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La salariée qui prépare son départ, aux lieux et temps de travail, et avec les moyens de son employeur, pour créer sa propre structure de gestion et conseil en patrimoine, dont elle a déposé les statuts constitutifs, commet une faute l’exposant à un licenciement pour faute grave.
Il en de même de la constitution par la salariée de dossiers (notamment un dossier intitulé ‘pour futur’) comprenant les fichiers clients de la société, l’arborescence totale des dossiers de la structure, les prospects, les prescripteurs avec leurs coordonnées, et des tableaux mentionnant en face des contrats des clients des appréciations personnelles telles que : ‘ pourrait être racheté’; ‘ probablement racheté dans les 5 ans’, au contraire ‘ copine banquière, peu de chances d’être actif’ ou ‘famille très proche’.
La salariée avait également transféré à cette période de nombreuses données de la société vers sa messagerie personnelle. La thèse de la salariée selon laquelle l’employeur aurait procédé ultérieurement à des modifications sur son ordinateur n’a pas été jugée crédible.
__________________________________________________
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4e Chambre Section 2
ARRÊT DU 21 MAI 2021
***
ARRÊT N° 2021/390
N° RG 19/02758 – N° Portalis DBVI-V-B7D-NA7L
APPELANTE
Madame H X
[…]
[…]
Représentée par Me Léon MATUSANDA, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
SARL LS PATRIMOINE
[…]
[…]
Représentée par Me Sonia BRUNET-RICHOU de la SCP CAMILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 Avril 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme C. T, présidente, Mme A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère, chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. T, présidente
A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
Greffière, lors des débats : A. R
ARRET :
— CONTRADICTOIRE
— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
— signé par C. T, présidente, et par A. R, greffière de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE :
Mme H X a été embauchée à compter du 1 er septembre 2005 par la SARL LS Patrimoine Conseil, en qualité d’Ingénieur Patrimonial, suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet prévoyant une rémunération fixe de 1 697,46 € pour un horaire de 151,67 heures à laquelle s’ajoutent les heures allant de la 36 ème à la 39 ème heure majorées au taux en vigueur.
Mme X bénéficiait en outre d’une commission sur le chiffre d’affaires effectué auprès des clients qu’elle aurait personnellement amenés à la société LS Patrimoine.
Le contrat de travail stipulait une clause de non concurrence.
La société LS Patrimoine est une entreprise familiale occupant trois salariés à la date du litige.
Par avenant du 30 avril 2007, le salaire de Mme X a été porté à 1 917,43 € pour 151,67 heures. Les autres dispositions de son contrat n’ont pas été modifiées.
Au dernier état de la relation contractuelle, la rémunération brute de Mme X s’élevait en moyenne à 3 421,22 €, commissions incluses.
Par mail du 6 octobre 2016, Mme Y, salariée au sein de la société LS Patrimoine a alerté l’employeur sur son mal-être lié au comportement de Mme X, estimant subir une agression permanente de sa part.
Le 10 octobre 2016, la société LS Patrimoine a perdu 4 600 mails, et a déposé plainte pour piratage de sa boîte mail.
Par lettre recommandée du 17 octobre 2016, Mme X a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 2 novembre 2016 et une mise à pied à titre conservatoire lui a été notifiée.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 novembre 2016, la société LS Patrimoine Conseil a licencié Mme X pour faute grave.
Le 17 janvier 2017, Mme X a créé une société ‘i Stratégie conseil’ avec M. J K.
Mme X a saisi le 22 février 2017 le conseil de prud’hommes de Toulouse afin principalement de contester son licenciement.
Par jugement du 15 mai 2019, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :
— dit que la convention des bureaux d’études techniques était applicable à la cause,
— dit que la SARL LS Patrimoine Conseil n’est redevable d’aucune somme au titre de l’article 83 du code général des impôts,
— dit que le licenciement Mme X reposait sur une faute grave,
— rejeté l’ensemble des demandes de Mme X,
— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
— mis les dépens à la charge de Mme X,
— débouté la SARL LS Patrimoine Conseil de sa demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale.
