Extinction du contrat de maintenance : l’indivisibilité contractuelle

·

·

Extinction du contrat de maintenance : l’indivisibilité contractuelle
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

En application de l’indivisibilité contractuelle, la disparition du contrat de maintenance de matériel emporte droit de résiliation du contrat de location financière par le loueur.

Sur le fondement des anciens articles 1134, 1217 et 1218 du code civil, applicables aux contrats conclus antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la Cour de cassation a pu retenir que ” les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants ” et que ” sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance ” (Ch. mixte, 17 mai 2013, n° 11-22.927 et n° 11-22.768).

Cette interprétation jurisprudentielle doit être maintenue (cf. Com. 10 janv. 2024, n° 22-20.466), sur le fondement de l’article 1186 du code civil, applicable aux contrats conclus postérieurement à la réforme du droit des obligations, qui énonce :

“Un contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments essentiels disparaît.

Lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie.

La caducité n’intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement. “

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

5 septembre 2024
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/07522
COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59B

Chambre civile 1-3

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 05 SEPTEMBRE 2024

N° RG 21/07522

N° Portalis DBV3-V-B7F-U4YP

AFFAIRE :

S.A.S. GRENKE LOCATION

C/

ASSOCIATION AMIS PARENTS ENFANTS INADAPTES (APEI)

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Octobre 2021 par le TJ de NANTERRE

N° Chambre : 7

N° RG : 18/12209

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Mélina PEDROLETTI

Me Franck LAFON

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.S. GRENKE LOCATION

N° SIRET : B 428 616 734

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626

APPELANTE

ASSOCIATION AMIS PARENTS ENFANTS INADAPTES (APEI)

N° SIRET : 319 026 597

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618

Représentant : Me Philippe BAYLE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0728

INTIMEE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 22 avril 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence PERRET, Président,

Madame Charlotte GIRAULT, Conseiller

Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme FOULON

FAITS ET PROCEDURE :

La société Grenke location (ci-après ” la société Grenke “) et l’association Amis parents enfants inadaptés (ci-après ” l’association APEI “) ont conclu quatre contrats de location en 2016, soit :

– un contrat de location n°083-28037 conclu le 23 septembre 2016 portant sur :

* du matériel de téléphonie IPBX

* 15 téléphones fixes

* 2 téléphones sans fil

* 3 routeurs avec WIFI

* 3 amplificateurs de réseau WIFI

– un contrat de location n°083-28837 conclu le 10 novembre 2016 portant sur :

* du matériel de téléphonie IPBX

* 1 téléphone sans fil

* 1 borne ” dect ”

* 1 routeur avec WIFI

– un contrat de location n°083-29019 conclu le 29 novembre 2016 portant sur :

* du matériel de téléphonie IPBX

* 1 téléphone fixe

* 1 téléphone sans fil

* 1 borne ” dect ”

* 1 routeur avec WIFI

– un contrat de location n°083-29020 conclu 1e 29 novembre 2016 portant sur :

* du matériel de téléphonie IPBX,

* 37 téléphones fixes,

* 2 téléphones sans fil

* 2 bornes ” dect ”

* 1 routeur avec WIFI

* 7 amplificateurs de réseau WIFI

* 1 ” switch poe ”

* 1 baie de brassage.

La livraison des matériels est intervenue par les soins du fournisseur, la société Protel, entre les mains de l’association APEI, respectivement aux dates suivantes :

– le 22 septembre 2016 pour le contrat de location n°083-28037,

– le 9 novembre 2016 pour le contrat de location n°083-28837,

– le 25 novembre 2016 pour Ie contrat de location n°083-29019,

– le 25 novembre 2016 pour le contrat de location n°083-29020.

L’association APEI n’a plus honoré le paiement des loyers dus à compter du mois d’octobre 2017.

La société Grenke location a procédé à la résiliation anticipée des contrats selon lettres recommandées avec AR transmises le 1er mars 2018 à l’association APEI, mettant en demeure cette dernière de payer ses arriérés et de restituer le matériel loué.

Par acte d’huissier du 26 novembre 2018, la société Grenke a fait assigner l’association APEI devant le tribunal judiciaire de Nanterre, aux fins de la voir notamment condamnée à lui payer les loyers échus impayés et à lui restituer le matériel loué.

