Expertise et obligations de conformité : enjeux d’une vente de véhicule neuf

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Expertise et obligations de conformité : enjeux d’une vente de véhicule neuf
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Achat du Camping-Car

[Z] [H] épouse [E] et [V] [E] ont acquis un camping-car neuf de démonstration de la marque Challenger, modèle 328, pour un montant de 52 942 euros TTC, le 19 août 2023, après reprise de leur ancien véhicule.

Réclamations et Assignation

Insatisfaits par plusieurs désordres, notamment un défaut d’étanchéité, les acheteurs ont assigné la SAS JOUSSE devant le tribunal en référé le 5 juillet 2024, après avoir échoué à trouver un accord amiable. Ils ont demandé une expertise et la prise en charge des dépens.

Arguments des Acheteurs

Les acheteurs soutiennent que le camping-car présente de nombreux défauts de finition et un problème d’alignement. Ils affirment que le constructeur a reconnu que le joint n’était pas d’origine et que les défauts ne sont pas seulement esthétiques. Ils estiment avoir le droit d’agir en résolution de la vente, invoquant des articles du code civil et du code de la consommation.

Réponse de la SAS JOUSSE

La SAS JOUSSE a demandé le rejet des demandes des acheteurs, arguant qu’aucun vice caché ou non-conformité n’était prouvé. Elle a également demandé une indemnisation de 2 000 euros pour couvrir ses frais de procédure.

Décision sur la Demande d’Expertise

Le tribunal a ordonné une expertise, considérant que les éléments fournis par les acheteurs, bien que non conclusifs, établissaient un motif légitime pour examiner les dommages. La brève expérience des acheteurs dans la vente de véhicules n’a pas été jugée suffisante pour compromettre leur action.

Conditions de l’Expertise

L’expert désigné devra examiner le camping-car, évaluer les anomalies signalées, et déterminer si elles rendent le véhicule impropre à l’usage. Il devra également estimer les coûts de réparation et fournir des éléments pour établir les responsabilités.

Consignation et Délais

Les acheteurs doivent consigner 2 500 euros pour la rémunération de l’expert dans un délai de deux mois. L’expert devra rendre son rapport dans les six mois suivant la réception de la consignation, avec des pré-rapports envoyés aux parties pour observations.

Conclusion et Dépens

Le tribunal a condamné les acheteurs aux dépens, sans condamnation supplémentaire au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et a rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

6 novembre 2024
Tribunal judiciaire d’Évreux
RG n°
24/00300
Minute N° 24/00428
N° RG 24/00300 – N° Portalis DBXU-W-B7I-HYXA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE D’ EVREUX
Le

1 CCC à Me GARIDOU – 58
1 CCC à Me DE MILLEVILLE
2 CCC au service des expertises

JURIDICTION DES RÉFÉRÉS

ORDONNANCE DU 06 NOVEMBRE 2024

DEMANDEURS :

Monsieur [V] [E]
né le 10 Septembre 1977 à [Localité 12]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 7] – [Localité 4]

Madame [Z] [H] épouse [E]
née le 02 Février 1979 à [Localité 11]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 7] – [Localité 4]

représentés par Me Jean-christophe GARIDOU, avocat au barreau de l’EURE

DÉFENDERESSE :

S.A.S. JOUSSE
Immatriculée au RCS de ROUEN, sous le numéro 370 012 967
dont le siège social est sis [Adresse 6] – [Localité 3]

représentée par Me Marie-odile DE MILLEVILLE, avocat au barreau de ROUEN

PRÉSIDENT : Sabine ORSEL

GREFFIER : Christelle HENRY

DÉBATS : en audience publique du 02 octobre 2024

ORDONNANCE :

– contradictoire, rendue publiquement et en premier ressort,
– mise à disposition au greffe le 06 novembre 2024
– signée par Sabine ORSEL, Présidente du Tribunal Judiciaire et Christelle HENRY,, greffier

N° RG 24/00300 – N° Portalis DBXU-W-B7I-HYXA – ordonnance du 06 novembre 2024

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

[Z] [H] épouse [E] et [V] [E] ont, selon facture du 19 août 2023, acheté à la SAS JOUSSE un camping-car neuf de démonstration de la marque Challenger, modèle 328, moyennant la somme de 52 942 euros TTC, après reprise de leur ancien véhicule.

Se plaignant de plusieurs désordres affectant le camping-car, notamment un défaut d’étanchéité, et faute d’accord amiable, [Z] [H] épouse [E] et [V] [E] ont, par acte du 5 juillet 2024, fait assigner la SAS JOUSSE devant le président de ce tribunal, statuant en référé. Dans leurs dernières conclusions, signifiées électroniquement le 30 septembre 2024
-ordonner une expertise au visa de l’article 145 du code de procédure civile ;
-réserver les dépens et les frais irrépétibles.

