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Contractualiser avec un expert en oeuvre d’art ne veut pas dire contractualiser avec la société de ce dernier.
Même si les experts du marché de l’art agissent la plupart du temps par le canal d’une société pour autant il ne peut être sérieusement soutenu que le client, en raison de sa familiarité avec les us et coutumes de ce marché, aurait nécessairement dû supposer qu’il en était ainsi de lexpert qu’il avait choisi, ce qu’il n’avait aucune raison particulière d’imaginer puisqu’il n’en avait aucunement été question au moment où s’est nouée la relation contractuelle, ni le rapprochement des termes ‘Estimart-cabinet d’expertise – suivi du nom de l’expert ]’ sur l’annonce qui lui avait été transmise. Nos conseils : 1. Il est recommandé de toujours clarifier dès le début de toute relation contractuelle si vous agissez en tant que personne physique ou en tant que représentant d’une personne morale, afin d’éviter tout litige ultérieur sur la qualité à agir. 2. Sur ce, il est conseillé de mentionner clairement dans toute correspondance professionnelle ou contractuelle le statut de la société que vous représentez, afin d’éviter toute confusion quant à l’identité du contractant et d’éviter des contestations ultérieures sur la qualité à agir. 3. Sur ce, il est recommandé de conserver une trace écrite de tous les échanges et accords conclus, en veillant à ce que les termes et conditions de la relation contractuelle soient clairement définis, afin de pouvoir prouver votre qualité à agir en cas de litige. |
→ Résumé de l’affaireL’affaire oppose M. [Y], collectionneur de souvenirs historiques, à M. [U], expert de la société Estimart, suite à un désaccord sur l’inventaire et l’expertise de la collection de M. [Y]. La Sas Estimart a assigné M. [Y] en justice pour non-paiement des services rendus, mais a été déclarée irrecevable en ses demandes par le tribunal judiciaire de Paris. La Sas Estimart a interjeté appel de cette décision, demandant des dommages-intérêts et le remboursement de frais. M. [Y], de son côté, demande la nullité du contrat et conteste les demandes de la Sas Estimart. L’affaire est en attente de jugement après la clôture de l’instruction en septembre 2023.
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→ Les points essentielsSur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agirLe tribunal, constatant que la demande initiale de M. [Y], adressée à M. [U], ne faisait pas mention de la société et manifestait un caractère intuitu personae déterminant, a jugé la Sas Estimart irrecevable en ses demandes. La société conteste cette appréciation, soutenant qu’elle a qualité à agir au titre du contrat d’entreprise que M.[Y] a soucrit avec elle. Les arguments de la Sas EstimartLa Sas Estimart affirme que M. [Y] savait pertinemment qu’il contractait avec la société et non avec M. [U] personnellement. Elle souligne que la plupart des factures de transport VTC correspondent à des frais de transport entre le domicile de M. [U] et le siège social de la société Estimart. La position de M. [Y]M. [Y] soutient que c’est avec M. [U] en tant que personne privée et expert reconnu qu’il a échangé, ignorant l’existence de la société Estimart. Il estime que le défaut de qualité à agir de la société résulte des propres écrits de M. [U] et de ses conseils successifs. La décision du tribunalAux termes de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention. La cour a approuvé la décision du tribunal en déclarant la Sas Estimart irrecevable à agir faute d’y avoir qualité et intérêt. Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civileLa Sas Estimart, partie succombante, supportera les dépens de la procédure et devra payer à M. [Y] la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Les montants alloués dans cette affaire: – Sas Estimart condamnée aux dépens, dont distraction au profit de Me Philippe Plantade, avocat aux offres de droit
– Sas Estimart condamnée à payer à M. [X] [Y] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile |
→ Réglementation applicable– Article 31 du code de procédure civile
– Article 122 du code de procédure civile – Article 700 du code de procédure civile Texte de l’article 31 du code de procédure civile: Texte de l’article 122 du code de procédure civile: Texte de l’article 700 du code de procédure civile: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Alexis FOURNOL, avocat au barreau de PARIS
– Me Simon ROLIN, avocat au barreau de PARIS – Me Philippe PLANTADE, avocat au barreau de PARIS |
→ Mots clefs associés & définitions– Fin de non-recevoir
