Fibre optique : CA d’Aix en Provence, 9 mars 2023, RG 22/07307

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Fibre optique : CA d’Aix en Provence, 9 mars 2023, RG 22/07307
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 09 MARS 2023

lv

N° 2023/ 91

N° RG 22/07307 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJN43

[M] [V] [H]

[D] [P] [H]

S.C.I. SCI GABRIELLE

C/

S.A. ORANGE

SCP DUREUIL GUETCHIDJIAN

Me Vanessa AVERSANO

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Juge de la mise en état d’Aix-en-Provence en date du 28 Avril 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 21/01438.

APPELANTS

Monsieur [M] [V] [H]

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Delphine GUETCHIDJIAN de la SCP DUREUIL GUETCHIDJIAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Laura QUILLIEN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, plaidant

Madame [D] [P] [H]

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Delphine GUETCHIDJIAN de la SCP DUREUIL GUETCHIDJIAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Laura QUILLIEN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, plaidant

S.C.I. SCI GABRIELLE, dont le siège social est [Adresse 3]

représentée par Me Delphine GUETCHIDJIAN de la SCP DUREUIL GUETCHIDJIAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Laura QUILLIEN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, plaidant

INTIMEE

S.A. ORANGE, dont le siège social est [Adresse 2], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice

représentée par Me Vanessa AVERSANO, avocat au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre,

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Monsieur Olivier ABRAM,Vice Président placé

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2023

Signé par Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre, et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige


FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

La SCI Gabrielle et M. [M] [H] et Mme [D] [H] sont propriétaires d’une parcelle bâtie située [Adresse 1] ; selon deux arrêtés en dates des 29 novembre et 17 décembre 2018, la commune d'[Localité 5] a autorisé la société Orange a installé une armoire optique accolée à une armoire préexistante sur le trottoir confrontant l’immeuble. Soutenant être victimes d’un trouble anormal de voisinage en ce qu’ils étaient désormais contraints à de multiples manoeuvres pour stationner leurs deux véhicules à l’intérieur du garage, la SCI Gabrielle et les consorts [H] ont fait assigner la société Orange en suppression desdites armoires et subsidiairement en paiement de dommages-intérêts devant le tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence.

Le 27 mai 2021 la société Orange a saisi le juge de la mise en état de conclusions incidentes en incompétence matérielle au profit de la juridiction administrative, motif pris de la mission de développement de la fibre optique dont elle est investie par l’Etat relevant de la régulation des communications électroniques.

La SCI Gabrielle et les consorts [H] se sont opposés à la demande en objectant que seul le déplacement et non la suppression des armoires litigieuses était demandé, que la société Orange ne bénéficie d’aucune prérogative de puissance publique et que le juge judiciaire demeure compétent pour apprécier l’existence d’un trouble anormal de voisinage.

Retenant notamment l’existence d’une police spéciale des communications électroniques instituée par l’Etat et l’interdiction faite au juge judiciaire de s’immiscer dans son fonctionnement, le juge de la mise en état a :

‘déclaré incompétent le tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence,

‘renvoyé les parties à mieux se pourvoir,

‘débouté les parties de leurs demandes en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘condamné la SCI Gabrielle et les consorts [H] aux dépens.

Moyens


Ils ont régulièrement relevé appel de cette décision le 19 mai 2022 et demandent à la cour selon dernières conclusions signifiées par voie électronique le 16 décembre 2022 de:

‘à titre principal, réformer l’ordonnance déférée et débouter la société Orange de son exception d’incompétence ;

‘subsidiairement, retenir la compétence du tribunal judiciaire du chef des demandes indemnitaires relatives aux préjudices résultant de l’implantation de l’armoire sur le trottoir permettant l’accès au garage de la SCI Gabrielle et de M. Et Mme [H] ;

‘en tout état de cause, condamner la société Orange au paiement d’une indemnité de 3000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ condamner la même aux dépens avec bénéfice de recouvrement direct.

Au soutien de leur appel, la SCI Gabrielle et les consorts [H] font valoir principalement que le réseau de fibre optique n’est en rien concerné par les effets des ondes électromagnétiques ayant conduit le législateur à confier à des autorités spécialement désignées le soin de déterminer les modalités d’implantation des stations radio-électriques sur l’ensemble du territoire ainsi que les mesures de protection du public, que subsidiairement ils ne sollicitent que le déplacement de l’armoire litigieuse, que le juge judiciaire demeure compétent pour indemniser les préjudices en résultan t et que c’est à tort que la société Orange prétend que l’armoire litigieuse est un ouvrage public.

Selon dernières conclusions en réplique signifiées par voie électronique le 21 décembre 2022, la société Orange demande à la cour de :

‘confirmer l’ordonnance déférée et « dire et juger » le tribunal administratif de Marseille matériellement compétent pour connaître des demandes des appelants ;

‘acter de l’abandon par ces derniers de :

*la demande d’évocation devant la cour du fond du litige et donc de la condamnation de la société Orange au paiement des indemnités de 35’000 € et 5000 €,

*la demande de déplacement des armoires litigieuses sous astreinte dans le délai de deux mois;

‘en tout état de cause, débouter « les époux [H] » de leurs demandes ;

‘condamner M. Et Mme [H] et la SCI Gabrielle à payer la somme de 3000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘condamner les mêmes aux dépens.

La société Orange soutient principalement qu’elle est en charge du service universel des télécommunications mission de service public, que l’enlèvement des armoires litigieuses autorisées implique une immixtion du juge judiciaire dans l’exercice de la police spéciale dévolue aux autorités administratives, que les appelants ont saisi le tribunal administratif de Marseille d’une demande similaire fondée sur les mêmes motifs, que les armoires litigieuses ont la qualité d’ouvrage public en ce qu’elles sont incorporées à la voirie et qu’enfin la SCI Gabrielle et les consorts [H] renoncent désormais à l’évocation de l’affaire au fond devant la cour et au déplacement sous astreinte des armoires.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue en cet état de la procédure le 27 décembre 2022.

Motivation

MOTIFS de la DECISION

Sur la procédure :

En lecture de l’article 954 alinéas 1 et 2 du code de procédure civile, les conclusions d’appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, que les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et que la cour ne statue que sur celles qui y sont énoncées.

Les demandes de « constater » ou « dire et juger » ne constituent pas de telles prétentions mais des rappels de moyens qui ne saisissent pas la cour.

Il appartient pas plus à la cour d’« acter » la situation procédurale d’une affaire, nécessairement évolutive au stade de son instruction.

Sur l’exception d’incompétence :

Les parties s’accordent à dire que la réglementation en matière d’installation d’ouvrages émettant des ondes électromagnétiques est inapplicable au présent litige. C’est donc à tort que le juge de la mise en état fonde sa décision sur l’application des articles L 42-1 et L 43 du code des postes et communications relatifs aux fréquences radio-électriques. En revanche le litige concerne le service universel des communications électroniques visé à l’article 35-1 du même code et dont la société Orange a été chargée de la mise en oeuvre par arrêté du 31 octobre 2013 ; il intègre le développement de la fibre optique sur l’ensemble du territoire national. La société Orange plaide donc à bon droit être chargée d’une mission de service public nonobstant son statut d’entreprise privée.

C’est dans ce cadre qu’elle a obtenu de la ville d'[Localité 5] par deux arrêtés successifs l’autorisation d’implanter une armoire dite FTTH sur le domaine public et la réfection de la peinture d’une armoire pré-existante ; ces équipements sont parties intégrante du réseau de fibre optique développé sur la ville et affectés à l’utilité publique et les appelants ont d’ailleurs saisi la juridiction administrative de la régularité de leur implantation. En soumettant un débat identique au juge judiciaire, ils l’obligent à une immixtion prohibée par le principe de séparation des pouvoirs.

Il convient dès lors de confirmer l’ordonnance déférée par substitution de motifs sans qu’il y ait lieu de soumettre les demandes indemnitaires à une juridiction différente, le juge administratif déjà saisi étant un juge de plein contentieux.


Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais non taxables.

En revanche, les appelants qui succombent dans leur recours sont condamnés aux dépens.

Dispositif
PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Confirme la décision déférée ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCI Gabrielle et les consorts [H] aux dépens d’appel.

Le greffier Le président


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