Expertise automobile : enjeux de responsabilité et de garantie dans la vente de véhicules d’occasion

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Expertise automobile : enjeux de responsabilité et de garantie dans la vente de véhicules d’occasion
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Monsieur [E] a assigné Monsieur [L] et la SARL MC AUTO devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux pour obtenir une expertise de son véhicule automobile et une condamnation à lui verser une somme provisionnelle de 79 269,38 euros pour divers préjudices, ainsi qu’une provision de 12 000 euros. Il a acheté un véhicule Audi A4 le 30 juin 2023, mais a rapidement constaté des désordres. Après une mise en demeure restée sans réponse, une expertise amiable a confirmé des vices cachés et des chocs antérieurs à la vente. L’affaire a été renvoyée pour échanges de conclusions et plaidoiries. Monsieur [E] a augmenté sa demande provisionnelle à 104 503 euros, tandis que la SARL MC AUTO a contesté l’irrecevabilité de la demande d’expertise et a demandé la condamnation de Monsieur [E] à 2 000 euros. Monsieur [L] n’a pas comparu à l’audience.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

21 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Bordeaux
RG n°
24/01115
TRIBUNAL JUDICIAIRE

DE BORDEAUX

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

50D

Minute n° 24/875

N° RG 24/01115 – N° Portalis DBX6-W-B7I-Y6VC

6 copies

EXPERTISE

GROSSE délivrée
le 21/10/2024
à la SELARL BALLADE-LARROUY
la SELARL DGD AVOCATS
Me Pierre PRIVAT

COPIE délivrée
le 21/10/2024
à

au service expertise

Rendue le VINGT ET UN OCTOBRE DEUX MIL VINGT QUATRE

Après débats à l’audience publique du 23 Septembre 2024

Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Par Elisabeth FABRY, Première Vice-Présidente au tribunal judiciaire de BORDEAUX, assistée de Karine PAPPAKOSTAS, Greffière.

DEMANDEUR

Monsieur [K] [E]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Pierre PRIVAT, avocat au barreau de BORDEAUX

DÉFENDEURS

Monsieur [J] [L]
[Adresse 7]
[Localité 5]
représenté par Maître Fabrice DELAVOYE de la SELARL DGD AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX

S.A.R.L. M.C AUTO
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Maître Pierre-olivier BALLADE de la SELARL BALLADE-LARROUY, avocats au barreau de BORDEAUX

I – FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

Par actes des 12 et 30 avril 2024, Monsieur [E] a fait assigner Monsieur [L] et la SARL MC AUTO, exerçant sous l’enseigne TRANKAUTO, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux, afin, au visa des articles 145, 700 et 835 du code de procédure civile et des articles 1240 et 1641 du code civil, de voir :
– ordonner une expertise de son véhicule automobile
– condamner in solidum Monsieur [L] et la SARL MC AUTO à lui payer la somme provisionnelle de 79 269,38 euros au titre des préjudices matériel, de jouissance, et moral, et des frais de gardiennage, de réparations et d’assurance, outre 12 000 euros à titre de provision ad litem ou à défaut au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.

Monsieur [E] expose qu’il a acquis le 30 juin 2023 un véhicule d’occasion de marque Audi, modèle A4, auprès de Monsieur [L], par l’intermédiaire de la SARL MC AUTO, exerçant sous l’enseigne TRANKAUTO, pour le prix de 13 000 euros ; que rapidement des désordres sont apparus ; que par lettre de mise en demeure du 26 septembre 2023, il a sollicité la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés, en vain ; que l’expertise amiable du 10 janvier 2024 a confirmé l’existence des désordres et que le véhicule avait subi deux chocs importants antérieurement à la vente, ce qu’il ignorait ; qu’il est contraint de solliciter une expertise judiciaire pour faire valoir ses droits.

Appelée à l’audience du 1er juillet 2024, l’affaire a été renvoyée pour échanges de conclusions, puis retenue à l’audience de plaidoiries du 23 septembre 2024.

Les parties ont conclu pour la dernière fois :

– Monsieur [E], le 26 juillet 2024, par des écritures dans lesquelles il maintient ses demandes tout en portant sa demande provisionnelle à la somme de 104 503 euros,

– la SARL MC AUTO, le 19 juillet 2024, par des écritures dans lesquelles elle soutient l’irrecevabilité de la demande d’expertise judiciaire formulée à son encontre, conclut au rejet des demandes de provisions et sollicite la condamnation de Monsieur [E] au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La présente décision se rapporte à ces écritures pour un plus ample exposé des demandes et des moyens des parties.

