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→ Résumé de l’affaireLa SARL CF Architecture a assigné en référé la société SMABTP afin de rendre communes les opérations d’expertise judiciaire confiées à un expert. Le juge des référés a rejeté la demande de la SARL CF Architecture et l’a condamnée à payer les dépens et une somme de 1.500 euros à la SMABTP. La SARL CF Architecture a interjeté appel de cette décision. Dans ses dernières écritures, la SARL CF Architecture demande à la cour d’infirmer l’ordonnance du tribunal judiciaire de Laval, de déclarer communes et opposables à la SMABTP les opérations d’expertise, et de condamner la SMABTP à lui payer une somme de 2.000 euros. La SMABTP, de son côté, demande à la cour de confirmer l’ordonnance du tribunal judiciaire de Laval et de condamner la SARL CF Architecture à lui payer une somme de 2.000 euros. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
D’ANGERS
CHAMBRE A – CIVILE
LEL/ILAF
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 23/01286 – N° Portalis DBVP-V-B7H-FGIJ
ordonnance du 13 Juillet 2023
Président du TJ de LAVAL
n° d’inscription au RG de première instance 23/00084
ARRET DU 20 AOUT 2024
APPELANTE :
S.A.R.L. CF.ARCHITECTURE
prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Sébastien HAMON de la SELARL DELAGE BEDON LAURIEN HAMON, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 220209 substitué par Me Raphaël PAPIN
INTIMEE :
SMABTP
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Nicolas FOUASSIER de la SELARL BFC AVOCATS, avocat au barreau de LAVAL – N° du dossier 22300370 substitué par Me Gaëlle PETITJEAN
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 27 Mai 2024 à 14’H’00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme EL YAHYIOUI qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
Mme GANDAIS, conseillère
Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée
Greffière lors des débats : Mme GNAKALE
Greffier lors du prononcé : M. DA CUNHA
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 20 août 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Leïa ELYAHYIOUI, vice-présidente placée, pour la présidente empêchée et par Tony DA CUNHA, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Par exploit du 21 avril 2023, la SARL CF Architecture a fait assigner en référé la société Mutuelle d’Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP), en’qualité d’assureur de la société Bat’Illma aux fins de lui rendre communes les opérations d’expertise judiciaire confiées à Mme [M] [I] par ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Laval du 12 octobre 2022.
Suivant ordonnance du 13 juillet 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Laval a :
– rejeté la demande de la société CF Architecture,
– dit que la société CF Architecture sera tenue au paiement des dépens de l’instance,
– condamné la société CF Architectue à verser à la société SMABTP la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
– rappelé que la décision est exécutoire par provision.
Par déclaration déposée au greffe de la cour le 3 août 2023, la SARL’CF’Architecture a interjeté appel de cette décision en son entier dispositif intimant dans ce cadre la SMABTP.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 7 mai 2024 et l’audience de plaidoiries fixée au 27 de ce même mois conformément aux prévisions d’un avis du 23 février 2024.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières écritures déposées le 6 mai 2024, la SARL’CF’Architecture demande à la présente juridiction de :
Vu les dispositions des articles 145, 699 et 700 du Code de procédure civile,
– la juger recevable et bien fondée en ses demandes,
– infirmer l’ordonnance du tribunal judiciaire de Laval rendue le 13 juillet 2023 en ce qu’elle :
– a rejeté sa demande,
– a dit qu’elle sera tenue au paiement des dépens de l’instance,
– l’a condamnée à verser à la société SMABTP la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
– y faire droit,
– juger qu’elle dispose d’un intérêt légitime à ce que la SMABTP soit partie prenante au procès,
– déclarer communes et opposables à la SMABTP, assureur de la société Bat Illma les opérations d’expertise confiées à Mme [M] [I] par ordonnance de référé du 12 octobre 2022,
– débouter la SMABTP de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions
En tout état de cause :
– condamner la SMABTP, ès qualités d’assureur de la société Bat’Illma, à lui payer la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamner la société SMABTP, ès qualités d’assureur de la société Bat’Illma, aux entiers dépens, en ce compris ceux exposés devant le tribunal judiciaire de Laval.
Aux termes de ses dernières écritures déposées le 7 mai 2024, la SMABTP demande à la présente juridiction de :
– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Laval du 13 juillet 2023,
– débouter la société Cf Architecture de l’ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions dirigés à son encontre,
– condamner la société Cf Architecture à lui payer et porter la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamner la société Cf Architecture aux entiers dépens, dont distraction au profit de la Selarl Bfc Avocats, Me Nicolas Fouassier, Avocat aux offres et affirmations de droit.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 494 du Code de procédure civile, aux dernières écritures, ci-dessus mentionnées.
Sur les demandes principales :
En droit, l’article 145 du Code de procédure civile prévoit que : ‘S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé’.