M. X a relevé appel de ce jugement dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 30 mars 2021, auxquelles il est expressément fait référence, Mme X demande à la cour de :
— réformer le jugement rendu entre les parties par le conseil de prud’hommes de Toulouse le 15 mai 2019,
Et, statuant à nouveau,
— dire et juger que Mme X peut revendiquer, pour les dispositions qui lui sont les plus favorables, les prévisions de la CCN « assurances : entreprise de courtage d’assurances et/ou de réassurances » et en faire application,
— dire et juger que le licenciement dont a fait l’objet Mme X est sans cause réelle
et sérieuse,
— fixer le salaire moyen de référence de Mme X à 3 421,22 € brut,
— condamner la société LS Patrimoine Conseil à verser à Mme X, les sommes suivantes :
* 41 132,40 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 6 855,43 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 685,54 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés correspondante
* 3 680,16 € à titre de rappel de salaire (mise à pied conservatoire)
* 368,02 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés correspondante
* 10 340,97 € à titre d’indemnité de licenciement
— condamner la société LS Patrimoine Conseil à verser à Mme X :
* la somme de 366,63 € pour la période du 1er octobre 2012 au 31 décembre 2012,
* la somme de 376,56€ pour la période du 1er avril 2015 au 30 juin 2015,
En tout état de cause,
— condamner la société LS Patrimoine Conseil à verser à Mme X, une indemnité de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 de code de procédure civile,
— condamner la société LS Patrimoine Conseil aux entiers dépens,
— condamner la société LS Patrimoine Conseil à la remise des bulletins de salaires modifiés et documents de fin de contrat modifiés sous astreinte de 50 € par jour de retard,
— débouter la Société LS Patrimoine Conseil de toutes ses demandes reconventionnelles, notamment en paiement de dommages et intérêts pour concurrence déloyale, en répétition de l’indu et au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 30 mars 2021, auxquelles il est expressément fait référence, la société LS Patrimoine demande à la cour de :
— prononcer la clôture au jour des plaidoiries, soit le 1er avril 2021,
— débouter Mme X de la totalité de ses demandes,
— confirmer partiellement le jugement dont appel en ce qu’il a débouté Mme X de ses demandes,
— dire et juger que la convention collective applicable est la convention collective Bureaux d’Etudes,
— dire et juger que la société LS Patrimoine n’est redevable d’aucune somme au titre de l’article 83 du Code Général des Impôts,
— dire et juger que le licenciement notifié repose bien sur une faute grave,
En conséquence,
— débouter Mme X de toutes demandes à ce titre,
— donner acte à la société LS Patrimoine de ce qu’elle a remis une nouvelle fois les annexes aux bulletins de salaire, portant décompte des commissions,
— réformer le jugement partiellement,
— dire et juger que Mme X a commis un acte de concurrence déloyale et violé sa clause de non concurrence,
— dire et juger que Mme X a eu un trop perçu de 1 050,65 € au titre des commissions.
En conséquence :
— ordonner à Mme X le remboursement du trop perçu au titre des commissions à hauteur de 1 050,65 €,
— condamner Mme X à 20 000 € pour violation de la clause de non concurrence et concurrence déloyale,
— condamner Mme X au paiement de la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
MOTIFS :
A titre liminaire, il est rappelé que la question de la date de clôture a été traitée en accord avec les parties par le conseiller de la mise en état avant ouverture des débats devant cette cour.
Sur la convention collective applicable :
L’article L.2261-2 du code du travail dispose que « la convention collective applicable est celle dont relève l’activité principale exercée par l’entreprise ». En cas de pluralité d’activités au sein d’une même entreprise ou d’un même établissement distinct, les activités accessoires sont soumises à la convention identifiée au titre de l’activité principale.
En l’espèce, l’activité principale de la société LS Patrimoine Conseil telle qu’elle ressort des statuts et du code APE est celle de conseil en gestion de patrimoine mais également celle de courtage en assurances.
La société LS Patrimoine Conseil justifie que, lors d’un premier contrôle de la Chambre des Indépendants du Patrimoine, il lui a été demandé de mentionner sur ses statuts et le Kbis l’activité de ‘conseils pour la gestion et les affaires’ correspondant au code APE 741 G (devenu APE 7022), activité entrant dans le champ d’application de la convention collective des bureaux d’études et ingénieurs conseils.
Mme X qui revendique à son profit l’application de la convention collective du courtage en assurances ne produit aucun élément de nature à démontrer que l’activité principale de la société LS Patrimoine Conseil serait non pas le conseil en gestion de patrimoine mais le courtage en assurances, alors que la société LS Patrimoine Conseil soutient qu’il s’agit d’une activité secondaire et que son inscription à l’ORIAS (registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance) montre que son activité d’intermédiaire en opérations de banque et assurance est effectivement exercée à titre accessoire.