Par jugement du 21 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

– rejeté l’exception d’incompétence soulevée par l’association APEI,

– condamné l’association APEI à payer à la société Grenke la somme de 4 149,80 euros augmentée des intérêts au taux légal majoré de 5 points à compter du 26 novembre 2018, date de l’assignation du titre du contrat de location n°083-28837 en date du 11 novembre 2016,

– prononcé la caducité des contrats de location de matériels n°083-28037, n°083-29019, n°083-29020 et conclus les 23 septembre 2016 et 29 novembre 2016 entre l’association APEI et la société Grenke en raison de la résiliation des contrats de maintenance n°JF05/08/1601, n°JF02/11/1601 et n°JF02/11/1602 en date des 8 août 2016 et 2 novembre 2016 conclus entre l’association APEI et la société Protel au 1er juin 2017,

– débouté la société Grenke de ses demandes en paiement fondées sur les contrats de matériels n°083-28037, n°083-29020 et n°083-29019 signés les 23 septembre 2016 et 29 novembre 2016,

– condamné la société Grenke à rembourser à l’association APEI la somme totale de 2 811,26 euros au titre des loyers versés postérieurement à la caducité des trois contrats de location financière,

– débouté l’association APEI de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,

– débouté la société Grenke et de l’association APEI de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné l’association APEI aux dépens de l’instance,

– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.

Par acte du 20 décembre 2021, la société Grenke a interjeté appel du jugement et prie la cour, par dernières écritures du 11 mars 2024 de :

– déclarer son appel recevable et bien fondé,

– débouter l’association APEI de son appel incident,

En conséquence,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* rejeté l’exception d’incompétence soulevée par l’association APEI,

* condamné l’association APEI à leur payer la somme de 4 149,80 euros augmentée des intérêts au taux légal majoré de 5 points à compter du 26 novembre 2018, date de l’assignation au titre du contrat de location n°083-28837 en date du 11 novembre 2016,

* débouté l’association APEI de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive.

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* prononcé la caducité des contrats de location de matériels n°083-28037, n°083-29019, n°083-29020 et conclus les 23 septembre 2016 et 29 novembre 2016 entre l’association APEI et la société Grenke en raison de la résiliation des contrats de maintenance n°JF05/08/1601, n°JF02/11/1601 et n°JF02/11/1602 en date des 8 août 2016 et 2 novembre 2016 conclus entre l’association APEI et la société Protel au 1er juin 2017,

*débouté la société Grenke de ses demandes en paiement fondées sur les contrats de matériels n°083-28037, n°083-29020 et n°083-29019 signés les 23 septembre 2016 et 29 novembre 2016,

*condamné la société Grenke à rembourser à l’association APEI Ia somme de 2 811,26 euros au titre des loyers versés postérieurement à la caducité de trois contrats de location financière.

*débouté la société Grenke de sa demande en dommages et intérêts,

*débouté la société Grenke de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

*ordonné l’exécution provisoire de la présente décision,

Statuant à nouveau,

– condamner l’association APEI à payer à la société Grenke la somme principale de 30 109,50 euros augmentée des intérêts au taux légal majoré de cinq points sur la somme de 27 640,00 euros à compter du 16 mars 2018, date de la dernière mise en demeure extrajudiciaire jusqu’au complet paiement,

– condamner l’association APEI à payer à la société Grenke la somme principale de 4 856,53 euros, augmentée des intérêts au taux légal majoré de cinq points sur la somme de 4 460,96 euros à compter du 16 mars 2018, date de la dernière mise en demeure extrajudiciaire jusqu’au complet paiement,

– condamner l’association APEI à payer à la société Grenke la somme principale de 11 450,86 euros, augmentée des intérêts au taux légal majoré de cinq points sur la somme de 10 519,56 euros à compter du 16 mars 2018, date de la dernière mise en demeure extrajudiciaire jusqu’au complet paiement,

– ordonner la capitalisation des intérêts,

– débouter l’association APEI de toutes demandes plus amples ou contraires,

A titre subsidiaire, en cas de caducité des contrats de location,

– condamner l’association APEI à payer à la société Grenke la somme de 51 384,39 euros correspondant au prix total des matériels et la somme de 10 720,23 euros correspondant au bénéfice escompté au titre des contrats de location, avec intérêts légaux à compter de la décision à intervenir,

En tout état de cause,

– condamner l’association APEI à payer à la société Grenke à une indemnité de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile avec intérêts au taux légal en sus

– condamner l’association APEI aux entiers frais et dépens de la procédure d’appel dont le montant sera recouvré par Me Mélina Pedroletti, avocat, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières écritures en date du 15 mars 2023, l’association APEI prie la cour de :

