Expertise judiciaire : Légitimité et nécessité d’une évaluation des désordres dans les travaux de pose de carrelage

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Expertise judiciaire : Légitimité et nécessité d’une évaluation des désordres dans les travaux de pose de carrelage

M. [D] [Z] et Mme [T] [J] ont engagé la SASU Design Karo pour des travaux de pose de carrelage dans leur maison. Suite à des irrégularités constatées, leur avocat a demandé les coordonnées de l’assureur de la société. Ne parvenant pas à un accord amiable, ils ont assigné Design Karo en justice pour obtenir une expertise judiciaire. La société n’ayant pas constitué avocat, le tribunal a rejeté leur demande d’expertise et les a condamnés aux dépens. Les époux ont interjeté appel, demandant une expertise pour évaluer les désordres et leurs causes. La cour a finalement ordonné une expertise judiciaire, désignant un expert pour examiner les travaux et déterminer les responsabilités, tout en fixant une provision pour les frais d’expertise. Les époux ont été condamnés aux dépens de première instance et d’appel.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

8 octobre 2024
Cour d’appel de Reims
RG
24/00617
ARRET N°

du 08 octobre 2024

N° RG 24/00617 – N° Portalis DBVQ-V-B7I-FPJI

[Z]

[Z]

c/

S.A.S.U. DESIGN KARO

Formule exécutoire le :

à :

Me Camille ROMDANE

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 08 OCTOBRE 2024

APPELANTS :

d’une ordonnance de référé rendue le 06 décembre 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de REIMS

Monsieur [D] [Z]

Né le 25 mars 1989 à [Localité 9]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représenté par Me Camille ROMDANE, avocat au barreau de REIMS

Madame [T] [J] épouse [Z]

Née le 03 janvier 1993 à [Localité 9]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Camille ROMDANE, avocat au barreau de REIMS

INTIMEE :

S.A.S.U. Design Karo, société inscrite au registre de commerce et des sociétés de Reims sous le n° 844963736, dont le siège social est situé [Adresse 3] à 51100 REIMS, prise en la personne de

son représentant légal domicilié de droit audit siège

Non comparante, ni représentée, bien que régulièrement assignée

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Madame Sandrine PILON, conseillère

GREFFIER :

Madame Jocelyne DRAPIER, greffière lors des débats

Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors de la mise à disposition

DEBATS :

A l’audience publique du 02 septembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 08 octobre 2024

ARRET :

Par défaut, prononcé par mise à disposition au greffe le 08 octobre 2024 et signé par Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

M. [D] [Z] et son épouse Mme [T] [J] ont confié à la SASU Design Karo des travaux de pose d’une natte et de carrelage dans leur maison d’habitation située à [Localité 10].

Invoquant des irrégularités dans la pose du carrelage, leur avocat a, par courrier recommandé du 14 juin 2023, mis en demeure la société Design Karo de communiquer les coordonnées de son assureur garantissant la responsabilité décennale.

Faute d’issue amiable, les époux [Z] ont, par acte d’huissier du 10 octobre 2023, fait assigner la SASU Design Karo devant le tribunal judiciaire de Reims aux fins d’expertise judiciaire sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

La société Désign Karo n’a pas constitué avocat.

Par ordonnance du 6 décembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Reims a rejeté la demande d’expertise et condamné M. et Mme [Z] aux dépens de l’instance.

Par déclaration du 6 avril 2024, M. et Mme [Z] ont interjeté appel de cette décision.

Aux termes de leurs conclusions communiquées par voie électronique le 5 juin 2024, ils demandent à la cour de :

– infirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions,

– désigner tel expert qu’il plaira à la cour de nommer lequel aura pour mission de décrire précisément la nature et l’amplitude des travaux réalisés par la société Design Karo, donner son avis sur l’origine et la cause des désordres, décrire et détailler les conséquences de ces désordres, dire s’ils ont été réalisés dans les règles de l’art, décrire les travaux nécessaires à la reprise des désordres et en chiffrer le coût, chiffrer le préjudice de jouissance depuis l’apparition des désordres jusqu’à la date de réalisation des travaux de réfection ainsi que le préjudice de jouissance qu’ils devront subir consécutivement à l’exécution des travaux de reprise,

-leur donner acte de ce qu’ils offrent de verser toute somme qu’il plaira à la cour de fixer à valoir sur les frais et honoraires de l’expert,

– réserver les dépens.

Ils soutiennent avoir un motif légitime pour solliciter une expertise judiciaire en raison des désordres constatés à la suite de la réalisation des travaux sur leur sol, lequel présente depuis lors une bosse dans le séjour occasionnant une double pente ce que les photographies versées initialement au dossier permettaient déjà de vérifier. Ils ajoutent que le constat du commissaire de justice réalisé par la suite démontre également l’existence de cette pente de sorte qu’ils ont bien un intérêt légitime à réclamer cette mesure pour déterminer l’origine des désordres affectant la réalisation des travaux et les responsabilités.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des appelants pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions.

