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Un déposant de marque peut se prévaloir de l’usage de son signe déposé dans des ensembles complexes eux-mêmes déposés à titre de marque, dès lors que la modification formelle n’en altérait pas le caractère distinctif. Est assimilé à l’usage sérieux l’usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée (article L714-5 du code de la propriété intellectuelle).
En l’espèce, l’usage sérieux de la marque Juvederm était établi par la société Allergan holdings France et la société Allergan Industrie en dépit de l’adjonction de locutions telles que « ultra », « voluma », «volift », «refine » ou encore « hydrate ».
L’utilisation du signe Juvederm garantit aux yeux du consommateur l’origine du produit et respecte donc la fonction essentielle de la marque qui est précisément de garantir au consommateur la provenance des produits ou services tandis que les signes adjoints permettent de l’identifier au sein d’une gamme en suggérant quelles en sont les indications précises.
Ainsi, l’on peut comprendre par exemple que le signe «voluma » permet d’identifier un produit qui, en plus de sa fonction de comblement des creux cutanés, est plus précisément destiné à restaurer les volumes de la peau.
En bref, l’adjonction d’un autre signe à celui représenté par la marque verbale française « Juvederm » quand bien même des marques européennes associant le signe Juvederm à d’autres signes ont elle-même été enregistrées n’est pas de nature à démontrer l’absence d’usage sérieux de la première.
Si dans un premier temps (TPICE, 23 févr. 2006, aff. T-194/03, Bainbridge’-‘CJCE, 13 sept. 2007, aff. C-234/06, Il Ponte Finanziaria c/ OHMI), le juge de la marque de l’Union européenne avait considéré que lorsque plusieurs marques, même proches, ont été déposées, chacune devait être utilisée (famille de marques). La CJUE est revenue sur cette interprétation de l’article’10 paragraphes 1 et 2 sous a) de la directive 89/104/CEE.
La CJUE a en effet, comme le rappelle la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 3’juin 2014, n°’13-17.769, dit pour droit dans une affaire du 25 octobre 2012, aff. C-553/11, Rintisch c/ Klaus Eder rendue sous l’empire de la directive n° 89/104/CEE, que l’usage d’une marque sous une forme modifiée permet à son propriétaire d’échapper à la déchéance de ses droits nonobstant le fait que la forme différente sous laquelle la marque est exploitée est elle-même enregistrée en tant que marque.
Depuis, cette solution a également été adoptée par la Cour de cassation française à plusieurs reprises, voir par exemple Cass Com 3 juin 2014 n°13-17. 769, la CJUE ayant, de son côté, réaffirmé cette solution dans l’arrêt Colloseum Holding AG c/ Levi Straus, aff C-12/12 du 18 avril 2013 cité à juste titre par les parties intimées.
L’arrêt Rintisch est unanimement interprété comme un revirement par rapport à l’arrêt Bainbridge. Il en découle que l’exploitation d’une marque sous une forme modifiée peut constituer la preuve d’exploitation d’une marque qui permette d’échapper à la déchéance tandis que les avantages conférés par la jurisprudence européenne aux familles de marques ne peuvent quant à eux être revendiqués à défaut d’usage effectif d’un nombre suffisant de versions, ainsi qu’il en résulte de l’extrait des motifs de cet arrêt cité par la société Dermavita.
La solution inaugurée par l’arrêt Rintisch a d’ailleurs été inscrite dans le code de la propriété intellectuelle français suite à la transposition par l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 de la directive UE 2015/2436 du 16 décembre 2015. Ainsi, l’article L714-5 alinéa 2 3° dispose aujourd’hui expressément qu’ est assimilé à l’usage sérieux de l’alinéa premier l’usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée. La solution jurisprudentielle, contemporaine du présent litige, est donc aujourd’hui expressément consacrée par le droit positif.
La circonstance que certaines marques européennes Juvederm composées aient fait l’objet de décisions d’annulation ou aient été déchues par l’EUIPO est indifférent : cet organisme rend des décisions de nature administrative dont le juge ne s’estime pas lié, le régime des marques de l’Union européenne étant au demeurant considéré par la CJUE comme un système autonome poursuivant des objectifs spécifiques. Télécharger la décision