Seule la faute de gestion tirée de l’absence volontaire de collaboration avec les organes de la procédure collective faisant obstacle à son bon déroulement constitue un cas permettant au tribunal de prononcer une mesure de faillite personnelle.
En application de l’article L. 653-5 du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l’article L. 653-1 contre laquelle a été relevé l’un des faits ci-après : – 1° Avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d’administration d’une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi ; – 2° Avoir, dans l’intention d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d’une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ; – 3° Avoir souscrit, pour le compte d’autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l’entreprise ou de la personne morale ; – 4° Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ; – 5° Avoir, en s’abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ; – 6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ; – 7° Avoir déclaré sciemment, au nom d’un créancier, une créance supposée. Nos Conseils : 1. Attention à l’absence de dépôt des comptes annuels au registre du commerce et des sociétés, cela peut constituer une faute de gestion contribuant à l’insuffisance d’actif de la société. 2. Il est recommandé de respecter les obligations fiscales de l’entreprise, notamment en effectuant les déclarations dans les délais requis, pour éviter des pénalités et contribuer à la santé financière de la société. 3. Veillez à coopérer avec les organes de la procédure collective et à répondre aux convocations du mandataire liquidateur, du juge commissaire ou du tribunal, pour éviter toute mesure de faillite personnelle. |
Sommaire → Résumé de l’affaireL’affaire concerne la liquidation judiciaire de la société Metzoptic, dirigée par M. [Y] [J], et la responsabilité de ce dernier pour insuffisance d’actif. Le tribunal de grande instance de Metz a condamné M. [Y] [J] à payer 50 000 euros à la société [K] et Nardi, mandataire liquidateur, et lui a interdit de gérer pour cinq ans. En appel, la cour d’appel de Metz a confirmé la condamnation mais a remplacé l’interdiction de faillite personnelle par une interdiction de gérer. La Cour de cassation a annulé cette décision et renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Nancy. Les parties ont formulé des demandes contradictoires, avec M. [Y] [J] demandant l’annulation de la condamnation et la société [K] et Nardi réclamant le paiement de 475 785 euros et une interdiction de gérer de quinze ans. Le ministère public a également requis une mesure de faillite personnelle contre M. [Y] [J].
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→ Les points essentielsResponsabilité pour insuffisance d’actifLa responsabilité pour insuffisance d’actif d’une personne morale en liquidation judiciaire peut être engagée en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif. Dans cette affaire, la société Metzoptic a été déclarée en liquidation judiciaire, et le gérant, M. [Y] [J], a été accusé de plusieurs fautes de gestion, notamment l’absence de dépôt des comptes annuels et le non-paiement régulier des créances fiscales. Seule la faute de gestion liée au non-paiement des créances fiscales a été retenue, et M. [Y] [J] a été condamné à payer une somme à la société mandataire liquidateur. Faillite personnelleLa faillite personnelle peut être prononcée contre une personne ayant commis certains actes répréhensibles, tels que l’absence de collaboration avec les organes de la procédure collective. Dans ce cas, la faute de gestion retenue contre M. [Y] [J] était liée à son manque de coopération avec les organes de la procédure. Cependant, aucune preuve n’a été apportée pour étayer cette accusation, et la faillite personnelle a été annulée. Mesures accessoiresM. [Y] [J] a été condamné aux frais et dépens de l’appel, mais les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ont été rejetées pour lui et la société mandataire liquidateur. Les montants alloués dans cette affaire:
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→ Réglementation applicable– Code de commerce :
– Article L. 651-2 : Responsabilité pour insuffisance d’actif – Code de procédure civile : – Article 700 : Frais et dépens de l’appel |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Amandine THIRY
– Me Michèle SCHAEFER |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D’APPEL DE NANCY
CINQUIEME CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT N° /24 DU 27 MARS 2024
RENVOI APRES CASSATION
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 23/00439 – N° Portalis DBVR-V-B7H-FEF2
Décision déférée à la Cour :
Déclaration de saisine de Me Amandine THIRY avocat au barreau de Nancy suite à l’arrêt rendu par la chambre commerciale financière et économique de la Cour de cassation prononcé le 14 décembre qui a cassé partiellement l’arrêt dela chambre commerciale de la Cour d’appel Metz du 24 juin 2021 et qui a désigné la cour d’appel de Nancy comme cour de renvoi ;
DEMANDEUR A LA REPRISE D’INSTANCE
Monsieur [Y] [J]
né le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Amandine THIRY de l’AARPI MILLOT-LOGIER, FONTAINE & THIRY, avocat au barreau de NANCY
DEFENDEUR A LA REPRISE D’INSTANCE:
S.E.L.A.R.L. [K] ET NARDI, mandataire judiciaire, prise en la personne de Me [C] [K]demeurant [Adresse 1]
ès qualité de mandataire liquidateur de la SARL METZOPTIC, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Metz sous le numéro B 429 306 129 désignée à ces fonctions selon jugement du tribunal de grande instance de Metz le 8 septembre 2014
Représentée par Me Michèle SCHAEFER, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 21 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant chargé du rapport et Monsieur Olivier BEAUDIER, conseiller, faisant fonction de Président,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Olivier BEAUDIER, Conseiller,
Monsieur Jean-Louis FIRON Conseiller
Madame Marie HIRIBARREN Conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL.