La SASU Design Karo n’a pas constitué avocat. La déclaration d’appel et les conclusions des appelants lui ont été signifiées le 14 mai 2024 par acte d’huissier délivré à étude.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 16 juillet 2024 et l’affaire a été renvoyée pour être plaidée à l’audience du 2 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Lorsqu’il statue en référé sur le fondement de ce texte, le juge n’est pas soumis aux conditions imposées par l’article 835 du code de procédure civile. Il n’a notamment pas à rechercher s’il y a urgence et l’existence de contestations sérieuses ne constitue pas un obstacle à la mise en oeuvre de la mesure sollicitée, l’application de cet article n’impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé.

L’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile suppose simplement que soit constaté qu’il existe un procès « en germe » possible, et non manifestement voué à l’échec au regard des moyens soulevés, sur la base d’un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui.

En l’espèce, il est constant que M. et Mme [Z] ont confié des travaux de pose d’une natte et de carrelage à la société Design Karo. Les factures versées attestent de la réalisation effective de ceux-ci.

Les appelants versent aux débats des photographies des travaux ainsi qu’un procès verbal de constat établi par Me [I], commissaire de justice, daté du 14 février 2024 duquel il ressort qu’il existe une bosse au plancher du séjour ainsi qu’une double pente.

Dès lors, ils disposent d’un motif légitime à voir ordonner une expertise judiciaire pour déterminer précisément les désordres affectant les travaux réalisés par la société Design Karo et fournir tous éléments techniques sur les responsabilité encourues et les préjudices éventuellement subis.

Il y a donc lieu de faire droit à leur demande d’expertise dont la mission sera précisée au dispositif de la présente décision, l’ordonnance étant infirmée en toutes ses dispositions.

Étant demandeurs à la mission d’expertise, les époux [Z] doivent avancer les frais de cette mesure d’instruction selon les modalités fixées au dispositif de la présente décision et payer les dépens de la procédure.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt de défaut,

Infirme l’ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau ;

Ordonne une expertise judiciaire et commet pour y procéder M. [U] [E] demeurant [Adresse 5] tel : [XXXXXXXX01] Port.: [XXXXXXXX02] Mèl : [Courriel 8] ;

lequel aura pour mission de :

– se rendre sur les lieux situés [Adresse 4] dans la maison d’habitation de M. et Mme [Z], les parties et leurs conseils dûment convoqués ;

– se faire remettre et prendre connaissance de tous documents utiles en particulier des pièces contractuelles ;

– examiner les désordres allégués ;

– indiquer si ces désordres proviennent d’une non-conformité aux documents contractuels ;

– donner son avis sur l’origine et les causes des désordres ;

– décrire et détailler les conséquences de ces désordres ;

– dire si les travaux ont été réalisés conformément aux règles de l’art ;

– fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction éventuelle saisie de déterminer s’il y a lieu les responsabilités encourues et d’évaluer les préjudices éventuellement subis ;

– le cas échéant indiquer les travaux nécessaires à la réfection et fournir tous éléments permettant de chiffrer le coût des remises en état ;

Dit que l’expert fera connaître au magistrat chargé du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Reims son acceptation ou son refus d’exécuter l’expertise dans un délai d’un mois après avoir pris connaissance de l’arrêt le désignant ;

Dit qu’en cas de refus ou d’empêchement, il sera pourvu au remplacement de l’expert par une ordonnance rendue sur simple requête ou d’office par le magistrat chargé du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Reims ;

Dit que l’expert devra, dans le mois de la première réunion d’expertise, adresser au magistrat chargé du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Reims, en cas d’insuffisance manifeste de la provision allouée et au vu des diligences faites ou à venir, un état prévisionnel détaillé du coût de l’expertise entreprise et pourra demander la consignation d’une provision supplémentaire ;

Rappelle que l’expert devra mentionner dans son rapport qu’il a délivré une copie de celui-ci aux parties et aux avocats ;

Rappelle qu’en cas de difficultés ou de nécessité d’une extension de la mission, l’expert devra en référer au magistrat chargé du contrôle des expertise au tribunal judiciaire de Reims ;

Fixe à la somme de 2 000 euros le montant de la provision à valoir sur les frais d’expertise qui devra être consigné par les époux [Z] à la régie d’avances et de recettes du tribunal judiciaire de Reims, avant le 30 octobre 2024 ;

Dit que faute de consignation dans ce délai, la désignation de l’expert sera caduque;

Désigne le magistrat chargé du suivi du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Reims pour connaître de toutes demandes relatives au déroulement de cette expertise ;

Dit que l’expert déposera un pré-rapport auquel les parties pourront répondre dans le mois suivant son envoi ;

Dit que l’expert déposera son rapport définitif dans les trois mois de sa saisine auprès du service du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Reims ;

Condamne M. [D] [Z] et son épouse Mme [T] [J] aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier La présidente


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