Fiscalité des Meublés de tourisme : la réforme en 10 points

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Fiscalité des Meublés de tourisme : la réforme en 10 points
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La régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale

La fiscalité : un levier majeur

Déposée le 28 avril 2023 par Annaïg Le Meur et plusieurs de ses collègues, la proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif devait initialement ne concerner que les zones tendues. Le titre de la proposition de loi a ensuite été amendé pour tenir compte de l’évolution du texte, qui concerne désormais l’ensemble du territoire. Elle a été adoptée le 29 janvier 2024 par l’Assemblée nationale.

Au stade de la commission, deux amendements du rapporteur ont ainsi été adoptés. Le premier amendement (COM-37) vise à modifier l’article 3 afin :

d’aligner le plafond du régime micro-BIC applicable aux locations meublées de tourisme non classés sur celui des loueurs de meublés non professionnels (LMNP), à savoir 23 000 euros ;

– d’aligner les revenus tirés de la location de meublés classés sur un régime micro-BIC existant, en les intégrant aux catégories d’activité qui bénéficient du régime jusqu’à 77 700 euros de chiffre d’affaires et de 50 % d’abattement. Cet alignement permet de conserver un caractère incitatif au classement et de prendre en compte le différentiel de charges existant entre un meublé classé et un meublé non classé ;

– de supprimer la référence à un abattement de 71 % pour certains meublés de tourisme classés, qui constitue, dans le droit actuellement en vigueur, un avantage fiscal excessif. Ainsi, est également supprimée la référence à un zonage, alors que l’ensemble des hébergements classés sont intégrés à une même catégorie.

Le second amendement (COM-38) supprime l’article 4, qui modifie de manière substantielle le régime d’imposition des plus-values des loueurs de meublés touristiques non professionnels sans qu’aucune étude d’impact n’ait été réalisée en amont, ni qu’aucune évaluation précise n’ait pu être transmise ensuite.

1. LA RÉFORME DE LA FISCALITÉ DES MEUBLÉS DE TOURISME A TOURNÉ À L’IMBROGLIO LORS DE L’EXAMEN DU PLF 2024

A. LES MEUBLÉS DE TOURISME CLASSÉS BÉNÉFICIENT D’UNE FISCALITÉ FAVORABLE AU TITRE DU RÉGIME MICRO-BIC, QUE LE GOUVERNEMENT A VOULU RÉFORMER SANS S’Y ÊTRE VRAIMENT PRÉPARÉ

La classification d’un meublé de tourisme permet aux loueurs de bénéficier d’un régime fiscal favorable. Avant la loi de finances initiale pour 2024, alors que le droit commun du régime micro-BIC prévoyait, pour les meublés non classés, un abattement sur le chiffre d’affaires de 50 % jusqu’à un plafond de 77 700 euros, l’abattement sur le chiffre d’affaires était porté à 71 % et le plafond d’éligibilité à 188 700 euros pour les hébergements classés.

Régime micro-BIC applicable aux meublés de tourisme avant la loi de finances pour 2024

(en euros et en pourcentage du chiffre d’affaires)

Source : commission des finances du Sénat

Dans une interview au Parisien en date du 26 septembre 2023, le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, avait indiqué vouloir remettre en cause le niveau d’abattement applicable aux revenus issus de la location de meublés classés de tourisme.

Ainsi, le ministre a indiqué « nous allons également prendre une mesure sur les locations meublées classées, type Airbnb. Aujourd’hui, environ 100 000 logements loués en France bénéficient d’un abattement fiscal de 71 %. C’est énorme ! C’est une incitation à ne pas mettre son logement à la location, puisque vous pouvez gagner autant d’argent en trois mois qu’en une année ! Nous réduirons cet abattement fiscal à 50 % comme pour les autres logements meublés pour que ces Airbnb reviennent sur le marché. » Qu’il soit permis de rectifier ici les propos du ministre : l’abattement de 71% concerne uniquement les meublés de tourisme classés, soit seulement un cinquième des logements mis en location sur Airbnb1.

Le projet de loi de finances pour 2024, présenté en conseil des ministres le lendemain, 27septembre, ne comportait cependant aucune mesure concernant les meublés de tourisme. Le sujet a finalement été intégré au texte par la voie d’un amendement gouvernemental alors que le rapport recommandant cette évolution avait été produit près d’un an et demi auparavant.