A l’issue des débats, le conseiller faisant fonction Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 27 Mars 2024, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 27 Mars 2024, par Monsieur Ali ADJAL, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par M. Olivier Beaudier, Conseiller à la cinquième chambre commerciale, faisant fonction de Président, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
Le 8 septembre 2014, la société Metzoptic, dont M. [Y] [J] était le dirigeant, a été placée en liquidation judiciaire. La société [K] et Nardi a été désignée en qualité de mandataire liquidateur et la date de cessation des paiement a été fixée au 8 mars 2013.
Par acte en date du 10 novembre 2015, la société [K] et Nardi a fat assigner M. [Y] [J] en responsabilité pour insuffisance d’actif.
Suivant jugement réputé contradictoire en date du 15 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Metz a :
– condamné M. [Y] [J] à payer à la société [K] et Nardi, mandataire judiciaire, prise en la personne de M. [C] [K], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Metzoptic, la somme de 50 000 euros,
– prononcé à l’encontre de M. [Y] [J] une mesure d’interdiction de faillite personnelle pour une durée de cinq ans par application de l’article L. 653-5 du code de commerce,
– débouté la société [K] et Nardi, mandataire judiciaire, de ses autres demandes,
– condamné M. [Y] [J] à payer à la société [K] et Nardi la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [Y] [J] aux dépens.
Le 12 février 2020, M. [Y] [J] a interjeté appel du jugement susvisé.
Suivant arrêt rendu contradictoirement le 24 juin 2021, la cour d’appel de Metz a :
– rejeté la demande tendant à l’irrecevabilité de l’appel de M. [Y] [J],
– rejeté la demande de nullité de l’assignation introductive d’instance en date du 10 novembre 2015,
– rejeté la fin de non-recevoir pour défaut de qualité à agir de la société [K] et Nardi, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Metzoptic.
– infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Metz en date du 15 novembre 2016 en ce qu’il a : prononcé à l’encontre de M. [J] une mesure d’interdiction de faillite personnelle pour une durée de cinq ans par application de l’article L653-5 du code de commerce.
Et statuant à nouveau,
– prononcé à l’encontre de M. [Y] [J] une mesure d’interdiction de gérer pour une durée de cinq ans.
– confirmé le jugement entrepris pour le surplus.
Y ajoutant,
– condamné M. [Y] [J] aux dépens.
– condamné M. [Y] [J] à payer à la société [K] et Nardi, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Metzoptic, une somme de 1500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté les demandes de M. [Y] [J] au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Suivant arrêt du 14 décembre 2022, la cour de cassation a :
– cassé et annulé, mais seulement en ce que, infirmant le jugement du tribunal de grande instance de Metz en date du 15 novembre 2016 en ce qu’il a prononcé à l’encontre de M. [Y] [J] une mesure « d’interdiction de faillite personnelle » pour une durée de cinq ans par application de l’article L. 653-5 du code de commerce, il prononce à l’encontre de M. [J] une mesure d’interdiction de gérer de la même durée et que, confirmant le jugement pour le surplus, il condamne M. [J] à payer à la société [K] et Nardi, en qualité de liquidateur de la société Metzoptic, la somme de 50 000 euros, l’arrêt rendu le 24 juin 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Metz,
– remis, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Nancy,
– condamné la société [K] et Nardi, en qualité de mandataire liquidateur de la société Metzoptic, aux dépens,
– en application de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par M. [Y] [J],
– dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé.