Bien que régulièrement assigné par acte remis en l’étude selon les modalités de l’article 656 du code de procédure civile, Monsieur [L] n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter. La procédure est régulière et il a disposé d’un délai suffisant pour préparer sa défense. Il sera statué par décision réputée contradictoire.

II – MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’existence d’un motif légitime à l’encontre de la SARL MC AUTO et sa mise hors de cause

La SARL MC AUTO, exerçant sous l’enseigne TRANKAUTO, conteste l’existence d’un motif légitime la concernant en faisant valoir qu’elle est intervenue à la vente non en qualité de vendeur mais de courtier ; qu’elle n’a aucune compétence technique dans le domaine de l’automobile mais seulement dans la commercialisation et l’intermédiation ; que le contrat de mise en relation conclu avec Monsieur [E] précise expressément qu’il n’est pas vendeur de véhicules et que n’intervenant pas personnellement au contrat de vente, sa responsabilité ne peut être engagée en cas de non respect de l’une de ses obligations par le vendeur du véhicule ; que sa prestation se limite à répertorier des annonces dont elle n’est pas tenue de contrôler la véracité ou l’exactitude.

Monsieur [E] ne conteste pas avoir eu connaissance, et signé, ledit contrat de mise en relation, qui stipule clairement que le vendeur est seul garant de la garantie légale de conformité et de la garantie légale contre les vices cachés et que la responsabilité du prestataire ne saurait être engagée à ce titre.

L’action engagée est ainsi manifestement vouée à l’échec à l’encontre de la SARL MC AUTO.

A défaut de motif légitime, Monsieur [E] sera débouté de son action à son encontre et la SARL MC AUTO sera mise hors de cause.

La demande d’expertise

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, “s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé”.

En l’espèce, Monsieur [E], par les pièces qu’il verse aux débats, justifie d’un motif légitime pour obtenir qu’une mesure d’instruction soit, dans les termes et conditions figurant au dispositif de la présente décision, ordonnée au contradictoire de Monsieur [L], sans aucune appréciation des responsabilités et garanties encourues.

L’expertise sera réalisée aux frais avancés du demandeur, qui a seul intérêt à voir la mesure menée à son terme.

La demande de provision

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge des référés peut, lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable, allouer au créancier une provision sur son préjudice.

En l’espèce, s’il résulte des explications fournies ainsi que des justificatifs produits que si le dommage de Monsieur [E] est d’ores et déjà certain, l’obligation pesant sur Monsieur [L] de le réparer est susceptible de se heurter, à ce stade de la procédure, à des contestations sérieures.

Par conséquent, Monsieur [E] sera débouté de sa demande provisionnelle.

La demande de provision ad litem

La provision ad litem, au titre des frais du procès, est une somme d’argent qui peut être allouée au demandeur en relation avec les sommes qu’il devra avancer ou payer pour faire valoir ses droits, notamment la consignation en vue de l’expertise et le recours éventuel à un médecin conseil.
Cette provision peut être allouée à la seule condition que le principe d’une obligation non sérieusement contestable soit acquis, dans la mesure où dans ce cas, il appartiendra au final au débiteur de l’obligation de supporter les frais et dépens du procès.

En l’espèce, il résulte de ce qui précède que le principe d’une obligation non sérieusement contestable n’est pas acquis.

Par conséquent, Monsieut [E] sera débouté de sa demande de provision ad litem.

Les autres demandes

Les dépens de l’instance seront provisoirement supportés par le demandeur, qui pourra ultérieurement les inclure dans son préjudice matériel. De ce fait, le demandeur ne peut prétendre à aucune indemnité par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’apparaît pas inéquitable de débouter la SARL MC AUTO de sa demande au titre des frais irrépétibles.