– la recevoir en son appel incident,

Y faisant droit,

– infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par cette dernière et l’a condamnée à payer la somme de 4 149,80 euros,

En statuant à nouveau,

– de faire droit à l’exception soulevée par l’association au profit du tribunal judiciaire de Strasbourg,

– prononcer la caducité du contrat de location n°083-28837 en date du 11 novembre 2016 en raison de la résiliation au 1er juin 2017 du contrat de maintenance n°AF11/1016-01 en date du 11 octobre 2016 conclu entre l’association APEI et la société Protel,

En tout état de cause,

– confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a prononcé la caducité des contrats de location des matériels n°083-28037, n°083-29020 conclus le 23 septembre 2016 et 29 novembre 2016 entre l’association APEI et la société Grenke en raison de la résiliation au 1er juin 2017 des contrats de maintenance n°JF05/08/1601, n°JF02/11/1601 et n°JF02/11/1602 en date des 8 août 2016 et 2 novembre 2016 conclus entre l’association APEI et la société Protel,

– débouter la société Grenke de sa demande en dommages et intérêts sur le fondement des articles 1382 du code civil ancien et 1214 nouveau,

– condamner la société Grenke à lui payer une indemnité de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile avec intérêts au taux légal en sus,

– condamner la société Grenke aux entiers frais et dépens de la procédure d’appel dont le montant sera recouvré par Me Franck Lafon, avocat au barreau de Versailles conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’exception d’incompétence

L’association APEI fait valoir que les conditions générales des contrats litigieux comportent une clause attributive de compétence aux tribunaux de Strasbourg à laquelle la société Grenke, qui a fait souscrire ces contrats d’adhésion, ne peut se soustraire, étant donné que l’association APEI a accompli des actes de commerce en contractant avec la société Grenke.

La société Grenke répond que la clause attributive de juridiction n’a vocation à s’appliquer que dans les conditions prévues à l’article 48 du code de procédure civile, et donc lorsqu’elle a été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant.

Sur ce,

En l’absence d’élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu’elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties, étant précisé qu’outre le fait que les souscriptions litigieuses ne constituent pas des actes de commerce pour l’association, celle-ci ne fait pas de sa profession habituelle l’exercice d’actes de commerce et n’a donc pas conclu les contrats litigieux en qualité de commerçant au sens de l’article L. 121-1 du code de commerce.

Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par l’association APEI.

Sur l’interdépendance des contrats et la caducité des contrats de location

Pour faire obstacle à l’action en paiement de la société Grenke, l’association APEI fait valoir que les quatre contrats de fournitures, d’installation et d’entretien des matériels téléphoniques ont tous été souscrits auprès de la société Protel dans le cadre d’une opération unique, incluant la conclusion des contrats de location financière litigieux et qu’il s’agit donc de contrats interdépendants et indivisibles. Elle en déduit, sur le fondement de la jurisprudence et de l’article 1186 du code civil, que la résiliation des contrats d’installation et de maintenance des matériels téléphoniques a entrainé la caducité des contrats de location.

Elle ajoute que la société Grenke ne pouvait ignorer l’existence des contrats conclus avec la société Protel, dès lors que tous les contrats ont été signés de manière concomitante, que les contrats de financement ont été contresignés par la société Protel, que la société Grenke a sollicité de cette dernière la confirmation de la livraison du matériel, que les montants des loyers précisés sur les bons de commande correspondent à ceux prévus par les contrats de location, que les contrats de location comportent une clause aux termes de laquelle le locataire informe le bailleur de la conclusion de contrats de maintenance et d’entretien avec le fournisseur et qu’enfin, la société Grenke s’est elle-même mise en quête de trouver un nouveau prestataire de service pour assurer la maintenance du matériel loué à la suite de la résiliation des contrats par la société Protel.

Elle maintient que le courrier envoyé par la société Protel doit s’analyser en un courrier de résiliation des contrats de maintenance emportant disparition de ces contrats interdépendants, et rejette les arguments adverses lui reprochant de ne pas avoir fait constater la résiliation en attrayant dans la cause la société Protel.

La société Grenke fait valoir que quand bien même le contrat de prestations de service conclu par l’association APEI auprès de la société Protel serait résilié, il ne pourrait pas lui être opposé la caducité des contrats de location, en l’absence d’interdépendance des contrats.

