→ Résumé de l’affaireL’affaire concerne un litige entre M. et Mme [K] d’une part, et Mme [E] et M. [A] d’autre part, concernant une demande d’expertise judiciaire. Les sociétés Établissements Primiceri et La Pessière sont également impliquées dans le litige. Mme [E] et M. [A] demandent le rejet de la demande d’expertise judiciaire et des demandes de M. et Mme [K], ainsi que des dommages-intérêts. La société Établissements Primiceri demande à être mise hors de cause et des dommages-intérêts. La société La Pessière s’oppose à la demande. |
→ L’essentielIrrégularité de la procédureL’article 145 du code de procédure civile permet à toute personne intéressée de demander des mesures d’instruction si elle a un motif légitime de conserver ou d’établir la preuve de faits pouvant être déterminants pour un litige futur. Il est important de souligner que cette demande n’implique aucun préjugé sur la responsabilité des parties ni sur l’issue du procès à venir. Dans le cas présent, la demande d’expertise a été justifiée par la présence d’insectes xylophages dans la charpente de la maison des demandeurs. Malgré l’existence d’une clause d’exonération de garantie des vices cachés dans l’acte de vente, la mauvaise foi des vendeurs ne peut être exclue d’emblée, justifiant ainsi la nécessité de l’expertise. De plus, la responsabilité des sociétés ayant intervenu sur la toiture en question ne peut être écartée sans une analyse approfondie des faits. En l’absence de démonstration que l’action au fond serait vouée à l’échec, il est légitime de faire droit à la demande d’expertise. Décision sur les mesures accessoiresÉtant donné que les responsabilités ne sont pas encore établies, les dépens seront laissés à la charge des demandeurs. De même, aucune condamnation ne sera prononcée au titre de l’article 700 du code de procédure civile, compte tenu de l’absence de faute caractérisée des parties défenderesses. En conclusion, la demande d’expertise a été justifiée par un motif légitime et les mesures accessoires ont été prises en considération dans le respect des règles de procédure. Il appartient désormais à l’expert désigné de mener à bien sa mission et d’éclairer le tribunal sur les éléments nécessaires à la résolution du litige. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
DU 02 AOUT 2024
N° RG 24/00201 – N° Portalis DBWH-W-B7I-GWU6
MINUTE N° 24/
Dans l’affaire entre :
Monsieur [T] [M] [K]
né le 07 Octobre 1985 à ANNEMASSE (74)
demeurant 91 chemin de l’Emboussoir – 01170 GEX
Madame [H] [Z] [D] [B] épouse [K]
née le 08 Octobre 1986 à REIMS (51)
demeurant 91 chemin de l’Emboussoir – 01170 GEX
représentés par Me Antoine GUERINOT, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 1383 substitué par Me Julie PICQUIER, avocat au barreau de l’AIN, vestiaire : 113
DEMANDEURS
et
Monsieur [V] [N] [A]
né le 15 Mars 1988 à SAINT JULIEN EN GENEVOIS (74)
demeurant 136 rue des entrepreneurs – 01170 GEX
représenté par Me Eric ROZET, avocat au barreau de l’AIN, vestiaire : 4
Madame [I] [P] [E]
née le 31 Août 1988 à MEYRIN (SUISSE)
demeurant 1675 bis route de Chenaz – 01170 ECHENEVEX
représentée par Me Eric ROZET, avocat au barreau de l’AIN, vestiaire : 4
S.A.R.L. LA PESSIERE, immatriculée au RCS de LONS-LE-SAUNIER sous le numéro 340 835 131, dont le siège social est sis lieudit sur le crêt – 39370 LA PESSE
représentée par Me Kathy BOZONNET, avocat au barreau de l’AIN, vestiaire : 53
S.A.R.L. ETABLISSEMENTS PRIMICERI, immatriculée au RCS de BOURG-EN-BRESSE sous le numéro 387 796 030, dont le siège social est sis 115 L’Aiglette Sud – 01170 GEX
représentée par Me Laurent CORDIER, avocat au barreau de l’AIN, vestiaire : 32
DEFENDEURS
* * * *
Magistrat : M. REYNAUD, Président
Greffier : Madame BOIVIN
Débats : en audience publique le 23 Juillet 2024
Prononcé : Ordonnance rendue publiquement par mise à disposition au greffe le 02 Août 2024
Vu l’assignation du 4 avril 2024 à l’initiative de M. et Mme [K] à laquelle il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens ;
Vu les assignations du 31 mai 2024 à l’initiative de Mme [E] et M. [A] aux fins d’appel en cause des sociétés Établissements Primiceri et La Pessière ;
Vu les conclusions de Mme [E] et M. [A] reprises à l’audience du 23 juillet 2024 aux termes desquelles ils demandent de :
A titre principal,
Débouter M. et Mme [K] de leur demandes d’expertise judiciaire et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; Débouter la société Établissements Primiceri de sa demande de mise hors de cause, ainsi que de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;Condamner M. et Mme [K] à payer une somme de 1 250 € à chacun par application de l’article 700 du code de procédure civile ;À titre subsidiaire, le cas échéant,
Dire que l’expertise judiciaire sollicitée par M. et Mme [K] sera commune et opposable aux sociétés La Pessière et Établissements Primiceri ;Condamner M. et Mme [K] aux dépens ;
Vu les conclusions de la société Établissements Primiceri reprises à l’audience du 23 juillet 2024 aux termes desquelles elle demande sa mise hors de cause et la condamnation de Mme [E] et M. [A] à lui payer la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Vu les observations de la société La Pessière qui s’oppose à la demande à l’audience du 23 juillet 2024.
