Expertise automobile : enjeux de responsabilité et de réparation dans le cadre d’une conversion à l’éthanol

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Expertise automobile : enjeux de responsabilité et de réparation dans le cadre d’une conversion à l’éthanol
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Monsieur [G] a assigné plusieurs sociétés, dont la SAS AUTO REAL RN 20 et la SAS MANDRON AUTOMOBILES, devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, demandant une expertise de son véhicule et des indemnités pour préjudice. Il a acheté un véhicule d’occasion, un RANGE ROVER, en novembre 2022, et a demandé une conversion à l’éthanol. Après des problèmes techniques, il a sollicité une expertise judiciaire. L’affaire a été renvoyée pour échanges de conclusions et a été retenue pour plaidoiries. Les défendeurs ont contesté les demandes de Monsieur [G] et la SARL LUXURY & PERFORMANCE SELECTION a demandé à être mise hors de cause tout en réclamant des indemnités.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

21 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Bordeaux
RG n°
24/01072
TRIBUNAL JUDICIAIRE

DE BORDEAUX

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

50D

Minute n° 24/874

N° RG 24/01072 – N° Portalis DBX6-W-B7I-Y6O7

8 copies

EXPERTISE

GROSSE délivrée
le 21/10/2024
à la SELARL AUSONE AVOCATS
la SCP INTERBARREAUX D’AVOCATS GUESPIN ET ASSOCIES
la SELARL MAÎTRE ANNE-SOPHIE VERDIER
la SELARL PUYBAREAU AVOCAT
Me Frédéric QUEYROL

COPIE délivrée
le 21/10/2024
au service expertise

Rendue le VINGT ET UN OCTOBRE DEUX MIL VINGT QUATRE

Après débats à l’audience publique du 23 Septembre 2024

Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Par Elisabeth FABRY, Première Vice-Présidente au tribunal judiciaire de BORDEAUX, assistée de Karine PAPPAKOSTAS, Greffière.

DEMANDEUR

Monsieur [I] [G]
[Adresse 10]
[Localité 9]
représenté par Maître Anne-sophie VERDIER de la SELARL MAÎTRE ANNE-SOPHIE VERDIER, avocats au barreau de BORDEAUX

DÉFENDERESSES

S.A.S. AUTO REAL RN 20 prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 7]
représentée par Me Frédéric QUEYROL, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, Me Nicolas MATHE, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE

S.A.S. SAS MANDRON AUTOMOBILES
[Adresse 6]
[Localité 8]
représentée par Maître Charlotte GUESPIN de la SCP INTERBARREAUX D’AVOCATS GUESPIN ET ASSOCIES, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, Me Philippe RAVAYROL, avocat plaidant au barreau de PARIS

S.A.S. SAS FFED FLEX FUEL ENERGY DEVELOPMENT
[Adresse 12]
[Localité 1]
représentée par Maître Claire LE BARAZER de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, Me Audrey BAGARRI, avocat plaidant au barreau de GRASSE

S.A.R.L. SARL LUXURY & PERFORMANCE SELECTION
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Maître Jean-marie PUYBAREAU de la SELARL PUYBAREAU AVOCAT, avocats au barreau de BORDEAUX

I – FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

Par actes des 28 mars et 11 et 19 avril 2024, Monsieur [G] a fait assigner la SAS AUTO REAL RN 20, la SAS MANDRON AUTOMOBILES, la SAS FFED FLEX FUEL ENERGY DEVELOPMENT et la SARL LUXURY & PERFORMANCE SELECTION, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux, afin, au visa des articles 145, 696 et 700 du code de procédure civile, de voir :
– ordonner une expertise de son véhicule automobile,
– condamner in solidum la SAS FFED FLEX FUEL ENERGY DEVELOPMENT et la SAS MANDRON AUTOMOBILES à lui payer la somme provisionnelle de 4 500 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice,
– et condamner in solidum les défendeurs au paiement d’une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [G] expose qu’il a acquis suivant bon de commande du 17 novembre 2022 un véhicule d’occasion de marque RANGE ROVER, modèle v8 supercharged 510 ch, auprès de la SARL LUXURY & PERFORMANCE SELECTION, pour le prix de 36 500 euros ; que la SARL LUXURY & PERFORMANCE SELECTION lui a conseillé la conversion du véhicule à l’éthanol ; que le véhicule a été livré le 25 novembre 2022 ; que le 22 décembre 2022, il a confié le véhicule à la SAS MANDRON AUTOMOBILES afin qu’elle effectue la conversion à l’éthanol avec la pose d’un système FLEXFUEL, fabriqué par la SAS FFED FLEX FUEL ENERGY DEVELOPMENT ; que le 11 janvier 2023, il a constaté l’apparition sur son tableau de bord d’un voyant moteur, accompagné de “bruits”; qu’il a confié son véhicule à la SAS AUTO REAL RN 20 pour la réalisation d’un diagnostic ; que le 14 février 2023, il a reçu le certificat de conformité établie par la SAS FFED FLEX FUEL ENERGY DEVELOPMENT, suite à la conversion éthanol ; que le 05 mars 2023, il a constaté un message d’alerte sur le tableau de bord mentionnant “performance restreinte”, s’accompagnant d’une perte de puissance avant arrêt du moteur ; que l’expertise amiable a permis de mettre en exergue un dysfonctionnement du système d’alimentation de carburant” ; qu’aucune solution amiable n’a été trouvée ; qu’il est contraint de solliciter une expertise judiciaire pour faire valoir ses droits.