III – DÉCISION

Le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux statuant par une ordonnance réputée contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe et à charge d’appel

Vu l’article 145 du code de procédure civile,

DEBOUTE Monsieur [E] de sa demande à l’encontre de la SARL MC AUTO ;

MET HORS DE CAUSE la SARL MC AUTO ;

ORDONNE une mesure d’expertise et désigne pour y procéder Monsieur [Y] [Z], [Adresse 6], courriel : [Courriel 8] ;

DIT que l’expert procédera à la mission suivante :

– convoquer et entendre les parties, se faire communiquer dans le délai qu’il lui appartiendra de fixer tous documents utiles à l’exercice de sa mission et notamment la citation, les documents relatifs à la mise en circulation du véhicule, aux contrôles techniques, à l’entretien et à l’achat du véhicule de Monsieur [E],

– donner aux juges tous éléments de nature à établir dans quelles conditions il a été fait acquisition de ce véhicule, préciser notamment si l’acheteur a eu communication de pièces déterminant de façon précise l’état du véhicule qu’il se proposait d’acquérir,

– dire à quelle date le véhicule litigieux a été mis en circulation, décrire l’état de la mécanique et de la carrosserie et préciser le degré d’usure du véhicule lors de son acquisition par rapport à la longévité habituelle de véhicules de même type,

– vérifier si les désordres allégués existent, dans ce cas, en préciser la nature, la localisation, l’importance et la date d’apparition, et dire s’ils sont de nature à rendre le véhicule impropre à son usage,

– donner aux juges du fond tous éléments techniques et de fait leur permettant de déterminer si le vice aujourd’hui constaté existait ou non lors de la vente, dans l’affirmative, donner aux juges du fond tous éléments techniques et factuels leur permettant de dire si ce vice était ou non décelable pour un profane et pouvait ou non être ignoré du vendeur au moment de la vente,

– dire si le véhicule a fait, avant ou/et après la vente litigieuse, l’objet de réparations et dans l’affirmative, en préciser la nature, l’opportunité et l’efficience,

– rechercher la cause des désordres, en indiquant si les désordres sont dûs à un vice de la mécanique, à la vétusté, à des réparations inappropriées, à un défaut d’entretien, à une utilisation inappropriée du véhicule ou à tout autre cause,

– dire si le prix acquitté est conforme à celui habituellement pratiqué pour un véhicule de même type, de même âge et se trouvant dans un état identique,

– en raison des désordres éventuellement constatés, donner son avis sur le prix actuel d’un tel véhicule, compte tenu du marché,

– donner son avis sur la nature, la durée et le coût des travaux, hors-taxes et TTC, propres à remédier aux désordres constatés, en donnant aux juges du fond tous éléments susceptibles de leur permettre de déterminer l’opportunité économique d’y recourir, et communiquer à cet égard aux parties, en même temps que son pré-rapport, des devis et estimations chiffrées,

– fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre, le cas échéant, à la juridiction compétente, de déterminer les responsabilités encourues et d’évaluer s’il y a lieu les préjudices subis,

– établir un pré-rapport et le communiquer aux parties en leur enjoignant de formuler, avant la date qu’il estimera nécessaire de fixer, et dans tous les cas dans le délai d’un mois suivant cette communication, toutes les observations utiles, et répondre aux observations qui auraient été formulées dans ce délai ;

DIT que l’expert ne pourra recueillir l’avis d’un autre technicien que dans une spécialité distincte de la sienne, et qu’il pourra recueillir des informations orales ou écrites de toutes personnes, sauf à ce que soient précisés leur nom, prénom, adresse, et profession ainsi que, s’il y a lieu, leur lien de parenté ou d’alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d’intérêt avec elles ;

FIXE à la somme de 2 500 euros la provision que le demandeur devra consigner par virement sur le compte de la Régie du tribunal judiciaire de Bordeaux (Cf code BIC joint) mentionnant le numéro PORTALIS (figurant en haut à gauche sur la première page de la présente ordonnance) dans le délai de 2 mois, faute de quoi l’expertise pourra être déclarée caduque ;

DIT que l’expert déposera son rapport dans le délai de quatre mois à compter de la consignation ;

DESIGNE le juge chargé du contrôle des expertises pour suivre le déroulement de la présente mesure d’instruction ;

DEBOUTE Monsieur [E] de ses autres demandes ;

DIT que Monsieur [E] conservera provisoirement la charge des dépens, sauf à en intégrer le montant dans son préjudice matériel et le déboute de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

DEBOUTE la SARL MC AUTO de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La présente décision a été signée par Elisabeth FABRY, Première Vice-Présidente, et par Karine PAPPAKOSTAS, Greffière.

Le Greffier, Le Président,


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