– Qualité à agir – Contrat d’entreprise – Courriel du 11 novembre 2017 – Expert en vente aux enchères – Adresse électronique – Factures de transport VTC – Action ouverte à tous ceux ayant un intérêt légitime – Défaut de droit d’agir – Intérêt légitime – Us et coutumes du marché de l’art – Enseigne ou nom commercial – Personne physique vs personne morale – Dépens de la procédure – Article 700 du code de procédure civile – Fin de non-recevoir: moyen de défense qui consiste à rejeter une demande en justice pour un motif légal
– Qualité à agir: capacité d’une personne à agir en justice, c’est-à-dire à être partie à un procès – Contrat d’entreprise: contrat par lequel une personne s’engage à réaliser un ouvrage ou à fournir un service moyennant rémunération – Courriel du 11 novembre 2017: email daté du 11 novembre 2017 – Expert en vente aux enchères: professionnel spécialisé dans l’évaluation et la vente d’objets aux enchères – Adresse électronique: identifiant électronique permettant d’envoyer et de recevoir des messages électroniques – Factures de transport VTC: factures liées au transport effectué par un véhicule de transport avec chauffeur (VTC) – Action ouverte à tous ceux ayant un intérêt légitime: action en justice pouvant être intentée par toute personne justifiant d’un intérêt légitime – Défaut de droit d’agir: situation dans laquelle une personne n’a pas la capacité juridique d’agir en justice – Intérêt légitime: motif valable justifiant une action en justice – Us et coutumes du marché de l’art: pratiques et règles non écrites régissant le marché de l’art – Enseigne ou nom commercial: nom sous lequel une entreprise exerce son activité commerciale – Personne physique vs personne morale: distinction entre une personne physique (individu) et une personne morale (entreprise, association, etc.) – Dépens de la procédure: frais engagés lors d’une procédure judiciaire – Article 700 du code de procédure civile: disposition légale permettant au juge d’allouer une somme à la partie gagnante pour ses frais de justice |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 13
ARRET DU 09 JANVIER 2024
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/17971 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCZAY
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Novembre 2020 – TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 19/06891
APPELANTE :
S.A.S. ESTIMART prise en la personne de son représentant légal en exercice, M. [Z] [U]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Alexis FOURNOL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1601 substitué par Me Simon ROLIN, avocat au barreau de PARIS
INTIME :
Monsieur [X] [Y]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Philippe PLANTADE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0210
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, et Mme Nicole COCHET, Magistrat honoraire juridictionnel chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre
Mme Estelle MOREAU, Conseillère
Mme Nicole COCHET, Magistrat honoraire juridictionnel
Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 09 janvier 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre et par Florence GREGORI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
M. [X] [Y], homme d’affaires et collectionneur de souvenirs historiques, a eu à partir de 2015 quelques contacts avec M. [Z] [U], expert, celui -ci exerçant ses activités notamment dans le cadre d’une société commerciale, la société Estimart, société par actions simplifiée offrant des services d’expertise et d’estimation d’objets de collection et d’oeuvres d’art.
Après l’avoir initialement sollicité pour des recherches sur trois tabatières d’époque de l’empire napoléonien, M.[Y] a souhaité en novembre 2017 lui confier l’inventaire et l’expertise de l’ensemble de sa collection qu’il entendait disperser dans le cadre d’une vente aux enchères publiques.
A compter de juin 2018, un désaccord est né entre eux sur les conditions de réalisation de cet inventaire, M. [U] reprochant à M.[Y] des ingérences inadmissibles dans son travail d’expert l’empêchant de le poursuivre.
Après un courrier recommandé adressé le 13 juin 2018 par le conseil de M. [U] à Me [D], commissaire priseur chargé de la vente, lui demandant d’intervenir auprès de M. [Y] pour lui permettre de mener à bien sa mission, et ce dernier maintenant sa position sur son droit à une relecture des fiches et des estimations avant établissement du catalogue, M. [U] a déclaré ne pouvoir accepter un tel manque de confiance, et la société Estimart cabinet d’expertise, a établi et adressé à M.[Y] la facture des diligences accomplies, que celui-ci a refusé d’acquitter.
Par acte d’huissier du 11 juin 2019, la Sas Estimart a fait assigner M. [Y] devant le tribunal judiciaire de Paris, aux fins de paiement de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant de ce non paiement, de sa mise à l’écart de la vente de la collection et du préjudice moral subi, ainsi qu’au remboursement de divers frais avancés.
