Expertise judiciaire : Conditions et légitimité d’une demande en référé dans le cadre de travaux de construction.

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Expertise judiciaire : Conditions et légitimité d’une demande en référé dans le cadre de travaux de construction.

Monsieur [N] [X] et Madame [F] [W] ont construit une maison sur leur terrain à [Localité 7]. L’entrepreneur Monsieur [D] [G] et la société SME Elec ont été engagés pour la maîtrise d’œuvre et les travaux d’électricité, plomberie et chauffage, respectivement. Après des plaintes de non-conformité, les maîtres d’ouvrage ont rompu les contacts avec le maître d’œuvre et ont réceptionné les travaux avec des réserves le 23 juin 2023. Ils ont mis en demeure M. [G] et SME Elec de lever les réserves et réparer les désordres par lettres recommandées en mars 2024. En juin 2024, ils ont assigné en référé M. [G], son assureur MIC Insurance company, et l’assureur de SME Elec, Ergo France, pour désigner un expert. Lors de l’audience du 25 septembre 2024, M. [G] ne s’est pas présenté. Le tribunal a ordonné une expertise pour évaluer les travaux, les désordres et leurs causes, ainsi que les responsabilités et préjudices. Une provision de 5 000 € a été fixée pour la rémunération de l’expert, avec des délais pour la consignation et la remise du rapport. Les dépens ont été laissés à la charge des demandeurs, et d’autres demandes ont été rejetées.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

18 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Rennes
RG
24/00501
RE F E R E

Du 18 Octobre 2024

N° RG 24/00501 – N° Portalis DBYC-W-B7I-LAB5
54G

c par le RPVA
le
à

Me Gaëlle BERGER-LUCAS, Me Benjamin BUSQUET, Maître Eve NICOLAS de la SELARL RACINE

– copie dossier
– 2 copies service expertises

Expédition et copie executoire délivrée le:
à

Me Benjamin BUSQUET,

Expédition délivrée le:
à

Me Gaëlle BERGER-LUCAS,, Maître Eve NICOLAS

Cour d’appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES

OR D O N N A N C E

DEMANDEURS AU REFERE:

Monsieur [N] [X], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Benjamin BUSQUET, avocat au barreau de RENNES

Madame [F] [W], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Benjamin BUSQUET, avocat au barreau de RENNES

DEFENDEURS AU REFERE:

Monsieur [G] [D] entrepreneur individuel exerçant sous le nom commercial Era Habitat, dont le siège social est sis [Adresse 9]
non comparant

Société ERGO FRANCE – ERGO Versicherung AG succursale FRAN CE, dont le siège social est sis [Adresse 5]
représentée par Me Gaëlle BERGER-LUCAS, avocat au barreau de RENNES, Me SIMON-GUENNOU, avocat au barreau de Nantes

S.A. MIC INSURANCE COMPANY, dont le siège social est sis [Adresse 4]
représentée par Maître Eve NICOLAS, avocat au barreau de NANTES substitué par Me BEUCHERE-FLAMENT Elsa, avocat au barreau de Rennes,

LE PRESIDENT: Philippe BOYMOND, Vice-Président

LE GREFFIER: Claire LAMENDOUR, greffier, lors des débats et lors du prononcé par mise à disposition au greffe, qui a signé la présente ordonnance.

DEBATS: à l’audience publique du 25 Septembre 2024,

ORDONNANCE: réputée contradictoire, prononcée par mise à disposition au Greffe des référés le 18 Octobre 2024, date indiquée à l’issue des débats

VOIE DE RECOURS: Cette ordonnance peut être frappée d’appel devant le greffe de la Cour d’Appel de RENNES dans les 15 jours de sa signification en application des dispositions de l’article 490 du code de procédure civile.
L’appel de cette décision n’est cependant pas suspensif de son exécution.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [N] [X] et Madame [F] [W] ont fait construire une maison d’habitation sur un terrain leur appartenant sis [Adresse 2] à [Localité 7] (35).

Sont intervenus à l’opération de construction notamment :
– Monsieur [D] [G], entrepreneur individuel exerçant sous le nom commercial Era Habitat, en qualité de titulaire d’une mission complète de maîtrise d’oeuvre, par contrat du 7 avril 2021, assuré au titre de l’assurance décennale et de l’assurance responsabilité civile par la société anonyme MIC Insurance company,
– la société SME Elec, au titre des lots électricité, plomberie et chauffage, suivant devis du 22 mars 2022, assurée au titre de l’assurance décennale et de l’assurance responsabilité civile par la société Ergo France, société commerciale de droit étranger.