Sur la demande principale
L’article 145 du code de procédure civile dispose que « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ». Il n’implique aucun préjugé sur la responsabilité des personnes appelées comme parties à la procédure ni sur les chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé.
La légitimité du motif résulte de la démonstration du caractère plausible et crédible du litige, bien qu’éventuel et futur. Il appartient au juge de vérifier qu’un tel procès est possible et qu’il a un objet et un fondement suffisamment déterminés. Il ne peut s’opposer à l’expertise que si la demande est destinée à soutenir une prétention dont le mal fondé est évident et manifestement vouée à l’échec ou si la mesure d’instruction est dénuée d’utilité.
En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats, en particulier le procès-verbal de constat du 21 mars 2024 et le compte-rendu d’intervention de la société [V] Froment du 22 mars 2024, que la charpente de la maison de M. et Mme [K], acquise auprès de Mme [E] et M. [A] le 31 août 2022, est attaquée par des insectes xylophages, à savoir des capricornes.
D’une part, contrairement à ce qui est soutenu par Mme [E] et M. [A], pour hypothétique qu’elle soit, il ne peut être exclu à ce stade, sans avis d’un technicien, que la contamination préexistait à la vente et que les vendeurs pouvaient en avoir connaissance. L’expertise ne peut donc être considérée comme inutile.
D’autre part, l’existence d’une clause d’exonération de garantie des vices cachés dans l’acte de vente, qui n’est pas applicable en cas de mauvaise foi du vendeur, ne fait pas obstacle à l’expertise dès lors que cette mauvaise foi ne peut être exclue d’évidence et que seul le juge du fond pourra l’apprécier en fonction notamment de la nature et de l’ampleur des désordres déterminés par l’expertise.
S’agissant enfin de la mise en cause des sociétés Établissements Primiceri et La Pessière, qui sont intervenues sur la toiture en cause, leur responsabilité ne peut pas davantage être exclue d’évidence au stade du référé.
En présence d’éléments circonstanciés sur la caractérisation d’un litige potentiel à l’encontre de l’ensemble des parties et de l’absence de démonstration par les défendeurs qu’une éventuelle action au fond est manifestement vouée à l’échec à leur encontre, l’existence d’un motif légitime est démontrée.
Il convient en conséquence de faire droit à la demande d’expertise à l’encontre des défendeurs suivant mission détaillée au dispositif.
Sur les mesures accessoires
Les responsabilités n’étant pas établies à ce stade, les dépens seront laissés à la charge de M. et Mme [K] et il n’y a pas lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le juge des référés, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,
Ordonne une expertise contradictoire à l’égard de Mme [E] et M. [A], la société Établissements Primiceri et la société La Pessière ;
Désigne pour y procéder M. [G] [X] (CA Lyon), avec mission de :
– Relever et décrire les désordres visés expressément dans l’assignation et affectant l’immeuble litigieux ;
– En détailler l’origine, les causes et l’étendue, et fournir tous éléments permettant à la juridiction de déterminer à quels intervenants ces désordres sont imputables ;
– Préciser pour chacun des désordres s’il y a eu vice du matériau, non-respect des règles de l’art, malfaçons dans l’exécution, vice de conception, défaut ou insuffisance dans la direction, le contrôle ou la surveillance, défaut d’entretien, ou toute autre cause ;
– Dire si les désordres étaient apparents ou non lors de la visite préalable à la vente et de la vente, et au cas où ils auraient été cachés, rechercher leur date d’apparition ;
– Dire si les désordres apparents au jour de la vente ont fait l’objet de travaux de reprise ;
– Indiquer les conséquences de ces désordres quant à la solidité, l’habitabilité, l’esthétique du bâtiment, et, plus généralement quant à l’usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité à sa destination ;
– Donner son avis sur les préjudices et coûts induits par ces désordres et sur leur évaluation, dès lors que ces demandes sont présentées de manière motivée ;
– Donner son avis sur les solutions appropriées et chiffrer précisément leur coût ;
– En cas de travaux estimés urgents par l’expert, il devra en informer les parties en leur adressant une note avec un délai de dix jours pour faire part de leurs observations et répondre aux dires des parties avant réalisation éventuelle des travaux par le demandeur pour le compte de qui il appartiendra ;
– Fournir tous éléments techniques et de fait permettant de déterminer les responsabilités encourues et d’évaluer tous les préjudices subis et indiquer, de façon plus générale, toutes suites dommageables ;
– Procéder à toutes diligences nécessaires et faire toutes observations utiles au règlement du litige ;