Par jugement rendu le 12 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :
– déclaré la Sas Estimart irrecevable en ses demandes pour défaut de qualité pour agir,
– condamné la Sas Estimart à payer à M. [Y] la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la Sas Estimart aux dépens,
– dit que les dépens pourront être recouvrés par Me Plantade conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Par déclaration du 10 décembre 2020, la Sas Estimart a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 16 novembre 2022, la Sas Estimart prise en la personne de son représentant légal M. [Z] [U] demande à la cour de :
– déclarer l’appel régulier et fondé,
– la juger recevable à agir contre M. [Y] en sa qualité de partie au contrat d’entreprise et rejeter les demandes formulées par celui-ci à ce titre,
en conséquence,
– infirmer la décision du tribunal en ce qu’elle l’a déclarée irrecevable en ses demandes pour défaut de qualité à agir,
– condamner M. [Y] à lui payer la somme de 24 300 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non-paiement du travail effectué à son profit,
– le condamner à lui payer la somme de 172,64 euros au titre du remboursement des frais avancés à son profit,
– le condamner à lui payer la somme de 13 107,34 euros au titre du préjudice subi du fait de sa mise à l’écart de toute vente aux enchères publiques de la collection,
– le condamner à lui payer la somme de 9 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi,
– dire que ces sommes porteront intérêt à taux légal à compter de la première mise en demeure,
– dire nouvelle la demande formulée par M. [Y] au titre de la nullité du contrat conclu avec elle,
– dire nouvelles ses demandes reconventionnelles en condamnation à verser la somme de 5 000 euros en réparation d’un soi-disant préjudice et en restitution d’objets,
en tout état de cause,
– débouter M. [Y] de sa demande en nullité du contrat conclu le 11 novembre 2017 avec elle,
– le débouter de sa demande en condamnation à lui verser la somme de 5 000 euros,
– le débouter de sa demande en restitution,
– le condamner à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner aux entiers frais et dépens des deux instances qui seront recouvrés par Me Alexis Fournol, avocat aux offres de droit.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 6 septembre 2023, M. [X] [Y] demande à la cour :
à titre principal, de :
– confirmer le jugement entrepris à ce qu’il a déclaré la Sas Estimart irrecevable en ses demandes pour défaut de qualité à agir,
à titre subsidiaire, de :
– le déclarer recevable en sa demande de nullité du contrat l’ayant lié à la Sas Estimart,
– prononcer la nullité de ce contrat pour violation des dispositions des articles L.111-1 et suivants du code de la consommation,
– prononcer la nullité de ce contrat pour violation des dispositions des articles 1130 et suivants du code civil,
à titre très subsidiaire, de :
– débouter la Sas Estimart de sa demande de réparation de préjudice financier de 24 300 euros au titre d’honoraires dus,
– la débouter de sa demande de réparation de préjudice financier de 172,64 euros au titre des dépenses de taxi VTC engagés,
– la débouter de sa demande de réparation de préjudice financier de 13 107,34 euros au titre du gain manqué,
– la débouter de sa demande de réparation de préjudice moral de 3 000 euros au titre d’une atteinte à sa réputation professionnelle,
– la débouter de sa demande de réparation de préjudice moral de 3 000 euros au titre d’une atteinte à sa probité,
– la débouter de sa demande de réparation de préjudice moral de 3 000 euros au titre d’une privation du rayonnement de la vente aux enchères,
à titre reconventionnel,
– le déclarer recevable en ses demandes reconventionnelles,
– condamner la Sas Estimart, si sa qualité à agir en l’espèce devait être retenue par la cour, à lui verser la somme de 1 euro en réparation de son préjudice consécutif à la rupture de leurs relations contractuelles qui lui est imputable,
– la condamner, si sa qualité à agir en l’espèce devait être retenue par la cour, à lui restituer un éventail commémoratif du Dauphin reçu en dépôt le 21 novembre 2017, ainsi que deux camées représentant Eugène et Stéphanie de Beauharnais à l’antique et un portrait photographique de la princesse Napoléon reçus en dépôt le 8 janvier 2018,
en tout état de cause,
– la condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Me Philippe Plantade, avocat aux offres de droit, par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
– la condamner à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 19 septembre 2023.