Suite aux plaintes de non-conformité exprimées par les maîtres d’ouvrage, les contacts avec le maître d’oeuvre ont été rompus, obligeant ces derniers à procéder seuls à la réception des travaux, selon procès-verbal établi le 23 juin 2023, avec de nombreuses réserves.

Par différents courriers, notamment par lettres recommandées en date du 27 mars 2024, M. [X] et Mme [W] ont mis en demeure M. [G] et la société SME Elec de procéder à la levée des réserves et à la réparation des désordres existants.

Par actes de commissaire de justice des 17 et 19 juin 2024, M. [X] et Mme [W] ont assigné en référé, devant le président du tribunal judiciaire de Rennes, M. [G] et son assureur, la société MIC Insurance company ainsi que la société Ergo France, assureur de la société SME Elec, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, aux fins de :
– désigner un expert au bénéfice de la mission définie par l’assignation
– réserver les dépens.

A l’audience utile en date du 25 septembre 2024, les demandeurs, représentés par leur avocat, ont sollicité le bénéfice de leur exploit introductif d’instance.

Par conclusions reçues à cette audience, les sociétés Ergo-France et MIC Insurance company, pareillement représentées, ont formé toutes protestations et réserves d’usage quant à la demande formée contre elles.

Bien que régulièrement assigné par remise de l’acte à personne, M. [D] [G] n’a pas comparu, ni ne s’est fait représenter.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties comparantes, il est renvoyé à leurs écritures respectives soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie précitée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’article 472 du code de procédure civile dispose que :

 » Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée « .
Sur la demande d’expertise

En application de l’article 145 du même code, s’il existe un motif légitime d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé en référé.

Le motif légitime exigé par cet article doit être constitué par un ou plusieurs faits précis, objectifs et vérifiables qui démontrent l’existence d’un litige plausible, crédible, bien qu’éventuel et futur dont le contenu et le fondement seraient cernés, approximativement au moins et sur lesquels pourrait influer le résultat de la mesure d’instruction à ordonner (Civ. 2ème 10 décembre 2020 n° 19-22.619 publié au Bulletin). L’action au fond ainsi envisagée ne doit, en outre, pas apparaître comme étant manifestement compromise (Com. 18 janvier 2023 n° 22-19.539 publié au Bulletin).

En l’espèce, M. [N] [X] et Mme [F] [W] sollicitent le prononcé d’une mesure d’expertise au contradictoire de Monsieur [D] [G] et de son assureur décennal et de responsabilité civile professionnelle, la société MIC Insurance company ainsi que de la société Ergo France, assureur de la société SME Elec 35, dans la perspective d’une action au fond qu’ils ont l’intention d’intenter à leur encontre sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, de la responsabilité décennale ou, à défaut, contractuelle.

Les sociétés Ergo France et MIC Insurance company ont formulé les protestations et réserves d’usage quant à cette demande dirigée à leur encontre.

Monsieur [D] [G] n’a pas comparu, ni ne s’est fait représenter. Il convient dès lors de vérifier que la demande formée à son encontre est régulière, recevable et bien fondée.

Au vu des pièces versées aux débats, il apparaît que Monsieur [X] et Mme [W] ont conclu un contrat de maîtrise d’oeuvre avec M. [G] [D], exerçant sous le nom commercial de Era Habitat, le 7 avril 2021 (leur pièce n°1). Ce dernier a eu notamment pour mission de diriger l’exécution des travaux de construction par les entreprises (pièce demandeurs n°2), lequels ont fait l’objets de réserves et ont pu provoquer un dégât des eaux (pièce demandeur n°9). Ainsi, le fondement juridique de l’action en germe des demandeurs n’apparaît pas à ce stade comme étant manifestement compromis.

Dès lors, les demandeurs démontrent disposer d’un motif légitime à voir ordonnée une mesure d’expertise au contradictoire de l’ensemble des défendeurs, comme énoncé au dispositif de la présente ordonnance et à leurs frais avancés.

Sur les demandes annexes

L’article 491 du code de procédure civile dispose, en son second alinéa, que le juge des référés « statue sur les dépens ».

Il est de jurisprudence constante que les parties défenderesses à une expertise ou à son extension, ordonnée sur le fondement de l’article 145 du même code, ne sauraient être regardées comme les parties perdantes au sens des dispositions des articles 696 et 700 dudit code.

En conséquence, les demandeurs conserveront provisoirement la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant en référé, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort :
Ordonnons une expertise et désignons, pour y procéder, Monsieur [H] [O], expert inscrit sur la liste de la cour d’appel de Rennes, domicilié [Adresse 3] à [Localité 6] (44) tél: [XXXXXXXX01], mèl: [Courriel 8], lequel aura pour mission de :

– se rendre sur place au [Adresse 2] à [Localité 7] (35), après avoir convoqué les parties par lettre recommandée avec accusé de réception, avis étant donné à leurs avocats éventuels ;
– entendre les parties et tous sachants ;
-se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission ;
– décrire les travaux effectués et dire s’ils ont été réalisés suivant les règles de l’art et conformément aux documents contractuels ;
– vérifier la réalité des désordres, malfaçons, non façons invoqués dans l’assignation et ses annexes et, dans l’affirmative, les décrire ;
– en rechercher les causes et préciser, pour chacun d’entre eux, s’ils sont imputables à une erreur de conception, à un vice de construction, à un vice de matériaux, à une malfaçon dans la mise en œuvre, à une négligence dans l’entretien ou l’exploitation des ouvrages ou à quelqu’autre cause ; s’ils affectent l’un des éléments constitutifs de l’ouvrage ou l’un de ses éléments d’équipement en précisant, dans ce dernier cas, si les éléments d’équipement en question font ou non indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert ; s’ils constituent une simple défectuosité ou s’ils sont de nature à compromettre la solidité de l’immeuble ou à le rendre impropre à sa destination ;
– si la réception des travaux a été prononcée, préciser si elle a été accompagnée ou non de réserves et, dans l’affirmative, dire s’il y a eu des travaux de reprise et préciser si et quand les réserves ont été levées ;
– au cas où ils auraient été cachés, rechercher leur date d’apparition ;
– indiquer l’importance, la nature, le coût et la durée des travaux de remise en état et, s’il y a lieu, le montant de la moins value résultant de l’impossibilité de reprendre tout ou partie des désordres ;
– s’adjoindre en tant que de besoin le concours de tout spécialiste de son choix dans un domaine autre que le sien, conformément aux dispositions des articles 278 et suivants du code de procédure civile ;
– de manière générale, fournir tous éléments techniques et de fait et faire toutes constatations permettant à la juridiction, le cas échéant saisie, d’apprécier les responsabilités encourues et les préjudices subis ;
– répondre à tous dires des parties en relation avec le litige.

Fixons à la somme de 5 000 € (cinq mille euros) la provision à valoir sur la rémunération de l’expert que Monsieur [N] [X] et Madame [F] [W] devront consigner au moyen d’un chèque émis à l’ordre du régisseur du tribunal judiciaire de Rennes dans un délai de deux mois à compter de ce jour, faute de quoi la désignation de l’expert sera caduque ;

Disons que l’expert commencera ses opérations après avis de la consignation qui lui sera adressé par le greffe ;

Disons qu’à l’issue de la deuxième réunion, au plus tard, l’expert communiquera aux parties, s’il y a lieu, un état prévisionnel détaillé de l’ensemble de ses frais et honoraires et, en cas d’insuffisance manifeste de la provision allouée, demandera la consignation d’une provision supplémentaire ;

Disons que l’expert dressera un rapport de ses opérations qui sera déposé au greffe de ce tribunal dans un délai de huit mois à compter de l’avis de consignation ; qu’il aura, au préalable, transmis un pré-rapport aux parties et leur aura laissé un délai suffisant pour présenter leurs observations sous forme de dires auxquels l’expert sera tenu de répondre dans son rapport définitif ;

Désignons le magistrat en charge du service des expertises pour contrôler les opérations d’expertise et, en cas d’empêchement de l’expert, procéder d’office à son remplacement ;

Laissons provisoirement la charge des dépens à Monsieur [N] [X] et à Madame [F] [W] ;
Rejetons toute autre demande, plus ample ou contraire.

La greffière Le juge des référés


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