Expertise erronée d’une oeuvre d’art à 3 millions d’euros

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Expertise erronée d’une oeuvre d’art à 3 millions d’euros
Ce point juridique est utile ?

Attention à toujours vérifier les attestations d’assurance des experts en oeuvres d’art.

En la cause, M. [N], à l’époque expert près la cour d’appel de Paris et agréé auprès du Crédit Municipal selon arrêté du directeur général du Crédit municipal du 15 juin 2000, a émis, à la demande de ce dernier, le 22 octobre 2004, un certificat d’expertise datant le bronze représentant ‘un satyre portant Bacchus’ de l’époque romaine et estimant sa valeur à 3 000 000/3 500 000 euros en vue d’un prêt sur gage.

Ce bronze n’étant pas de ladite période, le Crédit Municipal a obtenu la condamnation de l’expert et du vendeur.

En outre, par jugement du tribunal correctionnel de Paris en date du 16 février 2011, M. [Z] a été condamné du chef d’escroquerie en ce qu’il a activement participé à un stratagème frauduleux destiné à obtenir du Crédit municipal de Paris plusieurs prêts pour un montant important en faisant croire faussement à l’origine d’une collection familiale destinée à renforcer la croyance de son cocontractant dans l’authenticité et la grande valeur des objets remis en gage d’une part et par arrêt de la cour d’appel de Paris du 19 mars 2013 M. [N] a également été condamné pour complicité d’escroquerie pour avoir, contre rémunération, authentifié et surévalué les oeuvres déposées en gage en vue de favoriser l’octroi de prêts plus importants de la part du Crédit municipal de Paris, d’autre part.

Le litige a également révélé que l’expert n’était pas assuré pour son activité d’expert en oeuvres d’art.

Résumé de l’affaire : Le 16 décembre 2004, lors d’une vente aux enchères organisée par le Crédit municipal, M. [I] a acheté une statue en bronze, accompagnée d’un certificat d’authenticité, qui s’est avéré être faussement datée du 1er siècle avant J.-C. En réalité, des experts ont établi qu’elle datait du 18ème siècle. M. [I] a alors assigné plusieurs parties, dont le Crédit municipal et le GIE des commissaires-priseurs, en annulation de la vente. Le tribunal de grande instance de Paris a annulé la vente pour erreur sur les qualités substantielles de l’œuvre et a condamné M. [Z] à rembourser le prix de vente, ainsi que d’autres parties à indemniser M. [I] pour préjudice moral et matériel. Des condamnations pour escroquerie ont été prononcées contre M. [Z] et M. [N]. La cour d’appel a confirmé en partie ces décisions, mais a modifié certaines condamnations. Après plusieurs renvois et décisions, la Cour de cassation a finalement statué sur les demandes de garantie entre les parties, condamnant M. [Z] et M. [N] à garantir le GIE des commissaires-priseurs pour une partie des condamnations.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 septembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
23/17950
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 13

ARRET DU 10 SEPTEMBRE 2024

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/17950 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CIPRA

Décision déférée à la Cour : Arrêt 18 Octobre 2023 – Cour de Cassation de PARIS (1ère chambre civile)

Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 16 décembre 2021

Jugement du 9 décembre 2010 du Tribunal de Grande Instance de Paris

DEMANDEUR A LA SAISINE

G.I.E. DES COMMISSAIRES-PRISEURS APPRECIATEURS PRES LE CREDIT MUNICIPAL DE [Localité 6] agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

DEFENDEURS A LA SAISINE

Monsieur [K] [Z]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Défaillant

Monsieur [W] [N]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Défaillant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, Conseillère

M. Jacques LE VAILLANT, Conseiller

Greffière, lors des débats : Mme Florence GREGORI

ARRET :

– par défaut

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 10 septembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

Au cours d’une vente aux enchères publiques organisée le 16 décembre 2004 par la caisse de Crédit Municipal de [Localité 6] (le Crédit municipal), avec le concours du groupement d’intérêt économique des commissaires-priseurs appréciateurs auprès du Crédit municipal (le GIE des commissaires-priseurs), M. [G] [I] a acquis de M. [K] [Z] une statue en bronze représentant ‘un satyre portant Bacchus’, accompagnée d’un certificat d’authenticité délivré par M. [W] [N], qui la datait du 1er siècle avant Jésus-Christ.

Cet objet avait été remis en nantissement par M. [Z] au Crédit municipal, afin de garantir le remboursement du prêt que celui-ci lui avait consenti.

Par ordonnance du 10 novembre 2005, rendue à la requête de M. [I], le juge des référés a désigné deux experts, qui ont daté la statue du 18ème siècle.

Par acte du 24 décembre 2007, M. [I] a assigné le Crédit municipal, le GIE des commissaires-priseurs, M. [N], la société d’assurance Union Européenne d’assurances, aux droits de laquelle se trouve la société GCE assurances, et la société CNA Insurance company limited, assureur du Crédit municipal, en annulation de la vente.

Le Crédit municipal a appelé en la cause M. [Z].

Par jugement du 9 décembre 2010, le tribunal de grande instance de Paris a :

– déclaré irrecevables les exceptions de sursis à statuer et de litispendance,

– annulé la vente du 16 décembre 2004 pour erreur sur les qualités substantielles de l’oeuvre,

– condamné M. [Z] à payer à M. [I] la somme de 1 800 000 euros correspondant au prix de vente en contrepartie de la remise de la statue, avec intérêts au taux légal à compter du15 avril 2008, et capitalisation en application des dispositions de l’article 1154 du code civil,

– condamné in solidum le Crédit municipal, le GIE des commissaires-priseurs appréciateurs, M. [N] et M. [Z] à payer à M. [I] la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral et celle de 284 163,31 euros au titre de son préjudice matériel,

– condamné la CNA à garantir le Crédit municipal pour l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre,

– débouté le Crédit municipal et M. [I] de leurs demandes dirigées contre la société GCE assurances,

– déclaré irrecevable la demande reconventionnelle formée par M. [Z],

– condamné in solidum le Crédit municipal, le GIE des commissaires-priseurs appréciateurs, M. [N] et M. [Z] à payer à M. [I] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

– rejeté toute autre demande.

Selon jugement du tribunal correctionnel de Paris et arrêt de la cour d’appel de Paris en date des 16 février 2011 et 19 mars 2013, MM. [Z] et [N] ont été condamnés respectivement pour escroquerie et complicité d’escroquerie

Par arrêt du 12 janvier 2016, statuant sur l’appel du jugement du 9 décembre 2010, la cour d’appel de Paris a, pour l’essentiel :

– confirmé le jugement déféré sauf en ce qu’il a,

– assorti la restitution de la somme de 1 800 000 euros par M. [Z] à M. [I] des intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2008,

– condamné in solidum le Crédit municipal, le GIE des commissaires priseurs, M. [N], M. [Z] à payer à M. [I] la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral et celle de 284 163,31 euros au titre de son préjudice matériel,

– l’a infirmé, dans cette limite, et, statuant à nouveau,

– dit que la somme de 1 800 000 euros que M. [Z] est condamné à payer à M. [I] est assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement rendu le 9 décembre 2010 par le tribunal de grande instance de Paris,

– condamné le GIE des commissaires-priseurs à restituer à M. [I] la somme de 255 420 euros, montant des frais d’adjudication,

– condamné in solidum le GIE des commissaires-priseurs, le Crédit municipal, MM. [Z] et [N] à payer à M. [I] les sommes de 7 000 euros au titre de son préjudice moral et de 28 743,31 euros en réparation de son préjudice matériel,

– condamné MM. [Z] et [N] à garantir le GIE des commissaires-priseurs des condamnation prononcées à son encontre,

– rejeté tout autre demande.

A la suite du pourvoi principal formé par M. [I] et du pourvoi incident formé par le GIE des commissaires-priseurs, la première chambre civile de la Cour de cassation par un arrêt du 4 octobre 2017 a renvoyé l’affaire au tribunal des conflits sur la détermination de l’ordre de juridiction compétent pour connaître des actions engagées par M. [I] à l’encontre du Crédit municipal.

Le tribunal des conflits, par une décision du 12 février 2018, a dit que la juridiction de l’ordre judiciaire était compétente pour connaître du litige.

Par arrêt du 3 mai 2018, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel de Paris mais seulement en ce qu’il a rejeté la demande de M. [I] tendant à la condamnation du Crédit municipal, du GIE des commissaires-priseurs et de M. [N] à garantir la restitution du prix de vente et a renvoyé les parties devant la cour d’appel de Paris autrement composée.

Le 8 décembre 2018, M. [I] a saisi la cour d’appel de Paris, qui par un arrêt du 16 décembre 2021, a essentiellement :

– infirmé le jugement en ce qu’il a débouté M. [I] de sa demande de garantie par M. [N], la caisse de Crédit municipal et le GIE des commissaires-priseurs de la restitution du prix de vente,

statuant à nouveau, dans cette limite,

– déclaré la caisse de Crédit municipal et le GIE des commissaires-priseurs recevables en leurs demandes formulées à l’égard de M. [I],

– condamné in solidum M. [Z], M. [N], la caisse de Crédit municipal et le GIE des commissaires-priseurs à garantir M. [I] de la restitution du prix de la vente annulée d’un montant de 1 800 000 euros, sous déduction des sommes recouvrées auprès de M. [Z] après imputation des frais de saisies y afférents,

– déclaré M. [I] recevable en ses demandes mais l’a débouté de ses demandes au titre des intérêts de retard afférents et des condamnations au titre des dépens et frais irrépétibles mis à sa charge par l’arrêt de la cour d’appel du 12 janvier 2016,

– condamné la CNA Insurance Company Limited à garantir la caisse de Crédit municipal de l’intégralité des condamnations prononcées à son encontre,

– déclaré la caisse de Crédit municipal recevable en son appel incident en garantie à l’encontre du GIE des commissaires priseurs,

– déclaré le GIE des commissaires-priseurs irrecevable en ses demandes à l’encontre de MM. [Z] et [N],

– fixé la contribution à la dette entre les co-obligés in solidum à hauteur de 30% à l’encontre de M. [Z], 30% à l’encontre de M. [N], 25% à l’encontre de la caisse de Crédit municipal et 15% à l’encontre du GIE des commissaires-priseurs appréciateurs,

– condamné M. [Z] à garantir la caisse de Crédit municipal à concurrence de 30% des condamnations mises à leur charge, en ce compris les frais et dépens d’appel,

– condamné M. [N] à garantir la caisse de Crédit municipal à concurrence de 30% des condamnations mises à leur charge, en ce compris les frais et les dépens d’appel,

– condamné le Crédit municipal et la CNA Insurance company limited à garantir le GIE des commissaires-priseurs à concurrence de 25% des condamnations mises à sa charge, en ce compris les frais et dépens d’appel,

– condamné le GIE des commissaires-priseurs appréciateurs à garantir la caisse de Crédit municipal à concurrence de 15% des condamnations mises à sa charge, en ce compris les frais et dépens d’appel,

– condamné in solidum à M. [Z], M. [N], la caisse de Crédit municipal, la CNA Insurance company limited et le GIE des commissaires-priseurs appréciateurs aux dépens.

Statuant sur les pourvois formés par M. [I] et le GIE des commissaires-priseurs appréciateurs du Crédit municipal de [Localité 6] et sur le pourvoi incident formé par le Crédit municipal de [Localité 6], la Cour de cassation par arrêt rendu le 18 octobre 2023, complété par un arrêt du 26 juin 2024, a notamment :

– cassé et annulé l’arrêt rendu le 16 décembre 2021, mais seulement en ce qu’il rejette la demande formée par M. [I] à l’encontre de M. [N], du Crédit municipal de [Localité 6] et du GIE des commissaires-priseurs appréciateurs du Crédit municipal de [Localité 6] tendant à ce qu’ils soient condamnés à le garantir de la condamnation de M. [Z] à payer les intérêts de retard afférents à la restitution du prix de la vente annulée et en ce qu’il a déclaré irrecevable la demande formée par le GIE des commissaires-priseurs appréciateurs du Crédit municipal de [Localité 6] à l’encontre de MM. [Z] et [N] tendant à ce que ces derniers soient condamnés à le garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre, faute sur ce second point d’avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d’office tiré de l’irrecevabilité des demandes de garantie à l’encontre de MM. [Z] et [N] faute de leur avoir fait signifier ses conclusions et ses demandes,

– dit n’y avoir lieu à renvoi du chef de la demande formée par M. [I] à l’encontre de M. [N], du Crédit municipal de [Localité 6] et du GIE des commissaires-priseurs appréciateurs du Crédit municipal de [Localité 6] tendant à ce qu’ils soient condamnés à le garantir de la condamnation de M. [Z] à payer les intérêts de retard afférents à la restitution du prix de la vente annulée,

– condamné in solidum M. [N], le Crédit municipal de [Localité 6] et le GIE des commissaires-priseurs appréciateurs du Crédit municipal de [Localité 6] à garantir M. [I] de la condamnation de M. [Z] à payer les intérêts de retard afférents au prix de restitution,

– pour le surplus, remis l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt, et les a renvoyées devant la cour d’appel de Paris autrement composée.

En application de l’article 625 du code de procédure civile, elle a, en outre, mis hors de cause le Crédit municipal, l’acquéreur et la société CNA Insurance company limited, dont la présence n’est pas nécessaire devant la cour d’appel de renvoi.

Par déclaration de saisine du 15 novembre 2023, le GIE des commissaires-priseurs appréciateurs du Crédit municipal de Paris a saisi la cour d’appel de Paris en intimant MM. [Z] et [N].

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 15 janvier 2024, le GIE des commissaires-priseurs appréciateurs près le Crédit municipal de [Localité 6] demande à la cour de :

– le juger recevable et bien fondé en ses demandes,

– infirmer le jugement du 9 décembre 2010 en ce qu’il a rejeté les demandes en garantie qu’il avait formées à l’encontre de MM. [Z] et [N],

– condamner in solidum MM. [Z] et [N] à le garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre dans la présente procédure, notamment par l’arrêt du 3 mai 2018 de la Cour de cassation, l’arrêt du 16 décembre 2021 de la cour d’appel de Paris et l’arrêt du 18 octobre 2023 de la Cour de cassation, en principal, intérêts, frais et dépens,

– condamner in solidum MM. [Z] et [N] à lui payer la somme de 50 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens, lesquels seront recouvrés par la Scp Grapotte Benetreau dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

MM. [Z] et [N] à qui la déclaration d’appel, les conclusions et l’avis de fixation ont été signifiés pour le premier les 15 et 25 janvier 2024 par acte remis à l’étude, et pour le second, les 15 et 24 janvier 2024, selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile, n’ont pas constitué avocat.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 23 avril 2024.

SUR CE,

La saisine est limitée à la demande de garantie formée par le GIE à l’encontre de MM. [Z] et [N].

Le tribunal a débouté le GIE de sa demande de condamnation solidaire à le garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre formée à l’égard de MM. [Z] et [N].

Après avoir rappelé que suite aux décisions rendues, la vente de la statue de Bacchus a été définitivement annulée, que M. [Z] est tenu à la restitution du prix de vente et des intérêts de retard, et que lui-même a été condamné à garantir à M. [I] la restitution du prix et des intérêts de retard résultant de l’absence de restitution du prix, le GIE des commissaires-priseurs soutient que MM. [Z] et [N] doivent être tenus à le garantir de toutes condamnations mises à sa charge du fait du présent litige et résultant, au-delà de celles tenant à l’absence de restitution du prix de vente et des intérêts, des arrêts du 3 mai 2018, 16 décembre 2021 et 18 octobre 2023, aux motifs que :

– sans les manoeuvres constitutives de fautes civiles et pénales de M. [Z], commises avec la complicité de M. [N], il n’aurait pas été condamné à l’égard de M. [I],

– il est en droit de se faire garantir de l’enrichissement sans cause dont bénéficie M. [Z],

– il n’a pas de lien contractuel avec le vendeur,

– MM. [Z] et [N] ont engagé leur responsabilité quasi délictuelle à son égard,

– M. [N] a été définitivement condamné pour complicité d’escroquerie s’agissant de la vente, celui-ci ayant eu un rôle déterminant consistant à se prononcer sur l’authenticité de l’oeuvre,

– l’expertise comme les certificats d’authenticité établis sans réserve l’engagent pleinement à l’égard des tiers,

– M. [N] ayant commis une faute supplémentaire en n’étant pas assuré pour son activité d’expert à l’époque des faits, le prive d’un recours qu’il aurait dû avoir contre son assureur,

– sa compagnie d’assurance a décliné sa garantie et refusé de couvrir le sinistre au motif de l’absence d’assurance de l’expert,

– il n’a plus aucune activité au sein du Crédit municipal de [Localité 6] qui l’a évincé depuis le 2 septembre 2021.

Aux termes de l’article 1382, devenu 1240, du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

M. [N], à l’époque expert près la cour d’appel de Paris et agréé auprès du Crédit Municipal selon arrêté du directeur général du Crédit municipal du 15 juin 2000, a émis, à la demande de ce dernier, le 22 octobre 2004, un certificat d’expertise datant le bronze représentant ‘un satyre portant Bacchus’ de l’époque romaine et estimant sa valeur à 3 000 000/3 500 000 euros en vue d’un prêt sur gage.

La vente a été requise par M. [Z] et s’est faite le 16 décembre 2004 par le ministère du GIE des commissaires-priseurs.

Le catalogue de vente de la collection d’archéologie du ‘ docteur K’ , a repris les termes du certificat de M. [N] décrivant la statue en ces termes ‘ Rarissime Satyre portant Bacchus… Très exceptionnel groupe figurant un satyre nu…Art Hellénistique (Ier siècle avant J.C.)… Statue comparable en marbre trouvée dans l’Agro Romano à [Localité 7]…Nous ne connaissons pas d’exemplaire similaire en bronze, de taille aussi exceptionnelle, qui nous soit parvenu dans un aussi bon état de conservation. Par la finesse de l’exécution, la qualité du modelé, l’harmonie et l’équilibre des proportions, ce bronze est un chef-d”uvre de l’art antique.’

Or, les experts judiciaires désignés ont estimé que l’oeuvre datait au plus tôt du XVIIIème siècle voire de la deuxième moitié du XIXème siècle.

En outre, par jugement du tribunal correctionnel de Paris en date du 16 février 2011, M. [Z] a été condamné du chef d’escroquerie en ce qu’il a activement participé à un stratagème frauduleux destiné à obtenir du Crédit municipal de Paris plusieurs prêts pour un montant important en faisant croire faussement à l’origine d’une collection familiale destinée à renforcer la croyance de son cocontractant dans l’authenticité et la grande valeur des objets remis en gage d’une part et par arrêt de la cour d’appel de Paris du 19 mars 2013 M. [N] a également été condamné pour complicité d’escroquerie pour avoir, contre rémunération, authentifié et surévalué les oeuvres déposées en gage en vue de favoriser l’octroi de prêts plus importants de la part du Crédit municipal de Paris, d’autre part.

Le litige a également révélé que M. [N] n’était pas assuré pour son activité d’expert.

Ces fautes engagent la responsabilité des intimés envers le GIE des commissaires-priseurs.

Il convient toutefois de tenir compte de la faute mise à la charge du GIE, à qui il a été reproché de ne pas avoir fait effectuer une nouvelle expertise alors qu’il n’était pas convaincu par l’avis donné par M. [N], de ne pas avoir refusé d’apprécier la valeur de la statue à la somme de 3 000 000 euros tant que l’expert qui avait accepté d’examiner l’objet à sa demande n’avait pas donné son avis et de ne pas avoir effectué de réserves sur le catalogue ou au moment de la vente, et de la répartition de la contribution à la dette entre co-obligés telles que fixées par l’arrêt du 16 décembre 2021, devenu irrévocable sur ces points.

Il y a lieu, par conséquent, de faire droit à la demande de garantie à hauteur de 30% pour chacun de MM. [Z] et [N] et sans solidarité entre eux.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant dans les limites de la saisine,

Vu l’arrêt de la présente cour du 16 décembre 2021,

Vu l’arrêt de la Cour de cassation du 18 octobre 2023 cassant partiellement cet arrêt,

Infirme le jugement du 9 décembre 2010 en ce qu’il a débouté le GIE des commissaires-priseurs appréciateurs près le Crédit municipal de [Localité 6] de sa demande tendant à obtenir la condamnation solidaire de MM. [K] [Z] et [W] [N] à le garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne M. [K] [Z] à garantir le GIE des commissaires-priseurs appréciateurs près le Crédit municipal de [Localité 6] à concurrence de 30 % des condamnations mises à sa charge, en ce compris les frais et dépens d’appel,

Condamne M. [W] [N] à garantir le GIE des commissaires-priseurs appréciateurs près le Crédit municipal de [Localité 6] à concurrence de 30 % des condamnations mises à sa charge, en ce compris les frais et dépens d’appel,

Déboute le GIE des commissaires-priseurs appréciateurs près le Crédit municipal de [Localité 6] de sa demande de condamnation solidaire,

Condamne MM. [K] [Z] et [W] [N] aux dépens de la présente procédure avec droit de recouvrement au profit de Scp Grapotte Benetreau pour les frais dont elle aurait fait l’avance, conformément à l’article 699 du code de procédure civile,

Déboute le GIE des commissaires-priseurs appréciateurs près le Crédit municipal de [Localité 6] de sa demande d’indemnité procédurale.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


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