Dit que pour procéder à sa mission l’expert devra :
– Convoquer les parties en cause ainsi que leurs avocats par lettre recommandée avec accusé de réception ;
– Se rendre sur les lieux et visiter l’immeuble ; si nécessaire en faire la description, au besoin en constituant un album photographique et en dressant des croquis ;
– Prendre connaissance de tous documents utiles ;
– Recueillir les observations des parties et éventuellement celles de toute personne informée ;
– Se faire communiquer par les parties tous documents utiles établissant leurs rapports de droit, la mission précise de chaque intervenant et le calendrier des travaux ;
Ordonne aux parties et à tout tiers détenteur de remettre sans délai à l’expert tout document qu’il estimera utile à l’accomplissement de sa mission ;
Dit que :
– l’expert devra faire connaître sans délai son acceptation au juge chargé du contrôle de l’expertise et devra commencer ses opérations dès que le versement de la consignation aura été porté à sa connaissance ;
– en cas d’empêchement ou de refus de l’expert, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du juge chargé du contrôle de l’expertise ;
– l’expert devra accomplir sa mission conformément aux articles 232 et suivants du code de procédure civile, notamment en ce qui concerne le caractère contradictoire des opérations et précise à cet égard que l’expert ne devra en aucune façon s’entretenir seul ou de façon non contradictoire de la situation avec un autre expert mandaté par l’une des parties ou par une compagnie d’assurances ;
– à l’issue de la première réunion d’expertise, ou dès que cela lui semble possible, et en concertation avec les parties, l’expert devra définir un calendrier prévisionnel de ses opérations et l’actualiser ensuite dans les meilleurs délais :
– en faisant définir un enveloppe financière pour les investigations à réaliser, de manière à permettre aux parties de préparer le budget nécessaire à la poursuite de ses opérations ;
– en les informant de l’évolution de l’estimation du montant prévisible de ses frais et honoraires et en les avisant de la saisine du juge du contrôle des demandes de consignation complémentaire qui s’en déduisent ;
– en fixant aux parties un délai pour procéder aux interventions forcées ;
– en les informant, le moment venu, de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse ;
– l’expert devra tenir le juge chargé du contrôle de l’expertise informé du déroulement de ses opérations et des difficultés rencontrées lors de l’accomplissement de sa mission ;
– l’expert est autorisé à s’adjoindre tout spécialiste de son choix, sous réserve d’en informer le juge chargé du contrôle de l’expertise et les parties, étant précisé qu’il pourra dans ce cas solliciter une provision complémentaire destinée à couvrir les frais du recours au sapiteur ;
– l’expert devra remettre un pré-rapport aux parties, leur impartir un délai pour déposer leurs éventuels dires, et y répondre ;
– au terme de ses opérations, l’expert devra, sauf exception dont il justifiera dans son rapport, adresser aux parties un document de synthèse, et y arrêter le calendrier de la phase conclusive de ses opérations fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse ;
– l’expert devra déposer son rapport définitif et sa demande de rémunération au greffe du tribunal, dans le délai de rigueur de SEPT (7) mois à compter de sa saisine (sauf prorogation dûment autorisée), et communiquer ces deux documents aux parties ;
Dit que les frais d’expertise seront avancés par M. et Mme [K] qui devront consigner la somme de QUATRE MILLE EUROS (4 000 €) à valoir sur la rémunération de l’expert auprès du régisseur d’avances et de recettes du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse dans le mois de la présente décision étant précisé que :
– à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l’expert sera caduque de plein droit, (sauf décision contraire en cas de motif légitime) et il sera tiré toutes conséquences de l’abstention ou du refus de consigner ;
– chaque partie est autorisée à procéder à la consignation de la somme mise à la charge de l’autre en cas de carence ou de refus ;
– la/les personne(s) ci-dessus désignée(s) sera/seront dispensée(s) de consignation au cas où elle(s) serait/seraient bénéficiaire(s) de l’aide juridictionnelle, sous réserve du dépôt de la décision d’aide juridictionnelle au greffe avant la même date que celle indiquée ci-dessus ;
Commet M. Vincent Reynaud, président du tribunal, et à défaut tout autre juge du siège du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, pour surveiller l’exécution de la mesure ;
Dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne provisoirement M. et Mme [K] aux dépens.
LA GREFFIÈRE LE JUGE DES RÉFÉRÉS
copie exécutoire + ccc le :
à
Me Kathy BOZONNET
Me Laurent CORDIER
Me Julie PICQUIER
Me Eric ROZET
3 ccc au service expertises