Dans ces conditions, la cour confirmera la décision déférée ayant jugé que la convention collective applicable à la cause est celle des bureaux d’études et ingénieurs conseils dite Syntec.
Sur le licenciement :
Il appartient à la société LS Patrimoine qui a procédé au licenciement pour faute grave de Mme X de rapporter la preuve de la faute grave qu’elle a invoquée à l’encontre de sa salariée, étant rappelé que la faute grave se définit comme un manquement ou un ensemble de manquements qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ; la cour examinera les motifs du licenciement énoncés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.
Le courrier de licenciement adressé à Mme X le 24 novembre 2016 est motivé comme suit :
«Depuis quelques temps et de manière encore accrue à la fin de l’année 2015, votre
comportement et vos propos sont devenus régulièrement inconvenants dans la mesure
où vous n’avez cessé de faire, tant à nous-mêmes employeurs qu’à vos collègues des réflexions incessantes et déplacées.
Vous critiquez sans cesse le travail de chacun, vous immisçant dans le travail effectué
alors même que vous n’aviez pas à le faire. Ce d’autant que vous n’avez aucun lien de subordination par rapport à vos collègues.
Ceci nous avait d’ailleurs conduit, afin de limiter vos remarques, à créer une boîte mail
distincte pour chacun d’entre nous.
En dépit de cela, de nos rappels à l’ordre à ce sujet et à la mise au point particulièrement insistante effectuée au mois de février dernier, vous avez continué à vous obstiner à opérer une vérification systématique des tâches et à dénigrer tant le travail de vos collègues que le nôtre.
Le dernier exemple en date porté à notre connaissance date du 9 octobre dernier, où
votre collègue L Y a du une fois encore subir vos affres puisque, dès son
arrivée à 9 heures, vous l’avez interpellée de manière incorrecte lui indiquant que vous
n’aviez pas été en copie d’un mail, ce qui de plus était totalement inexact.
Cet évènement n’est qu’une illustration de votre comportement puisque votre collègue,
à la suite de ces faits, s’est ouverte à nous par écrit nous alertant sur le caractère crescendo de la pression et de l’agression permanente qu’elle subit de votre part, à telle enseigne qu’elle est épuisée physiquement et psychologiquement par vos remarques désobligeantes sur la qualité de son travail qui se doublent, fort paradoxalement, de fortes incitations à quitter la société.
Celle-ci nous a fait part, ce que nous ignorions, que les problèmes de santé qu’elle connaît à répétition depuis plusieurs mois, seraient liés à la situation de harcèlement que vous lui faites subir.
Bien entendu et bien loin de prendre les propos à la lettre de cette salariée, nous avons
mené une enquête en interne et votre autre collègue nous a confirmé vos agissements.
Plus grave, il est apparu que vous dénigrez la société.
Vos collègues nous ont aussi fait part du fait que vous n’aviez de cesse de les questionner sur leur contrat de travail et leur rémunération pour ensuite les inciter à quitter la société, n’hésitant pas à traiter Monsieur N B de « figurant dans cette boîte ”.
Plus grave encore, vous dénigrez la société auprès des tiers ou de clients, à titre d’exemple vous n’hésitez à écrire par mail, à l’occasion d’une étude sur le montant de
sa retraite, à une cliente que ‘ce n ‘est pas si mal que ça (en rapport avec mon salaire)’ (mail du 22 septembre 2016 à MME Z).
Egalement, vous dénigrez les choix que nous effectuons de nos partenaires et tentez de mettre en difficulté la société puisque, à titre d’exemple, vous avez fait, sans l’accord de la direction et alors même qu’il n’y avait aucune urgence, le 31 août 2016, une procédure de réclamation qui n’avait aucunement lieu d’être et dans des termes fort négatifs pour notre société puisque rejetant la responsabilité sur une autre personne du cabinet.
Or et comme vous le savez, vous n’êtes aucunement habilitée à adresser une quelconque réclamation, la procédure de réclamation étant spécifiée dans un classeur de réclamations et pouvant seule être diligentée par un dirigeant du cabinet.
Ces agissements s’inscrivent dans la lignée de votre comportement, vous permettant de prendre des décisions et des latitudes totalement inadmissibles.
Alors même que des congés payés ont toujours été pris en concertation, vous vous permettez désormais de nous adresser vos dates de voyage réservées et nous indiquez que vous prendrez vos congés à cette date.
De la même manière vous nous avez simplement informés le matin que vous étiez absente l’après midi pour vous rendre aux obsèques de votre nourrice.
