Sommaire
La nullité de la procédure de faillite personnelle
La nullité de la procédure de faillite personnelle ne peut être obtenue au motif que le gérant concerné a été convoqué devant le tribunal de commerce par voie de citation alors qu’il aurait dû l’être par lettre recommandée avec accusé de réception.
Ouverture de la procédure de faillite personnelle par requête
L’article R 631-4 du code de procédure civile dispose que lorsque le ministère public demande l’ouverture de la procédure de faillite personnelle par requête, celle-ci indique les faits de nature à motiver cette demande.
Le président du tribunal, par les soins du greffier, fait convoquer le débiteur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à comparaître dans le délai qu’il fixe. A cette convocation est jointe la requête du ministère public.
Notification par voie de signification
Cependant, dès lors qu’une notification peut toujours être faite par voie de signification alors même que la loi l’aurait prévue sous une autre forme, aucune irrégularité affectant la validité de la procédure n’est susceptible d’être retenue en l’espèce.
Conséquence de la faillite personnelle
Pour rappel, aux termes de l’article L 653-2 du code de commerce, la faillite personnelle emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale.
En application des dispositions combinées des articles L 653-3 à L 653- 6 du code de commerce, la faillite personnelle d’un dirigeant de personne morale peut être prononcée lorsqu’a été relevé contre celui-ci un ou plusieurs faits qui correspondent aux comportements précisément décrits pas ces textes et qui sont d’interprétation stricte.
Les faits reprochés doivent être antérieurs à la date d’ouverture de la procédure collective, sous réserve du défaut de coopération avec les organes de la procédure, nécessairement postérieur.
L’article L 653-11 énonce que le tribunal fixe la durée de la mesure qui ne peut être supérieure à 15 ans.
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL DE CAEN DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE ARRÊT DU 30 JUIN 2022 AFFAIRE :N° RG 21/02344 – N° Portalis DBVC-V-B7F-G2AW ARRÊT N° JB. ORIGINE : DECISION en date du 30 Juillet 2021 du Tribunal de Commerce de LISIEUX RG n° 20202154 APPELANT : Monsieur [K] [O] [D] [C] né le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 8] [Adresse 6] [Localité 5] Représenté et assisté de Me Nicolas DELAPLACE, substitué par Me Marie LE BRET, avocats au barreau de CAEN INTIMES : PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE [Localité 3] Tribunal de grande instance [Adresse 7] [Localité 4] Représenté par M. FAURY, Substitut Général S.E.L.A.R.L. BERNARD BEUZEBOC Mandataire à la liquidation judiciaire de la société SWEET HOME [Adresse 1] [Localité 3] prise en la personne de son représentant légal Représentée et assistée de Me Noël LEJARD, avocat au barreau de CAEN COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame EMILY, Président de Chambre, Mme COURTADE, Conseillère, M. GOUARIN, Conseiller, DEBATS : A l’audience publique du 05 mai 2022 MINISTERE PUBLIC : En présence de M. FAURY, Substitut Général GREFFIER : Mme LE GALL, greffier ARRÊT prononcé publiquement le 30 juin 2022 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier * * * La SARL SWEET HOME, créée le 15 novembre 2017, a pour objet la réalisation ainsi que le conseil en décoration intérieure et aménagement de locaux. Par décision du 1er août 2018, Mme [I] [G], associée unique, a désigné M. [C] en qualité de gérant non associé. Il était prévu qu’il ne percevrait aucune rémunération mais qu’il aurait droit au remboursement, sur justification, de ses frais de représentation et de déplacement. Par jugement du 15 mai 2019, le tribunal de commerce de Lisieux a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la SARL SWEET HOME qui a été convertie en liquidation judiciaire le 11 septembre 2019. Par jugement du 30 juillet 2021, le tribunal de commerce de lisieux, saisi par requête du procureur de la république du 19 novembre 2020, a : — prononcé à l’encontre de M. [C] une mesure de faillite personnelle pour une durée de dix ans ; — ordonné les mesures de publicité légale ; — ordonné l’exécution provisoire ; — ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de procédure. Par déclaration du 4 août 2021, M. [C] a interjeté appel de cette décision. Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 3 septembre 2021, M. [C] demande de : — réformer le jugement entrepris ; Statuant à nouveau, — prononcer la nullité de la procédure A titre subsidiaire, — surseoir à statuer dans l’attente de l’issue définitive des litiges ; A titre infiniment subsidiaire — dire n’y avoir lieu à faillite personnelle — débouter le ministère public de ses demandes — débouter toute partie de toute demande contraire au présent dispositif En toutes hypothéses — condamner le trésor public aux dépens. Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 10 septembre 2021, la SELARL BERNARD BEUZEBOC ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SARL SWEET HOME demande de : — confirmer le jugement entrepris ; Subsidiairement, en cas d’annulation du jugement, — dire et juger que la cour fera application des dispositions de l’article 562 et suivants du code de procédure civile ; — prononcer une mesure de faillite personnelle à l’endroit de M. [C] pour une durée de dix ans ; — ordonner l’accomplissement des publicités légales de la décision ; — statuer ce que de droit quant aux dépens lesquels seront employés en frais privilégiés de la procédure collective. Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 17 novembre 2021 par RPVA et le 3 décembre 2021 par acte d’huissier, le ministère public demande de confirmer la décision entreprise sauf à réduire à huit années la durée de la faillite personnelle. L’ordonnance de clôture a été prononcée le 6 avril 2022. Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties. Par arrêt avant dire droit du 5 mai 2022, la cour a rejeté la demande de révocation de l’ordonnance de clôture et écarté des débats les conclusions au fond n°2 signifiées par M. [C] le 3 mai 2022. MOTIFS I. Sur la demande de nullité de la procédure de faillite personnelle L’article R 631-4 du code de procédure civile dispose que lorsque le ministère public demande l’ouverture de la procédure par requête, celle-ci indique les faits de nature à motiver cette demande. Le président du tribunal, par les soins du greffier, fait convoquer le débiteur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à comparaître dans le délai qu’il fixe. A cette convocation est jointe la requête du ministère public. M. [C] soulève la nullité de la procédure de faillite personnelle au motif qu’il a été convoqué devant le tribunal de commerce par voie de citation alors qu’il aurait dû l’être par lettre recommandée avec accusé de réception. Cependant, dès lors qu’une notification peut toujours être faite par voie de signification alors même que la loi l’aurait prévue sous une autre forme, aucune irrégularité affectant la validité de la procédure n’est susceptible d’être retenue en l’espèce. Il convient donc de rejeter l’exception de nullité. II. Sur la demande de sursis à statuer M. [C] réclame le sursis à statuer en raison des contestations qu’il a émises relativement aux créances déclarées par l’administration fiscale dans les procédures collectives des sociétés CLUB MER ET SPORT et SWEET HOME. Les redressements fiscaux affectant ces sociétés sont sans rapport avec les griefs formulés contre M. [C] en tant que gérant de la SARL SWEET HOME dans le cadre de la présente procédure de faillite personnelle. Il s’ensuit que la contestation des créances fiscales est sans incidence sur l’issue du présent litige et que la demande de sursis à statuer mérite le rejet. III. Sur le fond Aux termes de l’article L 653-2 du code de commerce, la faillite personnelle emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale. En application des dispositions combinées des articles L 653-3 à L 653- 6 du code de commerce, la faillite personnelle d’un dirigeant de personne morale peut être prononcée lorsqu’a été relevé contre celui-ci un ou plusieurs faits qui correspondent aux comportements précisément décrits pas ces textes et qui sont d’interprétation stricte. Les faits reprochés doivent être antérieurs à la date d’ouverture de la procédure collective, sous réserve du défaut de coopération avec les organes de la procédure, nécessairement postérieur. L’article L 653-11 énonce que le tribunal fixe la durée de la mesure qui ne peut être supérieure à 15 ans. En l’espèce, le ministère public et le mandataire judiciaire sollicitent le prononcé de la faillite personnelle de M. [C] en sa qualité de gérant de la SARL SWEET HOME pour avoir : — disposé des biens de la personne morale comme des siens propres (article L 653-4 1°) ; — fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement (article L 653-4 3°) ; — en s’abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement (article L 653-5 5°) ; — fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font l’obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables (article L 653-5 6°). Le ministère public rappelle que cinq autres sociétés gérées par l’appelant ont également fait l’objet de procédures collectives ; qu’en outre M. [C] a été condamné en 2018 pour fraude fiscale et en 2019 pour abus de biens sociaux, dans le cadre de la direction de la société CLUB MER ET SPORTS. — sur le premier grief Le tribunal a retenu, sur la base du rapport de l’administrateur judiciaire, la SELARL FHB, du 4 septembre 2019 et du grand livre provisoire relatif à l’exercice 2018, que M. [C] a utilisé les liquidités de la SARL SWEET HOME pour des dépenses personnelles sans lien avec l’activité de la SARL SWEET HOME, à hauteur de