Appelée à l’audience du 1er juillet 2024, l’affaire a été renvoyée pour échanges de conclusions, puis retenue à l’audience de plaidoiries du 23 septembre 2024.

Les parties ont conclu pour la dernière fois :

– Monsieur [G], dans son acte introductif d’instance,

– la SAS AUTO REAL RN 20, la SAS MANDRON AUTOMOBILES, la SAS FFED FLEX FUEL ENERGY DEVELOPMENT, respectivement les 28 juin 2024, 23 juillet 2024 et 13 août 2024, par des écritures dans lesquelles elles formulent toutes protestations et réserves d’usage quant à la mesure d’instruction sollicitée et concluent au rejet des autres demandes.

– la SARL LUXURY & PERFORMANCE SELECTION, le 24 juillet 2024, par des écritures dans lesquelles elle conclut, à titre principal, au rejet de la demande d’expertise de Monsieur [G] et sollicite sa mise hors de cause, et, à titre subsidiaire, formule toutes protestations et réserves d’usage quant à la mesure d’expertise, et, dans tous les cas, conclut au rejet de la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sollicite, sur ce même fondement, la condamnation de Monsieur [G] à lui verser la somme de 2 000 euros.

La présente décision se rapporte à ces écritures pour un plus ample exposé des demandes et des moyens des parties.

II – MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’existence d’un motif légitime à l’encontre de la SARL LUXURY & PERFORMANCE SELECTION et sa mise hors de cause

La SARL LUXURY & PERFORMANCE SELECTION conteste l’existence d’un motif légitime la concernant en faisant valoir qu’elle avait déconseillé à Monsieur [G] de mettre en place un boitier éthanol ; qu’elle ne peut être tenue responsable de la panne du véhicule liée à la pose de ce boitier, les expertises précédemment diligentées allant dans ce sens.

L’expertise ayant cependant pour objet d’identifier précisément les désordres, dont l’apparition est survenue peu de temps après la vente du véhicule litigieux par la SARL LUXURY & PERFORMANCE SELECTION, et leurs origines, il apparaît prématuré de mettre hors de cause ladite société dont la présence aux opérations d’expertise apparaît de plus fort justifiée.

Par conséquent, la SARL LUXURY & PERFORMANCE SELECTION sera déboutée de sa demande de mise hors de cause.

La demande d’expertise

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, “s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé”.

En l’espèce, Monsieur [G], par les pièces qu’il verse aux débats, justifie d’un motif légitime pour obtenir qu’une mesure d’instruction soit, dans les termes et conditions figurant au dispositif de la présente décision, ordonnée au contradictoire des parties défenderesses, sans aucune appréciation des responsabilités et garanties encourues.

L’expertise sera réalisée aux frais avancés du demandeur, qui a seul intérêt à voir la mesure menée à son terme.

La demande de provision

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge des référés peut, lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable, allouer au créancier une provision sur son préjudice.

En l’espèce, s’il résulte des explications fournies ainsi que des justificatifs produits que si le dommage de Monsieur [G] est d’ores et déjà certain, son imputabilité reste incertaine, de sorte que l’obligation pesant sur la SAS FFED FLEX FUEL ENERGY DEVELOPMENT et la SAS MANDRON AUTOMOBILES de le réparer se heurte à des contestations sérieures.

Par conséquent, Monsieur [G] sera débouté de sa demande provisionnelle.