Si effectivement et compte tenu de la nature de l’événement nous vous avons laissée vous y rendre, nous avons néanmoins été mis devant le fait accompli, ce qui dénote votre manière de procéder.
Enfin dernièrement alors même que vous aviez annoncé prendre une semaine de congés du 10 octobre au 17 octobre, vous avez posé sur le logiciel, sans nous en informer, 15 jours de congés.
Plus grave encore, durant vos congés, nous nous sommes aperçus sur votre temps de
travail, que vous prépariez votre départ de la société, aviez notamment établi en récupérant notre fichier clients, une liste de clients, de prospects, de prescripteurs avec
leurs coordonnées respectives et un budget. Ce qui a été constaté par voie d’huissier.
Vous vous êtes également transférée des mails de clients et des données clients et
fournisseurs sur votre messagerie personnelle et avez donné vos coordonnées personnelles à des clients.
Durant vos congés également, vous avez sollicité un état financier pour l’un de nos clients avec lequel vous aviez rendez-vous, alors même qu’à aucun moment durant toute notre relation contractuelle, vous n’avez travaillé durant vos congés, ce qui démontre là encore votre volonté de détournement de notre clientèle.
Cette attitude est totalement déloyale.
Nous ne pouvons de plus que nous interroger sur le fait que, le 10 octobre, alors même
que vous étiez en congés, une connexion externe sur notre boîte mail a été effectuée afin de supprimer plus de 4 600 mails vous concernant alors même que ni vous, ni personne n’a autorisation de se connecter via un système de connexion externe sur votre boîte mail.
Or, comme vous le savez, puisque cela a été rappelé dans le cadre de la formation que
vous avez suivie les 4 et 5 octobre à Biarritz, nous avons une obligation légale de conservation des données clients pendant 5 ans ainsi qu’une obligation de confidentialité.
Au delà, la suppression de ces mails a bloqué notre système informatique, nous avons
perdu tout accès à nos mails et plusieurs clients nous ont contacté inquiets dans la mesure ou ils ont été destinataires de mails de suppression. De plus, la suppression de cette messagerie qui vous était attribuée nous empêche toute visibilité sur vos actions qui relèvent de la responsabilité de notre entreprise.
Enfin, le porte vues contenant le répertoire de tous nos fournisseurs et code d’accès au site extranet, qui était dans votre bureau, a étrangement disparu depuis que vous êtes partie en congés.
Plus étrange encore, nous avons retrouvé sur votre ordinateur des données personnelles nous concernant, comme notre avis d’imposition 2006.
Vous comprendrez que pour l’ensemble de ces raisons, votre conduite remet en cause la bonne marche de notre entreprise et ne manque pas d’avoir des répercussions sur nos autres salariés.
Les explications recueillies au cours de notre entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet.
Compte tenu de la gravité de ces faits et ses conséquences, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible.
Nous vous confirmons la mise à pied à titre conservatoire dont vous avez fait l’objet.
Le licenciement prend donc effet immédiatement, dès réception de cette lettre et votre
solde de tout compte sera arrête à cette date, sans indemnité de préavis, ni de licenciement.
Vous pourrez vous présenter le même jour pour récupérer les sommes restant dues au
titre de salaire, indemnités de congés payés et retirer votre certificat de travail, attestation pôle emploi et solde de tout compte.
Nous vous rappelons que votre contrat de travail comporte une clause de non concurrence que nous entendons appliquer.
ll vous est donc interdit de travailler chez un concurrent ou pour votre propre compte pendant une durée d’un an sur le territoire de Toulouse et de son agglomération, conformément aux termes de cette clause de non concurrence. ».
Ainsi, il est reproché à Mme X :
— d’avoir adopté un comportement et des propos inconvenants et dénigré le travail de ses collègues et supérieurs ;
— d’avoir harcelé l’une de ses collègues de travail ;
— d’être la cause de la suppression de 4600 mails ;
— d’avoir pris des congés sans en informer l’employeur ;
— d’avoir constitué une activité concurrente au détriment de l’employeur ;
— d’avoir dénigré la société ;
— d’avoir subtilisé un porte-vue.
Mme X conteste l’ensemble des faits reprochés, et affirme que le fait de ‘préparer son départ’ n’est pas un fait fautif. Elle rappelle que sa clause de non-concurrence ne lui interdisait pas de créer une activité concurrente mais simplement de démarcher les clients ayant eu recours aux services de la société durant les 24 mois précédents son départ.