Rappelant que sa connaissance de l’opération d’ensemble est une condition indispensable à l’interdépendance des contrats alléguée, elle soutient avoir totalement ignoré l’existence de contrats de fourniture, bons de commande ou de prestations de service et/ou de maintenance conclus concomitamment ou antérieurement par l’association APEI avec la société Protel. Faisant observer que ces contrats ne sont pas versés aux débats, elle note que l’association APEI ne rapporte pas la preuve qu’ils auraient été contresignés ou portées à sa connaissance. Elle ajoute que la case relative à l’existence d’un contrat de maintenance n’est pas signée dans les contrats de location et que l’identité du montant des loyers sur les deux types de contrats produits (contrats de location et bons de commande) permet seulement de démontrer que c’est la société Protel qui avait connaissance du financement.

En outre, l’appelante se prévaut comme d’un obstacle à toute interdépendance des conditions générales des contrats de location qui stipulent que le locataire fait son affaire de tout contrat de maintenance souscrit auprès du fournisseur, qu’il doit exercer les recours utiles contre ce dernier et qu’il renonce à toute action contre le bailleur.

Elle expose enfin qu’en tout état de cause le courrier de la société Protel du 1er juin 2017 ne peut pas s’analyser en une résiliation unilatérale des contrats de maintenance conclus avec le locataire, que la résiliation du contrat ne peut être prononcée dès lors que la société contractante est en liquidation et n’a pas été attraite dans la cause, et qu’en l’absence d’anéantissement desdits contrats de maintenance, le locataire ne peut pas se prévaloir de la caducité des contrats de location.

Sur ce,

Sur le fondement des anciens articles 1134, 1217 et 1218 du code civil, applicables aux contrats conclus antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la Cour de cassation a pu retenir que ” les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants ” et que ” sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance ” (Ch. mixte, 17 mai 2013, n° 11-22.927 et n° 11-22.768).

Cette interprétation jurisprudentielle doit être maintenue (cf. Com. 10 janv. 2024, n° 22-20.466), sur le fondement de l’article 1186 du code civil, applicable aux contrats conclus postérieurement à la réforme du droit des obligations, qui énonce :

“Un contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments essentiels disparaît.

Lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie.

La caducité n’intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement. ”

En l’espèce, l’association APEI a signé auprès de la société Protel quatre bons de commande, les 5 août 2016 (JF05/08/1601), 11 octobre 2016 (AF11/1016-01) et 2 novembre 2016 (JF02/11/1601 et JF02/11/1602). Ils sont accompagnés de contrats de maintenance et d’avenants, souscrits aux mêmes dates, la société Protel offrant pour chacune des commandes une prestation de maintenance gratuite durant toute la durée de la location visée dans les bons de commande.

Les contrats de location financière litigieux, n° 083-28037, n° 083-28837, n° 083-29019, et n° 083-29020, conclus les 23 septembre 2016, 14 novembre 2016 et 29 novembre 2016, comportent tous, dans leur en-tête, l’identité et les coordonnées du fournisseur du matériel loué, la société Protel. Il y est prévu une prise d’effet dès réception d’un document intitulé ” confirmation de livraison ” que le locataire est chargé de transmettre à la société Grenke après livraison des biens commandés. L’article 2 des conditions générales prévoit en outre le cas où le locataire devrait conclure un contrat de prestation de service ” notamment de maintenance ” avec le fournisseur.

Il ressort des circonstances de la cause que les contrats de maintenance étaient inclus dans une opération comportant une location financière, que l’exécution des contrats de location était étroitement dépendante de la livraison des marchandises commandées, que les bons de commande ont été signés de façon concomitante avec les avenants et contrats de maintenance prévoyant d’offrir au locataire une prestation de maintenance et que le bailleur avait en outre anticipé l’existence d’une telle prestation dans ses conditions générales.

Dans ces conditions, il apparaît que la société Grenke avait nécessairement connaissance du fait que les prestations de la société Protel ne se limitaient pas à la mise à disposition du matériel acheté mais incluait une prestation de maintenance conçue comme inséparable de la commande financée. Il en résulte qu’en dépit des clauses des conditions générales dont se prévaut la société Grenke, qui doivent être réputées non écrites en ce qu’elles tendent à occulter tout à la fois la nature exacte de l’opération d’ensemble et l’intérêt bien compris du locataire à l’opération, il doit être considéré que l’association APEI est parfaitement fondée à se prévaloir de l’interdépendance des contrats en cause retenue à bon droit et selon une appréciation exacte des circonstances par le tribunal, selon des motifs que la cour adopte pour le surplus.

