie réserve sanitaire et chambre froide : la dépose des restes de l’ancienne installation électrique et la mise en sécurité des câbles en attente vers les armoires électriques : 2 000 euros HT;

soit un total de 11 000 euros HT.

Les contestations du preneur et de M. [S] sont inopérantes sur ces postes de dégradations.

La somme de 49 613,32 euros TTC sollicitée par la bailleresse correspondait à un solde restant dû incluant les frais de remise état, la régularisation des charges sur deux années et le reliquat de loyer du mois d’avril 2018, déduction faite du dépôt de garantie.

Aussi, en retenant des frais de remise en état à hauteur de 11 000 euros HT, en ajoutant le reliquat de loyer de 110,51 euros HT et en déduisant les régularisations de charges locatives (664,22 euros HT + 414,74 euros HT) et le dépôt de garantie (1 657,70 euros), le preneur reste redevable de la somme de 8 373,85 euros HT, soit 10 048,62 euros TTC.

La SARL Poissonnerie du Brethon et M. [P] [S], caution, seront condamnés solidairement à payer à la SAS Imeco la dite somme, avec intérêts de droit à compter l’arrêt.

M. [S] n’a pas repris en appel le moyen tiré du bénéfice de discussion.

– Sur les autres demandes

Les demandes de dommages et intérêts formées pour résistance abusive par la SAS Imeco ou pour procédure abusive par les appelants seront rejetées, aucun abus de l’une ou de l’autre des parties n’étant caractérisé.

Succombant principalement à l’instance, M. [S] et la SARL Poissonnerie du Brethon supporteront solidairement les dépens d’appel. Le jugement sera confirmé en ce qu’il les a condamnés aux dépens incluant le constat d’huissier, sauf à préciser qu’ils incluront également les frais de référé et d’expertise judiciaire.

L’équité commande néanmoins de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire,

Confirme par motifs en partie substitués, le jugement déféré en ce qu’il a :

– déclaré recevables les demandes formées par la SAS Imeco à l’encontre de M. [P] [S] en sa qualité de caution ;

– condamné solidairement M. [P] [S] et la SARL Poissonnerie du Brethon au titre des réparations locatives ;

– débouté les parties de leurs demandes de dommages et intérêts pour résistance abusive et procédure abusive ;

– condamné solidairement M. [P] [S] et la SARL Poissonnerie du Brethon à payer à la SAS Imeco la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens incluant l’acte de Me [L] du 20 juin 2018 ;

Infirme le surplus des dispositions du jugement ;

Statuant à nouveau :

Condamne solidairement M. [P] [S] et la SARL Poissonnerie du Brethon à payer à la SAS Imeco la somme de 10 048,62 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt ;

Dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne solidairement M. [P] [S] et la SARL Poissonnerie du Brethon aux dépens d’appel ;

Précise que les dépens de première instance incluront les frais de référé et d’expertise judiciaire.

Le greffier, La présidente,

 


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