Ce procédé, auquel le Gouvernement a un recours abusif, a pour conséquence que le Parlement ne dispose d’aucune analyse précise des conséquences de sa mesure, faute d’évaluations préalables. L’article introduit par le Gouvernement supprimait donc le régime préférentiel des

1 D’après les informations recueillies par le rapporteur auprès de l’entreprise, seuls 20 % des logements sur la plateforme seraient des logements classés de tourisme.

2 meublés classés, et les renvoyait au même régime que les meublés non classés, à savoir un abattement de 50 % jusqu’à 77 700 euros.

Un abattement supplémentaire de 21 % du chiffre d’affaires était également prévu, portant l’abattement à 71%,pour les logements s’ils n’étaient pas situés dans des zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre important entre l’offre et la demande de logement et si le chiffre d’affaires lié à cette activité n’excédait pas 50 000 euros.

Régime micro-BIC proposé initialement par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024

(en euros et en pourcentage du chiffre d’affaires)

Source : commission des finances du Sénat

B. LE GOUVERNEMENT A RETENU PAR INADVERTANCE, DANS LE TEXTE DÉFINITIF DE LA LOI DE FINANCES POUR 2024, LE DISPOSITIF VOTÉ PAR LE SÉNAT

Le Sénat a, sur la proposition conjointe de Nathalie Goulet, Max Brisson, Ian Brossat et Rémi Féraud, ainsi que plusieurs de leurs collègues, adopté un dispositif prévoyant l’application d’un abattement réduit à 30 % pour les locaux meublés de tourisme non classés, dans un plafond de revenus de 15 000 euros. Par ailleurs, un abattement supplémentaire de 21 % était prévu pour les abattements classés, soit un abattement total de 92 % pour les locaux classés meublés de tourisme situés hors des zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre important entre l’offre et la demande de logements, dans la limite d’un chiffre d’affaires hors taxes de 15 000 euros.

En nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a, dans l’élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application du troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution, retenu cet article sans modification, reconnaissant par la suite une erreur.

Postérieurement à la promulgation de la loi de finances pour 2024, la doctrine fiscale a indiqué que, « afin de limiter les conséquences d’une application rétroactive de cette mesure à des opérations déjà réalisées, il est admis que les contribuables puissent continuer à appliquer aux revenus de 2023 les dispositions de l’article 50-0 du code général des impôts, dans leur version antérieure à la loi de finances pour 2024 ».

2. LA PROPOSITION DE LOI PROPOSE DE NOUVEAUX PARAMÈTRES POUR L’IMPOSITION AU RÉGIME MICRO-BIC DES MEUBLÉS DE TOURISME

L’article 3 de la présente proposition de loi propose de modifier les seuils d’éligibilité au régime micro-BIC des meublés de tourisme classés et non classés, et de faire évoluer les niveaux des abattements applicables. Le dispositif prévoit que les meublés de tourisme classés seraient éligibles jusqu’à 30 000 euros au régime micro-BIC, tandis que les meublés de tourisme non classés ne pourraient bénéficier de ce régime que jusqu’à 15 000 euros de revenus. L’abattement applicable s’élèverait dans les deux cas à 30 %.

Le dispositif prévoit de porter l’abattement du régime micro-BIC à 71 % du chiffre d’affaires pour les hébergements classés lorsqu’ils sont situés dans une commune très peu dense au sens de la grille communale de densité de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ou dans une commune classée station de sports d’hiver et d’alpinisme, un classement pourtant abrogé par décret en 2008. Cet abattement ne concernerait que les locations dont le chiffre d’affaires n’excéderait pas 50 000 euros.

Plafonds et abattements du régime micro-BIC adoptés par l’Assemblée nationale

(en euros et en pourcentage du chiffre d’affaires)

Source : commission des finances du Sénat

3. FISCALITÉ DES MEUBLÉS DE TOURISME ET TOUT EN MAINTENANT LA SIMPLICITÉ DU RÉGIME MICRO-BIC

L’amendement COM-37 adopté en commission propose d’aligner le taux d’abattement du régime micro-BIC de la location de meublés de tourisme non classés sur le régime micro-foncier de la location nue, à savoir un abattement de 30 % du chiffre d’affaires.

