Faits divers, image et vie privée

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Faits divers, image et vie privée
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Soutenant qu’un article publié dans L’Est républicain relatant l’accident de la circulation dont il avait été victime révélait son identité et le présentait comme responsable, un automobiliste a assigné l’éditeur, sur le fondement de l’article 9 du code civil, en réparation de son préjudice.

Validité de l’assignation délivrée

Invoquant la méconnaissance des dispositions de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la société L’Est républicain a soulevé la nullité de l’assignation. Or, l’assignation délivrée exclusivement au visa de l’article 9 du code civil, dénonçait la révélation, dans l’article litigieux, de l’identité de l’automobiliste et de ses blessures causées par l’accident de la circulation sans évoquer aucun fait précis de nature à porter atteinte à son honneur et à sa considération.

De ces constatations, la cour d’appel a déduit, à bon droit, que l’action engagée ne relevait pas des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 mais de celles de l’article 9 du code civil.

Atteinte disproportionnée à la vie privée

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation a considéré que la divulgation, dans l’article litigieux relatant l’accident, du nom de la victime, de son prénom, de son âge, ainsi que l’indication de la commune de sa résidence caractérisaient une atteinte disproportionnée à la vie privée de l’automobiliste.

Si l’intérêt du journal d’informer ses lecteurs sur les causes et les circonstances de l’accident survenu, apparaissait légitime, s’agissant d’un fait divers revêtant une certaine importance puisque cet accident avait conduit à une coupure momentanée du trafic afin de permettre aux secours d’évacuer la victime blessée par hélicoptère, en revanche la mission du journal d’informer ses lecteurs avec exactitude et précision sur les faits divers d’actualité ne justifiait pas la divulgation d’informations permettant l’identification de l’automobiliste dans la mesure où ces éléments ne présentaient aucun intérêt au regard de l’information du public sur les circonstances de l’accident.

Sujet d’intérêt général

Bien que l’accident de la circulation ait constitué un sujet d’intérêt général, la révélation de l’identité de l’automobiliste n’était pas de nature à nourrir le débat public sur le sujet et l’article en cause a bien porté une atteinte au droit au respect de la vie privée de l’intéressé.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Cour de cassation

Chambre civile 1

20 octobre 2021

N° 20-14.354, Inédit

Audience publique du 20 octobre 2021 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt no 628 FS-D Pourvoi no R 20-14.354

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 OCTOBRE 2021

La société L’Est républicain, société anonyme, dont le siège est […], […], a formé le pourvoi no R 20-14.354 contre l’arrêt rendu le 20 juin 2019 par la cour d’appel de Nancy (2e chambre civile), dans le litige l’opposant à M. E X, domicilié […], […], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société L’Est républicain, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. X, et l’avis de Mme G-H, avocat général, après débats en l’audience publique du 7 septembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Y, Z, Mornet, A, Mmes I-J, Darret-Courgeon, conseillers, M. B, Mmes C, […], Kloda, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme G-H, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Nancy, 20 juin 2019), le 9 décembre 2016, soutenant qu’un article publié le 2 juin 2016 dans le journal L’Est républicain relatant l’accident de la circulation dont il avait été victime révélait son identité et le présentait comme responsable, M. X a assigné la société L’Est républicain, sur le fondement de l’article 9 du code civil, en réparation de son préjudice. Invoquant la méconnaissance des dispositions de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la société L’Est républicain a soulevé la nullité de l’assignation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. La société L’Est républicain fait grief à l’arrêt de déclarer la citation introductive régulière et recevable, alors « que selon l’article 29, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation ; qu’en écartant le moyen tiré de la nullité de l’assignation en raison d’une double qualification fondée, d’une part, sur l’article 9 du code civil et, d’autre part, sur des faits relevant des dispositions de la loi du 29 juillet 1881, motifs pris que M. X « n’impute dans son assignation aucun fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à son honneur et à sa considération, dont il sollicite l’indemnisation sur le fondement de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 », après avoir pourtant constaté que « M. E X reproche en effet au journal d’avoir révélé son identité, ainsi que son implication présumée fautive dans l’accident de la circulation dont il a été victime, ce qui porte atteinte, aux termes mêmes de l’assignation litigieuse, à sa réputation », ce dont il s’inférait que les faits évoqués étaient en réalité constitutifs de diffamation et ne pouvaient être poursuivis que sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881, la cour d’appel a violé l’article 29, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et l’article 12 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