la somme totale de 76 267€, et qu’au 31 décembre 2018, son compte courant ‘d’associé’ était débiteur pour un montant de 179 865,71€. Les pièces produites par M. [C] ne sont pas de nature à infirmer cette analyse. Il produit un extrait du grand livre, distinct de celui en possession de l’administrateur judiciaire, faisant ressortir au 31 décembre 2018 un solde créditeur de son compte courant d’un montant de 530,22€, après passation d’une écriture en crédit de 180 000€ correspondant à sa prétendue rémunération. La valeur probante de cette dernière écriture comptable, qui n’est étayée par aucune pièce justificative, et alors que M. [C] n’a droit qu’au remboursement, sur justification, de ses frais, à l’exclusion de toute rémunération, apparaît très contestable. Au vu de ces éléments, la cour considère qu’il est établi que M. [C] a disposé des biens de la personne morale comme des siens propres. — Sur le second grief Il est démontré et non contesté que M. [C] a procédé à des virements pour la somme totale de 22 945,59€ sur le compte de la société CLUB MER ET SPORTS, également placée en redressement judiciaire, et dont il est le gérant. M. [C] soutient que ces virements procèdent d’une confusion entre les terminaux de paiement des sociétés concernées qui sont tous présents au siège de la société CLUB MER ET SPORTS et fait valoir que la situation a été régularisée. Cependant, aucune des pièces qu’il invoque (échanges entre les experts comptables EXAGROUPE et AFITEC, attestation d’AFITEC du 3 mars 2021) ne rapporte la preuve de l’erreur alléguée. De plus, le prétendu remboursement intervenu postérieurement à la découverte des agissements par l’administrateur judiciaire, n’enlève pas aux faits leur caractère répréhensible et sanctionnable. Il est donc établi que M. [C] a utilisé les liquidités de la SARL SWEET HOME pour favoriser la société CLUB MER ET SPORTS dans laquelle il était intéressé en qualité de gérant. — Sur le troisième grief Il ressort des éléments du dossier, en particulier des pièces n° 4, 5 et 6 de la SELARL BEUZEBOC et des rapports de l’administrateur judiciaire des 26 août et 4 septembre 2019 que M. [C] s’est abstenu volontairement de coopérer avec les organes de la procédure collective, s’évertuant à ne pas communiquer les justificatifs sollicités et ne respectant pas les consignes données notamment en matière de suivi et gestion de la trésorerie via les comptes bancaires. Notamment : — il a été relancé à plusieurs reprises par la SARL FHB pour communiquer l’état des lieux de sortie des locaux suite à la résiliation du bail et le justificatif de transfert du siège social ; — il n’a pas informé l’administrateur de la résiliation des contrats d’assurance ; — il a communiqué, après de multiples relances de la SELARL FHB, un mot de passe erroné pour accéder au site internet du compte bancaire ANYTIME ; — il n’a pas déclaré la totalité des actifs de la SARL SWEET HOME au commissaire-priseur ; — le mandataire judiciaire lui a adressé une lettre recommandée avec accusé de réception le 12 septembre 2019 pour réclamer la liste des recouvrements clients restant à encaisser, les contrats en cours etc. Ces éléments, non utilement contredits par les différents mails produits par l’appelant, démontrent la persistance de ce dernier à ne pas collaborer et l’incidence de son comportement sur le bon déroulement de la procédure. — Sur le quatrième grief Le tribunal a pertinemment jugé que M. [C] a tenu une comptabilité manifestement incomplète et irrégulière et que les éléments du dossier ne permettent pas d’en imputer la responsabilité au cabinet d’expertise-comptable EXAGROUPE qui a mis fin à sa collaboration avec la SARL SWEET HOME le 31 juillet 2019, compte tenu des difficultés rencontrées avec le gérant pour obtenir les documents et justificatifs nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Les faits reprochés à M. [C] sont ainsi caractérisés et justifient le prononcé à son égard d’une mesure de faillite personnelle. Le quantum de la sanction doit être motivé’ au regard de la gravité des fautes et de la situation personnelle de l’intéressé. M. [C] ne produit aucune pièce relative à sa situation professionnelle et personnelle actuelle. Compte tenu de ces éléments et de la gravité des fautes commises, la cour estime qu’une durée de dix années constitue une sanction proportionnée. Il convient donc de confirmer le jugement. IV. Sur les mesures accessoires Les dispositions relatives aux mesures de publicité légale et aux dépens sont confirmées. M. [C] succombant, est condamné aux dépens de l’appel. PAR CES MOTIFS La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, CONFIRME le jugement entrepris ; Y ajoutant, REJETTE l’exception de nullité de la procédure soulevée par M. [K] [C] ; DEBOUTE M. [K] [C] de sa demande de sursis à statuer ; CONDAMNE M. [K] [C] aux dépens de l’appel. LE GREFFIERLE PRÉSIDENT N. LE GALLF. EMILY | |