Ils font valoir que :
-le camping-car, acheté comme neuf, est affecté de nombreux défauts de finition et d’un défaut d’alignement de la casquette ;
-le constructeur a confirmé que le joint n’est pas d’origine, résultant d’une intervention après-production, et que le défaut l’affectant n’est pas qu’un désordre purement esthétique ;
-ils sont dès lors fondés à exercer une action en résolution de la vente sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil et sur le fondement de l’article L217-3 et suivants du code de la consommation qui imposent au vendeur une obligation de délivrance conforme ;
-s’ils ont bien exploité une entreprise de commerce de véhicules, ladite entreprise n’a duré que 8 mois et l’on ne peut par conséquent les considérer comme des professionnels de l’automobile.

Dans ses dernières conclusions signifiées électroniquement le 30 août 2024, la SAS JOUSSE demande au président de ce tribunal, statuant en référé, de :
-débouter [Z] [H] épouse [E] et [V] [E] de leurs demandes ;
-condamner [Z] [H] épouse [E] et [V] [E] à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :
-tout en affirmant pouvoir agir à son encontre sur les fondements des articles 1641 et suivants du code civil et 217-3 du code de la consommation, les missions proposées dans l’assignation ne listent aucun désordre pouvant être considéré comme un vice-caché ou une non-conformité ;
-faute de tels éléments, la demande est dépourvue de motif légitime ;
-ils ne sont pas fondés en leur qualité de professionnels de l’automobile à invoquer les dispositions du code de la consommation ;
-la présence de kilomètres au compteur se justifie par le fait que le véhicule est « neuf de démonstration », ce qui a été clairement indiqué aux acheteurs.

MOTIVATION
Sur la demande d’expertise
L’article 145 du code de procédure civile dispose que « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».

Le motif légitime est un fait crédible et plausible ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l’objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui. Elle doit être pertinente et utile.
Ainsi, si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il invoque, puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions et démontrer que le litige potentiel n’est pas manifestement voué à l’échec, la mesure devant être de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.

En l’espèce, si les demandeurs ne produisent pas de pièces établissant directement la réalité des désordres, les échanges de courriels avec l’entreprise et avec le constructeur caractérisent l’existence de dommages puisque des engagements de réparation avaient été pris. De plus il ressort d’un courrier du préfet de l’Eure que l’entreprise a reconnu la nécessité de remplacer des pièces pour satisfaire à son obligation de garantir la conformité du bien. Au regard de l’ensemble de ces éléments les demandeurs démontrent l’existence d’un motif légitime à faire établir contradictoirement la réalité et la cause des dommages.
Leur brève expérience de la vente de véhicules légers d’occasion ne paraît pas de nature à vouer manifestement leur éventuelle action au fond à l’échec.
Il sera dès lors fait droit à la demande.

Sur les frais du procès
La partie défenderesse à une demande d’expertise ordonnée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme la partie perdante au sens des articles 696 et 700 du même code.

[Z] [H] épouse [E] et [V] [E] seront donc tenus aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Le président du tribunal judiciaire,

ORDONNE une mission d’expertise confiée à :
[S] [O]
[Adresse 2] [Localité 5]
Tél : [XXXXXXXX01] Mèl : [Courriel 9]
expert inscrit sur la liste de la cour d’appel ;

DIT que l’expert aura pour mission de :
-convoquer les parties et leurs avocats ;
-entendre les parties, assistées le cas échéant de leurs avocats, recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations d’expertise ;
-se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utile à l’accomplissement de sa mission ;
-examiner le camping-car de la marque Challenger, modèle 328, immatriculé [Immatriculation 10] ;
– Décrire l’état de ce véhicule et, le cas échéant, ses conditions d’entreposage depuis son immobilisation ; examiner les anomalies et griefs allégués dans l’assignation, les conclusions, ou dans le rapport d’expertise amiable visé à l’assignation, les décrire et préciser notamment s’ils rendent ou non le véhicule impropre à l’usage auquel il est destiné ;
– Décrire si possible l’historique du véhicule, ses conditions d’utilisation et d’entretien depuis sa mise en circulation et le cas échéant vérifier si elles ont été conformes aux prescriptions du constructeur et si elles ont pu jouer un rôle causal dans les dysfonctionnements constatés ;
– Le cas échéant, déterminer les causes des dysfonctionnements constatés et rechercher si ces dysfonctionnements étaient apparents lors de l’acquisition du véhicule ou s’ils sont apparus postérieurement ; dans le premier cas, indiquer s’ils pouvaient être décelés par un automobiliste non averti et si celui-ci pouvait en apprécier la portée ; dans le second cas, s’ils trouvent leur origine dans une situation antérieure à l’acquisition ;
– Décrire, dans l’hypothèse où le véhicule serait techniquement réparable, les travaux nécessaires pour y remédier et en chiffrer le coût ; dans tous les cas, indiquer la valeur résiduelle du véhicule ;
– Fournir tous éléments techniques et de fait de nature à déterminer les responsabilités encourues et évaluer les préjudices subis ;
– Fournir toutes les indications sur la durée prévisible des réfections ainsi que sur les préjudices accessoires qu’ils pourraient entraîner tels que privation ou limitation de jouissance ;
– Faire toutes observations utiles au règlement du litige ;