En outre, lorsque des contrats incluant une location financière sont interdépendants, l’anéantissement de l’un quelconque d’entre eux est un préalable nécessaire à la caducité même en cas de liquidation judiciaire de la société prestataire (Cf. Com. 4 nov. 2014, n° 13-24.270 ; Com. 4 juill. 2018, n° 17-15.597 ; Civ. 1ère, 5 janv. 2022, n° 20-11.713), ce qui exclut de se prévaloir de la simple inexécution du contrat de maintenance et doit conduire à rechercher la ” disparition ” du contrat sous l’acception générale que lui donne l’article 1186 du code civil précité.

A cet égard, il peut être mis fin au contrat de façon extra-judiciaire, au moyen notamment d’une résiliation unilatérale à l’initiative du débiteur à laquelle le créancier, comme l’autre contractant impliqué dans l’opération contractuelle unique, ont accepté de faire produire effet.

En l’espèce, l’association APEI verse aux débats un courrier daté du 1er juin 2017, dans lequel la société Protel indique devoir prendre des ” décisions radicales quant à la poursuite de l’activité ” en raison d’un ” ralentissement économique d’activité “. Elle précise qu’elle ” assurera la transition par la remise à ses clients de l’ensemble des identifiants, et codes afin de procéder au basculement d’opérateur ” et communiquera l’ensemble des éléments ” afin que ce changement s’opère dans d’excellentes conditions “.

Bien que ce courrier ne fasse pas directement référence aux contrats de maintenance et ne renferme pas la volonté expresse de la société Protel de résilier ces derniers, c’est à raison que le tribunal a considéré qu’il devait s’analyser en une résiliation unilatérale des contrats de maintenance en cours, en ce que cet acte peut reposer sur une manifestation de volonté tacite.

En l’occurrence, la société Protel a pris la décision qu’elle présente comme ” radicale ” d’adresser à son cocontractant un courrier dans lequel elle lui indique sans équivoque ne plus être mesure d’exécuter les prestations qui lui incombaient jusqu’alors et présente la situation comme si elle était déliée de toute obligation pour l’avenir, ce qui dénote sa volonté de se soustraire à la force obligatoire du contrat pour une cause propre, qu’elle considère comme légitime, tenant aux difficultés financières qu’elle rencontre.

Le fait que ce courrier n’ait pas été suivi d’une action judiciaire de la part de l’association APEI, tendant à voir prononcer ou constater la résolution des contrats de maintenance, aux torts de la société Protel, ne saurait faire obstacle à l’effet révocatoire d’une résiliation unilatérale manifestement acceptée par l’association APEI qui comptait sur la poursuite des opérations de maintenance par un autre opérateur.

A cet égard, il ressort d’un échange de courriels en date du 7 juin 2017 que la société Grenke a pris acte de la défaillance de la société Protel et donc de la fin des contrats de maintenance souscrits par cette dernière auprès de l’association APEI, en communiquant les coordonnées de l’association à une autre société (la société Hexacom) afin que celle-ci puisse de nouveau assurer la maintenance de l’installation ; démarche vaine dont il n’est pas contesté qu’elle n’a été suivie d’aucun effet, la maintenance n’ayant finalement pas été assurée par un autre opérateur.

Dans ces circonstances particulières, distinctes de celles d’une résiliation à l’initiative du locataire du fait des manquements du contractant à ses obligations, le locataire pouvait, à juste titre, se prévaloir de la ” disparition ” du contrat de maintenance comme d’un fait avéré tenant à la fin des contrats de maintenance sans avoir à appeler dans la cause le prestataire ou son mandataire judiciaire.

Etant précisé que l’objet des contrats de maintenance et les circonstances dans lesquelles ceux-ci ont été conclus faisaient de leur exécution une condition déterminante du consentement de l’association APEI, leur disparition doit conduire à la caducité des contrats de financement et au rejet des demandes en paiement de la société Grenke.

Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point, la cour prenant toutefois acte de ce qu’en cause d’appel l’association APEI verse aux débats l’un des contrats de maintenance qui faisait défaut en première instance (pièce n° 10 de l’association APEI) aux fins d’étendre la caducité au contrat de location n° 083-28837 et réformer en conséquence le jugement en ce qu’il a prononcé la résiliation de ce contrat aux torts du locataire et condamné en conséquence l’association APEI à s’acquitter des sommes et pénalités dues à ce titre.

Sur la responsabilité de l’association APEI

La société Grenke location fait valoir, à titre subsidiaire, sur le fondement des articles 1382 ancien et 1240 nouveau du code civil que l’association APEI engage sa responsabilité à son égard du fait de sa négligence, en ce qu’elle lui a confirmé par écrit avoir réceptionné un matériel conforme aux stipulations contractuelles et s’est abstenue de la prévenir immédiatement d’un quelconque problème de livraison, d’installation ou de fonctionnement du matériel loué.

Elle s’estime fondée à demander la condamnation de l’association APEI à lui verser le prix total décaissé pour l’acquisition du matériel (51 384, 39 euros) et le bénéfice escompté des contrats de location si ces derniers n’avaient pas été ” annulés ” (10 720, 23 euros).

L’APEI répond qu’elle n’a jamais contesté avoir réceptionné les matériels commandés mais que les portabilités prévues n’ont jamais pu être effectives. Elle conteste avoir adressé une attestation de livraison erronée et reprend pour son compte les motifs du jugement ayant retenu que la résiliation des contrats de maintenance est intervenue en raison des difficultés économiques rencontrées par la société Protel.

Sur ce,

Pour prétendre à une indemnisation sur le fondement de l’article 1382 ancien et 1240 nouveau du code civil, l’appelante doit démontrer l’existence d’un préjudice, d’une faute imputable à l’intimée et d’un lien de causalité entre les deux.

Or, en l’espèce, outre le fait que la société Grenke se prévaut de préjudices en lien avec une annulation des contrats de location, qui n’a pas été prononcée, et ce, sans même tenir compte du fait que le matériel lui a été restitué (pièces n° 28, 29, 30 de l’association APEI), il apparaît que la caducité des contrats de location, qui n’a produit d’effet que pour l’avenir, à compter du 1er juin 2017, résulte de la disparition d’un contrat pour une cause étrangère au locataire, tenant aux difficultés économiques rencontrées par le fournisseur chargé par ailleurs de la maintenance du matériel, de sorte que cette situation, opposable au bailleur qui ne pouvait ignorer l’interdépendance des contrats en cause, ne résulte pas d’un quelconque comportement fautif de la part du locataire.

Le jugement ayant rejeté les prétentions indemnitaires de la société Grenke sera donc confirmé pour ces motifs ajoutés à ceux du tribunal et que la cour adopte.

Sur la demande reconventionnelle en restitution des loyers payés en trop

La société Grenke location demande l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a condamnée à restituer à l’association APEI les loyers que cette dernière a versé en trop, en application des trois contrats de location visés par la caducité, postérieurement à la date du 1er juin 2017.

Les motifs qui précèdent conduisent la cour, à la suite du tribunal, à retenir la date du 1er juin 2017 comme la date à laquelle les contrats litigieux devaient être considérés comme caducs, et à en tirer toutes les conséquences en condamnant le bailleur à restituer au locataire les loyers indument perçus par le bailleur à une époque où la caducité avait mis fin aux contrats de location.

Pour ces motifs, ajoutés à ceux du tribunal et que la cour adopte, le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive

En l’absence d’élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu’elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties en rejetant la demande formée à ce titre par l’association APEI ; il convient en conséquence de confirmer la décision déférée sur ce point.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société Grenke location succombant, les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées, l’article 696 du code de procédure civile devant en outre conduire à mettre à sa charge les dépens de l’instance d’appel, qui seront recouvrés par Me Lafon conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’équité commande par ailleurs de condamner la société Grenke à indemniser l’association APEI des frais irrépétibles qu’elle a exposés pour assurer sa défense à hauteur d’appel, dans la limite de 5 000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu’il a condamné l’association APEI à payer à la société Grenke la somme de 4 149,80 euros augmentée des intérêts au taux légal majoré de 5 points à compter du 26 novembre 2018, date de l’assignation du titre du contrat de location n°083-28837 en date du 11 novembre 2016,

Statuant à nouveau, dans cette limite,

Rejette la demande en paiement de la société Grenke location au titre du contrat de location n° 083-28837,

Y ajoutant,

Condamne la société Grenke location aux dépens de l’instance, qui seront recouvrés par Me Franck Lafon, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Condamne la société Grenke location à verser à l’association Amis parents enfants inadaptés la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Charlotte GIRAULT, Conseiller pour la présidente empêchée et par Madame FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, P/La présidente empêchée ,


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x