Les autres demandes

Les dépens de l’instance seront provisoirement supportés par le demandeur, qui pourra ultérieurement les inclure dans son préjudice matériel. De ce fait, le demandeur ne peut prétendre à aucune indemnité par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la SARL LUXURY & PERFORMANCE SELECTION les sommes, non comprises dans les dépens, exposées par elle dans le cadre de l’instance. Elle sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

III – DÉCISION

Le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux statuant par une ordonnance contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe et à charge d’appel;

Vu l’article 145 du code de procédure civile,

DEBOUTE la SARL LUXURY & PERFORMANCE SELECTION de sa demande de mise hors de cause ;

ORDONNE une mesure d’expertise et désigne pour y procéder Monsieur [J] [K]
STATION SCOOTER
[Adresse 3]
[Localité 8]
Mèl : [Courriel 11]

DIT que l’expert procédera à la mission suivante :

– convoquer et entendre les parties, se faire communiquer dans le délai qu’il lui appartiendra de fixer tous documents utiles à l’exercice de sa mission et notamment la citation, les documents relatifs à la mise en circulation du véhicule, aux contrôles techniques, à l’entretien et à l’achat du véhicule de Monsieur [G],

– donner aux juges tous éléments de nature à établir dans quelles conditions il a été fait acquisition de ce véhicule, préciser notamment si l’acheteur a eu communication de pièces déterminant de façon précise l’état du véhicule qu’il se proposait d’acquérir,

– dire à quelle date le véhicule litigieux a été mis en circulation, décrire l’état de la mécanique et de la carrosserie et préciser le degré d’usure du véhicule lors de son acquisition par rapport à la longévité habituelle de véhicules de même type,

– vérifier si les désordres allégués existent, dans ce cas, en préciser la nature, la localisation, l’importance et la date d’apparition, et dire s’ils sont de nature à rendre le véhicule impropre à son usage,

– donner aux juges du fond tous éléments techniques et de fait leur permettant de déterminer si le vice aujourd’hui constaté existait ou non lors de la vente, dans l’affirmative, donner aux juges du fond tous éléments techniques et factuels leur permettant de dire si ce vice était ou non décelable pour un profane et pouvait ou non être ignoré du vendeur au moment de la vente,

– dire si le véhicule a fait, avant ou/et après la vente litigieuse, l’objet de réparations et dans l’affirmative, en préciser la nature, l’opportunité et l’efficience,

– rechercher la cause des désordres, en indiquant si les désordres sont dûs à un vice de la mécanique, à la vétusté, à des réparations inappropriées, à un défaut d’entretien, à une utilisation inappropriée du véhicule ou à tout autre cause,

– dire si le prix acquitté est conforme à celui habituellement pratiqué pour un véhicule de même type, de même âge et se trouvant dans un état identique,

– en raison des désordres éventuellement constatés, donner son avis sur le prix actuel d’un tel véhicule, compte tenu du marché,

– donner son avis sur la nature, la durée et le coût des travaux, hors-taxes et TTC, propres à remédier aux désordres constatés, en donnant aux juges du fond tous éléments susceptibles de leur permettre de déterminer l’opportunité économique d’y recourir, et communiquer à cet égard aux parties, en même temps que son pré-rapport, des devis et estimations chiffrées,

– fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre, le cas échéant, à la juridiction compétente, de déterminer les responsabilités encourues et d’évaluer s’il y a lieu les préjudices subis,

– établir un pré-rapport et le communiquer aux parties en leur enjoignant de formuler, avant la date qu’il estimera nécessaire de fixer, et dans tous les cas dans le délai d’un mois suivant cette communication, toutes les observations utiles, et répondre aux observations qui auraient été formulées dans ce délai ;

DIT que l’expert ne pourra recueillir l’avis d’un autre technicien que dans une spécialité distincte de la sienne, et qu’il pourra recueillir des informations orales ou écrites de toutes personnes, sauf à ce que soient précisés leur nom, prénom, adresse, et profession ainsi que, s’il y a lieu, leur lien de parenté ou d’alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d’intérêt avec elles ;

FIXE à la somme de 2 500 euros la provision que le demandeur devra consigner par virement sur le compte de la Régie du tribunal judiciaire de Bordeaux (Cf code BIC joint) mentionnant le numéro PORTALIS (figurant en haut à gauche sur la première page de la présente ordonnance) dans le délai de 2 mois, faute de quoi l’expertise pourra être déclarée caduque ;

DIT que l’expert déposera son rapport dans le délai de quatre mois à compter de la consignation ;

DESIGNE le juge chargé du contrôle des expertises pour suivre le déroulement de la présente mesure d’instruction ;

DEBOUTE Monsieur [G] de sa demande provisionnelle ;

DIT que Monsieur [G] conservera provisoirement la charge des dépens, sauf à en intégrer le montant dans son préjudice matériel et le déboute de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

DEBOUTE la SARL LUXURY & PERFORMANCE SELECTION de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La présente décision a été signée par Elisabeth FABRY, Première Vice-Présidente, et par Karine PAPPAKOSTAS, Greffière.

Le Greffier, Le Président,


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