3. La cour d’appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que l’assignation délivrée exclusivement au visa de l’article 9 du code civil, dénonçait la révélation, dans l’article litigieux, de l’identité de M. X et de ses blessures causées par l’accident de la circulation sans évoquer aucun fait précis de nature à porter atteinte à son honneur et à sa considération.

4. De ces constatations, la cour d’appel a déduit, à bon droit, que l’action engagée ne relevait pas des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 mais de celles de l’article 9 du code civil.

5. Le moyen n’est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. La société L’Est républicain fait grief à l’arrêt de dire que la publication intervenue le 2 juin 2016 caractérise une atteinte au droit au respect à la vie privée de M. X et de la condamner à lui verser des dommages-intérêts, alors « que le droit au respect dû à la vie privée et à l’image d’une personne et le droit à la liberté d’expression ayant la même valeur normative, il appartient au juge saisi de rechercher un équilibre entre ces droits et, le cas échéant, de privilégier la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime ; que dès lors qu’elle est directement en relation avec l’événement qui en est la cause, la révélation dans la presse du nom d’une personne à propos de l’information d’un fait divers, en l’occurrence d’un accident dans lequel elle a été impliquée, ne peut constituer une atteinte au respect de sa vie privée ; qu’en considérant néanmoins que l’intérêt des lecteurs à prendre connaissance des événements de l’actualité locale et le droit du journal L’Est républicain de relater des faits divers ne peuvent justifier l’atteinte portée à la vie privée et à la réputation de M. E X, dont l’identité, ainsi que son implication dans un accident routier ont été dévoilées à son insu par voie de presse, cependant que la révélation de son identité dans le cadre de son implication dans un accident dont la divulgation relevait de l’information d’un fait divers ne pouvait constituer une atteinte au respect de la vie privée, la cour d’appel a violé l’article 9 du code civil, ensemble les articles 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. »

Réponse de la Cour

7. Après avoir retenu que la divulgation, dans l’article litigieux relatant l’accident, du nom de la victime, de son prénom, de son âge, ainsi que l’indication de la commune de sa résidence caractérisaient une atteinte à sa vie privée, la cour d’appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que, si l’intérêt du journal d’informer ses lecteurs sur les causes et les circonstances de l’accident survenu le 1er juin 2016, apparaissait légitime, s’agissant d’un fait divers revêtant une certaine importance puisque cet accident avait conduit à une coupure momentanée du trafic afin de permettre aux secours d’évacuer la victime blessée par hélicoptère, en revanche la mission du

journal d’informer ses lecteurs avec exactitude et précision sur les faits divers d’actualité ne justifiait pas la divulgation d’informations permettant l’identification de M. X dans la mesure où ces éléments ne présentaient aucun intérêt au regard de l’information du public sur les circonstances de l’accident.

8. En l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel en a exactement déduit que, bien que l’accident de la circulation ait constitué un sujet d’intérêt général, la révélation de l’identité de M. X n’était pas de nature à nourrir le débat public sur le sujet et que cet article avait porté atteinte au droit au respect de sa vie privée.

9. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société L’Est républicain aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société L’Est républicain

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir déclaré la citation introductive régulière et recevable ;

AUX MOTIFS QUE sur la nullité de l’assignation délivrée le 9 décembre 2016 : que le juge doit requalifier les actions en réparation d’un dommage, d’actions civiles en diffamation soumises aux règles d’ordre public prescrites par la loi du 29 juillet 1881, et ce quel que soit le fondement invoqué dans l’assignation, dès lors que le demandeur reproche au défendeur de lui avoir prêté un comportement contraire à l’honneur et à la considération ; que pour déterminer si la demande en cause relève ou pas de la catégorie des actions civiles en diffamation, le juge ne doit se prononcer que d’après les griefs intrinsèquement dénoncés par l’assignation, et non d’après le visa des textes ou la dénomination que le défendeur attrait conférée à l’atteinte qu’il invoque ; que c’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a estimé que les griefs qui sont repris dans l’assignation délivrée le 9 décembre 2016 à l’encontre de la société l’Est Républicain ont trait à la révélation de l’identité de M. E X, ainsi que des blessures qu’il a subies, dans un article paru le 2 juin 2016 dans la rubrique des faits divers ; que cette assignation a été délivrée au visa exprès de l’article 9 du code civil, et fonde le droit à réparation de l’intimé exclusivement sur une utilisation illicite de son nom de famille, comme relevant de la vie privée, protégée par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, également cité dans le corps de celle-ci ; que contrairement à ce que soutient la société l’Est Républicain, M. E X n’impute dans son assignation aucun fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à son honneur et à sa considération, dont il sollicite l’indemnisation sur le fondement de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ; que M. E X reproche en effet au journal d’avoir révélé son identité, ainsi que son implication présumée fautive dans l’accident de la circulation dont il a été victime, ce qui porte atteinte, aux ternies mêmes de l’assignation litigieuse, à sa réputation, dont le droit à la protection relève, en tant qu’élément de la vie privée, de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH du 7 février 20 I 2 affaire Axel Springer AG C./ Allemagne) ; qu’il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a rejeté la demande de nullité de l’assignation, dès lors que M. E X n’avait pas à respecter les conditions de forme exigées par l’article 53 de la loi du 29 juillet 1981 sur la liberté de la presse ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU’ en dernier état de ses écritures, il est constant que Monsieur E X se prévaut d’une atteinte à sa vie privée commise par voie de presse, dans le cadre d’un article paru dans le journal « l’EST REPUBLICAIN » le 2 juin 2016, relatant un accident de la circulation survenu le 1er juin 2016, dans lequel il a été impliqué ; qu’en l’occurrence, l’article intitulé « VALENTIGNEY: un motard gravement blessé après un dépassement » relate les circonstances de l’accident de la circulation survenu le 1er juin 2016, en mentionnant que « la victime, E X, un Boroillot de 37 ans », « conscient mais gravement blessé, notamment aux jambes» , « a été transporté par hélicoptère au CHU K-L de D » ; qu’or, Monsieur E X dénonce la révélation de son identité et de ses blessures dans l’article paru le 2 juin 2016, comme ayant permis d’informer les lecteurs de son implication dans l’accident de la route survenu la veille ; que pour le surplus, la seule évocation d’un autre fait visé à l’article entre guillemets, s’agissant de propos, déclarés rapportés à l’auteur de l’article par un officier de police, selon lesquels « il a alors franchi la ligne blanche continue », ne saurait caractériser l’un des délits prévus par la loi du 29 juillet 1881, sanctionnant les abus de la liberté d’expression ; qu’ainsi, la citation de la SA L’EST REPUBLICAIN devant le tribunal est régulière et recevable, au regard des faits énoncés ci-dessus, sans qu’il soit nécessaire et justifié de procéder à leur requalification ;

ALORS QUE selon l’article 29, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation ; qu’en écartant le moyen tiré de la nullité de l’assignation en raison d’une double qualification fondée, dune part, sur l’article 9 du code civil et, d’autre part, sur des faits relevant des dispositions de la loi du 29 juillet 1881, motifs pris que M. X « n’impute dans son assignation aucun fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à son honneur et à sa considération, dont il sollicite l’indemnisation sur le fondement de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 » (p. 4§3), après avoir pourtant constaté que « M. E X reproche en effet au journal d’avoir révélé son identité, ainsi que son implication présumée fautive dans l’accident de la circulation dont il a été victime, ce qui porte atteinte, aux termes mêmes de l’assignation litigieuse, à sa réputation », ce dont il s’inférait que les faits évoqués étaient en réalité constitutifs de diffamation et ne pouvaient être poursuivis que sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881, la cour d’appel a violé l’article 29, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et l’article 12 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que la publication intervenue le 2 juin 2016 dans le journal « l’Est Républicain » caractérise une atteinte au

