→ Résumé de l’affaireMonsieur [O] [Z] a travaillé dans les mines de [Localité 14] et de [Localité 15] pendant de nombreuses années en tant qu’apprenti, ouvrier, électricien et électromécanicien. En 2012, il a déclaré une maladie professionnelle liée à des carcinomes urothéliaux. Après un long processus administratif, la caisse a reconnu sa maladie au titre du tableau 16 bis des maladies professionnelles. Suite à son décès en 2022, ses ayants-droits ont repris l’instance et demandé la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, ainsi que des indemnisations pour les préjudices subis. La cour a ordonné une expertise pour déterminer le lien entre la maladie et l’exposition professionnelle, et l’affaire est en attente de jugement. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
SS
DU 07 AOUT 2024
N° RG 23/00001 – N° Portalis DBVR-V-B7H-FDHE
Tribunal de Grande Instance de VAL DE BRIEY
18/0034
19 novembre 2019
COUR D’APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE
SECTION 1
APPELANTES :
Madame [F] [Y] veuve [Z]
[Adresse 3]
[Localité 14]
Représentée par Me Frédéric QUINQUIS de la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES substitué par Me Romain FINOT, avocats au barreau de PARIS
Madame [D] [Z] (fille de M. [O] [Z])
[Adresse 5]
[Localité 8]
Représenté par Me Frédéric QUINQUIS de la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES substitué par Me Romain FINOT, avocats au barreau de PARIS
Madame [C] [Z] (fille de M. [O] [T])
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Me Frédéric QUINQUIS de la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES substitué par Me Romain FINOT, avocats au barreau de PARIS
Madame [P] [W] (pettie fille de M. [O] [T])
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentée par Me Frédéric QUINQUIS de la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES substitué par Me Romain FINOT, avocats au barreau de PARIS
Madame [K] [W] (pettie fille de M. [O] [Z])
[Adresse 4]
[Localité 9]
Représentée par Me Frédéric QUINQUIS de la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES substitué par Me Romain FINOT, avocats au barreau de PARIS
INTIMÉES :
Organisme CAISSE D’ASSURANCE MALADIE DES MINES prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
[Adresse 20]
[Localité 11]
Représentée par Madame [R] [G], régulièrement munie d’un pouvoir de représentation
SA [13] venant aux droits de la société
[19] elle-même venant aux droits des sociétés des mines de [Localité 14] et de [Localité 15]
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 12]
Représentée par Me François MAUUARY de la SELARL TELLUS AVOCATS substitué par Me SALQUE, avocats au barreau de METZ
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats, sans opposition des parties
Président : Mme BUCHSER-MARTIN
Siégeant en conseiller rapporteur
Greffier : Madame PAPEGAY (lors des débats)
Lors du délibéré,
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue en audience publique du 29 Mai 2024 tenue par Mme BUCHSER-MARTIN, magistrat chargé d’instruire l’affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Guerric HENON, président, Dominique BRUNEAU et Catherine BUCHSER-MARTIN, conseillers, dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 02 Juillet 2024 ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 07 Août 2024 ;
Le 07 Août 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
Monsieur [O] [Z] a travaillé dans les mines de [Localité 14] et de [Localité 15] du 2 octobre 1953 au 31 mars 1986 en qualité de :
– apprenti jour/fond du 2 octobre 1953 au 30 septembre 1957
– ouvrier fond du 1er octobre 1957 au 31 octobre 1958 et du 1er mars 1961 au 31 octobre 1967
– électricien fond du 1er novembre 1967 au 31 mars 1986
– puis en qualité d’électromécanicien au sein de la société [18] du 1er octobre 1988 au 30 septembre 1995.
Le 19 octobre 2012, il a adressé à la caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les Mines (CANSSM) une déclaration de maladie professionnelle accompagnée d’un certificat médical du 18 avril 2013 établi par le docteur [J] mentionnant des carcinomes urothéliaux.
La caisse a instruit le dossier au titre du tableau 15 ter des maladies professionnelles et a saisi le 23 juin 2014 le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).
Par avis du 25 février 2015, le CRRMP de Nancy Nord Est a conclu à une exposition certaine aux hydrocarbures aromatiques polycycliques et probablement à des dérivés de brais de houille de telle sorte qu’il n’y a pas de lien direct entre la maladie présentée et le travail effectué au titre du tableau 15ter mais qu’un lien direct apparaît probable pour le tableau 16 bis.