Le 1er mars 2023 M. [Y] [J] a saisi la cour d’appel de Nancy le 1er mars 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 8 septembre 2023, M. [Y] [J] demande à la cour de :
– dire et juger tant recevable que bien fondée la saisine de la cour d’appel de Nancy, es qualités de cour de renvoi,
– infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Metz le 15 novembre 2016 en ce qu’il a :
* condamné M. [Y] [J] à payer à la société [K] et Nardi, mandataire judiciaire, prise en la personne de Me [C] [K], es qualités de mandataire liquidateur de la société Metzoptic la somme de 50 000 euros,
* prononcé à l’encontre de M . [Y] [J] une mesure d’interdiction de faillite personnelle pour une durée de cinq ans par application de l’article L 653-5 du code de commerce.
Et statuant à nouveau de ce chef,
– débouter la société [K] et Nardi, mandataire judiciaire, prise en la personne de [C] [K], es qualités de mandataire liquidateur de la société Metzoptic de sa demande tendant à voir – condamner M. [Y] [J] à supporter l’insuffisance d’actif de la société Metzoptic,
– débouter la société [K] et Nardi, mandataire judiciaire, prise en la personne de Me [C] [K], es qualités de mandataire liquidateur de la société Metzoptic de sa demande tendant à voir prononcer une mesure d’interdiction de faillite personnelle à l’encontre de M. [Y] [J],
– condamner la société [K] et Nardi, mandataire judiciaire, prise en la personne de Me [C] [K], es qualités de mandataire liquidateur de la société Metzoptic à payer à M. [Y] [J] la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, qui seront recouvrés par Me Amandine Thiry, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du même code.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 11 septembre 2023, la société [K] et Nardi demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Metz en date du 15 novembre 2016, en ce qu’il a reconnu la responsabilité de M. [Y] [J] comme ayant, par sa gestion fautive, aggravé le passif de la société Metzoptic et en ce que il a été jugé que son comportement justifiait le prononcé d’une mesure de faillite personnelle,
– réformer le jugement rendu sur les sommes allouées et la durée de la mesure de faillite personnelle.
En conséquence,
– condamner M. [Y] [J] à payer à la société [K] Nardi, es qualités de liquidateur de la société Metzoptic, la somme de 475 785 euros au titre de l’insuffisance d’actif avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,
– prononcer à l’encontre de M. [Y] [J], une mesure de faillite personnelle comportant notamment une mesure d’interdiction de gérer d’une durée de quinze ans.
– condamner M. [Y] [J] à payer à la société [K] et Nardi, es qualités de liquidateur de la société Metzoptic, la somme de 6 000 euros au titre l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [Y] [J] en tous les frais et dépens.
Par avis écrit 4 décembre 2023, le ministère public a requis le prononcé d’une mesure de faillite personnelle à l’encontre de M. [Y] [J] sur le fondement de l’article L. 653-5-6° du code de commerce.
Pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Vu l’ordonnance de clôture en date du 6 décembre 2023 ;
– Sur la responsabilité pour insuffisance d’actif :
Aux termes de l’article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au présent litige, lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables.
L’insuffisance d’actif dont il appartient au mandataire liquidateur de rapporter la preuve s’apprécie au jour où la juridiction saisie statue et s’apprécie au regard de la différence entre le passif existant au jour de l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire du débiteur et l’actif de ce dernier ou du patrimoine affecté.
La société [K] et Nardi verse aux débats une synthèse du passif de la société Metzoptic arrêté au 24 août 2015 s’élevant à la somme non contestée de 898 824,59 euros au titre des seules dettes antérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective à savoir :
– Pôle de recouvrement spécialisé de Moselle : 244 608 euros
– Urssaf de Lorraine : 33 603,75 euros
– BPLC : 241 072,10 euros
– Caisse de Crédit Mutuel : 387 091,33 euros
– Société Assistance Intérim : 13 951,13 euros
– Mme [N] [D] : 300 euros
– Société Luneau : 8 073,28 euros
– Trésorerie de [Localité 4] : 125 euros.
L’actif disponible de la société Metzoptic s’élève par ailleurs à la somme justifiée de 439 162,82 euros, correspondant en l’espèce au montant séquestré du prix de vente de 700 000 euros du fonds de commerce. M. [Y] [J] fait valoir qu’un prélèvement d’un montant de 247 127,60 euros qui aurait été effectué par la société Alain Aflelou en vue de solder une dette de la société Optic Toulouse, dont il est également le gérant, serait indu. L’actif disponible doit cependant être évalué, même provisoirement, au jour où la cour d’appel statue, celle-ci n’ayant pas à tenir compte des conditions dans lesquelles le mandataire liquidateur a réalisé les actifs de la société, étant observé que le débiteur n’a saisi le juge commissaire aucune contestation dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire.
Les fautes de gestion invoquées par la société [K] et Nardi au soutien de la condamnation de M. [Y] [J], gérant de la société Metzoptic, au titre de l’insuffisance d’actif sont les suivantes :
* l’absence de dépôt des comptes annuels au registre des commerce et des sociétés pour la période postérieure au 30 septembre 2005 ;
* l’absence de paiement régulier des créances fiscales ;
* le délaissement de la société et le non-respect de l’intérêt social ;
* la déclaration tardive de l’état de cessation des paiement
* l’absence de collaboration de M. [Y] [J] avec les organes de la procédure collective.
Aux termes de son avis en date du 4 décembre 2023, le ministère public ajoute à ces fautes de gestion reprochées par le mandataire liquidateur la cautionnement donné par la société Metzoptic à la société 3S, dont M. [Y] [J] était également le gérant en titre.
L’article L. 123-12 du code de commerce prévoit que toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit établir des comptes annuels à la clôture de chaque exercice au vu des enregistrements comptables et de l’inventaire. La société [K] et Nardi et le ministère public ne rapportent pas cependant la preuve que cette faite aurait contribué à l’insuffisance d’actif de la société, sachant que la société Metzoptic avait cessé son activité au mois de mars 2009 et que la date de cessation des paiements a été fixée au 8 mars 2013.
Il est établi certes par le relevé d’information que le dernier bilan déposé par la société Metzoptic concerne celui de l’exercice clos au 30 septembre 2015, de sorte que la faute de gestion imputable à son gérant est caractérisée. La société [K] et Nardi et le ministère public ne démontrent pas cependant que cette faute aurait contribué à l’insuffisance d’actif, sachant que la société Metzoptic n’avait plus d’activité depuis le mois d’avril 2009 et que la date de cessation des paiement a été fixée au mars 2013. En l’absence de lien de causalité de cette faute avec et l’insuffisance d’actif, celle-ci ne peut être retenue au soutien de la condamnation de l’appelant.
Il est justifié par ailleurs que l’administration fiscale a déclaré sa créance à concurrence de la somme de 231 903 euros, correspondant à des dettes relatives à la taxe sur la valeur ajoutée, l’impôt sur les sociétés, ainsi que sur la cotisation foncière des entreprises qui étaient exigibles sur une période allant de février 2009 à décembre 2011. Il est également produit par le mandataire liquidateur plusieurs avis de recouvrement, dont le dernier émis le 7 novembre 2012 mettant notamment à la charge de la société Metzoptic une somme de 83 879 euros au titre des pénalités.
Au soutien de son appel, M. [Y] [J] ne produit aux débats aucun élément attestant qu’il aurait entrepris des démarches auprès des services fiscaux en vue de réduire les impositions et les pénalités ainsi prononcées, étant observé qu’il a cessé d’exercer son activité d’opticien au mois de mars 2009 et que les impositions postérieures, s’agissant en particulier de la TVA, ont fait l’objet d’une taxation d’office. La carence de l’appelant dans le respect des obligations fiscales de la société Metzoptic, dont il était le gérant, est constitutive d’une faute de gestion, laquelle a contribué à l’aggravation du passif, dès lors que les impositions et pénalités concernées auraient être supprimées ou réduites dans l’hypothèse où les déclarations auraient été faites par le gérant dans les délais requis.
Cette faute de gestion est caractérisée par la récurrence des abstentions de M. [Y] [J] dans l’exécution des obligations fiscales lui incombant en sa qualité de dirigeant de la société Metzoptic, étant précisé que la dette fiscale de celle-ci est particulièrement importante représentant en effet plus d’un quart du passif au jour de l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.
La société [K] et Nardi fait grief en outre à M. [Y] [J] de ne pas avoir représenté la société Metzoptic dans le cadre de la procédure prud’homale ayant abouti à la condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 16 000 euros au profit d’une salariée. Elle estime qu’en s’abstenant d’intervenir à cette procédure, le gérant a contribué à l’aggravation du passif à concurrence de la somme susvisée.
Le mandataire liquidateur ne rapporte pas cependant la preuve que l’abstention de M. [Y] [J] serait constitutive d’une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif. Il n’est pas établi en effet que la présence ou la représentation de la société Metzoptic, en sa qualité d’employeur, devant le conseil des prud’hommes de Metz aurait permis de manière certaine d’éviter ou même de réduire la condamnation prononcée en faveur de Mme [N] [D], salariée. En l’absence de lien de contribution démontrée entre la faute ainsi alléguée avec l’insuffisance d’actif de la société Metzoptic, celle-ci ne peut être retenue au soutien de la condamnation de son gérant sur le fondement de l’article L. 651-2 du code de commerce.
Conformément à l’article L. 631-4 du code de commerce, l’état de cessation des paiements doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements.
Le jugement d’ouverture de la procédure collective en date du 8 septembre 2014 a fixé la date de cessation des paiements au 8 mars 2013, de sorte que M. [Y] [J] devait effectuer la déclaration de cessation des paiements de la société Metzoptic avant le 22 avril 2013. Il n’est pas discuté que l’appelant n’a effectué en l’espèce aucune déclaration, l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ayant été à l’initiative de Mme [N] [D] en sa qualité de créancière.
L’absence de déclaration de la cessation des paiements constitue indubitablement une faute de gestion imputable à M. [Y] [J], alors dirigeant de la société Metzoptic. Il n’est pas établi cependant par la société [K] et Nardi et par le ministère public que celle-ci aurait un lien de causalité avec l’insuffisance d’actif. Le mandataire liquidateur ne justifie à cet égard d’aucun passif qui serait né entre le 8 mars 2013, date de fixation de la cessation des paiements, et le jugement d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire (8 septembre 2014). cette faute tirée du non-respect des dispositions de l’article L. 631-4 du code de commerce ne peut donc être retenue.
La faute alléguée par la société [K] et Nardi et le ministère public résultant de l’absence de collaboration de M. [Y] [J] avec les organes de la procédure collective, et notamment avec le mandataire liquidateur désigné, est postérieure à l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire. Celle-ci ne peut en conséquence être également retenue à titre de sanction sur le fondement des dispositions de l’article L. 651-2 du code de commerce.
Enfin, le ministère public ne rapporte pas la preuve devant la cour d’appel de renvoi que le cautionnement donné le 25 octobre 2001 à la société Caisse de Crédit Mutuel de Saint-Avold par la société Metzoptic, en garantie d’un prêt souscrit par la société 3S, dans la limite de 320 142,84 euros, serait constitutive du faute de gestion imputable personnellement à M. [Y] [J], en sa qualité de gérant de la société qui s’est portée caution.
Il n’est produit aux débats aucun élément permettant d’affirmer qu ce cautionnement présentait au jour de sa souscription un risque d’endettement excessif pour la société Metzoptic, au regard notamment d’une absence avérée de solvabilité du débiteur principal, sur laquelle il n’est fourni à la cour aucune pièce comptable permettant de la caractériser. Par ailleurs, il n’est pas démontré, ni même allégué, que le cautionnement litigieux limité en l’espèce à la somme de 320 142,84 euros serait disproportionné, compte tenu des capacités financières de la société Metzoptic laquelle était toujours en activité au jour de son engagement et n’était pas en état de cessation des paiements.
Au vu de ce qui précède, il est établi que seule la faute gestion tirée de l’absence de paiement régulier des créances fiscales de février 2009 à décembre 2011 est établie à l’encontre de M. [Y] [J] en sa qualité de dirigeant de la société Metzoptic. Il est également démontré que celle-ci a contribué au passif du débiteur eu égard en particulier aux importantes pénalités de retard prononcées par l’administration fiscale, ainsi qu’ aux taxations d’offices mises en recouvrement postérieurement à la cessation d’activité de la société Metzoptic au mois d’avril 2009.