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir
Le tribunal, constatant que la demande initiale de M. [Y], adressée à M. [U], ne faisait pas mention de la société et manifestait un caractère intuitu personae déterminant, que ni les adresses mails utilisées, ni la signature électronique de ces emails ou le renvoi vers le site internet de la société ne venaient établir que M. [U] intervenait en qualité de représentant de celle-ci et non en son nom personnel, que l’adresse postale mentionnée dans cette signature ne correspondait pas au siège social de la société Estimart et qu’en définitive la mention de la Sas n’apparaissait que lors de l’émission de la facture en date du 30 septembre 2018 indiquant l’adresse « [Adresse 3] » de M. [U], et non celle de ses statuts et des mentions du code de commerce la concernant, les notes justifiant de la demande de remboursement des frais de déplacement exposés étant également libellées au nom de M. [U] et non de la société Estimart, en a déduit que la Sas Estimart ne rapportait pas la preuve d’un engagement contractuel de M.[Y] à son égard qui lui donnerait qualité pour agir et l’a ainsi jugée irrecevable en ses demandes.
La Sas Estimart conteste cette appréciation, soutenant qu’elle a qualité à agir au titre du contrat d’entreprise que M.[Y] a soucrit avec elle, dont la preuve résulte de son courriel du 11 novembre 2017 adressé à son représentant légal M. [U] [Z][Courriel 6], dont M.[Y] conteste inutilement les termes, dans lequel il désignait le cabinet d’expertise et son principal expert pour être ‘le chef d’orchestre’ de la vente et fixait les termes de sa rémunération. Elle récuse la présentation fallacieuse opérée par l’intimé dans le seul but d’échapper à ses obligations, alors qu’il n’a pu avoir aucun doute sur le fait que la relation n’était pas liée avec M. [U] personnellement mais avec elle, ce qui résulte de leurs échanges, notamment du libellé des adresses mail et de la qualité d’expert rappelée sur les catalogues de vente aux enchères qui ont été transmis à M. [Y], comme dès avant sur des annonces qui lui avaient été transmises, dont une en août 2017 évoquant ‘le cabinet d’expertises Estimart et M. [Z] [U]’ et signée ‘Estimart – Cabinet d’expertise en souvenirs historiques et oeuvres d’art- M. [Z] [U]’, et plus particulièrement d’un échange du 18 février 2018 montrant qu’à cette date, M.[Y] prend conscience qu’ ‘Estimart c’est votre société’, et prouvant ainsi sa parfaite connaissance que celle-ci était son concontractant.
Elle ajoute que M. [Y], grand connaisseur du fonctionnement du marché de l’art, sait pertinemment qu’un expert en vente aux enchères publiques exerce de façon quasi-systématique au sein d’une structure sociale distincte, ce qui est notamment le cas des experts intervenus auprès de l’étude [D], commissaire priseur, pour l’établissement du catalogue, dont trois exercent au sein d’une société commerciale sans pour autant que le catalogue mentionnant leur nom y fasse référence, comme c’est aussi le cas de M. [D] lui même, dont l’adresse électronique est libellée de manière analogue à celle de M. [U] sans pour autant que M.[Y] prétende avoir contracté avec lui personnellement , que M. [U] n’exerçe son activité d’expertise et d’estimation qu’exclusivement par l’intermédiaire de la société Estimart, l’adresse de la rue de la Paix servant à identifier le lieu de l’activité réelle de la société sans que l’adresse différente du siège social emporte une quelconque conséquence pour son cocontractant, et qu’enfin la plupart des factures de transport VTC qui ont pour adresse de départ ou d’arrivée le lieu de l’activité réelle de la société ou une adresse à proximité immédiate de l’adresse du siège social, correspondent à des frais de transport entre le domicile de M. [U] [Y] et le siège social de la société Estimart ou le lieu d’activité réelle de la société, opérés pour le compte de la société Estimart.
