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Selon l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, en cas d’accident dû à la faute inexcusable de l’employeur, la victime a droit à une indemnisation complémentaire. L’employeur a une obligation légale de sécurité envers ses employés, notamment en cas d’accidents du travail.
M. [D] travaillait comme agent de production. L’accident s’est produit lorsqu’il manipulait un transpalette chargé de sacs de poudre. Les circonstances de l’accident ont été sujettes à différentes versions.
Des photographies des lieux de l’accident ont été présentées, montrant la configuration des lieux. Des recommandations de l’inspection du travail concernant les moyens de levage des charges avaient été faites à l’entreprise avant l’accident.
La cour a conclu que l’employeur n’avait pas conscience d’un danger particulier auquel il aurait exposé M. [D] sans prendre les mesures nécessaires pour le protéger. Par conséquent, l’absence de faute inexcusable a été retenue en lien avec l’accident. Le jugement a été confirmé et M. [D] a été condamné aux dépens. La Société [5] a été laissée responsable de ses frais irrépétibles d’appel.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
C3
N° RG 20/03030
N° Portalis DBVM-V-B7E-KSAQ
N° Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE – PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU MARDI 29 NOVEMBRE 2022
Appel d’une décision (N° RG 17/00757)
rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de GRENOBLE
en date du 03 septembre 2020
suivant déclaration d’appel du 02 octobre 2020
APPELANT :
Monsieur [H] [D]
né le 23 novembre 1965 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Flavien JORQUERA de la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Séverine GONTHIER, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEES :
La CPAM DE L’ISERE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 2]
comparante en la personne de Mme [R] [F], régulièrement munie d’un pouvoir
SA [5], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 8]
[Localité 3]
représentée par Me Christophe LACHAT de la SCP LACHAT MOURONVALLE, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Sylvie FERRES, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,
Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier, en présence de Mme Rima AL TAJAR, Greffier stagiaire
DÉBATS :
A l’audience publique du 06 octobre 2022,
M. Jean-Pierre DELAVENAY chargé du rapport, Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller et M. Pascal VERGUCHT, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs observations,
Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 4 mai 2015, M. [H] [D], employé en qualité d’agent de production au sein de la société [5] (ci-après dénommée société [5]), a déclaré avoir été victime d’un accident au cours de la période d’exécution de son préavis faisant suite à son licenciement du 23 mars 2015 dont la cause réelle et sérieuse a été confirmée par arrêt de la chambre sociale de la cour d’appel de Grenoble le 8 novembre 2018.
Il ressort du courrier de réserves joint à la déclaration d’accident du travail que la victime s’est blessée au dos en manipulant un transpalette et en déversant des sacs de 25 kg dans un mélangeur.
Cet accident a été pris en charge au titre de la législation professionnelle, le 4 août 2015, par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de l’Isère.
Après avoir présenté le 14 avril 2017 devant la caisse primaire d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur à l’origine de son accident du travail, M. [D] a saisi aux mêmes fins le tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble le 17 juillet 2017.
L’état de santé de l’assuré a été déclaré consolidé sans séquelles indemnisables au 2 juin 2018.
Par jugement du 3 septembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble a :
– dit que l’accident dont a été victime M. [D] le 4 mai 2015 n’est pas dû à la faute inexcusable de son employeur,
– débouté M. [D] de l’intégralité de ses demandes,
– condamné M. [D] à payer à la société [5] la somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [D] aux dépens nés postérieurement au 1er janvier 2019.
Le 2 octobre 2020, M. [D] a interjeté appel de cette décision.
Les débats ont eu lieu à l’audience du 6 octobre 2022 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 29 novembre 2022.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Selon ses conclusions transmises par voie électronique le 3 juin 2022, déposées le 23 septembre 2022 et reprises oralement à l’audience, M. [H] [D] demande à la Cour de :
– juger tant recevable que fondé son appel,
– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– dit que l’accident dont il a été victime le 4 mai 2015 n’est pas dû à la faute inexcusable de son employeur,
– l’a débouté de l’intégralité de ses demandes,
– l’a condamné à payer à la société [5] la somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– l’a condamné aux dépens nés postérieurement au 1er janvier 2019,
Statuant à nouveau,
– juger que l’accident du travail survenu le 4 mai 2015 dont il a été victime est dû à la faute inexcusable de la société [5],
– juger que la rente ou le capital qui lui seraient octroyés seront majorés au taux maximum fixé par les dispositions du code de la sécurité sociale,
– désigner tel expert judiciaire qu’il plaira aux fins de l’examiner et de chiffrer les préjudices physiques, moraux, d’agrément, esthétiques et du préjudice résultant de la diminution de ses possibilités professionnelles,
– condamner la société [5] à lui verser, à titre provisionnel, sur les dommages et intérêts à venir la somme de 5 000 euros,
– condamner la société [5] à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à tous les dépens.