S’agissant du harcèlement reproché à Mme X à l’égard de sa collègue Mme Y, la société LS Patrimoine Conseil produit le mail circonstancié de cette dernière du 16 octobre 2016, par lequel elle dénonçait les agissements de Mme X à son égard, notamment une ‘agression permanente’, et la dégradation concomitante de son état de santé.
Trois personnes faisant partie de l’entourage de Mme Y attestent du mal-être de celle-ci durant de nombreux mois ainsi que de ses doléances à l’égard de Mme X, se plaignant de commentaires désobligeants, de contrôle de mails et de courriers, de fouilles de ses dossiers, et d’encouragements à quitter l’entreprise.
M. A, l’un des deux autres salariés, atteste avoir personnellement assisté à des scènes entre les deux femmes au cours desquelles Mme X ‘s’en prenait ouvertement à Thipahine Y en criant, en remettant en question et en dénigrant son travail et de manière répétée.’ Le témoin ajoute ‘cela créait une ambiance extrêmement désagréable que tout le Cabinet subissait’.
Mme Y confirme par attestation le comportement adopté par Mme X à son égard : dénigrement, reproches injustifiés en criant, propos désobligeants envers la société et les dirigeants avec incitation des collègues à en partir.
Celle-ci précise également que Mme X P le dirigeant M. B de ‘figurant’.
Mme X ne saurait reprocher à l’employeur de n’avoir pas procédé à une enquête interne ni produit de compte-rendu à ce sujet, alors qu’il est rappelé que l’entreprise ne compte que trois salariés, que M. A et Mme Y ont été entendus sur ces faits et que Mme X a été mise en mesure de s’en expliquer lors de l’entretien préalable, au cours duquel la salariée ne contestait pas avoir critiqué la qualité du travail de sa collègue en indiquant qu’elle ‘constate parfois et fait part des erreurs’, alors qu’il lui était rappelé qu’elle n’avait pas de lien hiérarchique avec Mme Y.
Par ailleurs, le comportement dénigrant de Mme X à l’égard du dirigeant et de la société est également établi par l’attestation de Mme Y et par un mail adressé par Mme X à une cliente, Mme Z, le 22 septembre 2016, par lequel elle lui indiquait que le montant de sa retraite calculée « n’était pas si mal en rapport avec son salaire ».
Mme X a d’ailleurs poursuivi son comportement dénigrant après le licenciement en adressant le 17 décembre 2016 un mail à une cliente, Mme D, pour évoquer le ‘grand délire paranoïaque’ de ses anciens employeurs.
Les attestations de trois stagiaires louant les qualités professionnelles de Mme X et ayant travaillé avec elle en 2008, 2010 ou 2013, sont sans incidence sur les griefs qui lui sont reprochés en 2016.
La société LS Patrimoine Conseil produit également des éléments particulièrement précis sur le comportement déloyal de la salariée, celle-ci préparant son départ, aux lieu et temps de travail, et avec les moyens de son employeur, pour créer sa propre structure de gestion et conseil en patrimoine, dont elle a déposé les statuts constitutifs le 17 janvier 2017.
Ainsi l’employeur verse au débat des constats du huissier des 15 février 2017 et 5 octobre 2016, mettant nettement en évidence la constitution par la salariée de dossiers (notamment un dossier intitulé ‘pour futur’) comprenant les fichiers clients de la société, l’arborescence totale des dossiers de la structure, les prospects, les prescripteurs avec leurs coordonnées, et des tableaux mentionnant en face des contrats des clients des appréciations personnelles telles que : ‘ pourrait être racheté’; ‘ probablement racheté dans les 5 ans’, au contraire ‘ copine banquière, peu de chances d’être actif’ ou ‘famille très proche’.
Les constats du huissier montrent que ces fichiers ont été créés et modifiés dans leur grande majorité au mois de septembre 2016 sur le poste personnel de la salariée, et que Mme X a également transféré à cette période de nombreuses données de la société vers sa messagerie personnelle. La thèse de la salariée selon laquelle l’employeur aurait procédé ultérieurement à des modifications sur son ordinateur n’est donc pas crédible.
L’attestation de M. E, informaticien en charge de la maintenance et de la sécurité du parc informatique de la société met également à néant les observations de la salariée sur le fait que les extractions n’auraient pas eu lieu à partir de son poste informatique ; en réalité elle entretient une confusion entre deux écrans d’ordinateur alors que les données extraites sont stockées sur l’unité centrale attribuée exclusivement à l’usage de Mme X.