droit au respect à la vie privée de M. E X et d’avoir condamné la société L’Est Républicain à verser à M. E X la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE sur la responsabilité de la société l’Est Républicain, que la divulgation dans l’article paru le 2 janvier 2016 dans le journal l’Est Républicain, relatant un accident de la circulation, du nom de famille, du prénom, de son âge, ainsi que l’indication de la commune de résidence de la victime (Valentigney) constitue une atteinte au droit au respect de la vie privée de M. E X, dans la mesure où l’ensemble de ces éléments permettent son identification ; que sur ce point, le tribunal relève à juste titre que l’article litigieux a été publié dans une édition locale du quotidien, destinée à des lecteurs habitant dans le même secteur géographique que l’intimé, lequel réside dans une commune d’environ 10 000 habitants ; que l’ensemble de ces éléments réunis permettent une identification de la personne de M. E X ; que les attestations de ses proches qui sont versées aux débats démontrent à cet effet que les éléments communiqués par la presse ont permis l’identification de l’intimé par les proches de son entourage ; que les témoins précisent en effet qu’ils ont été informés que M. E X avait été victime d’un accident de la circulation par la lecture du quotidien l’Est Républicain ; que le principe de la liberté d’expression consacré à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales peut comporter des restrictions ou des sanctions prévues par la loi qui constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique pour protéger l’ordre public et les droits ou la réputation des individus ; que tel est l’objet de l’article 9 du code civil qui donne au juge le pouvoir d’ordonner toute mesure propre à empêcher ou faire cesser les atteintes au respect dû à la vie privée, ainsi qu’à réparer le préjudice qui en résulte ; que les droits au respect de la vie privée et à la liberté d’expression revêtant, eu égard, d’une part, aux articles 8 et 10 de la Convention européenne des droits de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, d’autre part, de l’article 9 du code civil, une identique valeur normative, il appartient au juge saisi de rechercher leur équilibre et, le cas échéant, de privilégier la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime ; qu’en l’espèce, l’atteinte à la vie privée qui est constituée par la révélation de l’identité de M. E X, ainsi que des informations permettant sa localisation géographique, dans l’article de presse paru le 2 janvier 2016 du journal l’Est Républicain, ne peut être justifiée, comme le soutient la société l’Est Républicain, par le droit â l’information du public ; que l’intérêt du journal d’informer ses lecteurs sur les causes et les circonstances de l’accident de la circulation corporel, survenu le 1er juin 2016, apparaît certes légitimes, puisque ce dernier constitue un fait divers revêtant une certaine importance ; que cet accident a en effet conduit à une coupure momentanée du trafic sur un tronçon de la route départementale no 38, afin de permettre aux secours d’évacuer la victime blessée en urgence par hélicoptère au centre hospitalier universitaire de D ; que la seule indication donnée par le journaliste sur le fait que

M. E X était « conscient, mais gravement blessé, notamment aux jambes » apparaît en l’espèce justifiée par la nécessité d’informer les lecteurs du journal sur les conséquences précises de cet accident survenu sur la voie publique ; que la diffusion de cette information qui plus est dans des termes très généraux apparaît légitimée par le principe de la liberté de la presse et la nécessité d’informer le public sur cet événement ; qu’ainsi, contrairement à ce qui est retenu par le premier juge, la seule information publiée sur l’état des blessures de M. E X, sans ajout par exemple d’un photographie illustrant l’article de la victime blessée, ou encore d’une description minutieuse et « voyeuriste » de sa personne après l’accident, ne caractérise pas en soi une atteinte à la dignité de la personne humaine ; qu’en revanche, le droit à la liberté d’expression du journal l’Est Républicain et sa mission d’informer avec exactitude et précision ses lecteurs sur les faits divers d’actualité, relatés dans de ses articles de presse, ne justifiait pas la divulgation d’informations qui permettent l’identification de M. E X auprès de son public, ainsi que des premiers éléments de l’enquête laissant supposer sa responsabilité établie dans l’accident ; que compte tenu de l’absence de toute notoriété de M. E X et de l’objet même de l’article de presse qui était de relater l’accident survenu la veille, la publication de l’identité de la victime, ainsi que la révélation au public de son éventuelle implication dans les causes de ce dernier, par le recueil sur les lieux d’informations auprès d’un officier de police, constituent des atteintes à la vie privée et à la réputation protégées par l’article 9 du code civil ; que ces atteintes ne peuvent être légitimées par la liberté d’expression de la société l’Est Républicain, dans la mesure où les éléments factuels ainsi publiées ne présentent aucun intérêt au regard de l’information délivrée au public sur les causes et les conséquences de l’accident relaté dans l’article litigieux ; qu’ainsi, l’intérêt des lecteurs à prendre connaissance des événements de l’actualité locale et le droit du journal t’Est Républicain de relater des faits divers ne peuvent justifier au cas prescrit l’atteinte portée à la vie privée et à la réputation de M. E X, dont l’identité, ainsi que son implication dans un accident routier ont été dévoilées à son insu par voie de presse ; qu’il convient dans ces circonstances de confirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a déclaré la société l’Est Républicain responsable du préjudice subi par M. E X suite à la publication de l’article de presse dans son édition datée du 2 juin 2016 ; que sur le préjudice de M. E X, que par une exacte appréciation des éléments qui lui étaient produits le tribunal a alloué à M. E X la somme de 800 euros en réparation de son préjudice moral ; que la diffusion dans une édition locale du journal l’Est Républicain de l’article litigieux, paru le 2 juin 2016, a en effet causé un préjudice à M. E X, au regard notamment de l’atteinte portée à son intimité, ainsi qu’à sa réputation ; que les attestations produites aux débats démontrent sur ce point que la publication de cet article a eu un retentissement certain sur sa famille et ses proches, lesquels ont été informés que l’intimé avait été victime d’un grave accident de la circulation et que sa responsabilité pouvait être recherchée au regard des premiers éléments recueillies auprès d’un policier interrogé ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE par suite, la seule constatation de la violation de la vie privée ouvre droit à réparation, et le préjudice doit être apprécié au regard de la publication fautive ; qu’il y a lieu de constater au préalable que la diffusion du journal « l’EST REPUBLICAIN » du 2 juin 2016, comportant l’article litigieux, est locale, notamment au regard d’une commune, lieu du domicile de Monsieur E X, de l’ordre de 10.000 habitants (hors agglomération et département) ; que pour autant, il en résulte nécessairement un préjudice moral subi par Monsieur E X, tant par rapport au regard porté sur lui en raison du comportement relaté, que sur sa famille et ses enfants ; que dès lors, il convient d’allouer à Monsieur E X la somme de 800€ à titre de dommages et intérêts ;

ALORS QUE le droit au respect dû à la vie privée et à l’image d’une personne et le droit à la liberté d’expression ayant la même valeur normative, il appartient au juge saisi de rechercher un équilibre entre ces droits et, le cas échéant, de privilégier la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime ; que dès lors qu’elle est directement en relation avec l’événement qui en est la cause, la révélation dans la presse du nom d’une personne à propos de l’information d’un fait divers, en l’occurrence d’un accident dans lequel elle a été impliquée, ne peut constituer une atteinte au respect de sa vie privée ; qu’en considérant néanmoins que l’intérêt des lecteurs à prendre connaissance des événements de l’actualité locale et le droit du journal l’Est Républicain de relater des faits divers ne peuvent justifier l’atteinte portée à la vie privée et à la réputation de M. E X, dont l’identité, ainsi que son implication dans un accident routier ont été dévoilées à son insu par voie de presse, cependant que la révélation de son identité dans le cadre de son implication dans un accident dont la divulgation relevait de l’information d’un fait divers ne pouvait constituer une atteinte au respect de la vie privée, la cour d’appel a violé l’article 9 du code civil, ensemble les articles 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.


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