En considération de la seule faute de gestion retenue, il convient d’infirmer le jugement entrepris et de condamner M. [Y] [J] à payer à la société [K] et Nardi, mandataire liquidateur de la société Metzoptic, la somme de 25 000 euros au titre de sa contribution à l’insuffisance d’actif.
– Sur la faillite personnelle :
En application de l’article L. 653-5 du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l’article L. 653-1 contre laquelle a été relevé l’un des faits ci-après :
– 1° Avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d’administration d’une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi ;
– 2° Avoir, dans l’intention d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d’une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;
– 3° Avoir souscrit, pour le compte d’autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l’entreprise ou de la personne morale ;
– 4° Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ;
– 5° Avoir, en s’abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;
– 6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ;
– 7° Avoir déclaré sciemment, au nom d’un créancier, une créance supposée.
Il résulte de ce que précède que seule la faute de gestion tirée de l’absence volontaire de collaboration avec les organes de la procédure collective faisant obstacle à son bon déroulement constitue un cas permettant au tribunal de prononcer une mesure de faillite personnelle à l’encontre de M. [Y] [J] (n°4) . Par ailleurs, suivant son avis écrit émis le 4 décembre 2023, le ministère public fait également grief à l’appelant d’avoir souscrit, le 25 octobre 2001, au nom de la société Metzoptic qu’il représentait, un cautionnement pour le compte de la société 3S jugé trop important au moment de sa conclusion, eu égard à la situation de l’entreprise ou le la personne morale (n°3°).
Au soutien de l’absence de collaboration avec les organes de la procédure collective, la société [K] et Nardi ne verse aux débats aucun élément de nature à établir la carence de M. [Y] [J]. Il n’est en effet justifié d’aucune convocation du mandataire liquidateur, du juge commissaire ou du tribunal à laquelle le gérant de la société Metzoptic n’aurait pas répondu. La société [K] et Nardi n’établit pas non plus que ce dernier se serait volontairement abstenu de répondre à une demande de pièces ou d’explication sur la situation de l’entreprise durant toute la durée de la procédure collective. La preuve de ce grief n’est donc par rapportée par le mandataire liquidateur.
Par ailleurs, il a été précédemment rappelé que le ministère public ne démontre pas que le cautionnement en date du 25 octobre 2001 présenterait un caractère disproportionné au regard de la situation économique de la société Metzoptic au jour de sa souscription, étant observé qu’il n’est produit aux débats aucun élément de nature à établir que celle-ci était déjà obérée au jour de la signature de ce dernier. Ce fait n’est par conséquent pas établi.
Il convient pour ces motifs d’infirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a prononcé la faillite personnelle de M. [Y] [J] d’une durée de cinq ans.
– Sur les mesures accessoires :
M. [Y] [J] est condamné aux entiers frais et dépens de l’appel.
M. [Y] [J] et la société [K] et Nardi sont respectivement déboutées de leurs demandes formées au titre de l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,
Vu l’arrêt de la Cour de cassation en date du 14 décembre 2022 ;
Infirme le jugement en date du 15 novembre 2016 du tribunal de grande instance de Metz, en ce qu’il a condamné M. [Y] [J] à payer à la société [K] et Nardi la somme de 50 000 euros et prononcé à l’encontre de ce dernier une mesure d’interdiction de faillite personnelle’ pour une durée de cinq ans par application de l’article L. 653-5 du code de commerce ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et ajoutant :
Condamne M. [Y] [J] à payer à la société [K] et Nardi, mandataire liquidateur de la société Metzoptic, la somme de 25 000 euros au titre de sa contribution à l’insuffisance d’actif ;
Déboute la société [K] et Nardi de sa demande tendant au prononcé à l’encontre de M. [Y] [J] d’une mesure de faillite personnelle ;
Déboute M. [Y] [J] et la société [K] et Nardi de leurs demandes formées au titre de l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [Y] [J] aux entiers frais et dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par M. Olivier Beaudier, Conseiller à la cinquième chambre commerciale, faisant fonction de Président, à la Cour d’Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE CONSEILLER
Minute en onze pages.