Par décision du 27 mars 2015, la CANSSM a notifié à monsieur [O] [Z] un rejet de sa demande au titre du tableau 15 ter et l’invitait à présenter son dossier au titre du tableau 16 bis.
Le 31 mars 2015, monsieur [O] [Z] a déposé une nouvelle déclaration de maladie professionnelle au titre d’un cancer de la vessie.
La caisse a instruit le dossier au titre du tableau 16 bis des maladies professionnelles.
Par décision du 15 juin 2015, cette maladie a été prise en charge par la caisse au titre de la législation professionnelle.
Par courrier du 1er décembre 2015, la caisse a fait savoir à monsieur [O] [Z] qu’elle fixait la date de consolidation de son état de santé au 19 avril 2013.
Par courrier du 1er mars 2016, la caisse lui a attribué un taux d’incapacité permanente partielle de 80 % avec versement d’une rente à compter du 20 avril 2013.
Par courrier du 21 septembre 2016, monsieur [O] [Z] a sollicité de la caisse la mise en ‘uvre de la procédure de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, la société [19] venant aux droits des sociétés [16] et [17].
Monsieur [O] [Z] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Briey, alors compétent, d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.
Au 1er janvier 2019, l’affaire a été transférée en l’état au pôle social du tribunal de grande instance de Val de Briey.
Par jugement RG 18/34 du 19 novembre 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Val-de-Briey a :
– débouté monsieur [Z] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la société [13],
– débouté monsieur [Z] de sa demande d’indemnisation,
– débouté monsieur [Z] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
– laissé les dépens à la charge de l’assurance maladie des Mines.
Par acte du 13 décembre 2019, monsieur [O] [Z] a interjeté appel à l’encontre de ce jugement.
Par arrêt du 6 avril 2021, la cour de céans a :
– réformé le jugement du pôle social du tribunal de grande instance de Val de Briey du 19 novembre 2019
Statuant de nouveau,
Avant dire droit,
– désigné le CRRMP de la région Bourgogne Franche-Comté sis [Adresse 7] afin de déterminer si la pathologie déclarée par M. [O] [Z] à savoir un cancer de la vessie sur la base d’un certificat médical établi le 18 avril 2013 par le Docteur [J] faisant état de carcinomes urothéliaux, pathologie inscrite au tableau n°16 bis des maladies professionnelles, a directement été causée par le travail habituel de l’assuré
– invité la CANSSM à transmettre au CRRMP le dossier de M. [O] [Z] conformément aux dispositions de l’article D. 461-29 du code de la sécurité sociale
– rappelé au CRRMP de Bourgogne Franche-Comté qu’il dispose, conformément à l’article D.461-35 du même code, d’un délai de quatre mois pour adresser son avis motivé au greffe de la chambre sociale
– dit que le greffier de la chambre devra transmettre au plus tard dans les quarante-huit heures suivant la réception, copie dudit avis aux parties et à leurs représentants
– désigné le président de la chambre sociale, pour contrôler l’exécution de la mesure ordonnée
– dit que l’affaire sera rappelée à l’audience du mercredi 6 octobre 2021 à 13h30 par le greffe, chaque partie devant conclure dans le délai imparti par le courrier accompagnant l’expédition de l’avis motivé du CRRMP
– réservé les frais et dépens.
Monsieur [O] [Z] est décédé le 16 juillet 2022.
A l’audience du 4 octobre 2021, l’affaire a été renvoyée au 29 juin 2022 dans l’attente de l’avis du CRRMP et suite au décès de monsieur [O] [Z].
Par ordonnance du 29 juin 2022, l’affaire a été radiée, la cour restant dans l’attente de l’avis du CRRMP, de l’acte de décès de monsieur [O] [Z] et d’une éventuelle reprise d’instance par ses ayants-droits.
Par courrier du 29 décembre 2022, les ayants droits de monsieur [O] [Z], madame [F] [Y] veuve [Z], madame [D] [Z] épouse [W], madame [C] [Z], ses enfants, madame [P] [W] et madame [K] [W], ses petits-enfants, ont repris l’instance.
L’affaire a été appelée à l’audience du 17 mai 2023 et successivement renvoyée aux 20 septembre 2023, 22 novembre 2023 et 21 février 2024.
Par avis du 20 décembre 2023, le CRRMP région Bourgogne Franche Comté a retenu un lien direct entre l’affection présentée et l’exposition professionnelle.
PRETENTIONS DES PARTIES
Les consorts [Z], représentés par leur avocat, ont repris leurs conclusions reçues au greffe le 16 février 2024 et ont sollicité ce qui suit :
– infirmer le jugement rendu le 19 novembre 2019 par le tribunal de grande instance de Briey en toutes ses dispositions
En conséquence,
– déclarer recevable et bien fondé le recours des consorts [Z]
– rejeter toutes les exceptions et fins de non-recevoir invoquées par la société défenderesse et l’assurance maladie des mines
– juger que la maladie professionnelle dont était atteint monsieur [O] [Z] est due à une faute inexcusable de son ancien employeur, la société [13] venant aux droits de la société [19] pour ses mines de [Localité 14] et [Localité 15]
En conséquence,
– fixer au maximum la majoration des indemnités ante mortem de monsieur [Z] dont il aurait dû bénéficier avant son décès du 20 avril 2013 (point de départ de la rente fixé par la CPAM) jusqu’au 16 juillet 2021 (date du décès), au bénéfice de l’action successorale,
– fixer, au bénéfice de l’action successorale, la réparation des préjudices personnels de monsieur [O] [Z] comme suit :
Préjudice causé par les souffrances physiques : 60.000 euros
Préjudice causé par les souffrances morales : 80.000 euros
Préjudice d’agrément : 30.000 euros
Préjudice esthétique : 10.000 euros
Préjudice sexuel : 10.000 euros
Déficit fonctionnel temporaire : 63 693,75 euros
Et, y ajoutant,
– fixer au maximum le montant de la majoration de la rente du conjoint survivant
– allouer aux ayants droit de monsieur [Z] l’indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation à laquelle monsieur [O] [Z] aurait pu prétendre avant son décès conformément aux dispositions de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale
A titre subsidiaire,
– ordonner une expertise judiciaire avec mission de fixer le taux d’incapacité dont était atteint monsieur [Z] à l’instant de sa mort, préciser que cette expertise sera réalisée sur pièces et que le coût en sera supporté par l’assurance maladie des mines
– fixer, au titre de l’action successorale, les dommages et intérêts alloués aux ayants droit de monsieur [O] [Z] comme suit :
. tierce personne temporaire : 105 600 euros
. déficit fonctionnel permanent : 120 351,85 euros
– fixer comme suit les chefs de préjudices moraux des consorts [Z] :
. 80 000,00 euros au bénéfice de madame [F] [Z], veuve de monsieur [O] [Z]
. 45 000 euros au bénéfice de madame [D] [Z], fille de monsieur [O] [Z]
. 45 000 euros au bénéfice de madame [C] [Z], fille de monsieur [O] [Z]
. 10 000 euros au bénéfice de mademoiselle [P] [W], petite fille de monsieur [O] [Z]
. 10 000 euros au bénéfice de mademoiselle [K] [W], petite fille de monsieur [O] [Z]
En tout état de cause,
– juger qu’en vertu de l’article 1153-1 du code civil l’ensemble des sommes dues portera intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir
– condamner en cause d’appel la société [13] au paiement d’une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La SA [13], représentée par son avocat, a repris ses conclusions reçues au greffe le 29 avril 2024 et a sollicité ce qui suit :
A titre principal,
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le pôle social du tribunal de grande instance du Val-de-Briey le 19 novembre 2019
Par conséquent,
– confirmer que la maladie de monsieur [Z] ne résulte pas d’une faute inexcusable d'[13] venant aux droits et obligations de la société [19],
– débouter les appelants de toutes leurs demandes
– débouter la CPAM de toutes ses demandes
– annuler l’avis du CRRMP du 20 décembre 2023
A titre subsidiaire,
– débouter les consorts [Z] de toutes leurs demandes formulées au titre des préjudices avant consolidation et au titre des préjudices d’agrément, esthétique et sexuel post consolidation,
– ramener les demandes d’indemnisation des consorts [Z] au titre des préjudices postérieurs à la consolidation à de plus justes proportions,
– désigner un autre CRRMP, avec pour mission de répondre de façon motivée aux questions posées par l’arrêt de la cour d’appel de Nancy du 6 avril 2021.
La caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les Mines, dument représentée, a repris ses conclusions reçues au greffe le 19 octobre 2020 et a sollicité ce qui suit :
– lui donner acte qu’elle s’en remet à la sagesse de la cour en ce qui concerne la faute inexcusable reprochée à la société [13] venant aux droits de la [19],
Le cas échéant,
– lui donner acte qu’elle s’en remet à la cour en ce qui concerne la fixation du montant de la majoration de rente réclamée par M. [O] [Z],
– prendre acte qu’elle ne s’oppose pas à ce que la majoration de rente suive l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de M. [O] [Z],
– constater qu’elle ne s’oppose pas à ce que le principe de la majoration de rente reste acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant, en cas de décès de M. [O] [Z] consécutivement à sa maladie professionnelle,
– lui donner acte qu’elle s’en remet à la cour en ce qui concerne la mise à charge de l’avance de l’indemnisation complémentaire relative au préjudice sexuel et au déficit fonctionnel temporaire,
– lui donner acte qu’elle s’en remet à la cour en ce qui concerne la fixation des préjudices extrapatrimoniaux réclamés par M. [O] [Z],
– rejeter toute demande éventuelle d’inscription au compte spécial des dépenses concernant la majoration de la rente,
– condamner la société [13] venant aux droits de [19] à lui rembourser les sommes qu’elle peut être amenée à verser à M. [O] [Z] au titre de la majoration de la rente et des préjudices extrapatrimoniaux ainsi que des intérêts légaux subséquents, en application des dispositions de l’article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale,
– déclarer irrecevable toute demande d’inopposabilité à l’employeur de la décision de prise en charge du 15 juin 2015,
– en tout état de cause, dire et juger l’inopposabilité de la décision de prise en charge ne ferait pas obstacle à son action récursoire en vertu de l’article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale en vigueur depuis le 1er janvier 2013.
Elle a ajouté à l’audience s’opposer à l’allocation de l’indemnité forfaitaire sollicitée.
Pour l’exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, reprises oralement à l’audience.
L’affaire a été mise en délibéré au 2 juillet 2024, prorogé au 7 août 2024, par mise à disposition au greffe par application des dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
Sur la faute inexcusable
Il résulte des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver (civ.2e, 8 octobre 2020, pourvoi n° 18-25.021 ; civ.2e, 8 octobre 2020, pourvoi n° 18-26.677).
Il appartient au salarié de rapporter la preuve que l’employeur avait conscience du danger auquel il était exposé et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver (civ.2e 8 juillet 2004, pourvoi no 02-30.984; civ.2e 22 mars 2005, pourvoi no 03-20.044).
Par ailleurs, il est de principe que les rapports entre la caisse de sécurité sociale et l’assuré, d’une part, et les rapports entre la caisse de sécurité sociale et l’employeur, d’autre part sont indépendants entre eux, et il résulte des articles L. 452-1 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale que, pour engager la responsabilité de l’employeur, la faute inexcusable doit être la cause nécessaire de la maladie professionnelle dont est atteint le salarié (Civ. 2e 4 avril 2013 n°12-13.600).
Dès lors, l’employeur peut soutenir, en défense à l’action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par la victime ou ses ayants droit, que la maladie n’a pas d’origine professionnelle (civ.2e 5 novembre 2015 pourvoi n° 13-28.373 P, civ.2e 8 novembre 2018 pourvoi n° 17-25.843).
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En l’espèce, les consorts [Z] font valoir que monsieur [O] [Z] a été exposé aux hydrocarbures aromatiques polycycliques pendant de nombreuses années à l’occasion de ses activités de maintenance sur les engins et pièces détachées au fond de la mine. Ils ajoutent qu’il était contraint de manipuler des huiles dérivées du pétrole, des huiles minérales, des huiles usagées et a été soumis à des brouillards d’huile lors de casse de flexible ou lorsque l’huile sous pression s’échappait des moteurs. Ils précisent que l’environnement était confiné et produisent des attestations de témoin relatives à ses conditions de travail.
La SA [13] fait valoir que l’avis du CRRMP du 20 décembre 2023 n’est pas motivé et ne précise pas le raisonnement qui le conduit à l’affirmation d’une exposition à des hydrocarbures aromatiques polycycliques et à des huiles dérivées de la houille pendant une partie de sa carrière. Elle sollicite l’annulation de cet avis et la saisine d’un nouveau CRRMP.
Elle fait également valoir que monsieur [Z] n’a effectué aucun des travaux relevant du tableau 16bis C des maladies professionnelles, dont la liste est limitative.
L’assurance maladie des mines s’en remet.
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Il n’est pas contesté que monsieur [Z] était atteint de la maladie visée au tableau 16 bis C des maladies professionnelles, à savoir une tumeur primitive de l’épithélium urinaire (vessie, voies excrétrices supérieures) confirmée par examen histopathologique ou cytopathologique.
Pour bénéficier de la présomption de caractère professionnel de la maladie, les consorts [Z] doivent apporter la preuve qu’il était exposé aux goudrons de houille, huiles de houille, brais de houille et suies de combustion du charbon pendant au moins 10 ans, et qu’il a effectué les travaux figurant dans la liste limitative du tableau, à savoir :
– Travaux en cokerie de personnels directement affectés à la marche ou à l’entretien des fours exposant habituellement aux produits précités.
– Travaux de fabrication de l’aluminium dans les ateliers d’électrolyse selon le procédé à anode continue (procédé Söderberg), impliquant l’emploi et la manipulation habituels des produits précités.
– Travaux de ramonage et d’entretien de chaudières et foyers à charbon et de leurs cheminées ou conduits d’évacuation ou à la récupération et au traitement des goudrons, exposant habituellement aux suies de combustion de charbon
– Travaux au poste de vannier avant 1985 comportant l’exposition habituelle à des bitumes goudrons lors de l’application de revêtements routiers.
Le délai de prise en charge étant de trente ans.
Les consorts [Z] ne prétendent pas que monsieur [O] [Z] aurait effectué les travaux du tableau 16 bis C et l’assurance maladie des mines a néanmoins pris en charge la maladie au titre de la législation sur les risques professionnels aux termes d’un colloque médico-administratif incomplet et sans saisine de CRRMP.
Par ailleurs, le CRRMP de Bourgogne Franche-Comté, saisi par la cour de céans, a émis, le 20 décembre 2023, un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie. Dans son avis, le CRRMP indique qu’il a pris connaissance de la demande de reconnaissance présentée par la victime, du certificat établi par le médecin traitant, du rapport de l’employeur, de l’enquête réalisée par l’organisme gestionnaire et du rapport du contrôle médical de l’organisme gestionnaire. Il indique également que le salarié était « mineur de fer », et il motive son avis comme suit : « après avoir étudié les pièces du dossier communiqué, le CRRMP constate que la réalité d’une exposition à des HAP et à des huiles dérivées de la houille pendant une partie de la carrière. Pour toutes ces raisons, il y a lieu de retenir un lien direct entre l’affection présentée et l’exposition professionnelle ».
Si le CRRMP n’est pas tenu, dans son avis, de démontrer le respect des conditions du tableau, puisqu’il est précisément saisi du fait du non-respect de ces conditions, et s’il n’est dès lors pas nécessaire de préciser la durée d’exposition au risque, il lui appartient cependant d’exposer les éléments qui lui permettent d’établir un lien médical entre la pathologie du salarié et l’exposition à un risque professionnel dans le cadre du tableau considéré, à savoir les affections cancéreuses provoquées par les goudrons de houille, les huiles de houille, les brais de houille et les suies de combustion du charbon.
Force est cependant de constater que le CRRMP motive son avis de manière très laconique, se contentant d’affirmer une exposition à des HAP (non visés par le tableau 16 bis) et à des huiles dérivées de la houille (sans préciser lesquelles), tout en indiquant que monsieur [Z] était « mineur de fer » alors que depuis 1967, il était électricien au fond et non ouvrier au fond.
Bien plus, dans le « questionnaire assuré » qui lui avait été soumis par la caisse, monsieur [Z] faisait état de l’inhalation de la vapeur de trichloréthylène, de la respiration de la poussière de moteurs électriques, des engins et machines d’exploitation et de la respiration des fumées de tir de mine. Au titre des produits ou substances avec lesquelles il a été directement en contact, il n’a à aucun moment évoqué des huiles dérivées de la houille.
Dès lors, les attestations produites par les consorts [Z], émanant de collègues de travail de monsieur [Z] qui évoquent l’utilisation d’huiles dérivées du pétrole, d’huiles minérales et d’huiles usagées, ne sont pas de nature à contredire les propres affirmations de monsieur [O] [Z].
Au vu de ce qui précède, l’exposition de monsieur [Z] à des produits visés au tableau 16 bis n’est pas avérée, et les consorts [Z] seront déboutés de leurs demandes.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les consorts [Z] succombant, ils seront condamnés aux dépens de la présente instance et déboutés de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
DEBOUTE les consorts [Z] de l’intégralité de leurs demandes,
CONDAMNE les consorts [Z] aux entiers dépens d’appel.
Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Guerric HENON, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE
Minute en dix pages