M. [D] soutient que la société [5] avait conscience ou à tout le moins, aurait dû avoir conscience, du danger encouru sur son poste de travail lié à la poussée des charges puisqu’elle en a été alertée tant par lui-même que par l’inspection du travail.
Il affirme qu’il n’existait dans l’entreprise aucun matériel permettant la préhension des charges lourdes alors que les salariés étaient amenés à transporter des charges de 25 kg voire 50 kg.
Il prétend que, si l’employeur a mis à disposition deux transpalettes à levée électrique, leur manipulation était quant à elle manuelle de sorte qu’il était contraint de pousser à la force des bras ces palettes -pesant une tonne en moyenne- pour les déplacer.
Selon ses conclusions transmises par voie électronique le 30 août 2022 et reprises oralement à l’audience, la société [5] demande à la Cour de :
– confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,
– condamner M. [D] à lui payer 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [D] aux entiers dépens de l’appel.
La société [5] soutient que les conditions de la faute inexcusable ne sont pas remplies.
Elle fait valoir que les consignes de sécurité sont rappelées à tous les postes de travail et qu’elle a pris les mesures nécessaires pour préserver la santé des salariés.
Sur la conformité des conditions de travail elle explique que le poste occupé par M. [D] implique la manipulation des transpalettes et que, pour soulager les salariés et éviter les manutentions, elle travaille au maximum avec des chariots élévateurs, des systèmes de palans et que les salariés disposent de transpalettes à levage électrique.
Elle ajoute que si les salariés manipulent des charges à bout de bras, elles sont inférieures à 55 kg (25 kg en l’occurrence).
Enfin elle indique qu’étant certifiée ISO 1990/2015 depuis 1998, cela confirme qu’elle travaille de façon très réglementée et selon des normes établies.
Selon ses conclusions parvenues au greffe le 30 septembre 2022 et reprises oralement à l’audience, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Isère s’en rapporte à justice sur l’existence d’une faute inexcusable et au cas où elle serait retenue, sollicite condamnation de l’employeur à lui rembourser les sommes dont elle aura fait l’avance, ainsi que les frais d’expertise, outre intérêts à compter de leur versement.
Pour le surplus de l’exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Selon l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.
L’employeur est tenu envers son assuré d’une obligation légale de sécurité et de protection de la santé, notamment en ce qui concerne les accidents du travail et maladies professionnelles ; le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
M. [D] exerçait au sein de l’intimée des fonctions d’agent de production.
La déclaration d’accident du travail effectuée avec réserves par la Société [5] quant à la version des faits du salarié qu’il a modifiée à plusieurs reprises indique : ‘M. [D] se trouvait sur la plate-forme de chargement des poudres. Il a réceptionné en haut du monte-charge les sacs de poudre destinés à être versés dans le mélangeur de poudres ces derniers étant positionnés sur un transpalette électrique. L’accident s’est produit lors de la manipulation du transpalette à levée électrique où le claquement dans le dos a été ressenti, puis lors du déversement des sacs de poudre dans le mélangeur, moment où le dos s’est bloqué’.
Lors de l’enquête, M. [D] a déclaré qu’il lui avait été demandé d’aider au poste des poudres où il devait sortir la palette de sacs de poudres de l’ascenseur avec un transpalette puis tirer ou pousser manuellement ce transpalette chargé de près d’une tonne à la force des bras vers le mélangeur ; qu’il a senti son dos claquer après s’être relevé en poussant avec le transpalette une tonne de produit ; que le mélangeur étant situé plus haut que le précédent, une marche a été installée devant, l’obligeant à se baisser pour se saisir des sacs à déverser d’un poids unitaire d’environ 25 kilos ; qu’il est resté bloqué après avoir chargé le mélangeur.