Le premier juge rappelant que courant août 2022, Mme et M. [W] avaient fait assigner douze entreprises et assureurs aux fins d’expertise s’agissant des désordres affectant l’immeuble qu’ils avaient fait construire courant 2011/2012, a observé que les maîtres de l’ouvrage n’avaient aucunement attrait en procédure la société Bat’Illma. Il a également souligné que si la société d’architecture demande l’intervention de la SMABTP aux opérations d’expertise, elle n’a pour autant aucunement mis en cause l’assurée de celle-ci, sans s’expliquer à ce titre. Par ailleurs, il a été souligné qu’il n’avait pas été produit aux débats de devis, contrat ou facture démontrant l’étendue des travaux ayant pu être réalisés par la société Bat’Illma ainsi que leur éventuel lien avec les désordres invoqués par les maîtres de l’ouvrage. Par ailleurs, il a été souligné qu’alors même qu’une première réunion d’expertise serait intervenue, la société d’architecture ne produit aucune note ou courrier de l’expert faisant état de la nécessité ou de l’intérêt de la mise en cause de l’assureur de la société Bat’Illma.
Aux termes de ses dernières écritures, l’appelante soutient que la société Bat’Illma était en charge du lot n°5 menuiseries extérieures. Elle indique qu’en suite de la première réunion d’expertise, le professionnel désigné lui a demandé, entre autres, de communiquer l’attestation d’assurance de l’entreprise de menuiserie. S’agissant de la motivation du premier juge, elle observe qu’aux termes d’un arrêt du 1er février 2024 (22-21.025) la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a estimé que ‘la recevabilité de l’action en garantie dirigée contre un assureur n’est pas subordonnée à la mise en cause de son assuré’. Elle précise par ailleurs avoir transmis, dès la procédure devant le premier juge, les éléments justifiant l’étendue des prestations servies par la société Bat’Illma. En réponse aux arguments de l’intimée portant sur l’absence de justification des désordres pouvant affecter le lot n°5, l’appelante observe que la note d’expertise n°2 établit leur existence étant souligné que ce professionnel précise désormais que l’assureur de la société Bat’Illma doit être appelé à l’expertise. Elle conclut donc disposer d’un intérêt légitime à solliciter l’intervention de l’intimée aux opérations d’expertise.
Aux termes de ses dernières écritures l’assureur intimé indique que sa contradictrice a produit très tardivement diverses pièces notamment non signées aux fins d’établir l’intervention de son assurée au chantier. En tout état de cause, il soutient ‘que l’on ignore tout d’éventuels désordres qui affecteraient les ouvrages qui auraient été réalisés par la société Bat’Illma’. Il souligne que l’assignation des maîtres de l’ouvrage ‘ne vise aucun désordre affectant des ouvrages qui auraient été réalisés par’ son assurée. Il souligne de plus qu’aucun désordre de nature décennale n’a été dénoncé dans le délai d’épreuve ‘et qui pourrait concerner’ son assurée. Il observe par ailleurs que l’appelante ne justifie aucunement avoir sollicité l’avis de l’expert sur l’extension sollicitée alors même que cette opinion est obligatoire par application des dispositions de l’article 245 du Code de procédure civile. Il souligne que cet avis ne résulte aucunement de la note n°2 invoquée par la société d’architecture et expose également que les attestations d’assurance produites par l’appelante établissent qu’il assurait la société Bat’Illma au titre d’une activité de maîtrise d’oeuvre et aucunement en qualité d’entreprise exécutante et n’a aucunement assuré une activité de menuiserie extérieure. De l’ensemble, l’intimé conclut que sa contradictrice ne justifie pas d’un intérêt à l’attraire aux opérations d’expertise, les éventuelles demandes devant être formées contre lui n’ayant aucunement vocation à prospérer.
Sur ce :
En l’espèce, l’appelante communique aux débats copie d’un procès-verbal de réception régularisé en présence du maître d’oeuvre, entre les maîtres de l’ouvrage et l’EURL Bat’Illma courant 2012. Cette pièce comporte tant le sceau que la signature du représentant de cette société.
Dans ces conditions, l’intervention de l’assurée de la SMABTP au chantier litigieux est établie.
Par ailleurs, il résulte des écritures mêmes de l’appelante que la réception est intervenue le 1er septembre 2012 et qu’elle invoque la qualité d’assureur décennal de l’intimé, ce dernier indiquant en substance qu’il a été attrait en procédure au-delà du délai d’épreuve ce qui rend toute action à son encontre irrecevable.
Cependant, il doit être rappelé que ‘le recours d’un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève des dispositions de l’article 2224 du Code civil et se prescrit par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi n°18-25.915, publié).
11. La demande d’expertise, si elle n’est pas accompagnée d’une demande de reconnaissance d’un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l’action du constructeur ou de l’assureur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures (3e Civ., 14 décembre 2022, pourvoi n°21-21.305, publié).