M. [Y] fait pleinement sien le raisonnement du tribunal pour conclure que la société Estimart est irrecevable à agir pour défaut de qualité, précisant que c’est bien M. [U], personne physique et expert reconnu, qu’il a contacté, et que c’est avec lui seul et non la société dont il ignorait l’existence et dont la dénomination très générique n’a aucun lien explicite avec M. [U] qu’il a échangé à propos de l’avancée de ses recherches, le glissement n’ayant pu s’opérer sans son accord explicite, qu’en l’occurrence il n’a jamais sollicité ni choisi de confier l’expertise de sa collection à cette société, sa réponse au courriel du 18 février 2018 démontrant seulement qu’il avait alors compris avoir contracté avec un expert exerçant une profession libérale qui avait appelé son cabinet « Estimart », et que le défaut de qualité à agir de la société résulte des propres écrits de M. [U] et de ses conseils successifs (et de ses conseils successifs), notamment de la lettre adressée à M. [D] par son précédent conseil qui n’évoquait que M. [U] sans aucune référence à la Sas.
Aux termes de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouvertue à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention et l’article 122 de ce même code précise que constitue un fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
M. [Y] a pris initialement contact avec M. [U] à propos de l’estimation de ses trois tabatières d’époque Empire en s’adressant à lui en tant que personne privée, en considération de sa qualité d’expert. De même, c’est encore à titre personnel qu’il l’a à nouveau contacté pour lui faire part de son intention de lui confier l’expertise de son entière collection, sans qu’en aucun moment de leurs échanges, M. [U] ne lui fasse part de ce qu’il agissait dans le cadre d’une société commerciale, et quoi qu’il en soit du contenu exact, controversé, du courriel du 11 novembre 2017 par lequel M. [Y] l’a missionné, il est en tout cas certain qu’il s’est alors adressé non pas ‘au cabinet d’expertise et à son principal expert’ comme le soutient M. [U], mais à M. [U] et à lui seul pour être le ‘chef d’orchestre’ de la vente.
Même si les experts du marché de l’art agissent la plupart du temps par le canal d’une société ainsi que l’affirme M. [U], pour autant il ne peut être sérieusement soutenu que M. [Y], en raison de sa familiarité avec les us et coutumes de ce marché, aurait nécessairement dû supposer qu’il en était ainsi de lexpert qu’il avait choisi, ce qu’il n’avait aucune raison particulière d’imaginer puisqu’il n’en avait aucunement été question au moment où s’est nouée la relation contractuelle, ni le rapprochement des termes ‘Estimart-cabinet d’expertise – [Z] [U]’ sur l’annonce qui lui avait été transmise en août 2017, ni la configuration de l’adresse mail de l’expert – [Courriel 7]-, ni les mentions accompagnant la signature de ses courriels, exemptes de toute référence à une société commerciale, n’impliquant que le terme ‘Estimart’ rapproché du nom de M. [U] corresponde à la désignation d’une structure sociale plutôt qu’à une enseigne ou à un nom commercial sous lequel M. [U] aurait exercé à titre individuel, comme le terme ‘cabinet’ le laissait, au contraire, supposer.
Le fait qu’en février 2018, après s’être interrogé sur le rôle d’Estimart, M. [Y] écrive ‘ je viens de comprendre qu’Estimart c’est votre société’, loin de démontrer qu’il avait pleine connaissance d’avoir contracté avec une structure sociale, établit seulement qu’il a découvert à cette date qu’Estimart et M. [U] n’étaient pas des intervenants distincts de la vente qui se préparait comme il le pensait jusqu’alors, sans que cette prise de conscience démontre en quoi que ce soit sa connaissance de ce qu’il avait contracté avec la société portant ce nom, alors qu’elle vient plutôt confirmer, au contraire, qu’il en était totalement ignorant trois mois auparavant, lors de la conclusion du contrat.
La personne physique de M. [U] ne se confondant pas avec la personne morale que constitue la Sas Estimart celle-ci, et étant établi que la Sas Estimart n’est pas intervenue dans la création du lien contractuel pour l’exécution duquel elle poursuit M. [Y] en rupture fautive et paiement, la cour ne peut qu’approuver la décision dont appel en ce qu’elle l’a dite irrecevable à agir contre lui faute d’y avoir qualité et intérêt.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La Sas Estimart, partie succombante, supportera les dépens de la procédure, et il y a lieu en outre de la condamner à payer à M.[Y] la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Je mettrais moins car M. [Y] ne me paraît pas de très bonne foi tout de même.
La cour,
Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Condamne la Sas Estimart aux dépens, dont distraction au profit de Me Philippe Plantade, avocat aux offres de droit,
Condamne la Sas Estimart à payer à M. [X] [Y] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE