Extension des opérations d’expertise : conditions et recevabilité des demandes en litige complexe

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Extension des opérations d’expertise : conditions et recevabilité des demandes en litige complexe

La société Atelier de Restauration Klughertz a demandé la déclaration d’irrecevabilité de la demande de M. [G], ainsi que le rejet de celle-ci pour absence de motif légitime, tout en sollicitant une indemnité de 2 000 euros. La société Ottelec a également demandé l’irrecevabilité de la mise en cause à son encontre et a réclamé des dépens. Elle a par la suite demandé la jonction des requêtes de M. [G] et de la société Ottelec. La société Grisanti a demandé la déclaration de la demande de M. [G] comme prescrite et irrecevable, tout en sollicitant des dépens.

Le tribunal a ordonné la jonction des requêtes, a déclaré irrecevables les fins de non-recevoir des sociétés, et a rejeté la demande d’extension des opérations d’expertise aux sociétés concernées. M. [G] a été condamné à supporter les dépens et à verser 800 euros à chacune des sociétés au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 octobre 2024
Cour d’appel de Colmar
RG
19/02535
Copie aux avocats

le 17 octobre 2024

La greffière,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE 2 A

N° RG 19/02535 – N° Portalis DBVW-V-B7D-HDFO

Minute n° : 401/2024

ORDONNANCE DU 17 OCTOBRE 2024

dans l’affaire entre :

APPELANT :

Monsieur [N]-[F] [G]

demeurant [Adresse 4] à [Localité 7]

représenté par Me Eulalie LEPINAY, avocat à la cour

INTIMÉE :

La SARL GARAGE GMV prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 5] à [Localité 7]

représentée par Me Guillaume HARTER de la SELARL LX COLMAR, avocat à la cour

APPELÉES EN INTERVENTION FORCÉE :

La S.A. SERM, prise en la personne de son représentant légal,

ayant siège [Adresse 1] à [Localité 6]

représenté par la SELARL ACVF ASSOCIES, avocats à la cour

La S.A.R.L. OTTELEC prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 2] à [Localité 7]

représentée par la SCP CAHN et ASSOCIES, avocats à la cour

La S.A.R.L. ATELIER DE RESTAURATION KLUGHERTZ prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 9] à [Localité 8]

représentée par Me Noémie BRUNNER, avocat à la cour

La S.A.R.L. GARAGE GRISANTI prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 3] à [Localité 7]

représentée par Me Joseph WETZEL, avocat à la cour

Nous, Murielle ROBERT-NICOUD, conseillère à la cour d’appel de Colmar, chargée de la mise en état, assistée lors des débats et de la mise à disposition de la décision de Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffière,

Après avoir entendu les conseils des parties en leurs explications à l’audience du 11 septembre 2024, statuons comme suit :

Par arrêt mixte en date du 14 janvier 2021, la cour de céans a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg en date du 24 avril 2019, dans l’instance opposant M. [F] [G] à la SARL Garage GMV en ce qu’il a annulé le rapport d’expertise judiciaire de M. [T] daté du 28 septembre 2015, et a, avant-dire-droit, ordonné une nouvelle expertise.

Par ordonnance du 18 mai 2021, le conseiller de la mise en état a désigné, en remplacement de l’expert initialement désigné, M. [M] [H].

Par ordonnance du 8 février 2023, le conseiller de la mise en état a, notamment, ordonné l’extension à la SARL SERM des opérations d’expertise confiée à M. [M] [H], expert judiciaire, par l’arrêt du 14 janvier 2021 et la décision du conseiller de la mise en état du 18 mai 2021, et a prorogé au 30 juin 2023 le délai imparti à l’expert pour déposer son rapport.

M.[G] a, par requête datée du 8 août 2023, transmise par voie électronique le même jour, sollicité du conseiller de la mise en état l’extension des opérations d’expertise à la SARL Ottelec, à la SARL Grisanti et à la SARL Klughertz.

Il fait valoir que suite à la réunion d’expertise du 16 mai 2023, l’expert judiciaire a confirmé par lettre du 5 juillet 2023 qu’il lui apparaissait impératif de mettre en place une troisième réunion d’expertise pour que le demandeur puisse assigner les différentes entreprises ayant entrepris des interventions sur le véhicule.

Lors de l’audience du 13 septembre 2023, l’affaire a été renvoyée afin que le requérant mette en cause les trois sociétés auxquelles il entend voir étendues les opérations d’expertise.

Par actes d’un huissier de justice intitulé ‘assignation devant la cour d’appel de Colmar’ délivrés le 23 septembre 2023 à la société Atelier de Restauration Klughertz et à la société Garage Grisanti et le 27 septembre 2023 à la société Ottelec, M. [G] leur a signifié la déclaration d’appel du 3 juin 2019 et la requête aux fins d’extension de l’expertise du 8 août 2023 en vue de l’audience de mise en état fixée le 8 novembre 2023.

Par ses dernières conclusions datées du 28 mars 2024, transmises par voie électronique le même jour, M. [G] demande au conseiller de la mise en état de :

– déclarer irrecevables les fins de non-recevoir soulevées, car ne dépendant ni des pouvoirs ni de la compétence du conseiller de la mise en état, et débouter en conséquence les parties adverses,

– le déclarer recevable et bien fondé en sa requête en extension des opérations d’expertise,

– y faisant droit, étendre les opérations d’expertise ordonnées par arrêt mixte du 14 janvier 2021 à la société Ottelec, la société Grisanti et la société Klughertz,

– débouter les parties adverses de leurs demandes, fins et conclusions contraires,

– réserver les dépens :

Par ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 9 janvier 2024, la société Atelier de Restauration Klughertz (la société Klughertz ) demande au conseiller de la mise en état de :

– déclarer la demande de M. [G] irrecevable,

– subsidiairement : rejeter la demande de M. [G] pour absence de motif légitime,

– en tout état de cause : débouter M. [G] de l’intégralité de ses demandes, et le condamner à lui payer une indemnité de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens.

Par requête du 20 décembre 2023, transmise par voie électronique le même jour, la société Ottelec demande au conseiller de la mise en état de :

– déclarer la demande irrecevable en ce qui concerne la mise en cause de la société Ottelec,

– condamner M. [G] aux entiers dépens de la mise en cause et au versement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par requête du 20 décembre 2023, transmise par voie électronique le même jour, la société Ottelec demande au conseiller de la mise en état d’ordonner la jonction des requêtes déposées par M. [G] et par la société Ottelec ;

Par note transmise par voie électronique le 12 mars 2024, la société Ottelec indique s’en remettre quant à la demande d’extension des opérations d’expertise ;

Par ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 juin 2024, la société Ottelec demande au conseiller de la mise en état de déclarer la requête irrecevable et subsidiairement mal fondée ;

Par ses dernières conclusions datées du 1er juillet 2024 , transmises par voie électronique le 2 juillet 2024, la société Grisanti demande au conseiller de la mise en état de :

– déclarer prescrite l’action de M. [G] dirigée à son encontre, la déclarer irrecevable,

subsidiairement :

– juger que la mise en cause de la société Garage Grisanti ne remplit pas les conditions de l’article 550 du code de procédure civile, et en conséquence, la déclarer irrecevable,

très subsidiairement :

– juger que la demande en extension d’expertise en ce qu’elle est dirigée à son encontre n’est pas justifiée par un motif légitime, et en conséquence, la déclarer irrecevable et mal fondée,

en tout état de cause :

– débouter M. [G] de ses demandes dirigées contre elle,

– le condamner à lui payer 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

MOTIFS

Il convient d’ordonner la jonction des requêtes.

M. [G] a saisi le conseiller de la mise en état d’une requête en extension des opérations d’expertise aux sociétés Grisanti, Ottelec et Klughertz, puis les a assignées devant la cour d’appel, en leur signifiant la déclaration d’appel et la requête aux fins d’extension de l’expertise en vue de l’audience sur incident.

1. Sur la fin de non-recevoir opposée par les sociétés Grisanti, Ottelec et Klughertz à l’action de M. [G] dirigée à leur encontre :

La société Grisanti demande que soit déclarée irrecevable comme prescrite l’action dirigée à son encontre, et subsidiairement comme ne remplissant pas les conditions de l’article 550 du code de procédure civile.

La société Ottelec demande que soit déclarée irrecevable sa mise en cause comme étant prescrite, et comme ayant été mise en cause pour la première fois en appel ‘sans qu’il puisse être prétendu à l’existence d’un élément nouveau’.

La société Klughertz demande que soit déclarée irrecevable sa mise en cause comme étant prescrite, et, au visa de l’article 547 du code de procédure civile, comme n’ayant jamais été partie en première instance.

M. [G] réplique que ces fins de non-recevoir sont irrecevables, puisque ne relevant pas du pouvoir juridictionnel du conseiller de la mise en état.

L’article 789 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret du 11 décembre 2019, qui régit la compétence du conseiller de la mise en état par renvoi de l’article 907 du même code de procédure civile, est applicable aux instances en cours au 1er janvier 2020.