DIT que [Z] [H] épouse [E] et [V] [E] devra consigner la somme de 2 500 euros, à titre de provision à valoir sur la rémunération de l’expert,à la régie de ce tribunal dans le délai impératif de deux mois à compter de la notification de la présente décision, à peine de caducité de la désignation de l’expert ;

DIT que l’expert, en concertation avec les parties, définira un calendrier prévisionnel de ses opérations à l’issue de la première réunion d’expertise et qu’il actualisera le calendrier en tant que de besoin, notamment en fixant un délai aux parties pour procéder aux extensions de mission nécessaire, aux interventions forcées ;

DIT que dans les trois mois de sa saisine, l’expert indiquera aux parties et au juge chargé du contrôle des expertises le montant prévisible de sa rémunération définitive, notamment au regard de l’intérêt du litige, afin que soit éventuellement fixée une provision complémentaire dans les conditions de l’article 280 du code de procédure civile ;

DIT que préalablement au dépôt de son rapport, l’expert adressera aux parties, le cas échéant par voie électronique uniquement, un pré-rapport, répondant à tous les chefs de la mission et destiné à provoquer leurs observations ; qu’il devra fixer aux parties un délai d’au moins quatre semaines pour le dépôt de leurs dires éventuels, leur rappellera qu’il n’est pas tenu de répondre aux observations transmises après cette date limite et précisera la date de dépôt de son rapport ;

DIT que l’expert devra déposer son rapport au greffe de la juridiction, accompagné des pièces jointes (qui pourront être transmises sur un support numérique), dans le délai de 6 mois à compter de la date de réception de l’avis de consignation de la provision, sauf prorogation de ce délai dûment sollicité en temps utile de manière motivée auprès du juge chargé du contrôle des expertises ;

RAPPELLE que l’expert joindra au dépôt du rapport d’expertise sa demande de rémunération et que les parties disposeront alors de 15 jours pour formuler auprès du juge du contrôle des expertises leurs observations sur cette demande ;

RAPPELLE que l’expert pourra recueillir des informations orales, ou écrites, de toutes personnes susceptibles de l’éclairer ;

RAPPELLE qu’en vertu des dispositions de l’article 278 du code de procédure civile, l’expert peut prendre l’initiative de recueillir l’avis d’un technicien d’une spécialité distincte de la sienne, et DIT que, dans une telle éventualité, il devra présenter au magistrat chargé du contrôle des expertises une demande de consignation complémentaire correspondant à la rémunération possible du sapiteur ;

DIT que l’expert joindra au rapport d’expertise :
– la liste exhaustive des pièces consultées ;
– le nom des personnes convoquées aux opérations d’expertise en précisant pour chacune d’elle la date d’envoi de la convocation la concernant et la forme de cette convocation ;
– le nom des personnes présentes à chacune des réunions d’expertise ;
– la date de chacune des réunions tenues ;
– les déclarations des tiers entendus par lui, en mentionnant leur identité complète, leur qualité et leurs liens éventuels avec les parties ;
– le cas échéant, l’identité du technicien dont il s’est adjoint le concours, ainsi que le document qu’il aura établi de ses constatations et avis – document qui devra également être joint à la note de synthèse ou au projet de rapport ;

DÉSIGNE le juge chargé du contrôle des expertises de ce tribunal à effet de suivre l’exécution de cette mesure d’instruction ;

RAPPELLE qu’en application de l’article 275 du code de procédure civile, les parties doivent remettre sans délai à l’expert tous les documents que celui-ci estime nécessaires à l’accomplissement de sa mission ; qu’à défaut, la production sous astreinte de ces documents peut être ordonnée par le juge ;

RAPPELLE qu’en application de l’article 273 du code de procédure civile, les experts doivent informer le juge de l’avancement de leurs opérations et diligences ;

DIT qu’en cas de difficultés, l’expert ou les représentants des parties en référeront immédiatement au juge chargé du service du contrôle des expertises au besoin à l’adresse suivante : [Courriel 8] ;

DIT que si les parties viennent à se concilier, l’expert, conformément à l’article 281 du code de procédure civile, constatera que sa mission est devenue sans objet et en fera rapport au juge chargé du contrôle des expertises ;

CONDAMNE [Z] [H] épouse [E] et [V] [E] aux entiers dépens ;

DIT n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

La greffière La présidente
Christelle HENRY Sabine ORSEL


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