La fréquence quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle de cette opération n’a pas été précisée par les parties et M. [D] n’a pas justifié d’un avertissement préalable de l’employeur sur cette situation de travail.
L’appelant a versé aux débats des photographies des lieux assez peu représentatives, à part sa pièce n° 28 qui confirme pour la configuration des lieux de l’accident la photographie n° 12 produite par la Société [5] qui représente un opérateur posté sur une petite estrade occupé à disposer des sacs de poudre sur la grille horizontale d’un mélangeur, avec immédiatement derrière lui un transpalette chargé de ces sacs en léger contrebas.
La hauteur réglable du chargement qu’autorise le transpalette permet ainsi que les sacs soient exactement à la hauteur où ils doivent être déposés pour être percés et vidés au travers de la grille, sans que l’opérateur n’ait particulièrement à se baisser pour s’en saisir.
Antérieurement à l’accident du 4 mai 2015, la Société [5] avait fait l’objet d’une visite et d’une contre-visite de l’inspection du travail des 30 septembre et 30 octobre 2014 à l’issue desquelles, s’agissant des traumatismes musculo-squelettiques (TMS), il avait été recommandé à l’entreprise de mettre à disposition de ses travailleurs les moyens mécaniques leur permettant de soulever les charges (palans, potences..), de former les salariés à leur utilisation et d’établir des fiches de poste.
Dans sa réponse du 30 janvier 2015 à l’inspection du travail, l’intimé indique s’agissant des mélangeurs avoir mis en place un système de chargement par gravité, réduisant de moitié la manutention et le port de charges pour les salariés.
L’inspection du travail s’est rendue sur les lieux une troisième fois le 30 avril 2015 et a confirmé par courrier du 19 mai 2015 à la Société [5] ne plus avoir d’observation particulière dans l’immédiat à formuler sur le plan hygiène et sécurité.
Cette absence de remarques pour l’avenir est donc en contradiction avec l’allégation de M. [D] selon laquelle il devait tirer ou pousser la tonne de poudre placée sur un chariot élévateur manuellement à l’aide des bras lorsqu’il a ressenti sa première douleur au dos.
Elle l’est aussi avec la notice d’utilisation de ce type de transpalette manuel à opérateur accompagnant, prévu pour l’élévation et le transport de marchandises sur sol plan et pourvu d’un timon de manoeuvre permettant de le faire avancer, reculer ou pivoter de 90 degrés.
Ainsi le paragraphe 4-2 de la notice est relatif au déplacement, à la conduite et au freinage, tandis que le paragraphe 5 rappelle les vérifications à faire si le véhicule ne se déplace pas (interrupteur, charge batterie, fusibles).
Il n’est donc pas démontré par M. [D] qu’il aurait dû tirer un chargement d’une tonne à la force des bras.
Pour le surplus, la situation de travail dans laquelle est survenu l’accident impliquait la manutention manuelle de sacs dans une position correcte au plan ergonomique d’après les photographies et qui n’a pas suscité de la part de l’inspection du travail une recommandation de mise en place de moyens de levage spécifiques pour des charges nettement inférieures aux 55 kilos de charge maximale visés à l’article R. 4541-9 du code du travail, lorsque le recours à la manutention manuelle est inévitable.
Enfin dans sa déclaration à l’enquêteur de la caisse primaire d’assurance maladie, M. [D] indique lui même qu’il existait dans un coin de l’atelier une machine pour soulever les sacs qui aurait été en panne depuis trois ans, ce qui n’a pas été constaté lors des trois visites de l’inspection du travail dont la dernière du 30 avril, quelques jours seulement avant l’accident du 4 mai 2015.
En conséquence, la cour retient, pour les motifs qui précèdent, que l’employeur n’a pu avoir conscience d’un danger particulier auquel il aurait exposé M. [D] sans prendre les mesures pour l’en préserver et, partant, l’absence de faute inexcusable en relation de causalité avec l’accident.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé.
M. [D] succombant supportera les dépens.
Il ne parait pas inéquitable de laisser à la Société [5] la charge de ses frais irrépétibles d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement RG n° 17/00757 rendu le 3 septembre 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble.
Y ajoutant,
Condamne M. [H] [D] aux dépens d’appel.
Déboute la Société [5] de sa demande par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président