Ainsi, la cour estime que ces éléments caractérisent le comportement déloyal de la salariée, le dénigrement dont elle a fait preuve à l’égard de son employeur, et les agissements répétés susceptibles de dégrader les conditions de travail ou l’état de santé d’une collègue ; il s’agit de fautes
suffisamment graves pour justifier le licenciement intervenu, sans que la cour n’ait à examiner les autres manquements mentionnés dans la lettre de licenciement.
La cour confirmera donc le jugement déféré ayant jugé fondé le licenciement pour faute grave et rejeté les demandes de Mme X afférentes à la rupture du contrat de travail, y compris la demande de rappel de salaire et de congés payés sur la période de mise à pied conservatoire.
Sur l’article 83 du CGI :
Le contrat d’assurance « article 83 », aussi dit « Plan d’Épargne Retraite Entreprises», est un contrat d’assurance vie collectif de retraite par capitalisation, qu’un employeur a la possibilité de souscrire pour le bénéfice de tout ou partie de ses collaborateurs.
La société LS Patrimoine avait souscrit un tel contrat auprès de l’AGEAS.
Mme X indique que la société LS Patrimoine a omis de verser 2 trimestres (743,19€) et en sollicite le paiement sans préciser le fondement juridique de sa demande.
Toutefois cette demande ne saurait être accueillie dans la mesure où, en premier lieu, il s’agit d’un régime de retraite complémentaire non obligatoire, en deuxième lieu, la salariée n’est pas créancière des cotisations de l’employeur, et en troisième lieu, il n’est nullement établi un quelconque préjudice financier résultant de ce défaut de cotisation alors que la salariée affirme que son contrat a été transféré à un autre organisme.
Le jugement entrepris sera donc confirmé ce qu’il a débouté Mme X de cette demande.
Sur la demande reconventionnelle en remboursement d’un trop-perçu de commissions par la salariée :
Il est constant que l’article 5 du contrat de travail de Mme X prévoyait une rémunération fixe mais également une rémunération variable constituée de commissions dont le montant était égal à 35 % du montant hors taxes des droits d’entrée, honoraires d’études patrimoniales, de négociation de prêts et commissions d’encours.
Mme X a été remplie de ses droits mais la société réclame un trop-perçu à hauteur de 1050,65 €.
La société LS Patrimoine produit des tableaux établis unilatéralement par elle, par lesquels elle affirme que des honoraires ont été versés à tort à la salariée car ils ne correspondaient pas à des clients personnellement amenés par elle. Cependant ces affirmations de principe ne sont corroborées par aucune pièce extrinsèque, de sorte que la cour n’est pas en mesure de constater l’existence d’un trop-perçu. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande reconventionnelle de la société LS Patrimoine Conseil.
Sur la demande de la société pour violation de la clause de non-concurrence et concurrence déloyale :
L’article 10 du contrat de travail de Mme X comportait une clause de non-concurrence lui interdisant pendant un an, en cas de cessation du contrat, de démarcher la clientèle de la société LS Patrimoine Conseil c’est-à-dire toute personne physique ou morale ayant eu recours au service de la société au cours des 24 mois précédant la date du départ de la salariée.
Il est précisé dans cette clause qu’en cas de violation de l’interdiction de concurrence, la salariée serait redevable envers la société du remboursement de la contrepartie à ladite clause. Toutefois la cour constate qu’une telle demande n’est pas formulée dans le cadre de la présente instance.
En revanche, cette clause prévoit que la société se réserve également la possibilité d’agir en remboursement du préjudice effectivement subi en raison de la violation de la clause.
En l’espèce, la société LS Patrimoine indique que Mme X a détourné des clients et demande que
son ancienne salariée soit condamnée à lui payer la somme de 20000€.
La société LS Patrimoine Conseil verse aux débats un certain nombre de courriers d’anciens clients montrant qu’ils ont demandé le transfert de leur contrat vers la structure constituée par Mme X.
Toutefois, il n’est produit aucun élément relatif au préjudice financier éventuellement subi par la société LS Patrimoine Conseil, de sorte que la cour ne peut que rejeter la demande indemnitaire de cette société.
Sur le surplus des demandes :
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Mme X, succombante en son appel, sera également condamnée aux dépens exposés devant la cour.
Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Rejette les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme H X aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par S T, présidente, et par Q R, greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE