Fixation des honoraires de l’avocat en accord avec la convention signée par le client

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Fixation des honoraires de l’avocat en accord avec la convention signée par le client

Résumé de l’affaire

Madame [O] [M] a mandaté Maître [S] [D] [V] pour la défendre dans une affaire devant le conseil de prud’hommes. Après une ordonnance de taxe du bâtonnier de l’ordre des avocats de Montpellier, Madame [M] a interjeté appel de la décision. Lors de l’audience, elle a demandé l’annulation de l’ordonnance de taxe, la reconnaissance de l’acquittement des honoraires à hauteur de 2.000 euros, des frais de signification et de procédure pour des honoraires abusifs, des sanctions disciplinaires contre Maître [V], ainsi que des frais irrépétibles. Maître [V] demande quant à lui la confirmation de l’ordonnance de taxe et le paiement de frais irrépétibles.

L’essentiel

Irregularité de la procédure

Selon l’article 10 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971, les honoraires de postulation, de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. Sauf en cas d’urgence ou de force majeure, l’avocat doit conclure une convention d’honoraires écrite avec son client, précisant le montant ou le mode de détermination des honoraires. Il est important de respecter ces dispositions légales pour garantir la régularité de la procédure.

Contrat entre les parties

La lettre de mission établie entre l’avocat et le client constitue un contrat qui régit les relations entre les parties. En l’espèce, la lettre de mission prévoyait des honoraires de diligence au temps passé et un taux horaire fixé à 250 euros HT. Il est essentiel de respecter les termes de ce contrat pour éviter tout litige ultérieur concernant les honoraires facturés par l’avocat.

Justification des honoraires

Il est primordial que les honoraires facturés par l’avocat soient justifiés et en adéquation avec les diligences effectivement réalisées. Dans le cas présent, la différence importante entre la somme prévue dans la lettre de mission et celle facturée par l’avocat soulève des interrogations sur la justification de ces honoraires. Il est donc nécessaire d’examiner attentivement les éléments fournis par l’avocat pour déterminer le montant légitime des honoraires dus par le client.

En conclusion, il est essentiel de respecter les dispositions légales en matière d’honoraires d’avocat pour garantir la transparence et l’équité des relations entre les parties. Il est recommandé de vérifier attentivement les termes de la convention d’honoraires et de s’assurer que les honoraires facturés par l’avocat sont justifiés par les diligences effectivement réalisées.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

1 août 2024
Cour d’appel de Montpellier
RG
24/01030
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 01 AOUT 2024

N° RG 24/01030 – N° Portalis DBVK-V-B7I-QERQ

CONTESTATION D’HONORAIRES D’AVOCAT

Décision déférée à la cour : Ordonnance du 18 JANVIER 2024 du BATONNIER DE L’ORDRE DES AVOCATS DE MONTPELLIER N° 05/23

Nous, Jonathan ROBERTSON, Conseiller, désigné par le Premier Président de la Cour d’appel de Montpellier pour statuer sur les contestations d’honoraires des avocats, assisté de Alexandra LLINARES, greffier,

dans l’affaire entre :

D’UNE PART :

Madame [O] [M]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Comparante en personne

D’AUTRE PART :

Maître [S] [D] [V]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Comparant en personne

L’affaire a été appelée à l’audience publique du 06 Juin 2024 à 14 heures.

Après avoir mis l’affaire en délibéré au 01 Août 2024 la présente ordonnance a été prononcée par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signée par Jonathan ROBERTSON, Conseiller et par Alexandra LLINARES, greffier.

Le

– 2 expéditions + 2 exécutoires Mme [O] [M] (LRAR), Me [S] [D] [V] (LRAR)

– 1 copie bâtonnier de Montpellier

– 1 copie dossier

Madame [O] [M] a mandaté Maître [S] [D] [V] afin de défendre ses intérêts dans le cadre d’une procédure devant le conseil de prud’hommes.

Par requête du 22 mai 2023, Madame [M] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Montpellier d’une demande de taxe des honoraires de Maître [V].

Par ordonnance de prorogation de délai du 19 septembre 2023, le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Montpellier a prorogé de quatre mois à compter du 22 septembre 2023 le délai dans lequel devra être rendue sa décision.