Cependant, selon l’article 55-II du décret du 11 décembre 2019, rectifié par l’article 22-1-5°) du décret du 20 décembre 2019, les dispositions du 6°) de l’article 789, dans sa version issue du décret du 11 décembre 2019, concernant la compétence exclusive du juge de la mise en état pour statuer sur les fins de non recevoir, ne sont applicables qu’aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, et non aux instances en cours.

Le conseiller de la mise en état ne peut statuer sur des fins de non-recevoir autres que celles prévues à l’article 914 du code de procédure civile qu’à compter du 1er janvier 2021 et dans des appels formés à compter du 1er janvier 2020 (2e Civ., 5 octobre 2023, pourvoi n° 22-14.430).

En l’espèce, l’appel ayant été régularisé le 3 juin 2019, le conseiller de la mise en état est dépourvu du pouvoir juridictionnel pour se prononcer sur les fins de non-recevoir soulevées qui relèvent de la seule compétence de la cour, et ce qu’il s’agisse de la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’appel en intervention forcée, de celle tirée de l’article 555 du code de procédure civile et de l’absence d’évolution du litige ou encore de celle tirée de l’article 547 dudit code.

Par voie de conséquence, il convient de déclarer irrecevables en tant que portées devant le conseiller de la mise en état les fins de non-recevoir soulevées par les sociétés Grisanti, Ottelec et Klughertz.

2. Sur la demande en extension d’expertise :

M. [G] est propriétaire d’un véhicule de collection Rolls-Royce Silver Cloud mis en circulation en 1960 destiné au transport de personnes lors d’événement ou de cérémonies.

Il produit divers documents montrant qu’outre les sociétés GMV et Serm, déjà parties aux opérations d’expertise, les sociétés Ottelec, Klughertz et Grisanti sont intervenues sur le véhicule.

Par note du 5 juillet 2023, M. [H], expert judiciaire désigné par la cour, a considéré qu’il est impératif de remettre en place une troisième expertise, afin que la partie demanderesse assigne les différentes entreprises ayant entrepris des interventions sur le véhicule, à savoir les sociétés Ottelec, Grisanti et Klughertz, et que la présence de ces différentes personnes est capitale pour la compréhension et l’explication du litige.

Au soutien de sa demande, M. [G] soutient que la complexité du dossier et l’imbrication de l’intervention des différents intervenants impliquent nécessairement leur participation à l’expertise en cours et que le courrier de l’expert du 5 juillet 2023 constitue l’intérêt légitime visé par l’article 145 du code de procédure civile puisqu’il a intérêt à conserver la preuve à l’égard de nouvelles parties dont l’expert estime indispensable la mise en cause afin de statuer sur des responsabilités professionnelles.

Cependant, d’une part, la présente expertise n’a pas été ordonnée, avant tout procès au fond, sur requête ou en référé, de sorte qu’elle ne l’a pas été dans le cadre de l’article 145 du code de procédure civile, mais par la cour d’appel statuant avec les pouvoirs du juge du fond dans le cadre d’une action en responsabilité.

D’autre part, à ce stade, M. [G] n’a présenté aucune demande de condamnation à l’égard des trois sociétés précitées, ni dirigé aucune conclusions de fond à leur égard, sauf à demander par conclusions du 21 février 2024 le sursis à statuer et de lui réserver le bénéfice de ses éventuelles conclusions à leur égard après dépôt du rapport d’expertise définitif.

Dès lors, il n’est pas justifié de la nécessité d’étendre les opérations d’expertise à leur égard, la solution du litige actuel ne le commandant pas.

La demande sera donc rejetée.

3. Sur les frais et dépens :

Succombant, M. [G] sera condamné à supporter les dépens de l’incident.

Il sera, en outre, condamné à payer à la société Grisanti, à la société Ottelec et à la société Klughertz la somme de 800 euros, chacune, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, par décision mise à disposition au greffe et non déférable à la cour,

Ordonnons la jonction des requêtes de M. [G] du 8 août 2023 et de la société Ottelec du 20 décembre 2023 ;

Déclarons irrecevables les fins de non-recevoir soulevées par les sociétés Grisanti, Ottelec et Atelier de Restauration Klughertz, en tant qu’elles sont soulevées devant le conseiller de la mise en état ;

Rejetons la demande d’extension des opérations d’expertise, ordonnée par l’arrêt de la cour d’appel du 14 janvier 2021, aux sociétés Grisanti, Ottelec et Atelier de Restauration Klughertz ;

Condamnons M. [G] à supporter les dépens de l’incident ;

Condamnons M. [G] à payer à la société Grisanti, à la société Ottelec et à la société Kughertz la somme de 800 euros (huit cents euros), chacune, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière, Le magistrat de la mise en état,


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