12. Le constructeur auquel la victime des dommages demande en justice la réparation de son préjudice doit former ses actions récursoires contre les autres constructeurs et sous-traitants dans un délai de cinq ans courant à compter de cette demande. Il n’est pas fait exception à cette règle lorsque le recours est provoqué par l’action récursoire d’un autre responsable mis en cause par la victime’ (3e Civ., 23 novembre 2023, pourvoi n° 22-20.490).
Ainsi, les éventuelles demandes pouvant être formées par l’appelante à l’encontre de l’intimé correspondent à une action récursoire, aux fins de déterminer la charge définitive de la dette entre les divers co-responsables. Or ce recours est soit de nature contractuelle si les constructeurs sont contractuellement liés entre eux et à défaut de nature quasi-délictuelle et se prescrit donc par cinq ans à compter du jour où le demandeur a ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action et cela dans les conditions de l’article 2224 du Code de procédure civile.
Ainsi au regard d’une assignation délivrée à la société d’architecture courant août 2022 qui au surplus ne comporte aucune demande financière à son encontre, il’ne peut aucunement être considéré que les éventuelles prétentions pouvant être formées par le maître d’oeuvre à l’encontre de l’assureur du menuisier extérieur sont manifestement vouées à l’échec pour être tardives.
S’agissant de l’étendue de la garantie souscrite et devant être servie, il ne peut qu’être observé que son analyse relève d’une appréciation du fond (interprétation des pièces contractuelles diverses et de la mission accordée au titulaire du lot n°5 menuiseries extérieures) excédant le contrôle devant être opéré par la présente juridiction statuant en appel d’une ordonnance de référé sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile qui impose uniquement de vérifier que l’action pouvant le cas échéant être engagée n’est pas manifestement vouée à l’échec.
S’agissant du fait que l’expert désigné n’ait pas donné d’avis quant à l’intervention en procédure de la SMABTP, il doit être souligné que dès la première réunion, il a demandé au conseil de l’appelante de lui transmettre l”attestation d’assurance de l’entreprise Bat’Illma’.
Par ailleurs, la professionnelle expose en suite de la deuxième réunion que : ‘Nous pouvons observer par l’aggravation du sinistre au niveau de la chambre n°5 ouest et confirmons que :
– Les menuiseries extérieures ne possèdent aucune étanchéité conforme au Dtu.
– Bien que le DTU précité propose plusieurs dispositions quant à la possibilité d’appui déporté en béton vers l’extérieur – entre autre- nous constatons qu’aucun autre dispositif (type cornière) dans la profondeur du doublage et de la baie, sur lequel reposerait la menuiserie.
– Compte tenu des plans de réservations, nous précisons que le maçon a suivi ces documents et que par conséquent sa responsabilité n’est pas engagée, il a effectivement suivi les plans fournis par [B] pour cette menuiserie.
– Aussi nous précisons que l’ensemble de ces menuiseries d’étage de même typologie sont susceptibles d’être concernées par ce même défaut d’exécution’.
L’expert détermine, par la suite, les causes de ce désordre en indiquant que : ‘Les désordres concernant la chambre n°5 proviennent d’un défaut de conception et d’exécution de la menuiserie d’étage de la chambre n°5.
Concernant les autres désordres, nous répondrons précisément sur ces points à réception des pièces complémentaires sollicitées’.
Enfin, au rang des dires l’expert après avoir repris celui de l’avocat de l’appelante qui précise transmettre les pièces relatives au marché souscrit par la société Bat’Illma d’une part et qui indique d’autre part être dans l’attente de la décision du juge des référés s’agissant de la mise en cause de l’assureur du menuisier, expose prendre note de ces éléments.
Il résulte de l’ensemble que l’expert a mis en cause l’exécution des travaux de menuiserie dans la survenance de dommages d’humidité ayant pour conséquence la dégradation des solives et l’affaissement in fine du plancher, problématique mentionnée à l’assignation en référé des maîtres de l’ouvrage qui exposent que ‘le plancher de la chambre n°5 présente un affaissement en rive’.
Ainsi, l’expert était saisi d’un désordre pour lequel il implique l’exécution de travaux dépendant du lot menuiseries extérieures et dans ce cadre a, en prenant note de la présente procédure et en sollicitant la justification des conditions d’assurance de la société Bat’Illma, manifesté son accord quant à un tel élargissement de sa mission.
Dans ces conditions, la décision de première instance doit être infirmée et les opérations d’expertise ordonnées par décision du 12 octobre 2022 doivent être étendues à la SMABTP en sa qualité d’assureur de la société Bat’Illma.
Sur les demandes accessoires :
Au regard de la nature du litige, chaque partie conservera la charge de ses propres dépens, dès lors qu’il ne peut aucunement être considéré que le prononcé de l’extension sollicitée implique que l’assureur intimé soit une partie succombante.
Dans ces conditions, l’équité commande de rejeter l’ensemble des demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
La décision de première instance sera donc infirmée en ce sens.