Par ordonnance de taxe du 18 janvier 2024, le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Montpellier a :

– déclaré infondée la demande de taxe présentée par Madame [M] et l’a rejetée,

– constaté que Maître [V] n’est pas assujetti à la TVA,

– taxé et arrêté les honoraires de diligences dus à Maître [V] par Madame [M] à la somme de 4.600 euros TTC,

– constaté que Madame [M] a réglé la somme de 2.000 euros le 12 mai 2022,

– ordonné à Madame [M] de payer à Maître [V] la différence, soit un reliquat de 2.600 euros, majoré des intérêts de retard au taux légal augmenté de 3 points à compter de la saisine du 22 mai 2023 et ce, jusqu’à complet paiement de la dette,

– ordonné que nonobstant appel, la décision est rendue exécutoire à hauteur de la somme de 1.500 euros assortie des intérêts à l’encontre de Madame [M],

– rejeté toutes autres demandes.

Cette décision a été notifiée le 22 janvier 2024 à Madame [M] et à Maître [V].

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 février 2024, Madame [M] a interjeté appel de l’ordonnance rendue par le bâtonnier, auprès de la cour d’appel de Montpellier.

A l’audience du 6 juin 2024, les parties ont soutenu leurs écritures, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions.

Madame [M] demande au premier président :

– d’ordonner l’annulation de l’ordonnance de taxe du bâtonnier du 18 janvier 2024 en faveur de Maître [V],

– de dire les honoraires de Maître [V] pleinement acquittés à hauteur de 2.000 euros depuis le 12 mai 2022,

– de mettre à la charge de Maître [V] les frais de signification et de procédure pour la taxation de ses honoraires abusifs,

– de sanctionner disciplinairement Maître [V] pour la violation des règles déontologiques qui lui sont applicables, manquant à la probité, à l’honneur et à la délicatesse de la profession de l’avocat,

– de condamner Maître [V] au paiement de l’amende applicable pour manquement à son devoir de mention obligatoire de la possibilité de saisir le médiateur de la consommation de la profession d’avocat sur le site internet du cabinet d’avocats JTF,

– de condamner Maître [V] à lui payer 1.250 euros au titre des frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile.

Maître [V] demande au premier président de confirmer l’ordonnance de taxe du bâtonnier du 18 janvier 2024 et de condamner Madame [M] à lui payer la somme de 750 euros au titre des frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Selon l’article 10 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971, les honoraires de postulation, de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.

Sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés. Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.

Il sera rappelé au préalable qu’il n’appartient pas au premier président de la cour d’appel ou son délégataire, saisi en matière de taxation des honoraires, de connaître du problème de la responsabilité de l’avocat, mais d’apprécier le montant de ses honoraires au regard de la convention conclue ou des critères posés par l’article 10 précité.

La présente juridiction n’a donc pas à statuer sur les moyens relatifs à la responsabilité de l’avocat qui relèvent d’un éventuel procès devant le tribunal judiciaire, ni sur ses manquements déontologiques qui relèvent d’une procédure disciplinaire.

En l’espèce, une lettre de mission a été établie le 12 mars 2021 (pièce n°10 intimé) ; cette lettre a été valablement acceptée par Madame [M], aucune pièce ne viendrait démontrer qu’elle n’aurait pas été en capacité d’y souscrire de manière éclairée.

Dès lors, la lettre de mission, qui a la même valeur juridique qu’un contrat, constitue la loi des parties, rappel fait qu’aux termes de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Cette lettre de mission prévoit en son article 3 des honoraires de diligence au temps passé et un taux horaire fixé à 250 euros HT pour les interventions du cabinet. Elle mentionne également « Les honoraires peuvent être évalués provisoirement à la somme de 1.250 euros HT pour l’exécution de la mission décrite ci-dessus », la mission décrite étant « La conseiller, représenter et assurer la défense de ses intérêts, y compris par voie de presse, dans le cadre de son affaire face à SIEMENS ENERGY SAS ».

Maître [V] sollicite la facturation de ses diligences à hauteur de la somme de 4.600 euros TTC par sa note d’honoraires n° 2022-6 du 25 avril 2021 (pièce n°9 intimé), dont le libellé mentionne « Requête devant le CPH » dont détail comme suit :

« Consultation, étude, examen et classement des pièces, rédaction d’acte (CCL), correspondances, frais de gestion (16 heures) : 4.000 euros HT

Honoraires d’urgence (soir et we) : 600 euros HT

TOTAL HT : 4.600 euros

TVA non applicable

MONTANT TTC : 4.600 euros. »

L’avocat joint également un questionnaire de synthèse daté du 5 juillet 2023 (pièce n°11 intimé) ; or, celui-ci ne correspond manifestement pas à sa facture précitée dès lors que le nombre d’heures mentionné est de 20 heures (à savoir 3 heures d’entretiens téléphoniques, 5 heures de rédaction de consultations juridiques, 8 heures d’étude des pièces et recherches juridiques et 4 heures de rédaction de jeu de conclusions) et non 16 heures, sans aucune mention des honoraires d’urgence pourtant facturés. Il convient donc de ne pas tenir compte de ce questionnaire de synthèse, ainsi que du compte détaillé y afférent, et de se référer uniquement à la facture du 25 avril 2021.

La somme mentionnée dans la lettre de mission du 12 mars 2021 est une évaluation provisoire du montant des honoraires de Maître [V]. Toutefois, force est de constater qu’il y a une différence conséquente entre cette somme conventionnellement prévue de 1.250 euros au titre des diligences et la somme finalement facturée par Maître [V] de 4.600 euros, sans pour autant que les missions de l’avocat n’aient évolué. L’avocat produit la requête en contestation du licenciement abusif et réparation du harcèlement moral de Madame [M] devant le conseil des prud’hommes (pièce n°7 intimé) qui constitue le seul acte juridique réalisé dans le dossier ; or, Maître [V] ne justifie pas en quoi les diligences finalement réalisées légitiment une différence de 3.350 euros avec les diligences qu’il avait initialement prévues dans le cadre de cette procédure. Il fait valoir le nombre important d’échanges (électroniques et téléphoniques) avec Madame [M] et produit à ce titre les SMS et mails échangés entre mai 2021 et mai 2022 (pièces n°1, 2 , 3 et 4 intimé). Néanmoins, la requête rédigée de 16 pages correspond à une requête classique devant le conseil des prud’hommes, le droit du travail étant l’une des spécialités de Maître [V]. Ni sa rédaction, ni l’étude des pièces et les recherches juridiques y afférentes ne sauraient justifier la différence de 3.350 euros entre la somme estimée annoncée à Madame [M] lorsqu’elle a mandaté Maître [V], à l’appui de la lettre de la mission qu’elle a signée, et la somme demandée par l’avocat.

En ce sens, il y a lieu de ramener à 10 heures le temps passé par Maître [V] au titre des diligences dans le dossier de Madame [M], soit, au taux horaire conventionnellement prévu de 250 euros HT, à la somme de 2.500 euros.

S’agissant des honoraires d’urgence de 600 euros facturés, la lettre de mission prévoit en son article 3 (page 4) :

 » Honoraires forfaitaires

Un honoraire forfaitaire de 600 euros peut s’ajouter aux honoraires de diligences et de succès, dans les cas suivants :

– Urgence (nécessité d’une intervention à bref délai, ou nécessité de travailler le soir à partir de 17 heures et/ou les weekend) (‘). »

Maître [V] justifie qu’il a été contraint de travailler dans l’urgence car Madame [M] l’a recontacté le 7 avril 2022 en vue du dépôt de sa requête devant le conseil de prud’hommes ; or, l’avocat lui indiquait par retour de mail daté du même jour que la prescription de l’action intervenait rapidement le 27 avril 2022 (page 26 de la pièce n°1 intimé). Il ajoute dans son mail qu’il sera contraint de lui facturer des honoraires d’urgence compte tenu du peu de temps qu’il lui reste pour finaliser la requête.

Il sera donc fait droit à la demande de taxe de 600 euros relative aux honoraires d’urgence prévus par la lettre de mission en cas de nécessité de travailler les week-end et le soir.

Par conséquent, il y a lieu de ramener les honoraires de Maître [V] dus par Madame [M] à la somme de 3.100 euros, à savoir 2.500 euros d’honoraires au temps passé outre 600 euros d’honoraires d’urgence, rappel fait que Maître [V] n’est pas assujetti à la TVA.

Il est constant que Madame [M] a déjà réglé la somme de 2.000 euros ; il convient donc de lui ordonner de verser la différence, soit la somme de 1.100 euros, à Maître [V].

Chaque partie supportera la charge de ses dépens et l’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Nous, magistrat délégué par le premier président, statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRMONS l’ordonnance de taxe du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Montpellier du 18 janvier 2024 ;

Et, statuant à nouveau,

TAXONS les honoraires de Maître [S] [D] [V] dus par Madame [O] [M] à la somme totale de 3.100 euros ;

CONSTATONS que Maître [S] [D] [V] n’est pas assujetti à la TVA ;

CONSTATONS que Madame [O] [M] a déjà réglé la somme de 2.000 euros ;

ORDONNONS à Madame [O] [M] de verser la différence, soit la somme de 1.100 euros ;

LAISSONS chaque partie supporter la charge de ses dépens ;

DISONS n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le magistrat délégué


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