Par ailleurs, dans un objectif de lisibilité et de simplicité, l’amendement aligne le plafond du régime micro-BIC des meublés de tourisme non classés sur celui de la location meublée non professionnelle (LMNP), à savoir 23 000 euros de chiffre d’affaires.

Les meublés de tourisme classés doivent faire l’objet d’un traitement différencié par le législateur dans la mesure où le classement des hébergements meublés répond à un objectif de montée en gamme des capacités d’accueil touristique. Ainsi, l’amendement COM-37 adopté en commission des finances prévoit que les meublés de tourisme classés bénéficient d’un abattement de 50 %.

Les meublés classés seraient ainsi maintenus dans le droit commun du régime micro-BIC et ne feraient pas l’objet d’un traitement dérogatoire comme les meublés de tourisme non classés. L’amendement supprime la référence à un zonage, qui reviendrait, au regard des autres taux définis par l’amendement, à maintenir une dépense fiscale excessive au profit de certains hébergements et qui créerait des différences entre contribuables difficilement justifiables.

Proposition de plafonds et d’abattements du régime micro-BIC

(en euros et en pourcentage du chiffre d’affaires)

Source : commission des finances du Sénat

4. UNE RÉFORME À L’AVEUGLE DU CALCUL DE LA PLUS-VALUE DES LOUEURS DE MEUBLÉS DE TOURISME NON PROFESSIONNELS

L’article 4 de la proposition de loi prévoit de réintégrer au calcul de la plus-value de cession des loueurs de meublés touristiques non professionnels les amortissements déduits du revenu de la location de ces biens.

Ce dispositif ayant été introduit par amendement parlementaire lors de l’examen du texte par la commission des finances de l’Assemblée nationale, il n’est accompagné d’aucune étude d’impact et l’administration n’a été en mesure d’apporter aucun élément précis sur les conséquences de la mise en œuvre de ce dispositif. Alors que les régimes d’imposition des plus-values des particuliers et des professionnels diffèrent sensiblement, notamment en termes d’abattements et d’exonérations, il aurait pourtant été indispensable d’évaluer avec précision les conséquences de ce changement de régime, afin de s’assurer qu’il ne conduit pas à des différences de traitement injustifiées.

L’amendement COM-38, adopté en commission, a supprimé cet article et renvoyé une éventuelle modification de ce dispositif fiscal à la loi de finances, sur la base d’une étude précise de son impact.

EN SÉANCE

Le dispositif adopté par la commission a été confirmé en séance publique, un seul amendement (n° 161) ayant été adopté pour modifier les conditions d’entrée en vigueur de l’article 3.

En effet, alors que les dispositions votées en commission devaient s’appliquer aux revenus perçus en 2024, le Gouvernement a souhaité repousser l’entrée en vigueur du dispositif aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2025.

L’amendement du Gouvernement a par ailleurs prévu que les dispositions actuellement en vigueur, telles que modifiées par la loi de finances initiale pour 2024 et donc par l’oubli du Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application du troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution, devaient être écartées pour l’imposition des revenus 2024, au profit de la prorogation du régime micro-BIC dans sa rédaction antérieure à la loi de finances pour 2024.

Position de la CMP

Le 28 octobre, en Commission Mixte Paritaire (CMP), les députés et sénateurs ont trouvé un accord sur la proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale.

Elle permet de renforcer la “boîte à outils” de régulation des meublés de tourisme à disposition des maires : ils auront désormais la faculté d’instaurer des quotas d’autorisations temporaires de changement d’usage, de délimiter des zones où les constructions nouvelles sont à usage de résidence principale ou encore, à partir du 1er janvier 2025, d’abaisser à 90 jours le nombre maximal de jours par an de location d’une résidence principale.

L’accord reprend en outre les apports de l’Assemblée nationale concernant la généralisation de l’enregistrement des meublés et ceux du Sénat concernant l’exigence de preuves, notamment quant à la qualité de résidence principale, pour limiter les fraudes et faciliter le contrôle des communes.

Pour Sylviane Noël, rapporteure : “Après un long parcours législatif, ce texte d’initiative parlementaire va pouvoir être appliqué rapidement et apporter des avancées concrètes aux maires confrontés au problème, dans le respect des spécificités de nos territoires. Cette proposition de loi leur donnera de nouveaux outils et sécurisera leurs décisions.”

Au‑delà du levier d’action local, que le Sénat estime le plus efficace, le texte inclut aussi des mesures visant à limiter les effets d’éviction du logement permanent. Pour éviter le report de la location nue vers le meublé touristique à chaque échéance fixée par la loi Climat et résilience, les nouveaux meublés de tourisme en zone tendue et soumis à une autorisation de changement d’usage devront attester d’un diagnostic de performance énergétique (DPE) classé au moins F en 2025 et E en 2028. En 2034, conformément à ce qui avait été voté en mai dernier par la commission des affaires économiques du Sénat, tous les meublés de tourisme devront obtenir un DPE classé au moins D : un délai jugé réaliste afin de donner de la visibilité aux acteurs et d’éviter des différences de réglementation avec la location nue qui auraient complexifié la mise en œuvre de travaux au sein des copropriétés.

Sur le volet fiscal, la commission mixte paritaire a adopté la proposition de Jean‑François Husson, rapporteur, réduisant l’attractivité du régime micro‑BIC pour la location meublée touristique afin d’encourager le retour de certains logements vers la location longue durée tout en maintenant la lisibilité de ce régime simplifié.

L’incitation au classement des meublés de tourisme a été préservée par un taux d’abattement plus important. Enfin, la question de la réintégration des amortissements au calcul de la plus‑value de cession des biens loués meublés de façon non professionnelle (LMNP) a été renvoyée au débat budgétaire en cours. Cette mesure y est en effet inscrite et sera débattue dans le cadre de l’article 24.

Pour Dominique Estrosi Sassone, présidente : “Le rapprochement des règles applicables aux meublés de tourisme avec celles de la location nue va dans le bon sens pour éviter les effets d’éviction. Cela ne nous exonère cependant pas d’une réflexion plus globale sur le sujet du logement permanent et le statut du bailleur privé.”

1. UNE PROPOSITION DE LOI EN DÉCALAGE AVEC SON OBJECTIF AFFICHÉ

Cette proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en janvier, porte l’ambition de remédier aux déséquilibres du marché locatif : or, ses sept articles concernent exclusivement la location meublée touristique, un phénomène dont l’essor peut engendrer des déséquilibres mais qui ne saurait résumer à lui seul les causes profondes de l’attrition du marché locatif.

Déséquilibre du marché locatif

La commission est consciente du phénomène d’éviction du logement locatif permanent auquel font face certaines communes – et notamment des grandes villes – en raison d’un essor de la location meublée touristique, source de revenus complémentaires pour les propriétaires mais qui est longtemps demeurée non-régulée, entraînant un effet d’aubaine pour des investisseurs pour qui les meublés de tourisme sont devenus un placement financier.

Nombre de logements en France

Estimation du nombre de meublés de tourisme mis en location en France

Néanmoins, ce phénomène ne doit pas en éluder d’autres qui ont aussi leur rôle à jouer dans les déséquilibres du marché locatif, à l’instar des vacances de logements, de la détérioration de la rentabilité locative ou de la réduction du soutien au logement social. Pour la rapporteure, seule une réflexion globale incluant notamment le statut du propriétaire bailleur, permettra de renforcer l’attractivité de la location permanente. Elle rappelle les recommandations formulées à ce sujet par la mission d’information de la commission sur la crise du logement, sur la contribution économique et sociale du bailleur privé et la présence de garanties suffisantes encourageant à s’engager davantage dans la location longue durée.

La CMP a adopté un amendement modifiant le titre de la proposition de loi, en cohérence avec son dispositif, qui fait d’elle non pas une proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif mais une proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale.

Pas de remède magique

a) La location meublée touristique recouvre une diversité de pratiques

  • La CMP tient à rappeler que la location d’une partie d’un logement (« chambre chez l’habitant »), n’est, à raison, pas visée par la proposition de loi : il s’agit d’une pratique relevant de l’économie collaborative, permettant à des particuliers d’obtenir un complément de revenu.
  • Il convient de distinguer la location ponctuelle d’une
    résidence principale (limitée à 120 jours par an,
    conformément à la définition d’une résidence
    principale, et représentant pour les loueurs une source
    de revenu d’appoint) et la location répétée d’une
    résidence secondaire, qui elle-même englobe des
    réalités différentes : elle est tantôt un produit financier
    pour un investisseur louant toute l’année sur un
    territoire touristique en zone tendue, tantôt le moyen
    pour une famille d’amortir les frais liés à l’entretien d’un lieu de retrouvailles familiales… Un meublé touristique n’est donc pas toujours substituable à du logement permanent. b) La location meublée touristique recouvre aussi des réalités différentes selon les territoires
  • Pour des représentants de stations de montagne ou de stations thermales auditionnés par la rapporteure, l’essor de la location meublée touristique depuis une dizaine d’années a permis de « réchauffer les lits froids », ce qu’aucune politique publique n’était parvenue à faire avant. En l’absence d’un parc hôtelier aussi développé que sur le littoral, les meublés de tourisme sont un levier indispensable du dynamisme économique de ces communes.
  • Pour des communes très touristiques, parfois de taille modeste, la location meublée touristique a été un levier de développement mais son essor incontrôlé entraîne aujourd’hui de grandes difficultés de logement pour les résidents permanents : outre la hausse des prix sur le marché locatif et les phénomènes décrits ci-dessus, les élus locaux sont nombreux à déplorer des pratiques telles que des baux mobilité illégaux où les occupants sont contraints de quitter les lieux pour la période estivale.
  • Pour toutes les communes touchées par l’intensification du phénomène, la location meublée touristique peut engendrer des nuisances sonores, des dégradations, une modification de l’offre commerciale d’un quartier, des surfréquentations…autant d’effets délétères que certains élus locaux souhaitent limiter parce qu’ils nuisent à la qualité de vie des résidents et réduisent la qualité de l’expérience des touristes. La commission a donc été soucieuse de répondre aux attentes de communes souhaitant limiter la location meublée touristique au profit du logement permanent, tout en préservant les conditions de développement économique propres d’autres communes – thermales, touristiques ou de montagne – dont le tourisme dépend en partie de cette activité.

La performance énergétique

Le calendrier de décence énergétique issu de la loi Climat et résilience de 2021 ne s’applique aujourd’hui qu’à la location nue de résidences principales. Maintenir une exception pour les meublés de tourisme pourrait nourrir un effet d’éviction à proximité des échéances d’interdiction de location. Une telle exception n’est pas non plus justifiée au regard des objectifs de logements et bâtiments basse consommation fixés à horizon 2050.

L’esprit de l’article premier de la proposition de loi est donc de réduire progressivement l’écart d’exigences entre ces deux catégories de locations.

La commission a simplifié et modifié le dispositif adopté à l’Assemblée nationale.

Pour la transformation de logement en meublé de tourisme nécessitant une autorisation, la commission a prévu qu’une étiquette classée E soit exigée pour obtenir l’autorisation de changement d’usage, qu’elle soit temporaire ou non. L’objectif est triple :

  • éviter que les « passoires thermiques » classées F et G, interdites à la location nue en 2025 et 2028, ne soient redirigées vers la location meublée touristique ;
  • ne pas viser les résidences principales louées quelques jours ou semaines par an ;
  • cibler seulement les meublés situés dans des territoires en tension locative. Par ailleurs, tous les meublés de tourisme devront se conformer aux exigences de décence énergétique applicables aux locations nues à compter du 1er janvier 2034, où ils devront ainsi disposer d’une étiquette classée au minimum D :
  • le délai de 10 ans retenu par la commission est plus raisonnable que le délai de 5 ans fixé par l’Assemblée nationale : la commission a veillé à laisser un délai convenable aux acteurs pour s’organiser – notamment dans les stations de montagne où les « passoires thermiques » représenteraient 70 % des meublés touristiques ;
  • les meublés qui constituent la résidence principale du loueur sont exclus du dispositif car ils ne sont loués qu’un nombre de jours limité par an. A. UN « APPEL À L’AIDE » DES ÉLUS LOCAUX FACE À L’INSUFFISANCE DES OUTILS À LEUR DISPOSITION Malgré les différentes lois adoptées ces dernières années, la rapporteure a été alertée par l’insuffisance des outils dont disposent les élus locaux pour réguler le développement de la location meublée touristique sur leur territoire.

La Régulation locale

Les auditions menées par la CMP ont mis en évidence plusieurs « appels à l’aide » d’élus locaux qui, faute de moyens à leur disposition pour réguler la location meublée touristique, ont pu prendre des règlements instaurant des dispositifs que la loi ne prévoit pas, voire illégaux, souvent attaqués devant le juge administratif et parfois suspendus.

B. RENFORCER LES INFORMATIONS ET FACILITER LES CONTRÔLES DE LA COMMUNE SUR LES LOCATIONS MEUBLÉES TOURISTIQUES

La proposition de loi introduit en son article 1er A la généralisation de la déclaration avec enregistrement de toute location meublée touristique. Cette mesure vise à renforcer la fiabilité des données et l’information sur les meublés mis en location sur un territoire, et, surtout, à donner aux communes les moyens de mener des contrôles efficaces.

La commission des affaires économiques a adopté plusieurs amendements visant à renforcer l’effectivité de ces contrôles :

  • Elle a précisé les pièces justificatives pouvant être exigées dans le cadre de la déclaration, notamment pour justifier de la qualité de résidence principale d’un meublé de tourisme. Il s’agit d’éviter les fausses déclarations à la résidence principale opérées dans le but de contourner la législation sur le changement d’usage.
  • Elle a doté les communes du pouvoir de suspendre la validité des numéros d’enregistrement des annonces de meublés de tourisme, afin de permettre aux élus locaux non seulement de sanctionner les manquements mais surtout de les faire cesser. Cette suspension entraîne l’obligation pour les plateformes de retirer les annonces concernées. Elle sera notamment possible lorsque la commune constate que le meublé de tourisme mis en location est un logement social : il s’agit de rendre plus effective cette interdiction déjà inscrite dans la loi.
  • Enfin, la rapporteure a été alertée par des communes touristiques aux centres historiques anciens sur des locations meublées touristiques pratiquées au mépris des règles de sécurité des biens et de personnes, dans des immeubles menaçant de s’effondrer – y compris à cause de travaux visant à renforcer l’attractivité touristique des biens mais inadaptés à la structure des immeubles. La commission a donc précisé que lorsqu’un meublé de tourisme est frappé d’arrêté de péril, la commune peut suspendre la validité de l’enregistrement de l’annonce et que les sommes versées par le locataire lui sont restituées, évitant ainsi l’enrichissement indu du propriétaire.
  • Pour concilier les préoccupations divergentes de territoires aux dynamiques économiques et locatives différentes, la commission a favorisé à l’article 2 les outils facultatifs et flexibles, aux mains des élus locaux, permettant à ceux qui le souhaitent d’encadrer la location meublée touristique au plus près des besoins de leur commune. a) L’extension des outils de régulation aux communes qui le souhaitent La commission a salué l’extension et la facilitation du recours par la commune au régime d’autorisation préalable au changement d’usage, notamment via la suppression de l’autorisation préfectorale. De même, elle a conservé la faculté donnée aux élus locaux de décider d’un régime d’autorisation préalable à la location d’un local professionnel en tant que meublé de tourisme : cela répond au report des investisseurs sur cette catégorie de biens, face aux régimes d’autorisations pour les locaux à usage d’habitation et à usage commercial. b) La sécurisation d’outils mis en œuvre par les communes et attaqués devant le juge L’article 2 consacre également plusieurs outils déjà connus des élus, qui étaient jusqu’alors mis en œuvre dans le silence de la loi, générant insécurité juridique et contentieux. Pour éviter tout effet de bord, notamment dans les communes mettant en œuvre l’autorisation de changement d’usage avec compensation, la commission a rendu facultative l’extension aux personnes morales du régime d’autorisation temporaire de changement d’usage.

L’article permet également aux communes de délimiter des zones où s’appliquent des quotas d’autorisations temporaires de changement d’usage : cette mesure qui permet un pilotage du nombre de meublés et une adaptation en fonction des évolutions du parc locatif est plébiscitée par de nombreux élus. La commission a adopté deux amendements :

– un amendement sécurisant le recours des communes à des quotas, non pas en nombre maximal, mais en part maximale de logements pouvant faire l’objet d’une autorisation temporaire, afin d’autoriser un pilotage dynamique du parc ;

– un amendement de Mmes Gatel et Billon et de M.Retailleau permettant aux communes insulaires métropolitaines, dont la singularité a été reconnue par la loi 3DS, de recourir à des quotas sur l’ensemble de leur territoire.

L’article 2 entend aussi répondre aux préoccupations concernant la conformité de la location meublée touristique au bail ou au règlement de copropriété. De récentes délibérations d’Annecy, Strasbourg ou Nice ont été annulées ou suspendues parce qu’elles subordonnaient la délivrance de l’autorisation de changement d’usage à l’autorisation de la copropriété, ce qui est contraire à la Constitution. Face à l’impossibilité d’exiger une telle autorisation, la solution proposée est une déclaration sur l’honneur du demandeur de l’autorisation sur l’absence de clause interdisant la location meublée touristique. En outre, l’information sur les activités de location meublée touristique dans l’immeuble, renforcée par l’article5, permettra aux copropriétaires d’exercer des recours.

Enfin, l’article 2 simplifie les modalités d’administration de la preuve de l’usage d’habitation d’un local, qui incombe à la commune souhaitant démontrer un usage illicite. La commission a amendé le dispositif pour concilier sécurité juridique des transactions et assouplissement des conditions de la charge de la preuve.

c) La création d’une servitude de résidence principale

Par ailleurs, l’article 2 instaure une servitude de résidence de principale pour les constructions nouvelles dans certaines zones délimitées. La commission a rendu plus effective l’obligation d’occupation à titre de résidence principale, en permettant au maire de mettre en demeure de régularisation aussi bien le locataire que le propriétaire et en autorisant une clause de résiliation unilatérale du bail en cas de non-respect de l’obligation.

EN SÉANCE À l’article 1er A, ont été adoptés :
– les amendements identiques 40 et 92 des groupes SER et CRCE – K précisant que la déclaration avec enregistrement est effectuée par le loueur ;
– des amendements 3, 31, 69 et 114 de M. Brisson, M. Chevalier, Mme Havet et du groupe CRCE – K précisant que l’avis d’imposition prouve la qualité de résidence principale du meublé ; – l’amendement 159 de la commission qui simplifie les exigences de sécurité incendie exigées dans le cadre de la déclaration afin de les aligner sur celles des logements ou des ERP ;
– l’amendement 160 de la commission qui rend possible la suspension du numéro de déclaration en cas de changement d’usage irrégulier du local ;
– un amendement 154 de Mme Lavarde précisant la durée de validité du numéro de déclaration ;
– un amendement 28 de M. Parigi prévoyant la transmission des données du téléservice à la
collectivité de Corse ; – un amendement 45 du groupe SER supprimant le lien entre autorisation d’urbanisme et autorisation préalable à la location meublée touristique d’un local commercial ; – deux amendements identiques 49 et 101 des groupes SER et CRCE – K créant une possibilité d’injonction de transmission des données par les plateformes aux communes. À l’article 1er, ont été adoptés trois précisions rédactionnelles demandées par le gouvernement et un amendement 130 de Mme Espagnac instituant, en 2034, un régime de contrôle et de sanction des obligations de décence énergétique des meublés.
À l’article 1er bis, a été adopté un amendement 1er de Mme Chain-Larché supprimant la possibilité d’abaisser à 90 jours le plafond de la location meublée touristique d’une résidence principale. À l’article 2, ont été adoptés : – un amendement 139 du Gouvernement excluant les résidences de tourisme du régime d’autorisation préalable au changement d’usage ; – un amendement 58 du groupe SER supprimant l’exigence de compensation équivalente des changements d’usage permanents dans le cadre de quotas d’autorisations temporaires ; – un amendement 17 de M. Bleunven donnant la possibilité aux communes de prévoir une compensation du changement d’usage par une contribution financière auprès d’un organisme financeur du logement social ; – un amendement 148 de Mme Guhl qui renforce les amendes civiles en cas de changement d’usage irrégulier du local ; – un amendement 121 de M. Fouassin de clarification juridique sur la responsabilité des plateformes numériques. Après l’article 2, a été adopté un amendement 2 de Mme Gatel soumettant le changement d’usage à une décision de l’assemblée générale de copropriété prise à la majorité simple.

Lundi 28 octobre 2024, les sénateurs et les députés, réunis en commission mixte paritaire sont parvenus à un accord sur la proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale. Le texte adopté reprend les apports de l’Assemblée nationale concernant la généralisation de l’enregistrement tout en confortant ceux du Sénat sur l’exigences de preuves, notamment de la résidence principale. La CMP a également adopté la possibilité de réviser les règlements de copropriété à la majorité des deux tiers pour interdire la location meublée touristique. Le calendrier d’application des exigences de performance énergétique aux meublés de tourisme a été conservé dans sa version issue du Sénat.


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